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Chapitre 10 Le cercle des fées.

Le soir venu, ils avaient préparé toutes leurs affaires. Katherine avait pris le temps de leur préparer un menu frugal mais les jeunes gens n'avaient pas très faim. L'ambiance était lourde. Tous redoutaient la mission qui s'annonçait. Le cercle de fées était déjà un endroit risqué, mais ils pouvaient aussi tomber sur un ou plusieurs sorciers qui n'hésiteraient pas à les tuer pour récupérer la clef permettant d'accéder à la pierre.

 Une fois le portail passé, Eowyn et Adrien discutèrent un peu de la journée à venir, puis redescendirent main dans la main auprès de leurs parents qui avaient pris un café. Sentant que l'ambiance avait changé entre les deux adolescents, Jean regardait Adrien d'un air soupçonneux.

***

— Ton père ne semble pas m'aimer, chuchota Adrien à sa petite amie alors qu'ils se promenaient ensemble dans le village.

— Mais non, il joue juste son rôle de paternel surprotecteur, répondit-elle sur le même ton. Ne t'inquiète pas, vous allez vite sympathiser. Donc, tu veux toujours que je traduise ton carnet ?

— Non, je préférerais que tu apprennes les plans des coins que l'on doit visiter, la dernière fois tu t'es perdue quand on s'est séparé.

— Alors on a qu'à rester tous les deux… répondit malicieusement Eowyn.

— Eo …

— Okay ! Je ferai un effort pour les mémoriser aujourd'hui, si on a le temps entre deux devoir-maisons… Franchement, pourquoi nous donner autant de devoirs ? Les vacances ne sont-elles pas faites pour se reposer?

— Tu ne voudrais pas perdre tout le bénéfice de nos séances de révision de ces dernières semaines en ne t'entraînant pas pendant ces vacances ?

— Mouais … J'ai hâte d'être à la fac… pour gérer mes révisions comme je l'entends… D'ailleurs, tu as pensé à l'endroit où tu veux étudier ? On doit bientôt faire nos vœux…

— Oui, ce sera une école d'architecture ou la fac d'histoire et toi ? Toujours l'ESPE ?

— Oui … Mais il faut déjà faire quelques années d'études dans un domaine spécialisé et j'hésite entre histoire et géologie.

— On pourra peut-être être dans la même ville, alors ? demanda anxieux Adrien.

— Et même habiter ensemble si tu veux…

 Le jeune homme se retourna brusquement.

— Tu es sérieuse ?

— Pourquoi tu es aussi choqué ? On habite déjà ensemble.

— En coloc… Là, on serait juste tous les deux… comme…

— Un couple ? termina Eowyn, en plissant les yeux. Ça te pose tant de problème que cela ? On partage la même maison depuis près de deux mois et puis, on peut aussi veiller à avoir deux chambres séparées.

— Non, c'est pas ça… J'ai du mal à réaliser que le lycée sera bientôt un lointain souvenir. Être majeur, avoir notre indépendance, ne plus rendre de compte à nos parents…

— Et aussi faire face aux responsabilités, payer les factures et se trouver un job d'étudiant, continua Eowyn.

— Tout de suite, c'est moins exaltant. Mais on fait des choses bien plus dangereuses à Valinor. Ce sera du gâteau à côté.

— Du gâteau, peut-être pas… Mais plus facile, certainement … et différent ! L'indépendance, je connais déjà depuis quelques mois et je t'assure que tu y prendras vite goût.

— Qu'est-ce que l'on fera si on trouve la pierre ? la questionna Adrien, souhaitant changer de sujet.

— La ramener au capitaine, bien sûr ! s'exclama Eowyn. On ne va tout de même pas la garder pour nous !

— Et si ça tombait entre de mauvaises mains ?

— On s'en chargerait !

— T'imagine ? Ne plus vieillir… Avoir éternellement 17 ans… Je ne sais pas si je serai heureux ou terrifié à l'idée de ne jamais mourir…

— Moi, ça ne me plairait pas, répondit Eowyn. Ne pas vieillir, ça veut dire « ne pas mourir », certes, mais ça veut aussi dire « passer à côté de tellement de choses ». Ne pas faire le métier de ses rêves parce que les gens remarqueraient que tu ne vieillis pas, ne pas avoir d'enfants, parce que ton corps ne peut pas changer, ne pas passer ses vieux jours auprès de la personne que l'on aime le plus au monde et la laisser partir en restant seule pour l'éternité…

— Je n'avais pas vu les choses sous cet angle… Tu crois que c'est pour cela que ma grand-mère n'a pas cherché à trouver la pierre ?

