Les couloirs du laboratoire étaient silencieux. Il n'y avait pas le moindre passage. C'était comme mort, et ce depuis plusieurs jours déjà. Asgorath, toujours enfermé dans la salle d'expérimentation, écoutait attentivement. Ne pas servir de cobaye et de banque de sang reposa son corps et son esprit. Ces jours de tranquillité lui furent nécessaire pour sortir de son état second et récupérer. Il attendit ensuite une journée de plus pour être certain. Il s'appliqua ensuite à recouvrer son énergie vitale et spirituelle.
Ses préparatifs prêts, le jeune démon projeta son énergie spirituelle autour de lui, lentement, délicatement. Il vérifia l'absence de gardes et marqua le territoire. Puis, il se décida. Il satura d'électricité les chaines de fer l'emprisonnant. Le métal rougit et chauffa, puis se ramollit. Plusieurs minutes plus tard, Asgorath brisa ses chaines dans un craquement métallique. Il se releva doucement et s'étira, confirmant l'état déplorable et faible de son corps. Il était aussi douloureux mais, heureusement, il n'était pas gravement blessé. Juste des égratignures et des cicatrices.
Asgorath récupéra son sac dimensionnel laissé à l'abandon et le fouilla. Ses armes avaient été volées, tout comme les noyaux et morceaux de bêtes magiques qu'il stockait dedans. Il lui restait toutefois quelques vêtements qu'il s'empressa de mettre. Il plaça le sac en bandoulière et s'approcha de la porte. Il n'entendit rien et décida d'ouvrir doucement la porte. Aucun danger. Le réincarné sortit donc de la pièce et projeta son énergie spirituelle dans les corridors avec précaution. Il quadrilla la zone, réfléchit un moment et prit à gauche.
Le faux humain ne pouvait cependant pas recouvrir l'intégralité de la base avec son énergie spirituelle. Il n'avait en fait accès qu'à une infime partie. Véritable labyrinthe, le centre de recherche du sorcier était creusé à même la montagne. Des centaines de corridors rocheux la parcouraient de tout sens.
Plus le Kzhan'La avançait, plus il se perdait. Il déambulait sans savoir où aller, ne pouvant que se construire une piètre carte mentale. Après plus d'une heure de marche, sa carte s'était étoffée mais il ne trouvait toujours pas la sortie. Fourmilière. Cette base a été construite comme une fourmilière, mais en pire. Un grand nombre de pièces différentes, toutes interconnectées, réfléchit Asgorath en s'arrêtant et observant. Il y a toujours plusieurs entrées et sorties dans une fourmilière, et la pièce la plus importante est toujours enterrée au plus profond. Le sorcier doit être là. Après, comme tout humain prévoyant … … … il a dû penser à placer une sortie de secours. Sa base est entièrement vidée. Il doit aussi être parti.
Le réincarné se décida et changea de chemin. Il s'enfonça dans le dédale, vers le cœur du centre de recherche. Il marchait, marchait et marchait à travers les corridors. Il se trompa plusieurs fois de chemin, mais se rapprochait de son objectif. Les couloirs étaient vides et silencieux. Le son des pas du faux humain étaient à peine perceptible. Les torches, dispersées, n'illuminaient pas assez. L'ambiance était propice à la paranoïa, ressemblant à des moments particuliers des films d'horreurs. Mais cela n'affectait pas Asgorath. Il avançait, les yeux vides d'émotions mais déterminés. Des yeux semblables à un abysse. Noirs, glacial et sans fond. Des yeux qui ne voyaient que l'objectif final. Un objectif se rapprochant à chaque minute.
« AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHH !!!!!!!!!!! »
Un hurlement empli de rage résonna. Il fut suivi par le son du verre se brisant et du bois et du métal frappant le sol avec force. Le faux humain stoppa net. Il rétracta son énergie spirituelle au même instant. Tendant l'oreille, il écouta. Pas un son. Puis un nouvel hurlement rageur. Le Kzhan'La était certain, cette fois-ci. Le nécromancien était au bout du couloir. Il ne le voyait pas encore à cause de la formation des couloirs, mais il était là. La rage du mage noir était palpable. Il semblait avoir perdu la raison. Asgorath décida d'en profiter. Lentement, sans faire de bruit, il se rapprocha.
« AAAAAAAAHHH !!!! CES ENFOIREEEES !!!! JE VAIS LES TUER !! TOUS LES TUER !! COMMENT OSENT-ILS ?! COMMENT OSENT-ILS ?! TOUT SE PASSAIT BIEN ET MAINTENANT … … … AAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHH !!!!!! Foutus Gardes Impériaux ! Foutus Gardes Impériaux de merde ! Foutue armée à la con ! Détruire mes créations … … … m'attaquer … … je vais tous les crever !!!! J'étais si près de réussir !! Si près de le tuer ! FAIIIIS CHIIIIEEEEEERR !!! »
Marchant à pas de loup, Asgorath se rapprocha. Les hurlements et les invectives du sorcier couvraient le peu de bruit qu'il faisait. Il arriva à la source des hurlements et se cacha dans une ombre, observant la pièce et le fou hurlant à l'intérieur. Le sorcier était accoudé sur un bureau. Il le frappait avec ses poings de temps à autre. Tout en observant, le faux humain se préparait. Il tendit et serra ses doigt, formant une épée, et les remplit d'énergie vitale. Son coup était prêt. Il ne lui restait plus qu'à … … … …
« Ha ha ha ha ha !!!! J'ai peut-être échoué cette fois mais ce n'est pas fini ! J'ai toujours mes recherches ! Et ça ! Tant que je l'aurais, rien ne pourra me stopper ! Ha ha ha ha ha ha ha ha ha !!! »
L'humeur du sorcier changea complètement. Un rire hystérique s'échappa de ses lèvres alors qu'il se redressait. Il tendit les bras. Ses mains, rapprochées comme pour récupérer de l'eau, tenaient une gemme ronde d'un diamètre de dix centimètres, d'un noir pure et profond. L'atmosphère autour d'elle était étrange. Inquiétante. Effrayante, même. Mais cela ne gênait pas le mage noir. Ses yeux brillaient d'adoration, de fanatisme. Il ne pouvait voir que la gemme.
