Piège mortel partie 2

La mission, l'explosion, puis l'effondrement nous avaient grandement fatigués. Je pris donc le temps de creuser une petite crevasse dans le mur du donjon afin de pouvoir facilement s'y abriter, et s'y protéger le cas échéant.

J'en profitais pour faire une distribution de potion afin que tout le monde puisse récupérer rapidement. D'après Tom, il est possible qu'une telle explosion provoque une rupture du donjon. Autrement dit, on risque de voir apparaitre plus de monstres, et plus fort qu'ils ne le sont normalement.

Je pris une autre potion, d'énergie cette fois-ci. Plus vite je retrouverais mon énergie, plus vite nous pourrons nous diriger vers la sortie.

- (Éric) Euh… Espérance, je sais qu'on est pressés, mais fait gaffe à pas boire trop de potions en même temps !

- (moi) Euh… C'est vrai, t'as raison ! Mais en même temps, faut que je sois prête lorsque des monstres vont arriver. Et puis, si le type de tout à l'heure décidait de nous poursuivre…

- (Tom) Avec ce qui vient de se passer, je doute qu'il moisisse ici.

- (moi) En cachant sa présence, il peut tenter de nous attendre à la sortie !

- (Tom) A l'heure qu'il est, des soldats doivent avoir transmis l'information à la cité, qui ne va pas tarder à envoyer des troupes expérimentées pour gérer la situation. Autant te dire qu'il n'arrivera pas à se cacher d'eux.

- (moi) Ok, mais ça ne m'empêche pas d'être prudente !

- (Éric) C'était juste pour t'avertir, tu sais.

« Vivement les cours sur l'utilisation des potions ! Sinon, je vais faire des conneries sans le savoir !»

Chacun prit le temps de s'alimenter un peu, récupérant à leur rythme. Pour ma part, je restais attentive à toute perturbation sonore m'indiquant la venue d'un quelconque ennemi. Depuis l'effondrement qui a failli coûter la vie à certain de mes camarades, l'endroit était plutôt silencieux. Un silence pesant, comme s'il se préparait quelque chose dans l'ombre.

Les monstres normalement à proximités avaient déjà été vaincus pour la plupart par notre groupe. Mais il devait probablement en rester un peu plus loin dans la grotte.

Le temps passait ainsi, je restais attentive pendant une bonne dizaine de minutes, mais rien de significatif ne se produisit. Mes amis avaient enfin suffisamment récupéré et nous étions prêts à plier bagage lorsqu'un son strident commença de nouveau à résonner dans la caverne.

Ça venait une nouvelle fois de l'étage d'en dessous. Des bruits rythmés, de plus en plus forts, de plus en plus nombreux, et finissant par ne former qu'un tout. Il devint rapidement évident que la prédiction de Tom s'avéra être exacte.

La vague de monstre se trouvant sous nos pieds se dirigeait dans le même sens que nous. Sachant qu'un escalier vers l'étage inférieur se trouvait à mi-chemin entre nous et la sortie, notre temps était devenu très limité.

Tout le monde se mit au pas de course, poursuivi par cette sinistre mélodie dont chacun se serait passé. Cependant, je me dis que si j'arrivai à mieux percevoir les sons, je pourrais peut-être mieux anticiper le temps qu'il nous restait vraiment.

Ce fut une action que je regrettais rapidement. Lorsque j'affinais un peu mon ouïe, le son résonna pendant un bref instant dans ma tête avant que je décide d'atténuer un peu la douleur. Puis je commençais à entendre un peu plus distinctement les actions se déroulant sous nos pieds. Et entre les battements d'ailes, les quelques bourrasques et autre mouvements aériens constituant la majorité de ce qui était audible, je finis par reconnaitre le bruit du métal, des épées et des armures.

Difficile de dire s'ils s'en sortaient bien…

A vrai dire, j'en doutais beaucoup. La vague de monstre semblait vraiment écrasante en comparaison de leurs mouvements, faible et difficile à discerner. Je pouvais entendre quelque fois quelqu'un crier, mais impossible de discerner quoi que ce soit d'intelligible. Je continuais de les écouter ainsi pendant encore quelques minutes, constatant qu'ils se dirigeaient eux aussi vers notre étage. Mais la suite me fit comprendre qu'il n'y avait pas grand-chose à espérer.

Au final, je préférai me concentrer sur notre progression, faisant comme si de rien était. De toute façon, je ne les connaissais pas, inutile de nouer des liens avec des gens déjà morts. C'est égoïste, certes, mais ça me fera de la compassion en moins à gérer, tout en augmentant mon espérance de vie. De toute façon, j'étais impuissant. Donc à quoi bon.

Notre marche forcée nous emmena à travers des grottes assez spacieuses dans lesquelles quelques monstres se firent une joie de nous accueillir en nous sautant dessus. Des crocodiles, mais aussi quelques Golems de pierres. Tous avaient visiblement gagné en force, et devenaient un peu plus difficiles à manœuvrer.

Heureusement, ils n'étaient pas suffisamment nombreux pour nous inquiéter, et une fois les crocodiles hors d'état de nuire, il ne nous restait plus qu'à contourner les Golems, trop lent pour pouvoir nous poursuivre.

Notre course continua ainsi jusqu'à finalement atteindre l'escalier marquant la frontière entre le deuxième et le troisième niveau. Nous étions les premiers, mais de peu. Nous pouvions déjà les entendre en train de monter jusqu'à nous. Des créatures volantes, et à pattes aussi.

Etant incapable de boucher l'entrée des escaliers en si peu de temps, nous poursuivîmes notre course vers la sortie.

