Quelques jours passèrent quand Arja entendit le cheval depuis sa fenêtre et sauta de son lit. Elle se vêtit de la plus belle tenue qu'elle avait et courut jusqu'à la grande salle. Son père et son frère étaient enfin revenus.
Le roi Arak'thor et son fils Ulrich menaient la colonne. Ulrich sauta de son cheval et courut vers sa sœur dans la salle. Ils s'enlacèrent longuement. Elle lui sourit avant de lui demander :
"Comment s'est passée la campagne ? Tu m'as tellement manqué !"
Ulrich sembla perdre sa lumière. Il baissa la tête et secoua négativement la tête.
"Les nouvelles ne sont pas bonnes. L'ennemi s'étend sur notre territoire. Nous ne pourrons pas éviter le conflit et nous devrons préparer l'armée."
Elle avait entendu dire que, récemment, un nouveau roi était apparu dans le nord. La rumeur disait qu'il s'agissait d'un jeune héros sorti de nulle part et qu'il menait les gens à la gloire.
En peu de temps, il eut rassemblé des soldats et des partisans dévoués. Il réussit à étendre ses terres jusqu'à la frontière. Le roi Arak'thor envoya une délégation pour en discuter, malheureusement, aucun homme ne revint.
Arja s'inquiéta de la situation. Bien sûr, elle n'était pas préparée à la guerre. Son éducation se résumait à la broderie et à l'élégance. Elle n'avait aucune idée de ce qui pourrait arriver si le royaume était attaqué et cela la terrifiait profondément.
"Frère, s'il te plaît, dis-moi. Où est le père d'Altraya ?"
C'est alors qu'une voix l'interrompit. La reine, sa mère, apparut et la repoussa.
"Nous, dames, ne posons pas de questions sur la politique ou la guerre. Retourne dans ta chambre, ta coiffure n'est pas correcte".
Arja obéit en silence, elle retourna immédiatement dans sa chambre, mais cette fois, elle sentit que quelqu'un de spécial se trouvait à l'extérieur. Elle se précipita à la fenêtre et aperçut un homme vêtu d'un long manteau blanc.
Elle appela sa servante, mais quand elle arriva, l'homme n'était déjà plus là. Arja ne voulait pas perdre la face alors, elle demanda de l'aide pour son corset.
Arja était une vraie beauté. Elle était mince et grande. Sa peau pâle était comme la perle la plus pure. Ses yeux étaient verts comme les émeraudes les plus rares et ses longs cheveux noirs tombaient dans le bas de son dos pour continuer leur chemin jusqu'à ses genoux.
Elle maquillait ses longues lèvres et s'assura d'être parfaite avant de retourner auprès de son Altesse le roi.
À son retour, alors qu'elle était dans le couloir, elle vit sa mère fermer les portes de la salle de réception. Sa mère avait une figure pâle, elle semblait effrayée par ce qu'elle venait de voir. Elle vit Arja et eut peur pour son enfant, elle prit la main de sa fille et l'entraîna dans le silence le plus absolu.
Arja remarqua que sa mère n'osait même plus respirer normalement. Qu'est-ce qui pouvait bien être si effrayant pour que la reine soit ainsi ? Arja devait le savoir. Elle suivit la reine et simula un retour dans sa chambre, puis repartit.
Le palais était immense. Les longs couloirs étaient tous recouverts de grands rideaux, tous plus riches les uns que les autres.
Arja et son amie Altraya avaient l'habitude de se faufiler derrière ces rideaux pour se rendre dans les cuisines et voler de la nourriture la nuit.
Les deux jeunes filles avaient le même âge, environ quatorze ans. Si Altraya avait une position moins importante qu'Arja, cela ne les empêchait pas de se comporter comme de vraies sœurs et un lien solide existait entre elles.
Arja se dirigea en utilisant les rideaux en direction de la salle de réception. Avec tous ces allers-retours, la journée était déjà finie.
Lorsqu'elle parvint enfin à se glisser dans un passage caché menant à la pièce, elle sentit une main chaude sur elle et faillit s'évanouir de peur. Elle réalisa alors qu'Altraya était là, Arja pensa qu'elle voulait probablement savoir pourquoi son père n'était pas encore revenu. Altraya plaça une main sur la bouche d'Arja pour éviter tout bruit et lui fit signe de se taire.
Arja n'avait jamais vu Altraya avec une expression aussi sérieuse. Il se passait quelque chose de grave. Elle tourna la tête vers l'intérieur et vit enfin.
Un homme en manteau blanc se trouvait au milieu de la pièce, le roi était devant lui, assis sur son trône. Ses mains étaient crispées sur les accoudoirs. Arja réalisa qu'elle n'avait jamais vu son père dans cette position, il avait toujours l'air si confiant. Elle ne l'avait jamais vu inquiet, pas une seule fois.
Son père était le genre de roi aimé comme un dieu. Solide comme un roc et glorifié pour sa force et son courage. Arja sentait même une larme couler d'un de ses yeux en le voyant si stressé.
Devant le roi, l'homme se cachait le visage sous un chaperon. On ne voyait que ses mains et quelles mains...
C'étaient celles d'un mort. La peau collait directement aux os, ses mains étaient grises. La vie ne circulait plus dans ses veines.
Il avait de longs ongles blancs et l'odeur qui se dégageait de lui était nauséabonde. L'air autour de lui était extrêmement froid.
Arja était à la fois curieuse et paniquée, elle ne savait plus quoi ressentir.
L'homme parlait à voix basse, une voix rocailleuse, ajoutant à l'angoisse générale.
Puis le roi se leva et approuva quelque chose. Il suivit l'homme jusqu'à l'entrée principale pour le raccompagner. L'homme tourna la tête vers les rideaux et sourit aux filles. Arja et Altraya, sûres d'être invisibles à cet instant, ouvrirent grand la bouche.
L'homme avait un visage blanc et fin, ses lèvres étaient grises, ses cheveux étaient blancs, mais surtout, ses yeux étaient rouges.
Une fois qu'ils furent partis, Altraya attrapa Arja et courut à l'opposé du palais dans une pièce secrète sous un escalier. L'endroit habituel où les filles se retrouvaient la nuit à l'abri des regards.
Altraya criait de panique.
"Tu as vu ? Est-ce qu'il nous a vues ? Il ne pouvait pas nous voir ! Pourquoi a-t-il fait ça ?!" s'écria Altraya après avoir évacué toute sa peur.
"Qu'est-ce que c'était ? C'était vivant ?"
Arja posa une main sur l'épaule de son amie et vit qu'elle tremblait elle-même. Sa voix était fébrile et elle avait du mal à parler.
"Il nous a vues."
Altraya devint silencieuse. Des larmes coulaient sur son visage. Elle trembla et murmura.
"Le roi a passé un accord avec cette créature."
Toutes deux comprirent ce que cela signifiait.
Le royaume s'effondrait.