Deux mois plus tard

"Votre grâce, le bébé grandit bien," dit une femme d'âge mûr dans une robe bleu foncé simple avec un stéthoscope autour du cou. Elle regarda la belle dame souriant au ventre bien rond qui se voyait à travers la robe élégante.

"Son excellence serait content des progrès," ajouta la même femme avec un sourire.

"Je sais," Isla pouffa de rire, puis elle fronça les sourcils et sa voix exprima sa préoccupation sincère, "Mais j'aimerais pouvoir sentir le bébé donner des coups de pied."

"Vous le sentirez, duchesse. C'est juste une question de temps et de lieu. Par exemple, ne pas sortir de votre chambre ou de cet étage n'est pas bon pour le bébé. Amelia m'a dit que vous ne quittez jamais l'étage. J'espère que le duc et la seconde madame ne vous dérangent pas ?"

"Non... Je ne veux tout simplement pas d'ennuis inutiles," Isla secoua la tête et posa sa main sur son ventre. "Ce petit est précieux pour moi et je n'ai pas besoin que le bébé soit près de ce genre de père."

La femme ne parla pas, faisant se retourner Isla vers elle, "J'espère que vous comprenez mes opinions, Lily."

Lily, la doctoresse du Grand-duché d'Elrod, acquiesça de la tête en comprenant, "Je comprends, duchesse."

Un sourire triste apparut sur ses lèvres, "C'est juste que vous ressemblez à la regrettée grande duchesse de cette façon lorsqu'elle était enceinte de vous."

"Mère l'était ?" Isla ne s'attendait pas à ce que sa mère soit impliquée dans cette conversation.

Lily acquiesça, "Oui. À l'époque, je n'étais encore qu'une apprentie, et mon maître était celui qui aidait la duchesse pendant sa grossesse. J'étais heureuse lorsque le duc m'a ordonné de venir ici car c'était merveilleux d'aider une autre génération de la lignée des duchesses."

"Oh… ai-je causé du souci à mère ?" demanda Isla doucement. Sa mère... celle qui l'avait mise au monde et était décédée immédiatement sans avoir pu se connaître. Elle était une figure mystérieuse aux yeux d'Isla.

"Non," Lily secoua la tête avec un sourire chaleureux, "Tout comme le petit dans votre ventre, vous étiez aussi douce dans le ventre de son excellence."

"Je me souviens qu'au début de la grossesse de la grande duchesse, elle n'était pas nauséeuse comme mon maître s'y attendait, bien que vous fussiez très difficile concernant la nourriture qu'elle ingérait."

Lily taquina Isla qui sourit.

"Et votre premier coup... Le grand-duc était présent ce jour-là. Il a organisé une petite fête juste pour ça." Lily rit en se remémorant le passé.

Même Isla rit car elle ne pouvait pas imaginer que son père au visage de pierre et maladroit aurait organisé une fête pour cela.

"Son excellence vous a vraiment aimé depuis la naissance, et je suis heureuse de voir la belle relation que vous avez avec lui," Lily tenait la main d'Isla.

"Vous êtes la première personne à me parler de mère," révéla Isla en serrant la main de l'autre.

"Alors je suis honorée, mais la personne qui connaît le mieux son excellence est votre père, Son excellence, et je suis sûre qu'il serait heureux de partager ses souvenirs d'elle avec vous."

"Oui." Aux mots de Lily, Isla acquiesça avec un sourire doux et continua de caresser son ventre.

Comme la consultation était terminée, Lily ne resta pas plus longtemps et fit ses adieux à la duchesse avant de quitter la chambre.

Une fois la porte fermée, elle se tourna vers Spencer, qui se tenait derrière elle comme s'il avait attendu sa présence.

Lily n'était pas surprise car elle s'attendait à ce qu'il, ou plutôt la personne derrière lui, l'appelle... de nouveau.

"Par ici, mademoiselle." Spencer fit un geste de la main vers le chemin du bureau du duc.

"Oui," soupira-t-elle, assez agacée de la lâcheté de l'homme.

Au lieu de rendre visite correctement à la duchesse et à leur enfant, il l'appelle et ordonne qu'on lui rapporte les nouvelles de la grossesse de la duchesse. Lily aurait pu refuser si elle l'avait voulu, car ses maîtres étaient le grand-duc et la duchesse, mais le duc était le père. Il avait encore le droit de savoir pour son enfant, au moins.

