Sous le Ciel Étoilé d'Eldoria

Le ciel se teintait lentement d'orange et de pourpre, alors que les derniers rayons du soleil embrasaient l'horizon. Eldoria, avec ses remparts imposants, se dressait devant Ale comme une forteresse ancestrale, gardienne des âges passés. 

Ale fouilla dans sa poche et sortit la Solisphère, un artefact hérité de son grand-père qu'il avait récupéré parmi les débris de sa maison. Contrairement aux montres, véritables joyaux fabriqués par les plus talentueux forgerons nains, et réservés à la noblesse et aux riches marchands, la Solisphère était un instrument populaire, prisé par les petits commerçants et voyageurs. Ce bijou technomagique, simple mais efficace, fonctionnait à l'aide de mana plutôt que de mécanismes métalliques complexes.

La sphère de verre légèrement opacifiée était gravée de fines runes. Ale la caressa du bout des doigts avant d'y injecter un peu de mana. En réponse, la Solisphère s'illumina doucement, une lumière dorée se matérialisant à sa surface. À l'intérieur, une réplique miniature du cadran solaire se révéla, indiquant l'heure grâce à une projection lumineuse représentant la position du soleil.

Il la fixa un instant. Il était 18h40. Ale souffla doucement, soulagé. Il avait encore le temps d'atteindre la ville avant que les portes ne se ferment. Avec un peu de chance, il pourrait enfin se reposer dans une véritable auberge, profiter d'un bain chaud et savourer un repas bien mérité après cette longue journée.

Cependant, à mesure qu'il s'approchait, il remarqua une agitation inhabituelle près des portes. Une foule s'était amassée devant l'entrée, et les grandes portes en bois étaient déjà closes. Intrigué, Ale s'avança et lut le panneau dressé à l'entrée :

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 

|

| En raison des récents troubles dans la région, la ville d'Eldoria ferme ses accès entrée/sortie à partir de 18h. 

| 

| Signé : Vicomte Alaric de Montclair

|

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 

Il soupira, légèrement déçu. Il n'était pas le seul à être recalé dehors. Environ une trentaine de personnes attendaient, certaines visiblement frustrées, d'autres résignées. Parmi elles, des voyageurs, des marchands, des aventuriers et des groupes de réfugiés portant sur leurs dos tout ce qu'ils avaient pu emporter de leurs vies passées.

Des campements improvisés commençaient à s'installer devant les portes. Ale décida de trouver un endroit tranquille pour passer la nuit. Sous un grand arbre non loin de là, il installa son campement. Il sortit une pierre magique de feu pour chauffer son poêle portable. De son espace de stockage spatio-temporel, il fit apparaître des champignons et des herbes comestibles qu'il avait récoltés en chemin. Depuis son plus jeune âge, il avait appris l'art de la cuisine avec son grand-père, qui disait souvent : « Après le labeur, rien n'égale le réconfort d'un bon repas. »

Alors qu'il préparait son plat, une délicieuse odeur commença à se répandre dans l'air, attirant l'attention de certains voyageurs.

« Bam, je t'ai dit que les portes fermaient plus tôt maintenant ! » Une voix féminine, teintée d'agacement, se fit entendre non loin de là. Ale leva les yeux et aperçut une jeune fille aux cheveux attachés en queue de cheval, visiblement en train de réprimander un garçon costaud mais un peu rondouillard.

« À cause de toi qui n'arrives pas à te réveiller tôt, on est partis trop tard ! » continua-t-elle.

« Ça fait plus d'un mois qu'on est partis en mission, j'avais oublié que les horaires avaient changé, » se défendit Bam. « Et puis, Solia, tu traînes le matin aussi à te maquiller... »

« Quoi ? Donc c'est de ma faute maintenant ? » s'indigna la dénommée Solia.

« Allez, allez, on se calme, » intervint un troisième compagnon, Tim, un garçon mince aux cheveux frisés teints en roux. « Ça ne sert à rien de se plaindre. On doit juste passer une nuit de plus dehors. »

« Je pensais à un bon repas ce soir, à prendre un bain chaud... Ma peau a besoin d'être mieux traitée après cette périlleuse mission, » se lamenta Solia.

Les trois aventuriers, fraîchement devenu aventuriers de la guilde d'Eldoria, revenaient de leur mission.

Soudain, Bam renifla l'air avec insistance. « Mais ça sent bon... » dit-il, « Mais Tim, tu sens cette odeur ? Je n'y résiste pas ! » répondit Bam, les yeux fixés en direction d'Ale.

« Laisse les gens tranquilles, on a de quoi manger, » intervint Solia.