— Je ne sais pas, peut-être qu'elle avait peur que cela tombe entre de mauvaises mains, elle aussi. Elle travaillait aux objets trouvés… Elle n'avait pas nos contacts au sommet du royaume.

— Ou bien elle a trouvé la pierre et a choisi de la garder cachée sans l'utiliser pour les mêmes raisons que toi.

— Qui sait ?… Il faut que je rentre, mon père m'a demandé de rentrer tôt ce soir pour que l'on discute avant qu'il aille au travail.

— De quoi veut-il te parler ? s'inquiéta Adrien.

— Commence pas à t'inquiéter, rigola Eowyn. Probablement de rien d'important.

— Tu m'appelles ce soir pour me dire quand je peux passer?

— C'est moi qui viens chez toi pour passer le portail.

— D'accord ! Tu peux venir vers vingt et une heure trente. Mes parents partent en voyage tôt demain matin, ils se coucheront de bonne heure.

***

 Vingt et une heure cinquante… Adrien ne cessait de regarder son horloge. Mais qu'est-ce qui pouvait bien retarder Eowyn. Il avait bien tenté de lui envoyer des SMS, mais elle n'y avait pas répondu et son téléphone sonnait dans le vide. Adrien commençait à se dire qu'il ferait mieux d'aller chez elle, il avait juste le temps avant de passer le portail. Au moment où il prenait cette décision, la silhouette de la jeune fille se profila à sa fenêtre. Elle avait sa tête des mauvais jours et Adrien décida de ne pas lui poser de questions.

 En passant le pas de la porte de leur salon, Eowyn n'avait toujours pas prononcé un mot et Adrien commençait à sérieusement s'inquiéter. Katherine lui lança un regard interrogateur et il haussa les épaules. Non, il ne savait pas ce qu'il se passait, mais il avait bien compris une chose : elle ne parlerait que lorsqu'elle le voudrait.

 Après une courte nuit, les six amis récupérèrent leur sac et leurs provisions et se mirent en route. La dernière fois qu'ils avaient été sur le territoire des fées, ils n'avaient parcouru qu'un dixième du territoire en une demi-journée. Ils espéraient mettre peu de temps à trouver ce cercle.

 Deux heures après leur départ, Eowyn n'avait pas desserré les dents. Mark soupira et demanda à tout le monde de s'arrêter cinq minutes. Une fois que tout le monde eut posé son paquetage, il décréta que personne n'avancerait avant de comprendre ce qu'il se passait. Eowyn soupira et expliqua :

— J'ai un problème… et par extension, Adrien aussi.

— C'est au sujet de la discussion avec ton père ? Lui demanda alors celui-ci.

— Oui…

— Je savais qu'il ne m'aimait pas.

— Il se trompe sur ton compte, je lui ai dit… mais du coup, il m'a demandé faire quelque chose que je ne peux pas faire parce que nous sommes liés tous les deux. Quelque chose que je n'ai de toute façon pas envie de faire parce que j'adore faire ce à quoi mon père voudrait que je renonce…

— Embrasser Adrien, susurra Jonathan.

— La ferme, Jo ! répliqua Eowyn. C'est sérieux !

— Tu peux pas être plus précise que ça ? demanda Mark.

— Pas pour le moment ! Une fois cette histoire réglée, je vous expliquerai tout. Là, on doit se concentrer sur le plus important, retrouver le cercle de fée.

— Très bien, acquiesça Mark, mais si tu ne te sens pas bien, tu nous le dis direct !

— Compris.

 Ils reprirent donc la route au milieu de la lumineuse forêt. Adrien remarquait des détails qu'il n'avait pas vus à son premier passage, comme la couleur fluorescente des papillons, la taille des araignées et leurs grandes pattes poilues.

 Des mygales au corps rayé semblaient les observer et n'hésitaient pas à se laisser tomber sur leur sac à dos, causant des frayeurs à leur porteur, ce qui ne manquait pas de faire râler Jonathan. Les champignons formaient parfois de véritables cascades sur les troncs noueux des plus gros arbres, comme des chapelets multicolores. Les oiseaux chantaient et se répondaient, la forêt semblait s'être habituée à leur présence.