Toc

Toc

"Votre grâce, le docteur de la duchesse est ici," Spencer annonça leur présence avec un coup sur la porte avant de l'ouvrir.

Lily entra seule tandis que Spencer restait dehors.

"Votre grâce," elle s'inclina respectueusement, puis leva la tête vers l'homme aux cheveux roux derrière le bureau.

"Comment vont la duchesse et le bébé ?" Dante leva les yeux des papiers sur le bureau.

"La duchesse est en bonne santé, et le bébé grandit bien," répondit honnêtement Lily.

"Alors je suppose que Mademoiselle Lily ne peut pas s'occuper de ma deuxième épouse ?"

"Le duc devrait savoir que je suis uniquement au service de la duchesse, et pas d'une autre personne. Son excellence serait mécontent si je traitais une autre personne qui n'est pas la duchesse."

"Bien sûr.." murmura Dante alors que la scène du Baron Sylvester le mettant en garde contre le grand-duc lui revenait à l'esprit.

Effectivement, son beau-père n'était pas du genre à rester inactif. Mais le duc fut surpris car il savait combien la relation entre le père et la fille était maladroite et distante, plus que quiconque.

Comme l'avait dit la doctoresse devant lui, le grand-duc l'avait envoyée sous prétexte que rien ne doit arriver à son petit-enfant sinon le duché Hayes cesserait d'exister dès ce moment-là.

Il se souvint quand il l'avait reçue il y a deux mois, quatre jours après son mariage avec Annalise. C'était aussi le jour de sa consultation, mais il ne savait pas que la consultation de la duchesse avait lieu le même jour.

"Qui êtes-vous ?" Interrogea-t-il après que Spencer l'ait amenée dans son bureau.

"Je suis Lily, la doctoresse de la famille Elrod. Le grand-duc m'a envoyée pour prendre soin de la duchesse car il a entendu dire qu'il n'y avait pas assez de personnel pour s'occuper de sa fille, ou plutôt qu'ils étaient désireux de servir la maîtresse."

"Modérez votre langage !" Il siffla en avertissement. Même après son mariage, il y avait encore des gens qui osaient l'appeler maîtresse en sa présence.

Non intimidée, Lily continua, "Je ne sers que la duchesse et Son excellence."

Dante pouvait voir que la doctoresse ne le craignait pas, tout comme la femme de chambre. Chacun d'entre eux de ce ménage ne le considérait pas, et il connaissait la raison de ce manque de respect flagrant.

"La consultation de Son excellence a lieu aujourd'hui, et le grand-duc ne veut aucun problème à cause de votre négligence."

"Quoi ?" Étonné par sa révélation, il se tourna vers Spencer, qui était à ses côtés ce jour-là. "Je ne le savais pas. Pourquoi le baron Stewart ne m'a-t-il pas informé ?"

"Votre grâce devrait savoir que le grand-duc ne permettra pas que la duchesse soit déshonorée par une simple maîtresse. Je resterai dans le duché jusqu'à l'accouchement de Son excellence, et ensuite jusqu'à ce qu'elle puisse s'occuper du bébé," répondit Lily à la place de Spencer.

À ce moment-là, il n'avait pas compris le sens de ses paroles, mais maintenant il comprenait. La duchesse avait dû être au courant de la commotion ce jour-là et avait envoyé chercher la doctoresse du grand-duché, car elle pouvait deviner qu'il ordonnerait au docteur de vérifier Annalise en premier lieu.

Était-il si prévisible ? Ou n'avait-elle plus confiance en lui pour s'occuper d'elle ?

Était-il si insensible à ses yeux ?

Chaque fois qu'il s'agissait de la duchesse, il commençait à se remettre en question, lui faisant ressentir cette douleur familière dans son cœur.

"Très bien... vous pouvez partir," Il renvoya Lily. Finalement, la meilleure chose qu'il pouvait faire dans cette situation était d'éviter l'autre jusqu'à son accouchement.

Puisqu'il avait prévu de divorcer après, le bébé resterait sous la garde d'Annalise car la duchesse ne pouvait pas emmener l'enfant avec elle au Grand-duché.

"Ce sentiment devrait aussi cesser d'ici là." Sa main alla à sa poitrine, serrant le gilet bleu foncé dans l'agonie.

"Oui," Lily s'inclina une fois de plus et se retourna pour quitter le bureau.

Au même moment, Spencer fit irruption dans la pièce et son regard inquiet se tourna vers Dante.

"Votre grâce, Son excellence est dans le jardin, et la seconde madame est là."

"Quoi ?"