Asgorath s'approcha de lui, tel un spectre. Et frappa comme l'éclair. Sa main transperça le dos fragile du sorcier et ressorti par le torse. Il tenait dans sa main le cœur du nécromancien. Dans un geste tout aussi rapide, la main se retira. Le jeune démon écrasa le cœur entre ses doigts et laissa ses morceaux tombés au sol. Le sorcier s'effondra. La gemme lui échappa et roula. Mortellement blessé, mais toujours en vie, il se retourna pour voir son agresseur. La surprise le prit lorsqu'il vit son cobaye. Ce dernier, les yeux vides luisant de haine et rage glaciale, leva son pied. Il l'abattit sur le crâne du sorcier et l'écrasa comme un insecte dans un horrible craquement suivit d'un répugnant bruit spongieux.
Le Kzhan'La se détourna du cadavre et observa la gemme. Il tendit la main pour la saisir. A l'instant où ses doigts la touchèrent une aura noire et désolée le pénétra. Elle submergea son esprit en une fraction de seconde. Désespoir et frayeur l'envahirent. La seconde suivante il fut envahi d'une soif de tuer démesurée. En un clin d'œil il se crut mourir de milles façons différentes. Et il tua d'autant de manières. Les morts s'enchainaient à un rythme effréné. Etranglement. Décapitation. Noyade. Ecartèlement. Crucifixion. Explosion. Incinération. Poison, lent ou rapide. Ces morts étaient causées par des ennemis parfois, et par des amis en d'autres occasions. Il vit Jenny et les autres de l'Académie des Neuf Voies le tuer. Même sa mère, Grevya, et des personnes de sa vie passée apparurent pour le tuer. Certaines de ces personnes étaient des connaissances, d'autres importantes et quelques-unes traumatiques. Et Asgorath mourut. Encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore et encore. Et il tua tout autant. Ses bourreaux devinrent ses victimes et il leur infligea les mêmes supplices. Encore et encore et encore et encore et encore et encore … …
Chaque mort blessait profondément le réincarné. L'érodait. Le changeait. Son âme, jusqu'alors victime de l'aura meurtrière, en prit les caractéristiques. Tuer devint plus que quelque chose de nécessaire. Cela devint une véritable pulsion, un besoin impérieux qu'il devait assouvir. Les visions changèrent avec l'âme. Les scènes de morts et de meurtres se transformèrent en scènes de massacres et de carnages immondes. Asgorath se voyait massacrer des hordes d'individus. Des bandits, des soldats, des fermiers, des nobles, des artisans, des hommes, des femmes, des enfants et des vieillards formaient les marées innombrables que le jeune démon exterminait. Les marées innombrables qui affaiblissaient et rongeaient son âme.
Ces visions n'étaient pas que des hallucinations. Elles étaient aussi réelles. Dans l'esprit d'Asgorath et chaque seconde s'écoulant autour lui représentait une éternité de guerre et de sang.
« RRRRAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHH !!!!!!! »
Un rugissement bestial et glaçant jaillit du faux humain. Ses yeux, dénués de vie, s'illuminèrent. Son énergie vitale et son énergie spirituelle explosèrent. Sa main s'affermit et se referma sur la gemme. Ses énergies enveloppèrent l'aura noire de la gemme. L'âme du démon se raffermit et se densifia, profitant des blessures infligées pour se renforcer. Plus forte, elle put se battre contre les hallucinations et les visions causées par l'aura désolée. Synchrone avec le corps, elle vibra et rugit. Dans les visions, des fissures apparurent dans le ciel, les airs et sur le sol. Les fissures grandirent et … … … volèrent en éclats comme du verre dans un fracas assourdissant.
« Aaaaaaaaaaaah, inspira bruyamment Asgorath. »
Il haleta plusieurs minutes. Ses vêtements, trempés de sueur, lui collaient à la peau. Une flaque de sueur s'était formée à ses pieds. Qu'est-ce que … c'était que ça ? Horrible. Trop horrible. Cette sensation de mourir encore et encore … … Asgorath frissonna et secoua la tête. Il se releva avec difficulté et regarda la gemme noire, une certaine frayeur dans les yeux. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais on dirait qu'au moins ça ne se reproduira plus. Je vais la mettre dans le sac dimensionnel. On verra ce que c'est plus tard. Sortir d'ici est la priorité.
Le faux humain scruta les murs et projeta son énergie spirituelle. Il repéra rapidement des mécanismes cachés. Il les activa, révélant une sortie secrète dans un grincement sourd. Le jeune démon ne réfléchit pas et l'emprunta. L'ouverture se referma quelques secondes plus tard. Asgorath marcha sans s'arrêter ou un regard en arrière. Le couloir était une ligne droite. Elle l'amena jusqu'à une sortie. Au-delà se trouvait la forêt. Maintenant, trouver un endroit où se reposer pendant quelques jours. Ensuite, je retourne à l'Académie.
Ses pensées dans la tête, il s'enfonça dans la forêt et disparut dans ses ombres.