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Chapitre 9 Retour vers l’inconnu.

— C'est vraiment aimable à vous de nous accorder un moment dans votre demeure monsieur, fit Jonathan avec un sourire.

— Je vous en prie, ce n'est pas la première fois que des étudiants en architecture s'intéressent à ma maison. Elle a un style bien particulier, qui tranche avec ce que l'on peut trouver dans le quartier.

— C'est vrai que le quartier est plutôt composé de bâtiment moderne et votre maison tient plus du manoir écossais que de la construction du milieu du vingtième siècle, répondit Adrien.

— Les gens souhaitent du récent de nos jours. Ils veulent le dernier cri en matière d'aménagement intérieur, mais tout est si rapidement démodé à notre époque… Au final, ils ne profitent jamais vraiment de leur décoration et passe leur temps à tout redécorer pour suivre la tendance.

— Moi, j'aime les antiquités, approuva Adrien. Elles ont une âme, une aura de souvenirs et leur présence suffit à habiter une pièce.

— Vous êtes un connaisseur, jeune homme, répondit le vieil homme, appréciateur. Je vous en prie, asseyez-vous.

Merci beaucoup, monsieur, nous ne voudrions pas abuser de votre temps. Il s'agit simplement de faire quelques croquis pour notre mémoire.

 

C'est avec plaisir. Vous disiez vouloir voir les cheminées ?

 

Tout à fait.

 

Eh bien il y en a une dans le salon. Je vous y conduis.

 

 Les deux jeunes gens suivirent le vieil homme dans un long couloir sombre. Des chandeliers fixaient aux murs avaient noirci le papier peint par endroit, mais les couleurs de celui-ci, étaient toujours aussi vives que lorsqu'il avait été posé, plusieurs dizaines d'années auparavant. Difficile de dire si c'était le peu de lumière ou un sortilège qui l'avait protégé.

 

 Ils passèrent devant plusieurs portes ouvragées en chêne mentionnant par un écriteau la présence d'une cuisine et d'un placard, puis une salle à manger et un salon. Par la porte entre-ouverte de la cuisine, Adrien aperçut des alambics et des ballons, ainsi qu'une succession récipients en métal. Un liquide vert était en ébullition dans un grand ballon à col de cygne et d'autres substances aux couleurs vives patientaient dans divers bocaux de verre. Arrivés dans le salon,

 

 Jonathan sortit son carnet de dessin et esquissa un rapide croquis de la cheminée. Pendant ce temps, Adrien posait des questions à l'homme sur les différentes antiquités de la pièce, notamment une masse ramenée d'Amérique latine et datant de la conquête espagnole.

 

 Leur discussion était tant empreinte de passion que ni l'un, ni l'autre ne s'aperçurent que Jonathan avait terminé et patientait à côté d'eux en silence. Lorsqu'il toussa doucement pour se faire remarquer, Adrien rougit et le vieil homme proposa à Adrien de voir d'autres antiquités de la même période exposées dans la bibliothèque.

 

 L'homme leur apprit que la bibliothèque se trouvait à l'étage. Ils prirent l'escalier et leur hôte ouvrit la porte, les invitant à pénétrer dans la pièce. Il s'agissait une salle aérée et spacieuse. De grands tapis persans évitaient un contact direct entre les meubles en bois massif et le parquet ancien.

 

 Les lattes du parquet grinçaient sous leurs pas et Adrien contint difficilement son excitation en reconnaissant la pièce vue dans ses rêves éveillés. De part et d'autres de lui, de magnifiques pièces en cuivre et en étain trônaient sur des socles et des guéridons ou dans des vitrines sous clefs. Lançant un rapide coup d'oeil à Jonathan, puis indiqua le pied d'un guéridon. Son compagnon comprit tout de suite qu'ils avaient trouvé ce qu'ils cherchaient. Il restait à se débarrasser quelques minutes de l'homme.

 

 Mais avant que Jonathan n'ouvre la bouche, le sol se déroba sous les pieds d'Adrien et il sombra dans un nouveau rêve éveillé. Cette fois-ci il était sur le pas de la porte du salon et écoutait deux hommes discuter dans le couloir. Elle connaissait la voix du visiteur, c'était un homme qu'elle voyait tous les jours de la semaine. Que faisait son patron ici ?

 

 Il est vrai qu'il s'était intéressé de près au coffret quand celui-ci était arrivé entre ses mains, mais Sabrina l'ayant rentré dans la base, c'était à elle de s'en occuper. Il l'avait aidé à trouver le propriétaire, peut-être s'assurait-il qu'elle l'avait ramené à bon port.