 Après deux autres heures de randonnée, il n'y avait toujours aucune trace du cercle de fées, Mark leva la main pour leur faire signe de stopper leur progression et Adrien s'assit un peu dépité. Certes, il s'attendait à ce que cela soit difficile à trouver, mais il pensait que la chance pourrait peut-être tourner en leur faveur. Ils sortirent leurs provisions mangèrent frugalement.

— On va avoir du mal à trouver, toute cette forêt se ressemble, il faudrait la parcourir à longueur de journée pour savoir où chercher… soupira Yohan.

— Attends une minute ! s'exclama Adrien. Tu as raison ! Il faut s'adresser aux fées ! Elles doivent connaître le cercle !

— Pourquoi on n'y a pas pensé plus tôt ?!!! s'écria Mark. Retournons à l'arbre du trône.

 Ils se mirent aussitôt en route et au milieu de l'après-midi retrouvèrent le sentier où ils avaient rencontré le gardien. Celui-ci se trouvait à son poste et les salua aimablement.

— Oui, je vois de quel cercle vous parlez. Nous ne l'avons pas utilisé depuis très longtemps, je ne sais plus à quoi il sert. Il faut se diriger vers le nord jusqu'à une rivière. De là, vous prendrez le sentier en direction de l'est, à environ quatre miles, vous devriez tomber sur le cercle que vous recherchez. Mais qu'espérez-vous y trouver ? Ils ne sont utiles qu'en des occasions très particulières…

— Un indice sur le voleur, expliqua vaguement Mark, peu désireux d'entrer dans les détails.

 Aborder la pierre philosophale avec des créatures avides de richesse, ne lui semblait pas une bonne idée.

— Nous vous remercions pour votre aide. En avant tout le monde !

 Eowyn semblait vouloir demander des précisions au gardien, mais les autres s'étant déjà remis en marche, elle abandonna son idée et les rejoint à la hâte.

***

 Arrivés au bord de la rivière, ils établirent un campement, n'étant pas sûrs d'arriver avant la tombée de la nuit au cercle de fées. Mieux valait attendre que celui-ci soit éclairé pour trouver des indices. Les tentes montées, tous s'affairèrent à chercher du bois et préparer le repas du soir.

 Adrien eut presque l'impression de faire du camping avec des amis. S'il n'avait pas eu à se préoccuper de ses visions et du possible meurtre commis par sa grand-mère, il aurait apprécié ce moment en pleine nature, mais les conversations tournaient irrémédiablement autours de ce sujet et tous allèrent se coucher un peu tendus.

 Adrien ruminait et ses pensées tournaient en rond. Le pire était de ne pas savoir à quoi il fallait s'attendre le lendemain et de subir ce temps infiniment long au cours duquel tout pouvait basculer dans le bon comme dans le mauvais sens. C'était ridicule ! Le cercle et les indices ne bougeraient pas dans la nuit, un peu comme le résultat d'un examen ne change pas une fois que l'on a rendu sa copie… Mais l'attente était interminable…

 La nuit fut agitée pour tout le monde et tous se réveillèrent avec des cernes. Une certaine tension les animait et le campement fut plié en un temps record. Ils traversèrent les quelques kilomètres qui les séparaient du cercle rapidement, mais arrivés à celui-ci, Eowyn maintint par le bras Adrien qui voulait s'avancer près de la roche centrale.

— Qu'est-ce que tu fais ? lui demanda-t-il.

— Tu as oublié ce que l'on a dit ? Il existe un code pour entrer dans un cercle de fées. Dans un premier temps, il serait bon de faire le tour pour trouver des indices afin de rentrer sans encombre à l'intérieur.

— Ma grand-mère y est entrée sans problèmes.

— Tu ne l'as pas vue ressortir. Tu ignores aussi son niveau en magie. Elle a probablement des capacités que tu n'as pas ou a dû faire un sacrifice. Mieux vaut être prudents… Regardez sur chacune des pierres autour et donnez-moi le nom de la rune dessinée dessus.

 Chacun se répartit autour du cercle et inspecta la pierre devant lui.

— Naudhiz ici, déclara Katherine.

— Thurisaz, là, indiqua à son tour Yohan

— Eohl pour moi, fit Adrien

— Ansuz sur celle-ci, déclara Mark

— Elhaz, affirma Jonathan

— Et moi Sowilo, conclut Eowyn. Si ce que je comprends est exact, il faut pénétrer dans le cercle dans certaines conditions… Sinon nous risquons de ne jamais pouvoir en sortir…

 Soudain, à l'autre bout de la clairière, un homme sortit de la forêt. Ils reconnurent le vieil homme… reconnaissance qui fut visiblement réciproque, car le visage du sorcier passa de la surprise à la fureur.