Mais Bam ne pouvait plus se contenir. Poussé par la gourmandise, il se leva et s'approcha d'Ale. Tim tenta de le retenir par le bras.

« Bam, reviens ici ! »

« Juste une minute, je vais lui demander gentiment, » insista Bam, se libérant de l'emprise de Tim.

Arrivé près d'Ale, Bam afficha un sourire gêné. « Bonsoir ! Excuse-moi de te déranger, mais ton plat sent vraiment délicieux. Est-ce que tu accepterais de partager ? »

Ale leva les yeux vers lui et sourit chaleureusement. « Bien sûr, avec plaisir. Installe-toi. »

Surpris par cette réponse positive, Bam s'assit rapidement près du feu. Tim et Solia, voyant cela, décidèrent de le rejoindre.

« Désolés pour notre ami, » dit Tim en s'asseyant à son tour. « Il est un peu gourmand. »

« Ce n'est rien, j'aime bien avoir de la compagnie, » répondit Ale. « Je m'appelle Ale. »

« Enchantée, Ale. Moi, c'est Solia, et voici Bam et Tim. Nous sommes aventuriers, fraîchement inscrits à la guilde d'Eldoria. Nous revenons d'une mission qui a duré plus longtemps que prévu, » expliqua Solia.

« Ravi de vous rencontrer, » dit Ale en servant des portions de son plat à ses nouveaux compagnons.

Solia, reconnaissante, proposa : « En échange, nous pouvons partager nos provisions. Nous avons du pain, des céréales et de l'eau. »

« Et aussi ces fruits dorés ! » s'exclama Bam en sortant de son sac plusieurs fruits à l'apparence scintillante. « On les a reçus d'un marchand sur la route. Ils sont vraiment délicieux et redonnent de l'énergie. »

Ale sourit. « J'en ai également. On pourra les manger plus tard en dessert. »

Le groupe partagea ainsi un repas convivial. Les plats préparés par Ale étaient savoureux, et les aventuriers apprécièrent grandement sa cuisine.

« C'est vraiment délicieux ! » s'exclama Bam en reprenant une bouchée. « Je n'ai pas mangé quelque chose d'aussi bon depuis longtemps. »

« Tu es un excellent cuisinier, Ale, » ajouta Solia. « C'est rare de rencontrer quelqu'un qui sait aussi bien préparer les champignons de la forêt. »

« Merci, c'est mon grand-père qui m'a tout appris, » répondit-il modestement.

Après le repas principal, ils décidèrent de déguster les fruits dorés. Bam était particulièrement enthousiaste.

« Vous allez voir, ces fruits sont incroyables ! Non seulement ils sont délicieux,

mais en plus ils redonnent de l'énergie. »

Ils croquèrent dans les fruits, savourant la chair juteuse et sucrée qui se fondait dans la bouche. Une sensation de chaleur et de vitalité parcourut le corps d'Ale. Il se sentait revitalisé, mais il remarqua également une légère sensation étrange, comme une ombre fugace dans son esprit. Mais l'instant d'après, la sensation disparut.

« C'est vraiment bon ! » s'exclama Tim. « Je me sens déjà plus en forme. »

« Oui, mais j'ai l'impression que ça me donne encore plus envie de manger, » remarqua Bam.

« Tu as toujours faim, Bam, » plaisanta Solia en riant.

Ale sourit, mais resta pensif un instant. « Ces fruits sont en effet spéciaux. Vous savez d'où ils viennent ? »

« Le marchand nous a dit qu'ils viennent d'une nation lointaine. Il espère les introduire dans l'empire, » expliqua Tim.

« Intéressant, » murmura Ale.

La nuit était désormais tombée, et les étoiles parsemaient le ciel d'une myriade de lumières scintillantes. Le feu crépitait doucement, apportant chaleur et lumière.

« Demain, nous pourrons enfin entrer à Eldoria, » dit Solia en s'étirant. « J'ai hâte de retrouver un vrai lit. »

« Moi aussi, » acquiesça Tim. « Peut-être que nous nous recroiserons en ville, Ale. »

« Avec plaisir, » répondit-il. « Je prévois de m'y installer pour un moment. »

Après quelques dernières discussions, le groupe décida de se reposer. Chacun s'installa confortablement, enroulé dans sa couverture.

Le silence de la nuit enveloppa le campement, seulement troublé par le murmure

du vent et le chant lointain des insectes nocturnes. Peu à peu, les paupières d'Ale s'alourdirent, et il sombra dans un sommeil paisible, entouré de ses nouveaux compagnons.