Là, devant Mylon, se tenait un établissement bien sombre, un établissement qui secoua son âme. Devant lui, dans une cage, se trouvait une fillette avec un seul bout de tissue pour la couvrir. L'enseigne indiquait « Marchant d'esclaves » et il put voir à travers la vitrine un thérianthrope et une humaine tous deux presque dévêtus. Il en avait entendu parler auprès de Laura, avec ce que lui venait de dire aujourd'hui Elio et avec Adamantine mais de le voir de ses yeux… Il vit rouge. Une espèce qui asservissait les autres n'avaient pas de valeurs mais, de là à même asservir ses propres confrères, sa propre race. Lui dont la liberté lui avait été volé dès son existence, lui qui avait perdu beaucoup trop à cause de leur xénophobie, de leur religion stupide, de l'absurdité humaine à ne pouvoir donner de valeur à d'autres espèce que la sienne. Il s'écarta subitement d'Elio et se rapprocha de la cage, posant ainsi ses deux mains sur les barreaux. Il commençait à les tordre mais un homme qui gardait la devanture l'interpella :
— Que crois-tu faire ?! Pas touche à la marchandise.
Ce même homme le chassa alors de la cage avec une épée pendant qu'Elio rattrapa Mylon,se doutant du grabuge qui allait être causé. Toutefois, en arrivant à ses côtés, il put l'entendre argumenter :
— Marchandise ? MARCHANDISE ?! Cette fillette ?
— Oui et ? C'est une esclave, elle n'a aucun droit et n'est rien de plus qu'un objet.
— C'est une fille et une humaine en plus ! Au vu de son âge, cela pourrait être la vôtre. N'avez-vous pas une once de compassion pour votre propre espèce ?!
— Mais qu'est-ce que tu racontes, Damné ? Tu veux toi aussi finir comme elle ? Je me contrefous de ta morale à la noix. Tant que je suis payé, ça me va. La reine a rendu ça légale alors pourquoi te plaints tu ?
Il voulut alors lui mettre une droite mais fut retenu par Elio qui essaya de le convaincre :
— Arrête ! Comme il le dit, c'est légal… Tu vas t'attirer des ennuis si tu t'en prends à lui !
— Lâche moi ! s'opposa-t-il véhément. Je m'en fiche de ça, ils n'ont pas le droit de faire ça, ce n'est pas normal…
— Et tu as pensé aux problèmes que tu apporterais à Ada ?!
C'est ainsi que Mylon tomba dans le silence et se calma. Il ne fit regarder que le sol pendant que le garde pointait sa lame dans sa direction. Il allait définitivement les chasser quand un autre homme sortit de la boutique. On ne put le rater car il était habillé d'un costard blanc et d'un monocle. En descendant des deux marches, il s'exclama :
— Quel est donc tout ce raffut ? Greg, que fabrique tu donc ?
— Ah, boss ! C'est juste ce Damné qui jactait de morale et a voulu s'en prendre à la marchandise.
— Oh ? Encore un de ces activistes qui voudrais libérer tous les esclaves ? Ils me font bien rire avec leurs valeurs d'hypocrite.
Il étudia alors le trouble-fait et s'exclama surprit :
— Eh bien... Un nouveau Damné et dans un état assez respectable. Cela pourrait faire une bonne addition à notre collection.
Toutefois, il remarqua la présence d'Elio ce qui le fit changer d'avis.
— Déjà pris, hein ? Soit, partez avant que je n'appelle des membres de Mitra… Vous n'aimeriez pas finir dans une cellule je me trompe ?
Il ne reçut pas de réponse et partit suivit de deux autres hommes de la boutique. Mylon et Elio s'écartèrent du lieu mais ils purent entendre la petite fille s'exprimer avec des larmes :
— M-merci monsieur, je savais bien ce n'était pas normal. Je croyais que papa et maman m'avaient vendu car j'étais méchante mais c'est bien eux les méchants…
Cependant, le garde tapa sur la cage de son épée sur la cage pour la faire taire ce qui enragea encore plus notre héros. Il allait définitivement lui sauter dessus quand Elio s'interposa :
— Combien ?
— Combien quoi ? interrogea Greg.
— Combien pour nous laisser au moins échanger un mot avec ?
Le garde sourit alors malicieusement et dit :
— 1 pièce d'argent.