 

— Bonjour la confiance ! Pensa-t-elle.

 

 Pourtant, les deux hommes ne parlaient pas d'elle, ils convenaient d'un rendez-vous pour retrouver un objet. Il s'agissait visiblement d'un objet ancien. Seuls quelques mots lui parvinrent à l'oreille tant les hommes parlaient doucement. Mais quelque chose dans leurs intonations commençait à l'inquiéter.

 

— La pierre … cachée… impossible … retourneur de temps… il faut la clef… non… Pas encore… le coffret… de l'or… partage équitable… Pas d'entourloupe… Ne sait pas… Salon… La tuer… en sait trop…

 

 À ces derniers mots, elle se figea. Les deux hommes parlaient d'elles. L'un d'eux, son patron, semblait vouloir la tuer à cause de sa connaissance du coffret ! L'autre homme était réticent. Ce n'était pas le moment de se poser des questions, elle devait réagir et vite pour sauver sa vie.

 

 Elle attrapa le coffret et courut aussi vite et silencieusement que possible à l'étage au moment où la discussion s'était arrêtée, mais elle ne voulait pas attendre de connaître le résultat de leur débat sur son possible meurtre. Elle s'enferma dans ce qui semblait être une bibliothèque. Des coups à la porte retentirent et de l'eau coula sur son pantalon. Des gouttelettes ruisselaient de son front, puis le long de sa gorge avant de terminer leur route en s'infiltrant dans le tissu de son jean. Adrien était redevenu lui-même et sa tête lui faisait mal. La migraine lui fit plisser les yeux dès qu'il tenta de les ouvrir.

— Il revient à lui monsieur.

— Eh bien, vous nous avez fichu une sacrée frayeur, s'exclama le vieil homme. Cela vous arrive souvent de vous évanouir ainsi ?

— Ces derniers temps, assez souvent oui, soupira Adrien. Cela doit venir d'une grosse fatigue. J'ai beaucoup de mal à bien dormir en ce moment.

 Jonathan ricana.

— C'est ça d'être amoureux ! Cela vous chamboule tout à l'intérieur… Ou bien la nuit dernière a dû être trop éprouvante pour toi…

 Adrien grogna à Jonathan de se taire, mais la répartie du colosse avait eu le mérite de dissiper toute inquiétude dans les yeux de leur hôte.

— Ah ! L'amour ! Faites attention à votre santé tout de même, jeune homme ! Les femmes sont capables de nous épuiser rien qu'avec leur babillage…

 Jonathan rit, suivit timidement par un Adrien encore un peu dans le brouillard.

— Nous n'allons pas vous embêtez plus longtemps monsieur, dit alors Jonathan. Je vais raccompagner Adrien chez lui.

— Mais… voulut protester celui-ci.

— Cela semble plus sûr en effet, acquiesça le vieil homme en lui coupant la parole. Je vous raccompagne à la porte.

 Adrien se releva, aidé par Jonathan et ils descendirent doucement les escaliers. Toujours bras dessus, bras dessous, ils prirent congé du voleur présumé et se dirigèrent vers la porte magique la plus proche.

 Lorsqu'ils se furent suffisamment éloignés pour être hors de portée de voix, Adrien demanda :

— Pourquoi tu as voulu partir aussi vite ? On a pas la clef !

— Que tu crois ! Génial que tu te sois évanoui à ce moment-là !

— Ouais… génial… C'est le mot que je cherchais pour définir tous ces rêves éveillés…

— Tu serais de meilleure humeur si je te disais que j'avais profité qu'il soit allé te chercher un linge humide pour fouiller sous les lattes et trouver ceci ?

 Jonathan ouvrit la poche intérieure de sa veste découvrant une petite clef en cuivre. Le sourire d'Adrien répondit à celui triomphale de son ami.

— Je dirais que nous ferions mieux de montrer ça rapidement aux autres, mais oui cela remonte considérablement mon moral.

***

— Alors il s'agit d'une pierre.

 Les six sorciers étaient rassemblés dans le salon de leur maison autour d'un chocolat chaud ou d'un café.

— Une pierre précieuse, précisa Adrien en absorbant une gorgée du liquide chaud contenu dans sa tasse. Ils ont parlé d'or.

— Une pépite d'or ? s'écria Jonathan. Elle doit être sacrément grosse pour vouloir tuer quelqu'un pour cela.

