Chapitre 38 Tel père, telle fille.

« Edward ? 

Oui, mon amour ? »

Il se redresse sur son coude et me regarde tendrement. Je fonds. Nous sommes dans notre chalet, en tenue légère allongés sur le tapis devant la cheminée.

« J'aimerai savoir ce que tu sais de moi et de mon secret après avoir lu dans mes pensées. »

Je n'ose pas le regarder. J'ai peur de ce que je pourrais voir. Il place son index sous mon menton et m'oblige à relever la tête. Ses yeux n'expriment ni colère, ni déception.

« Je me demandais quand tu oserais en parler.

Au départ, ça ne me dérangeait pas, mais j'ai réalisais que je mentais à tout le monde, y compris Charlie et je n'en peux plus de vivre ainsi. Je ne veux plus rien vous cacher. Le problème, c'est que j'ai toujours la même restriction. Et je ne sais pas ce qui te reste à découvrir. Si tu veux parler du jeu… »

Je me fige.

« … Je suis au courant. »

Je me relève pour mettre mes yeux à la hauteur des siens.

« Est-ce que je suis même réel ? me demande-t-il.

Tu es tout ce qu'il y a de plus réel pour moi, je réponds avec émotion, prenant son visage en coupe avec mes mains. Tout comme mes sentiments pour toi… Mais ce qu'on vit n'est pas réel, c'est ça ? C'est ce que je croyais au début, mais maintenant, je pense qu'en fait, tout est réel. Sinon le jeu ne m'aurait pas averti que je pouvais mourir si je faisais les mauvais choix… Et ce qui est sûr, c'est que mes sentiments pour toi sont réels. Je sais, murmure Edward, l'air toujours désemparé. Mon cœur, je sais que ça va te paraître dingue, mais je pense que je viens d'un autre monde. Dans mon monde tu es un personnage de livre. Un livre dont Bella et toi êtes les personnages principaux. Est-ce qu'il se termine bien ? demande-t-il d'une voix neutre, sans laisser transparaître d'émotions. Oui, vous avez votre éternité ensemble… Mais pour cela, vous passez par beaucoup d'épreuves. J'ai pu le constater… remarque-t-il. Non, tu n'y es pas. Ces épreuves sont pires encore. C'est pour cela que des fans de l'histoire essaient de modifier le scénario par le leur. Et c'est sur ce principe que se base le jeu Fantastic Book Online. Les joueurs peuvent essayer de modifier le scénario original par le leur et ont pour but de terminer le jeu par un happy end… Un happy end… murmure Edward dans sa barbe. C'est pour cela que tu as pris certaines décisions sans nous consulter… Il me fallait empêcher que certaines choses se produisent pour arriver à notre fin heureuse. Et pour cela tu as décidé de faire croire à Alice que tu étais ma compagne… Complète Edward d'un ton acide. Non ! Je m'exclame. C'est vrai qu'au départ, je pensais avant tout à ma survie. Mais tout ce que je t'ai dit, tout ce que j'ai vécu avec toi est réel. J'ai fini par tomber amoureuse de toi. »

Je place ma main sur sa joue, la caresse doucement et poursuis :

« Ce n'est plus un jeu pour moi. Et pour être tout à fait honnête, je ne sais même pas si je veux revenir à mon ancienne vie.

Nous en sommes à quelle partie de l'histoire ? demande-t-il en ignorant ma dernière phrase. Au milieu du dernier livre… Nous combattons et gagnons contre les Volturi… … Et quand tu auras ton happy end, tu pourras rentrer chez toi, complète Edward, d'un ton plat. En théorie… »

Je soupire.