— Entrez dans le cercle ! cria Eowyn.

— Mais tu viens de dire que … commença Jonathan

— Tu te la fermes et tu rentres c'est clair ?! hurla Eowyn, l'air affolé.

 Tous se ruèrent à l'intérieur. Une lumière illumina les rochers et des raies de toutes les couleurs partir de la roche et tapèrent leur cœur, les prenant par surprise.

— Mais qu'est-ce qui se passe ? s'affola Katherine.

— Ne panique pas, c'est normal, essaya de la rassurer Eowyn.

— Vous êtes pris au piège, espèce de voleur ! fit alors le vieil homme, toujours à l'extérieur du cercle. On ne sort pas comme ça d'un cercle de fées ! J'ai vu ce que vous avez fait dans mon salon ! Vous avez pris ma clef !

 N'y tenant plus, Adrien lui répondit avec rage :

— Et vous ? Qu'avez-vous fait des affaires de ma grand-mère ? Vous ne valez pas mieux que nous, vous l'avez volé en premier! Nous, nous cherchons seulement à rendre aux fées ce qu'elles gardaient !

— Grand-mère ?! Cette femme ?! Grâce à ce retourneur de temps, j'ai pu voir où cette voleuse était allée. Elle a attiré Edmond ici alors qu'elle avait déjà caché la clef ! Mais elle avait toujours l'essentiel à ce moment-là ! Parce qu'elle avait compris… Elle la cherchait… Elle voulait la trouver avant nous...

 Il désigna le retourneur de temps.

— Mais vous le savez déjà, n'est-ce pas ?

 Devant le visage interrogateur des six jeunes gens, il reprit :

— Pourquoi être venu ici, si ce n'est pour trouver l'objet de ma quête.

— Votre quête ?! s'exclama Jonathan. Vous vous prenez pour le roi Arthur ?!

— Vous n'êtes que des adolescents idiots, vous n'avez pas mon expérience… Vous ne pouvez pas comprendre l'importance de cet objet!

— La pierre philosophale ? cracha Eowyn. Votre quête est muée par l'appât du gain ! Nous ne cherchons qu'à rétablir la vérité.

— Vous êtes donc effectivement au courant pour la pierre ?! fit le vieil homme, ahuri. Comment ?

— Nous avons nos sources.

— Alors vous savez que cette découverte pourrait changer la façon dont les non-sorciers nous voient. Nous serions quasiment immortels et immensément riches ! L'argent régit le vieux monde. Nous ne serions plus obligés de nous cacher, les non-sorciers nous traiteraient avec révérence ! Nous serions libres de pratiquer où et quand nous le souhaiterions la magie.

— Et nous deviendrions des parasites pour la planète, compléta Katherine, écœurée, faisant fi des lois primordiales. Il n'y a pas de magie sans contrepartie... sauf l'obscure magie.

— Qui a parlé de faire de la magie noire ?! Nous pourrions aider les non-sorciers à produire suffisamment de nourriture pour tout le monde. Nous connaissons des sorts qui feraient l'affaire ! Ils nous vénéreraient !

— Mais qui a envie d'être vénéré!? s'écria Katherine affolée. La loi du triple retour, ça vous dit quelque chose ?

— Le débat est clos depuis le dix-huitième siècle ! s'écria Eowyn. Il a été décidé de taire notre existence aux non-sorciers pour éviter une nouvelle chasse aux sorcières. Ils ne sont pas prêts à nous accepter.

— Mais là, ils seront obligés. Nous sommes plus nombreux qu'à ce mment-là, plus instruits, nous avons développé des techniques de combat ignorées à l'époque. Certaines créatures surnaturelles nous aideraient...Ils ne tiendraient pas plus de quelques semaines...

— Vous êtes dingue… souffla Yohan, atterré.

— C'est vous qui voyez… fit l'homme en sortant un flacon de son sac. Mais vous ne m'empêcherez pas de trouver la pierre.

 Le contenu était orange avec des reflets mordorés. Il déboucha la fiole et avala son contenu d'une traite. Tous écarquillèrent les yeux, ne pouvant se préparer à ce qui suivit. Le corps de l'homme se transforma sous leurs yeux ébahis...