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POV Jace

Cinq ans. Cinq longues années à essayer de me débarrasser d'elle, à l'effacer de mes pensées. Mais chaque jour, chaque minute passée sans Ava m'avait rongé d'une manière que je ne saurais expliquer. Cette nuit encore, j'avais rêvé de son visage. Ce maudit visage qui refusait de quitter mon esprit.

Ce matin-là, mon père m'avait convoqué dans son bureau à l'aube, prétendument pour discuter des nouvelles alliances, de la prochaine prise de pouvoir. Mais après dix minutes d'échanges cordiaux, il m'avait brusquement congédié, presque en me chassant de son bureau. Je n'avais pas compris son attitude… jusqu'à ce que je croise Ava dans le couloir, me percutant de plein fouet. Mon père savait qu'elle était là, bien sûr. Il voulait me forcer à la revoir, à confronter ce que j'avais refoulé toutes ces années.

Il n'avait jamais eu besoin que je lui dise qu'Ava était mon âme sœur. Il avait perçu la connexion, bien avant même que je ne comprenne ce que cela signifiait. Et après son départ précipité de la meute, il avait rapidement deviné que j'étais la cause de sa fuite. Je savais qu'il n'approuvait pas mon choix sa déception m'était palpable. Pourtant, son attachement à Ava me déroutait. C'était comme s'il la voyait différemment des autres membres de la meute comme si elle avait un rôle unique à jouer ici.

Je secouai la tête pour chasser ces pensées, me concentrant sur mon entraînement. Mes entraînements quotidiens étaient mon exutoire, un moyen de me libérer de la frustration accumulée. Ce matin, je dirigeais les jeunes recrues avec Blaine, mon futur Bêta, toujours plein d'idées pour mettre nos novices à l'épreuve. Aujourd'hui, son humour un peu sadique avait décidé de frapper fort : il avait ajouté une légère dose d'aconit tue-loup dans la fontaine à eau.

À petite dose, l'aconit ne nous tue pas, mais elle brûle assez pour que le corps apprenne à tolérer la douleur, une préparation nécessaire pour nos futures confrontations. C'est un rite de passage que nous avons tous subi, un test pour les endurcir et leur rappeler qu'ils ne sont pas invincibles. Mais les choses prirent un tournant inattendu.

Alors que je surveillais les jeunes guerriers s'abreuver l'un d'eux,Aron, s'effondra brusquement au sol sa respiration laborieuse et irrégulière.

— « Merde, il fait une réaction à l'aconit ! » s'écria Eliott, l'un de mes guerriers.

L'alerte fut immédiate.

— « Appelez un médecin, vite ! » ordonnai-je.

L'hôpital était à cinq minutes, mais je sentais le poids de chaque seconde. Et, bien sûr, par un cruel coup du sort ce fut Ava qui arriva en tant que médecin. Mon cœur se serra lorsqu'elle s'approcha de l'endroit affichant un air professionnel mais glacé.

Elle examina Aron rapidement, prodiguant les premiers soins sans perdre une seconde. Mais je savais rien qu'à la lueur sombre dans ses yeux, que j'aurais bientôt à affronter sa colère. Nos regards se croisèrent et ce que je vis dans le sien m'envoya un frisson glacé le long de l'échine.

— « C'est ça, vos entraînements maintenant ? Vous empoisonnez vos jeunes guerriers comme divertissement ? » lança-t-elle, la voix vibrante de reproches.

Je tentai de garder mon calme.

— « C'est un bizutage, Ava. On y est tous passés. Les guerriers doivent apprendre à supporter l'aconit pour ne pas flancher en combat. »

Elle éclata d'un rire bref et amer.

— « C'est ridicule, Jace. Regarde où cela mène ton 'petit jeu'. As-tu même pris la peine de lire les dossiers médicaux de tes recrues ? »

Je me figeai.

Pour être honnête, je ne lisais jamais les dossiers des recrues. Si elles étaient acceptées c'est qu'elles étaient jugées aptes au combat.

— « Vu ta tête, je suppose que non, » cracha-t-elle avec mépris. « Tu lirais le dossier d'Aron, tu saurais qu'il est épileptique. Un cas rare pour un loup, mais cela arrive. Avec l'aconit, ses capacités de loup sont diminuées. Et maintenant, regarde ce que cela a causé. Tu parles d'un chef responsable ! »

Elle me toisa son regard chargé d'un mélange de déception et de colère. Ces mots, venimeux, résonnèrent en moi, s'enfonçant comme des lames acérées. Mon loup, Silver, restait étrangement silencieux, assis en moi, absorbant la réprimande sans le moindre grognement. C'était comme s'il acceptait sa colère, comme si, lui aussi, il ressentait la justesse de ses reproches.

Ava fit signe à Chase et Eliott de transporter Aron jusqu'à la salle médicale de la maison de la meute. Elle se retourna une dernière fois vers moi, son regard brûlant de reproches.

— « Que tu sois insensible au sort de tes guerriers, passe encore. Mais n'oublie pas, Jace : un alpha sans cœur ne mène que des serviteurs sans âme. »

Sans un mot de plus, elle disparut dans la forêt, laissant derrière elle un silence lourd. Je restai figé sur place, encore sous le choc de sa tirade. C'était comme si chaque mot qu'elle avait prononcé avait trouvé une faille dans mes certitudes et s'y était glissé, insidieusement.

Silver, d'habitude si prompte à se rebeller face aux critiques, demeurait calme, comme s'il ruminait, lui aussi. Mon loup, qui avait toujours soutenu mon choix de me concentrer sur mon devoir d'Alpha, semblait soudain en proie au doute.

Dans mon esprit, je revis chaque instant de notre altercation. La force de ses paroles, l'intensité de son regard, tout cela m'obsédait déjà.

Alors que je me tenais là, seul, une vérité douloureuse émergea de ce tumulte intérieur : malgré mes efforts, malgré la distance et les années, Ava avait toujours ce pouvoir de me désarmer, de réveiller cette part de moi que j'avais cru pouvoir enterrer.