« D'après les fenêtres de l'aide que j'ai sollicité au début du jeu, si je termine l'histoire, je peux choisir où je veux aller…

Pourquoi as-tu l'air si hésitant ? demande Edward, les yeux tristes. Tu vas bientôt pouvoir revoir ta famille et tes amis. Reprendre ta vraie vie et ton vrai corps. Je… Je ne suis pas sûre de vouloir reprendre le cours de cette vie, je bafouille. J'ai découvert avec vous des émotions et des sentiments dont j'avais entendu parler sans jamais les expérimenter. Et à ce moment-là, ça ne me manquait pas. Mais j'ai maintenant que j'en ai pris conscience, je n'ai pas envie de continuer sans. Tu retrouveras l'amour et tu te feras de nouveaux amis, plus normaux… Comment le pourrais-je ? Je m'exclame, la lèvre tremblante. Alors que vous êtes dans mon cœur pour toujours ? »

Edward ne répond pas. Il me prend dans ses bras et me serre contre lui en caressant mes cheveux. Je voudrais oublier cette conversation et me fondre dans son étreinte pour toujours, mais j'ai encore quelque chose à évoquer avec lui.

« Edward ?

Oui, répond-il dans un souffle. »

Je peux entendre que notre échange l'a, lui aussi, bouleversé.

« Je dois dire la vérité à Charlie. Je dois lui dire que je ne suis pas sa fille. »

Edward reste silencieux un moment, puis me dit doucement :

« Il l'a un peu deviné. »

Je me relève en sursaut et regarde, effarée, un Edward avec un demi-sourire.

« Quoi ?

Charlie est observateur. Il a remarqué que tu n'agissais pas comme Bella. Mais s'il le sait, pourquoi est-ce qu'il me traite comme sa fille ?! Je suis un imposteur. Pourquoi tu ne lui poserais pas la question ? Je n'ai pas le droit d'être aussi directe… je réponds, maussade. Encore ces quêtes farfelues… Quelle est la pénalité cette fois ? Oh… comme d'habitude… La mort… Je réponds, d'une voix faussement détachée. »

Edward arrête de bouger complètement, il ne respire même plus. Je lui caresse la joue pour le rassurer.

« Je vais trouver une solution. Il me faut juste une occasion… »

Je m'assois, décidant qu'il me faut une pause pour trouver une idée. Je me tourne vers Edward et lui demande :

« Est-ce que je peux te jouer un morceau de guitare ? »

Il me regarde brièvement, puis soudain il n'est plus là. La seconde d'après il est de retour à mes côtés avec l'étui de ma guitare. Je sors mon instrument, me concentre un peu et me lance. J'avais anticipé une situation où je serai incapable d'avouer à Edward mon secret et une chanson m'était alors revenue en tête. Une chanson dont je n'avais pas appris à jouer la musique, mais dont je connaissais les paroles et la mélodie. Patiemment, je m'étais entrainée en tâtonnant pour trouver la meilleure façon de la jouer. C'était le moment de voir si ces efforts avaient portés leur fruit.

Je n'ai pas la voix aussi puissante que Sofia Carson, mais je pense que sa chanson « Love is the name » est reconnaissable. Je regarde Edward droit dans les yeux quand je prononce les phrases :

Life is a video game* (*La vie est un jeu video)

And we could be in love* (*Et nous pourrions être amoureux)

A la fin du morceau, il me prend les mains, les embrasse et m'avoue :

« Je me moque de savoir si je suis un personnage fictif. Tout ce qui compte, ce sont les moments que l'on passe ensemble et l'amour que l'on a l'un pour l'autre. Je t'aime Eowyn… Pour toujours et à jamais. »

Il m'embrasse tendrement et je répète contre ses lèvres sa dernière phrase.

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Finalement, c'est Charlie qui est venu à moi en premier. Il m'a proposé d'aller pêcher. Je l'ai averti qu'il aurait peut-être du mal à attraper quoi que ce soit avec moi à côté, mais il a insisté et j'ai accepté. Nous voici donc sur une barque, canne à pêche à la main dans un silence qui aurait pu être confortable si je n'avais pas quelque chose que je devais absolument lui dire. Encore une fois, c'est Charlie qui fit le premier pas.

« Bella ?