— Combi- allait s'opposer Mylon.
Toutefois, Elio le coupa, donna la pièce à l'homme qui fit donc l'aveugle et le sourd pendant cinq minutes. Il s'approcha d'elle avec Mylon et lui dit :
— Ça va aller ? Tu vas bien au moins ?
— J-j'ai un peu mal à la cheville, avoua faiblement la fille. Et ce, depuis que j'ai trébuché sur un pavé.
Toutefois, bien qu'elle voulût cacher sa faim, son ventre la trahit et se mit à gargouiller. Mylon afficha alors une mine plus sombre. Il se secoua cependant la tête pour afficher un faux sourire, voulant la rassurer. Il passa ainsi sa main à travers la cage et la posa sur sa cheville. Il utilisa alors un sort de soin bien que cela lui pompait beaucoup de mana. En effet, cela lui pompait plus qu'une personne qui maîtrisait l'élément de la lumière mais avec son puits, il pouvait se le permettre.
— Je-je suis tellement désolé de ne pas pouvoir faire plus, lui concéda Mylon. Si seulement, si seulement…
— Ce n'est rien monsieur, dit-elle en lui attrapant la main. Vous en avez déjà fait beaucoup en me considérant comme un être à part entière... Je serais certainement achetée par quelqu'un, j'espère quelqu'un de pas trop méchant.
— Et ta famille ? questionna tristement Elio. Tu as dit qu'ils t'avaient vendu…
— C'est ça, toute notre vie, Heli et moi restions sage. Nous faisions les corvées et aidions du mieux qu'on pouvait papa et maman. Toutefois, ce n'était jamais assez… Ils se criaient tout le temps dessus et nous menaçaient de nous vendre si nous n'écoutions pas. Alors on restait sage, on ne refusait jamais rien, non…
Sa voix se cassa au fur et à mesure qu'elle racontait son histoire. Ses mots et son intonation portaient l'émotion de toute une vie de chagrin et de souffrance.
— Mais-mais, continua-t-elle. Cela n'empêchait pas papa de nous frapper dessus quand il rentrait tard les soirs. Je croyais qu'on ne faisait pas assez bien, que c'est pour ça qu'il nous en voulait. Alors je redoublais d'effort mais ça continuait, encore et encore. En plus, des messieurs venaient toujours les dimanches et après, Papa frappait maman, l'insultait de beaucoup de nom... Elle aussi n'en pouvait plus, elle nous accusait de sa colère, nous accusait de ruiner sa vie et celle de papa. Heli et moi n'avions que l'une et l'autre pour se soutenir. C'est alors qu'un jour, après que les messieurs du dimanche soient partis, papa a …
Elle se mise alors à pleurer silencieusement, attrapant ses cheveux blonds cendrés pour se les tirer. En l'écoutant, Mylon se mit à serrer tellement fort les barreaux qu'il les écrasa. S'en était assez, il avait besoin de la sortir d'ici. Aucun enfant ne méritait un tel sort, ni elle, ni les autres. Toutefois, pas maintenant, il ne voulait pas porter d'ennui à Adamantine et avait donc besoin de cacher son visage, son identité. On l'avait déjà pris pour un Damné donc s'il utilisait la magie… C'est alors que la fillette reprit :
— M-mais ce n'est pas pour moi qu'il faut s'inquiéter. Ma petite sœur, Heli… Elle était malade avant que l'on arrive ici. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, je crois qu'elle est toujours dans le bâtiment mais je ne l'ai plus jamais revu depuis.
À cette annonce, il se mit à rechercher avec « Search » dans le bâtiment s'il y avait un mana similaire au sien. Il y distingua quand même au moins cinquante individus, rien que ça ! Si l'on compte les hommes qui doivent garder les esclaves, il y avait donc ici une trentaine de victime ou plus. À travers tout cela, il distingua bien un mana similaire à celui de la fillette. Toutefois, il était si faible…
— Je crois que ta sœur va bien, voulu rassurer Mylon. J'arrive à ressentir son mana.
— Vraiment ?
— Ma pau... non, changea d'avis Elio. La pitié n'est certainement pas ce que tu veux entendre… Tu as été fortes tu sais, je suis sûr que tu as fait de ton mieux. Heli doit aussi le savoir…
— Ton prénom, demanda Mylon. J'aimerais connaître ton prénom.