— Tu sais, il y en a qui tue pour une petite somme d'argent, fit Yohan.

— Moi ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi ta grand-mère n'a pas cherché cette pépite, ni pourquoi elle n'en a pas parlé, se demanda à voix haute Mark.

— Je me demande ce qui est advenu du patron de Sabrina… murmura Katherine.

— Eh bien moi, son sort m'indiffère, s'exclama Adrien. Il a voulu me…. tuer ma grand-mère je veux dire…

— Si ça se trouve, c'est lui qui a été tué, fit Katherine en tremblant. L'homme que vous avez rencontré aurait pu commettre un meurtre vous croyez ?

— Il ne voulait pas tuer ma grand-mère… Je le vois mal tuer son associé.

— Il y a bien une autre possibilité, intervint Jonathan, mais je ne veux pas que tu te braques Adrien. Je n'ai pas envie de défoncer une autre porte aujourd'hui…

— Je sais à quoi tu penses Jo… J'y ai pensé aussi… Après tout, elle fut la dernière à l'avoir vu vivant et il la poursuivait…

— Je … je ne vous suis plus les gars, balbutia Eowyn, confuse.

— Jo pense, et pour tout dire je suis plutôt de son avis, que ma grand-mère est pour quelque chose dans la disparition de son patron…

— Ooooh!

***

— Tu sais, je ne suis pas convaincue par la thèse de la pépite d'or, chuchota Eowyn.

 Sa tête reposait sur le torse d'Adrien. Ils s'étaient allongés sur le lit après avoir dîné. Le bœuf bourguignon de Katherine était fabuleux. Tous s'étaient remplis la panse et s'étaient retirés dans leurs pénates, aspirant au repos. Ne voulant pas se séparer tout de suite, Eowyn s'était invitée dans la chambre de son petit ami et ils avaient profité d'un moment de calme, soupirant d'aise.

— Je croyais que l'on avait repoussé cette histoire à demain pour y voir plus clair.

— Désolée, j'ai tellement envie de t'aider. Je ne veux plus que tu aies ces hallucinations. C'est dangereux, tu risques de te blesser.

— Ne t'inquiète pas, je n'en ai pas tout le temps. Hier soir, j'ai très bien dormi par exemple. Tu es mon attrape-rêves.

— Est-ce une invitation à passer la nuit ici ? demanda alors Eowyn avec un sourire malicieux.

— Je ne sais pas… qu'en penses-tu ? répondit dans un souffle Adrien.

 Elle embrassa la ligne de sa mâchoire, puis le creux de son cou, lui déclenchant des frissons dans le haut du corps.

— Ça répond à ta question ?

***

 Le lendemain matin, après un petit-déjeuner copieux, ils reprirent leur discussion de la veille. Eowyn n'était pas la seule à trouver un peu tiré par les cheveux cette histoire de pépite d'or.

— Bon ! Reprenons, intervint Mark. Tu as entendu ces hommes discuter d'une pierre et d'or. Mais pas d'une pépite. C'est bien ça ?

— Exact ! répondit Adrien.

— Comment passe-t-on d'une pierre à de l'or dans une même conversation ? demanda Yohan. Une pierre précieuse, on l'échange contre de l'argent, non ?

— Attends un peu ! s'écria Eowyn. Tu as parlé de passer d'une pierre à de l'or ?

— Mais oui ! répliqua Adrien à son tour. Tu as raison Eo ! Il y avait tout un tas de verrerie de chimiste dans sa cuisine et plein d'objets en métal très anciens dans la bibliothèque.

— Alors là, je suis complètement perdue les amis, fit Katherine, hésitante.

— Eowyn a raison, il parlait de changer le plomb en or. Ils parlaient de la pierre philosophale ! Ce sont des alchimistes !

— La pierre philosophale n'est pas un mythe ? demanda Mark, sceptique.

— C'est peut-être un mythe, mais ça aurait au moins le mérite d'expliquer pourquoi l'un d'entre eux voulait tuer Sabrina, répondit Jonathan. La pierre philosophale pour des alchimistes, c'est comme le Graal pour les templiers. Des gens sont prêts à mourir … et à tuer pour l'obtenir.

— Et si cet homme trouvait la pierre… commença Katherine.

— Il deviendrait immortel et immensément riche, finit Mark. Oui ! Définitivement, cela pourrait tout à fait expliquer leur attitude.

— Qu'est-ce que l'on fait ? demanda Katherine. C'est quelque chose d'énorme !