Oui papa ? Comment c'est de vivre ici, avec moi ? Ce sont les meilleurs moments de ma vie papa, je réponds sincèrement. Je ne suis pas trop ennuyeux ? Tu es le meilleur papa au monde. Et je ne te trouve pas ennuyeux du tout. Alors passer l'éternité à me côtoyer n'est pas un problème ? Papa, on en a déjà parlé, je dis, en soupirant. Ce n'est pas ça qui me préoccupe. Je veux juste que tu sois heureux et que tu ne regrettes pas ton choix. En parlant de regret. Ta mère ne te manque pas ? Renée, je veux dire « maman », a déjà pris ses distances avec moi. Il ne sera pas difficile de maintenir cette distance un certain temps je pense. Je te parle de ta vraie mère Bella… »

Je tourne brusquement mon visage en direction de Charlie.

« Comment …

Au quotidien… Tes expressions, ton caractère, tes compétences en guitare et au contraire ton absence d'intérêts pour la littérature anglaise… Tu écris parfois des mots en français dans tes texto et tu ne comprends pas les publicités en espagnol. »

Plus il énumère mes erreurs et plus je me fige. Je me demande encore comment il a pu rester silencieux après avoir accumulé autant d'indices.

« Mais, si tu as remarqué ça… Je commence avec hésitation. Pourquoi tu ne m'as pas confrontée ?

Parce que j'aimais la personne que ma fille était devenue, déclare-t-il en regardant l'horizon. J'ai honte aussi de ressentir cette émotion, parce que j'aime Bella et cela ne changera pas… Mais avant même de comprendre que tu n'étais pas elle, tu avais commencé à prendre une place dans mon cœur… Tu es le père que je n'ai jamais eu, Charlie, je lui avoue d'une petite voix. Au début, j'ai essayé de ne pas m'impliquer émotionnellement, mais en vivant à tes côtés, j'ai eu la chance de… Tu es un père formidable… »

Je commence à sangloter, sans pouvoir produire autre chose que des larmes venimeuses. Je sens Charlie se rapprocher de moi.

« Je n'ai pas eu la chance d'avoir un père aimant, alors quand je t'ai rencontré… Tu m'as rendue tellement heureuse. Je me sens bien avec toi. »

Charlie pose sa canne et me prend dans ses bras. Il approche son visage de mes cheveux et y dépose un gros baiser.

« Grâce à toi, j'ai ressenti la chaleur d'un foyer pour la première fois depuis longtemps et le plaisir de rentrer à la maison en sachant que quelqu'un m'attend et compte sur moi. Tu as autant de place dans mon cœur que Bella. »

A ces paroles, j'ai presque l'impression que mon cœur pourrait se remettre à battre.

« Tu es aussi ma fille. »

Cette dernière phrase finit de me soulagée. Je ressens un tel poids en moins que j'ai l'impression d'avoir porté jusque-là une semi-remorque sous chacun de mes bras.

« Eowyn… je chuchote. Je m'appelle Eowyn.

Enchanté, Eowyn, me répond Charlie sur le même ton. »

« Quête validée, une récompense va vous être accordée. »

Je ne peux m'empêcher de penser que j'ai déjà reçu ma récompense…

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Les jours suivants sont passés comme un éclair. J'ai revu Jessica et mes amis de la Push. Paul a fait toutes les blagues beaufs qu'il connaissait sur notre régime alimentaire et la pâleur de ma peau et je lui ai répondu en évoquant son odeur musquée et sa pilosité excessive sous forme de loup. Emily, Rachel et Jessica sont toutes les trois gaga des enfants et j'ai surpris des chuchotements entre Sam et Emily qui m'indiquent qu'il est fort probable que nous ayons bientôt des louveteaux dans la réserve d'ici quelques mois.

Jacob est un peu possessif vis-à-vis d'Eline et cela agace à la fois Edward et Rosalie. Si les échanges restent courtois la plupart du temps, celle-ci a tout de même tenu à se procurer une gamelle pour Jacob sous sa forme de loup. De son côté, il l'appelle désormais Blondie, au plus grand agacement de Rose. J'imagine que certaines choses ne peuvent être changées.

