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La Chute

Chron dérivait lentement dans l'immensité du Vide, dans un univers consumé depuis des temps immémoriaux. Elle était tombée aux côtés de millions d'autres il y a déjà trois mois, mais depuis lors, l'ennui régnait en maître.

Soudain, dans la pénombre perpétuelle, elle aperçut un de ses compagnons d'infortune. « Trois cent deux... », murmura-t-elle. Elle l'observa en silence pendant quelques minutes. L'homme portait une armure lourde, son heaume cachait son visage, mais Chron ne doutait pas qu'il venait du centre de la Cité, à l'abri de l'influence du Vide.

Elle soupira, « Sûrement un idiot romantique, pourquoi risquer le Vide quand on peut rester en sécurité et vivre paisiblement la fin du monde... »

Elle commença à fermer ses yeux, mais sentit soudain sa chute ralentir. Son cœur battait la chamade et elle se recroquevilla, espérant devenir aussi petite que possible. Elle serra les dents et s'accrocha à ses avant-bras avec une telle force que ses griffes pénétrèrent légèrement le cuir épais de sa peau.

« C'est le moment de vérité, ma petite Chron... » murmura-t-elle, le souffle court.

Le silence assourdissant du Vide fut soudainement brisé par des cris de terreur, faisant tressaillir Chron.

« Damnation, ils sont déjà là ! » s'exclama-t-elle, sachant que leur temps était compté.

Elle tenta de tourner la tête vers l'origine du bruit, mais se ravisa rapidement. Dans le Vide, il y avait des choses qu'il valait mieux éviter de voir...

Soudain, quelque chose percuta Chron et agrippa sa cheville, la faisant tournoyer dans sa chute. La surprise fut telle que ses griffes dérapèrent, laissant une traînée sanglante sur ses avant-bras.

« Foutredieu ! » jura-t-elle dans un cri étouffé qui se perdit au milieu des hurlements qui résonnaient dans le Vide.

Elle tenta de rester aussi immobile que possible, malgré son corps tremblant de peur, en gardant ses yeux fermés de toutes ses forces.

'Ferme ta gueule, Chron, ferme ta gueule !' s'intima-t-elle intérieurement, tentant de calmer son esprit paniqué.

Les battements de son cœur s'accélérèrent. Elle sentait la créature bouger, lâchant sa cheville pour planter ses griffes dans le bas de son dos, manquant de peu ses lombaires.

Son estomac se noua et les larmes lui montèrent aux yeux. Elle serra les dents, réprimant un cri de douleur.

'Reste immobile. S'il pense que tu es morte, il ira bouffer quelqu'un d'autre !'

La créature continua son ascension, elle était maintenant au milieu de son dos. Chron laissa échapper un grognement étouffé.

'Va bouffer quelqu'un d'autre, va ouvrir la boite de conserve ambulante !'

Les serres de la créature s'enfoncèrent profondément dans ses épaules, provoquant une douleur lancinante. Après une brève pause, un courant d'air glacial vint soudainement caresser sa nuque, faisant frissonner tout son corps. Le temps sembla s'arrêter alors que la situation devenait de plus en plus oppressante.

'Il va me mordre !'

Refusant de céder à la peur, Chron relâcha sa prise sur ses avant-bras et projeta ses griffes dans la direction approximative de la tête de la créature, espérant toucher sa cible.

Elle sentit ses griffes pénétrer dans une masse molle et flasque, presque semi-liquide. Puis, l'enfer se déchaîna. De nouvelles griffes s'enfoncèrent le long de son dos et commencèrent à le lacérer, tandis qu'un hurlement inhumain s'échappait de la gueule du monstre.

Chron ne perdit pas une seconde et plongea à nouveau ses griffes dans la créature.

'Si je dois crever, je t'emporterais avec moi !'

Son cœur battait à tout rompre, la peur qui lui nouait l'estomac avait cédé la place à un désespoir ardent qui avait finalement laissé place à une colère vengeresse.

Chron et la créature se déchiraient mutuellement. Leurs hurlements de douleur et de rage se mêlèrent a ceux de leurs voisins, amplifiant la cacophonie de cris. Chron rendait coup pour coup à son adversaire, couvrant bientôt son propre dos du sang brûlant comme de l'acide de l'assaillant, renouvelant sa fureur vengeresse.

L'affrontement désespéré continua pendant ce qui sembla une éternité avant que la créature ne lâche prise et ne bondisse hors de portée.

Seule, brisée et irradiée de douleur, Chron sentit sa conscience commencer à s'évanouir.

'Si c'est la fin, autant partir dignement', pensa-t-elle.

Elle ouvrit ses yeux et contempla le vide vers lequel elle tombait. Devant elle, rien. La pénombre s'était muée en obscurité absolue.

Elle lâcha prise, se laissant sombrer dans un sommeil sans rêve.