— J'ai commencé mon rapport pour le Capitaine. Je lui ai dit que nous enquêtions sur un vol commis sur le territoire des fées. Rien ne nous oblige à parler de la pierre tout de suite. D'autant que nous n'avons aucune preuve de ce que nous avançons. En revanche, il y a une piste à suivre… le cercle de fées que tu as vu dans ton rêve éveillé Adrien. Il y a probablement un indice sur ce qu'est devenu le patron de Sabrina.

***

 Après s'être entendus sur la délimitation de la zone à couvrir, les six amis préparèrent leur paquetage. Le territoire des fées étant vaste, ils savaient qu'ils partaient pour plusieurs jours, aussi ils choisirent d'attendre le prochain voyage à Valinor pour commencer leurs recherches. Les garçons discutaient de la répartition des tentes et du matériel plus lourd, lorsque Katherine attrapa par le bras Eowyn. Elle conduisit son amie dans sa chambre et ferma la porte.

— Alors ? demanda la jeune fille blonde. Où ça en est avec ton prince charmant ?

— Ce n'est pas mon prince charmant, Kathy !

— Quoi ? Il n'est pas gentil avec toi ?

— Si, mais la vie n'est pas un conte de fées.

— C'est sûr que vous avez fait fort ! Vous disputer dans l'heure qui a suivi votre premier baiser, c'est balèze !

 Eowyn soupira en s'asseyant sur son lit.

— Rien n'est simple en ce moment ! La situation d'apprentis d'Adrien vis-à-vis de l'équipe, les soucis de sa grand-mère, ses rêves éveillés, qui s'invitent n'importe quand et … je crois que j'ai fais une erreur en l'embrassant…

— Attends je ne comprends pas ! s'écria Katherine en s'asseyant aux côtés de son amie. Tu ne l'aimes pas ?

— Bien sûr que si ! Mais j'ai l'impression que cela ne fait que complexifier tout ça. On doit garder les idées claires et nous, on arrive à se disputer d'entrée et ça perturbe toute l'équipe.

— Oh la la, ma grande, je t'arrête tout de suite. Tous les couples se disputent, y compris Yohan et moi. Écoute ma chérie, je pense que c'est beaucoup mieux comme ça. Ça fait des semaines que vous vous tournez autour et c'est juste arrivé… Ce n'est pas un drame, c'était couru d'avance et je suis heureuse pour toi, comme tout le monde.

— Merci d'être là pour moi Kathy.

— You're welcome Sweety, répondit la jeune femme en la serrant dans ses bras.

— Tu te mets à parler anglais maintenant ? dit Eowyn, amusée.

— Quand je joue à la grande sœur, oui, ça m'arrive souvent, fit Katherine en souriant. D'ailleurs, la grande sœur, que je suis, a une question…

— Je crains le pire… ricana Eowyn.

 Katherine prit un air de conspiratrice avant de demander :

— Qu'avez-vous fait toute la nuit dernière et la nuit d'avant ?

— À ton avis ? On a dormi , pouffa Eowyn.

— Oui, mais avant ? s'impatienta Katherine.

— Eh bien on s'est fait un petit câlin et on s'est endormis dans les bras l'un de l'autre.

— C'est tout ? dit Katherine avec une petite moue. Rien de plus ?

— Oui, acquiesça en rigolant Eowyn devant la mine déçue de son amie. Je suis désolée, rien de bien croustillant et ce n'est pas près d'arriver !

— Tu comptes le faire patienter longtemps ? s'amusa Katherine.

— Ce serait plutôt l'inverse tu vois. Il n'est pas prêt.

— Tu plaisantes ? s'étonna Katherine.

— Eh non !

— Et tu comptes faire quoi ?

— Patienter. Qu'est-ce que je peux faire d'autre ?

— Argumenter, essayer de le convaincre ?!

— Il est hors de question que je fasse pression sur lui, affirma Eowyn. Je l'aime et j'attendrais qu'il soit prêt à franchir le pas. Pour l'instant, on se découvre à peine, c'est bien de prendre son temps aussi pour profiter de chaque moment.

— On dirait ma mère quand on a eu LA discussion…

— Je prends ça pour un compliment, même si je suis passée de petite sœur à ancêtre en moins de cinq minutes.

— Tu préfères la grande sœur ? Voyons… Si tu veux, je peux t'apprendre à poser un préservatif…

— Non merci ! la coupa Eowyn, devenant rouge pivoine. C'est l'heure de laisser tomber le costume de la sœurette. Allez ! Viens ! On a un boulot à finir !