De mon, côté, je travaille par correspondance. Pour tous, j'ai développé une maladie chronique à l'étranger et je suis revenue à Forks pour me soigner. Charlie a pris des vacances prolongées pour s'occuper de sa fille malade, officiellement. Renée n'est bien sûr pas au courant. Elle pourrait débarquer sans crier gare avec force et fracas et honnêtement, je ne suis pas sûre qu'elle puisse gérer la situation aussi bien que Charlie.

Celui-ci se prépare à sa transformation. Tanya et Carlisle lui parlent de la communauté vampire dans le monde de leur histoire et des règles à respecter. Il le prend avec beaucoup de calme et de sérénité. Je pense que la présence de Tanya et notre échange l'ont aidé à voir plus clair dans ses objectifs de vie. Désormais, il n'attend plus le retour de Renée, il se lance dans une nouvelle partie de sa vie avec à ses côtés des personnes qu'il aime et qui l'aiment.

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Cela fait maintenant cinquante heures que j'entends des gémissements dans la chambre de Tanya. Charlie a reçu le venin de Tanya selon sa volonté après avoir rendu une dernière visite à Billy. Je pensais que celui-ci s'opposerait farouchement à sa transformation, mais il s'est contenté d'emmener Charlie pêcher. Au retour de leur balade, ils étaient tous les deux détendus, mais j'ai tout de même vu leurs yeux rougis par des larmes essuyées.

Enfin, après une nouvelle heure d'agonie, les gémissements cessent. Nous levons tous les yeux vers l'étage. S'ensuivent des bruits d'objets cassés. Nous nous précipitons vers l'étage, mais Edward nous arrête en se plaçant devant la porte de la chambre. Il secoue frénétiquement la tête. Carlisle est sur le point de demander ce qu'il en est, quand nous entendons des gémissements et des coups rythmés qui ne laissent aucun doute sur les activités des occupants de la pièce.

Nous décidons de nous échapper au plus vite de la maison quand les bruits redoublent de volume. Je pense qu'Edward n'a jamais couru aussi vite qu'à cet instant-là. Une maison en ruine plus tard et quelques jours plus tard, c'est un Charlie tout penaud qui passe le pas de la porte de la villa, sous le regard moqueur de Garrett et d'Emmett.

« Je suis profondément désolé Esmée pour votre maison, lui dit-il la tête basse.

Ne vous en faites pas Charlie, c'est sans commune mesure aux dégâts réalisés par Emmett et Rosalie dans leurs premières années. C'est difficile de se contrôler quand on a dans ses bras une telle beauté, répond Emmett sur un ton ringard. Pffff, soupire Rosalie moitié exaspérée, moitié amusée. En tous cas, vous avez à nouveau le contrôle, constate Jasper, un peu dépité. Ça semble de famille… Tu ne crois pas si bien dire, annonce Eleazar. Non seulement il a un bon contrôle de lui-même, mais son instinct peut lui permettre de trouver les bon mots pour contrôler les gens. C'est son don ? demande Tanya, intriguée. Oui, je ne sais pas si c'est son instinct qui lui permet d'unir un ensemble d'individus ou s'il s'agit de deux dons distincts mais je comprends maintenant d'où vient le talent de Bella. C'est génial papa, je m'exclame en le prenant dans mes bras. Cependant, reprend Eleazar, je crains que cela n'attise la curiosité des Volturi.»

En effet, ceux-ci ne semblaient pas changer d'avis. Alice a tenté plusieurs scénarios, mais même en leur donnant la preuve que j'ai été transformé, ainsi que Charlie, ils voudront nous voir en personne. Nos dons plairont à Aro et nous finissons par devoir leur faire face. Après délibération, nous avons décidé de faire appel à des témoins, comme dans le livre.

C'est ainsi que je me retrouve à guider Dracula un et Dracula deux dans la forêt jusqu'à notre villa. Tic et Tac, comme j'ai décidé de les nommer, rejoignent donc l'Auberge Espagnole vampirique que nous avons décidé d'accueillir…