Obsession

Quelques jours plus tard, c'était officiel, le troisième général ne reviendrait pas de sitôt car il avait une autre mission. Altraya ne savait pas de quoi il s'agissait, elle sentait que quelque chose n'allait pas et elle commença à espionner.

Tous les soirs à partir de ce moment, elle utilisait les rideaux et allait discrètement écouter tout ce qu'elle pouvait. Au fond d'elle-même, elle savait qu'il était arrivé quelque chose à son père.

Altraya partageait régulièrement ses découvertes avec Arja.

"Ils construisent quelque chose Arja, j'ai entendu un serviteur en parler. Quelqu'un est mort pendant la construction."

Arja s'inquiétait de l'obsession de son amie. Bien sûr, elle essaya de l'arrêter mais sans succès, du moins, elle tenta de rendre les choses plus rationnelles.

"Altraya, écoute-moi, s'ils construisaient quelque chose, nous pourrions le voir, tu ne crois pas ? Et qu'est-ce qu'ils construisent d'après toi ?"

Altraya en voulait à Arja, elle ne pouvait tolérer que sa plus proche amie mette ainsi sa parole en doute, mais elle n'avait aucune preuve et c'était là le principal problème. Elle commença à parler de complot, de plans, de bâtiments cachés, mais elle n'avait rien de solide.

"Je vais le trouver et je vais te le montrer... Tu verras."

Altraya se leva et la quitta, cette nuit, elle était très contrariée. Elle avait tellement essayé de trouver cet endroit, de comprendre ce qui se passait. Elle commença à se dire qu'Arja avait raison et que rien de tout cela n'était réel. Elle pensa qu'elle avait peut-être perdu la tête.

Cette nuit-là, il y eut quelque chose de différent. Elle sentit une brise froide et intense, cachée derrière le rideau, elle était complètement paralysée. Elle sentait ses os craquer et avait du mal à respirer.

Elle ouvrit grand les yeux et le vit. Elle aperçut la créature en blanc alors qu'il marchait rapidement dans le couloir, avant que quelqu'un ne le rattrape.

"Monseigneur, il ne sera jamais prêt à temps. Nous devons y travailler plus que pendant la nuit."

L'homme en blanc semblait furieux mais étonnamment sa voix était douce et agréable. Cela n'avait rien à voir avec son apparence terrifiante.

"Les gens ne peuvent pas savoir, ils ne comprendraient pas et ils paniqueraient. Vous devez le faire en secret, c'est une question de vie ou de mort."

L'autre homme essaya d'argumenter, mais lorsqu'il vit la colère qui faisait rage dans les yeux de la créature blanche, il se ravisa. Il se contenta de faire une révérence et repartit aussi vite qu'il était venu. Il est certain qu'en chemin, il eut probablement dit quelques insultes qui n'étaient pas destinées à être entendues.

L'homme en blanc posa une main sur son front et trembla légèrement. Cet homme avait l'air très faible. Altraya le voyait différemment à cet instant. Ses yeux rouges n'étaient pas si terrifiants. Elle voyait ses longs cheveux de neige, elle se surprit à vouloir les toucher. Elle était sûre qu'ils seraient froids comme de la glace.

Il était grand mais pas trop, légèrement large et musclé. Jeune et très vieux à la fois. Cet homme était intemporel et Altraya se surprit à être en admiration devant lui, elle se sentait en présence d'une créature magique et la magie était quelque chose dont elle avait besoin en cette période. La créature semblait souffrir, ses yeux rouges étaient brillants, elle s'apprêta à bouger quand elle se rendit compte qu'elle était réellement paralysée. Elle vit qu'il était prêt à partir. Il s'arrêta un instant et dit à voix haute :

"C'est une chance que personne n'ait entendu ma discussion. Si une âme inconsciente venait à me suivre, je serais obligé de tuer cette personne et ce n'est pas quelque chose que je souhaite."

Altraya le sentait dans ses veines, elle était terrifiée mais quand bien même. C'était un avertissement à son égard mais elle devait savoir. L'homme marchait lentement et elle le suivit. Il souriait, amusé par son attitude. Il emprunta des petites rues cachées, et peu après, elle le perdit de vue.

Les nuits suivantes, elle attendait au même endroit où elle l'avait perdu la veille. Elle le voyait passer, elle essayait de le suivre comme elle le pouvait mais après quelques secondes, elle le perdait toujours.

Cela faisait déjà une semaine que ce rythme s'était installé, sa frustration grandissait. Elle était si proche et si loin à la fois de découvrir la vérité.

Pendant le dîner, Arja vit que son amie avait l'air fatiguée plus que d'habitude. Tout avait changé après le retour de son père et de son frère. Les dîners étaient désormais silencieux. L'atmosphère était morne et triste. Après le dîner, Arja attrapa Altraya par le bras.

"Je ne t'ai pas vue cette semaine, qu'as-tu fait ?

Altraya avait une expression sombre.

"J'ai lu des livres, viens avec moi."

Arja la suivit jusqu'à sa chambre. Elle fut choquée de voir le chaos qui régnait à l'intérieur. Elle savait son amie si bien organisée et pourtant, elle vit une montagne de livres, de parchemins et de notes. Arja écarquilla les yeux et demanda d'une petite voix.

"Qu'est-ce que c'est que ça ? Altraya, que t'est-il arrivé ?

Altraya eut soudain de la lumière dans les yeux.

"J'ai trouvé la créature. Je sais ce que c'est. Arja, cet homme est une créature du chaos. Regarde ça !"

Tout en parlant, elle montra un morceau de parchemin avec une description et un dessin ancien. Le papier était abîmé et certaines parties manquaient, mais elle put comprendre qu'il s'agissait d'une description d'un "mangeur de vie". La créature dessinée était une sorte de monstre blanc aux oreilles pointues. Arja observa Altraya très sérieusement.

"Altraya, tu vas bien ? Ce sont de vieilles histoires fantastiques fabriquées par les ancêtres. Il n'y a rien de sérieux là-dedans. Que s'est-il passé ?"

Altraya ne pouvait pas cacher sa déception, elle avait presque les larmes aux yeux. Il était facile de deviner que le manque de sommeil était devenu un sérieux problème et qu'elle était obsédée par l'homme en blanc. Elle se lança alors dans un monologue sans même prendre le temps de respirer.

"Tous les soirs, je le suis, je le vois aller quelque part mais à chaque fois, il disparaît. C'est comme s'il passait à travers les murs. J'ai l'impression de perdre la tête, Arja. Ulrich ment au sujet de mon père. Je l'ai vu la veille de leur départ. Ils devaient perdre, puis ils ont dit que c'était une victoire, mais mon père n'est pas revenu. Où est mon père, Arja ? Où est-il ?"

Altraya se mit à pleurer et tomba sur le sol, Arja vint à elle et l'enveloppa dans ses bras.

"Je ne sais pas ce qui se passe, Altraya, je te jure que si je le savais, je te dirais tout ce que je sais."

Arja caressa tendrement la tête de son amie. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il fallait dire ou faire en ce moment et elle en était profondément désolée. C'est alors qu'elle eut une idée.

"Demain, nous irons tous les trois au lac, comme avant, nous nous assoirons et nous profiterons de la chaleur. Cela te fera changer d'air."

Altraya acquiesça. Arja la quitta et s'endormit dans sa chambre, cette nuit fut agitée.