21 Le pendentif de jade

La jeune fille avait senti le regard de Sulk parcourir son corps.

Depuis qu'elle s'était mise à changer physiquement une ou deux années précédemment, sa mère lui avait parlé des choses de l'amour, mais également des choses que les hommes pouvaient ressentir vis à vis de ça.

L'histoire d'Arega et la manière dont Sulk en était venu à exister était malheureusement une chose courante pour des femmes de basses extractions comme les travailleuses de la mine.

Lingi avait appris à se méfier et à se montrer le plus discrète possible lorsque des hommes étaient présent.

Pourtant lorsque Sulk la regardait, elle ne put s'empêcher de sentir son cœur accélérer, et de désirer que son regard continue à se diriger sur elle.

Bizarrement elle n'avait ressenti aucune méfiance ni aucun dégoût.

Elle ressentit presque un vide en elle lorsque elle vit les yeux gris en face d'elle remonter vers ses propres yeux.

Sulk regagna son calme grâce à sa volonté. Il n'avait pas compris tout ce qui s'était passé autour de lui et également à l'intérieur, mais il savait qu'il avait plus important à faire.

"Est-ce que tu sais dans quel atelier de tri nos mères travaillent actuellement ?

-Elles.. Elles sont au premier niveau, il me semble que c'est l'atelier sud-est.

-Merci Lingi, à bientôt !"

La fille le regarda se retourner, peinée de le voir partir si vite, quand soudain elle se rappela d'une chose.

"Sulk attends !"

Il se retourna, non sans afficher une légère grimace de douleur. Après tout il était sensé être convalescent et très faible.

Elle regarda son pansement au dessus de son front, et se mit à chercher dans les plis de sa tunique.

Elle en sortit très vite un objet que Sulk ne reconnut pas.

C'était une pierre ovale de couleur verte, presque du même vert que les yeux de Lingi.

Le jade avait été taillé par ses propres soins pendant plusieurs heures au cours de ces derniers jours. A un bout, un fil tressé traversait le petit pendentif.

"C'est un morceau de jade que je t'avais préparé pour que tu guérisse. Je n'ai pas eu le temps de te l'apporter et tu n'en as pas eu besoin pour te réveiller, mais j'aimerai que tu l'ai quand même. C'est un porte bonheur pour éviter qu'il ne t'arrive encore quelque chose."

Elle déposa le tout petit morceau de jade dans sa paume, non sans ressentir comme une étincelle lorsque ses doigts touchèrent la main de Sulk.

Sulk pencha sa tête lentement en signe de remerciement, sans quitter des yeux les pupilles de Lingi.

Il serra le pendentif fort dans sa main et se détourna une fois de plus pour quitter la pièce.

Arrivé près de la porte, il se retourna pourtant et fixa la fille qui le suivait du regard.

"Tu as grandi Lingi. Tu es devenue une fille magnifique."

Il le pensait sincèrement.

Il ne savait pas pourquoi il avait tenu à lui dire, et ne savait pas non plus pourquoi son cœur s'était accéléré soudainement alors qu'il prononçait ces mots.

Il passa la porte, trop troublé pour entendre les rishya glousser et se rassembler autour de Lingi qui était morte de honte.

Toutes les travailleuses l'avaient vue balbutier et offrir un cadeau intime à un garçon, ce qui les avait attendries.

N'entendant pas l'agitation derrière lui, Sulk se mit en route en direction des passages montant en pente douce vers les niveaux supérieurs.

Lorsqu'il se rendit compte qu'il serrait toujours fermement le morceau de jade, il décida de le porter.

Ce n'était pas la première fois qu'il voyait un pendant de la sorte, bien qu'il n'en avait jamais possédé un.

Avant ce jour il n'avait tout simplement jamais vu l'intérêt d'un tel ornement.

Le jade multicolore était une pierre courante dans les niveaux supérieurs de la mine, et était assez facile à tailler et polir.

Mais ce morceau de jade là lui avait été offert par Lingi et avait la couleur de ses yeux.

Il défit la cordelette qui retenait ses tresses fines ensemble, et l'attacha à sa ceinture.

Il utilisa le fil tressé du pendentif pour attacher ses cheveux. La pierre était petite, de la taille d'un ongle, et était assez discrète.

Lorsqu'il marchait dans les couloirs, elle ne se voyait que de temps en temps, suivant le mouvement de ses cheveux.

Sulk avait pris son temps pour monter jusqu'au premier niveau, et une demi heure après avoir quitté Lingi il arriva devant l'atelier sud-est.

A chaque niveau de la mine, se trouvaient quatre quartiers d'habitations, d'ouvertures placées autour du gouffre central, respectivement nord-ouest, sud-ouest, sud-est et nord-est.

Celui qu'occupait Sulk, Arega, Gané, Kahn et Lingi était le quartier sud-ouest du troisième niveau.

C'était ainsi qu'était construite la mine, du deuxième au quatrième niveau. Le cinquième était en cours de développement, et les mineurs arrivés le plus récemment en même temps que Kahn devaient être en train d'aménager le premier quartier du cinquième.

Le premier niveau quant à lui était un niveau un peu spécial.

C'était le seul point de communication avec la surface, via l'immense plateforme en bois qui remontait plusieurs fois par jour.

C'était par la plateforme que descendait la relève des officiers, les gardes qui ne dormaient pas dans la mine.

C'était aussi par la plateforme que descendaient les vivres et remontaient les déchets et les pierres triées.

Le premier niveau avait donc été aménagé en quartiers qui ne servaient pas d'habitations, mais d'ateliers.

Il y avait des rangements de nourriture, des salles remplies de barils d'eau que les rishera alimentaient continuellement et redistribuaient selon les nécessités.

Il y avait également les trois ateliers de tri.

Chaque jour des tonnes de roches diverses, de tailles différentes étaient remontées par les vasir. Lorsque les gravats étaient tous petits et venaient d'une excavation à l'explosif, ils pouvaient aller directement dans la plateforme, mais pour toute autre remontée de pierre, il fallait que cela passe par les ateliers des rishiva.

Elles passaient leurs journées sur des nattes de paille tressées à utiliser des tamis et de gros cristaux très lumineux pour trier le jade du granite, et des différents minerais.

C'était ici que travaillait Arega la plupart du temps, quand elle n'aidait pas les vanir à reconnaître les filons dans les profondeurs.

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