— Annie.
— Enchanté Annie, je te promets que-
— C'est l'heure, intervint le garde. Vous n'avez plus de temps. Partez maintenant !
Il frappa la cage de sa lame et les chassa. Les deux voulurent plus de temps mais Greg ne marchandait plus. Ils partirent donc, Mylon en tête. Il se rongeait l'ongle du pouce droit tout en pensant à comment l'aider, comment tous les aider. Au vu de la lueur de mana qu'il avait repéré, la petite Heli, si c'était bien elle, n'allait pas tenir longtemps. Elio regarda autour d'eux pour confirmer qu'il n'y avait pas trop de gens. Il attrapa alors Mylon par l'épaule pour l'arrêter et lui intimer :
— Je… Ce soir, tu penses à la même chose non ?
— Oui, oui mais… On ne peut pas simplement faire ça comme ça. Tu me l'as rappelé ! Il nous faut un plan, de la discrétion…
— Tu as raison mais il faut vraiment sortir ces deux sœurs de là.
— Que ces deux sœurs ?! s'offusqua Mylon. Et les autres n'ont pas aussi le droit à leur liberté ?
— Ce n'est pas ça mais… Comment veux-tu qu'on s'occupe d'une quarantaine de personnes ? Et ils sont marqués de la Mélusine. Si leur maître donne un ordre alors ils s'en verront obligé par le sort d'obéir.
Merde, merde, merde !
Mylon se rongea plus violemment l'ongle. Comment tous les aider ? Comment fonctionnait ce sort qui pouvait asservir un individu ? Il devait avoir un système pour changer le maître mais cette solution n'était viable, cela ne les libérerait pas à vie de l'emprise du sort. Il eut alors une idée et voulu la confirmer :
— Que se passe-t-il lorsque le maître meurt ?
— Qu-, non, tu ne veux pas quand même ? Non, non, non ! Assassiner quelqu'un n'est pas dans mon code moral. Ce n'est pas pour ça, que j'ai étudié les arts martiaux.
Je vois, tu es vraiment trop bon Elio. Ta réponse m'est déjà plus que suffisante, donc ça fonctionnerait…
— Bien, j'ai une idée Elio. Voilà […]
Il lui raconta alors en détail ce qu'il comptait faire et le rôle que pourrait prendre Elio. En effet, celui-ci ne pouvait directement s'infiltrer même en cachant son visage. Les deux pourraient être les premiers suspectés et ils allaient donc avoir besoin d'un alibi. Si le coupable utilisait la magie, Mylon serait déjà écarté des soupçons puisqu'on le prenait pour un Damné. C'était donc à lui que revenait ce rôle. Celui d'Elio, et bien…
— J'ai besoin que tu attendes à un lieu en particulier, à un lieu public. L'idée serait que j'envoie ceux que je secoure à ta position et que toi, preux guerrier et martial artiste, croisant la route de ces pauvres gens égarés, choisisse de les aider…
— Je vois, pour le sceau de Mélusine ? Comment comptes-tu…
— C'est mon choix, pas le tient, Elio. Je vais me débrouiller.
Elio regarda le sol en serrant des poings. Il ne sut pas vraiment s'il devait l'arrêter… Cela allait contre ses principes mais, pourtant, était-ce la seule solution ? Il lui intima seulement :
— S'il te plaît. Essaye au moins seulement de régler tout cela sans avoir à…
— Je ne suis vraiment entouré que de saints… souffla Mylon. Je vais essayer.
Ils finirent alors leur plan, comme en indiquant le point de rendez-vous entre Elio et les rescapés et surtout, que faire des enfants qui pourraient s'y trouver. Car oui, les sauver voulais dire ne pas simplement les abandonner dans la nature et les deux ne se voyaient pas capable de les prendre sous leur responsabilité. Il y avait peut-être un autre moyen, oui mais… Soit, ils s'occuperaient des conséquences après. Pour le moment, ils se devaient tous deux moralement d'agir. Ils se préparèrent ainsi chacun de leur côté et allaient agir la nuit sans en parler à Adamantine. Ils ne pouvaient ni ne pouvaient l'inclure, avec son statut de noble, le danger aurait été trop grand pour elle.
Allait ainsi commencer cette soirée, celle qui fit trembler l'industrie d'esclavage du Royaume.