Un parcours qui s'avéra avoir été facilité par un autre groupe passé juste avant nous. Quelques cadavres de monstres jonchaient le sol ici et là, mais ce ne fut pas notre préoccupation première. Derrière nous, quelques créatures volantes commençaient à se rapprocher. Des créatures difformes, légèrement plus petite qu'un humain, et surtout, semblant n'être constituées que de lianes. Elles avaient des ailes à la place des bras et le bas de leurs corps ne formaient qu'une simple queue, comme celle d'un serpent. La chose semblait avoir pour tête une boule de racine entremêlée, mais il m'était impossible d'y distinguer des yeux.

Nos poursuivants avaient un vol erratique, et donc difficile à prévoir, ce qui compliquait ma tâche pour leur tirer dessus. Cependant, ce genre de cible ne semblait pas trop déranger Paul, qui arrivait à en abattre quelques-uns, diminuant un peu la pression qu'ils commençaient à exercer sur nous.

Notre avancé continua ainsi pendant quelques minutes. J'essayai d'assister notre archer en plaçant quelques attaques, mais je touchai rarement ma cible. Au final, je finis rapidement par me contenter de toucher ceux trop près de moi pour qu'ils puissent esquiver. Cet échange permanant commençais à avoir doucement raison de notre endurance, si bien que je finis par envoyer à Paul une petite potion d'énergie faible histoire qu'il puisse tenir le coup jusqu'à la sortie.

D'autant plus que la sortie se présenta enfin à nous. Un escalier salvateur, aussi solide et imposant que pouvait l'être celui qui nous avait amené dans ce donjon. Je pouvais aussi voir quelques soldats postés dans l'escalier, déjà en train de se battre.

Normalement, cela serait une bonne chose pour nous. Ça nous apporterait des alliés supplémentaires, augmentant nos chances de survie. Cependant, cela voulait aussi dire que nous nous étions fait finalement devancer par les monstres.

20, 30, non, juste beaucoup, beaucoup trop d'entre eux apparaissaient entre nous et la sortie. Pour le moment, les soldats semblaient en mesure de tenir leur position, mais il était clair qu'ils n'allaient pas rester éternellement ici. Quelques archers commençaient à concentrer leurs tirs sur notre route afin de nous créer une ouverture, mais ce n'était clairement pas suffisant.

Les monstres, majoritairement des scorpions noirs comme la nuit, possédaient une taille ne dépassant pas la moitié de la nôtre. Mais ça ne les rendaient pas moins dangereux pour autant. En fait, ils posaient le même problème que les mille pattes que j'avais déjà rencontré. Un nombre imposant et une attaque pouvant empoisonner.

Voyant qu'il nous serait impossible de passer de front sans subir de lourds dégâts, je décidais de tenter une manœuvre risquée.

- (moi) Vite ! Rapprochez-vous de moi, je vais nous faire passer par-dessus !

- (Éric) Euh… T'es sure de coup, là ?

- (moi) Non ! D'autres idées ?

- (Paul) Arrête de parler et fait nous sortir de là !

Sans plus attendre, je me concentrais afin de décoller la partie du sol sur laquelle notre groupe se trouvait. Tom se tenait en première position, bouclier levé. A ses côtés, Éric, épée à la main, se préparait à trancher les créatures volantes qui s'apprêtaient à nous faire barrage dans les airs, alors que Paul restait en dernière position afin de couvrir mes arrières. Je nous soulevais alors dans les airs, à environ 2 mètres au-dessus du sol.

A cet instant précis, alors que nous avancions dans les airs, évitant la masse de scorpions au-dessous de nous, je sentis la pression colossale qu'exerçait ma technique sur mon corps. Nous n'avions fait que quelques mètres, et le flot d'énergie passant en grande partie dans mes bras commençait sérieusement à me faire mal. Je savais, à cet instant précis, que je serais incapable d'atteindre les escaliers. Peu importe comment je regardais la situation, j'allais être forcée à nous poser au milieu des monstres.

Sachant cela, je fis accélérer la petite plateforme sur laquelle nous étions. S'il nous était impossible d'atteindre notre but par les airs, je pourrais toujours nous y faire glisser. Le seul petit problème est qu'en faisant cela, je rendais la tâche à Éric plus ardu. Les monstres volant arrivant sur lui de plus en plus vite forçaient chacun de ses mouvements à être plus précis, plus vif, et plus net.

Et son état de fatigue n'était pas là pour l'aider. Tom, de son côté, bloquait un maximum de créature avec son bouclier, les projetant hors de notre trajectoire.

Trajectoire qui commença déjà à piquer du nez alors qu'on était à peine à mi-chemin de la délivrance. J'étais clairement en train d'atteindre mes limites, sentant une vive sensation de brulure dans mes bras. La douleur était à la limite du supportable, mais surtout, je sentais que je commençais à perdre petit à petit mon contrôle sur mon propre corps. Mes bras commençaient à fondre sous ma chemise. Je n'avais plus le choix, si je continuais, je ne serais plus en mesure de me cacher. Mais je ne pouvais pas m'arrêter ici, sinon…

Une main se posa fermement sur mon épaule, me tirant de mes pensées. Je relevai la tête pour voir Tom me fixer sous son casque. Difficile de dire s'il était calme, mais son ton, doux et fort à la fois, semblait aller dans ce sens.

- (Tom) Poses-nous, on se charge du reste.

Sans réfléchir plus longtemps, j'obéis, coupant, progressivement mon énergie. Je restais accroupie, prête à encaisser le choc, tout comme mes compagnons. Le bloc de pierre nous servant de plateforme perdait progressivement de l'altitude, les créatures volantes nous passant par-dessus la tête. Puis j'aperçu quelques queue de scorpion toucher l'avant de notre moyen de transport, avant que des bruits visqueux, grotesques et particulièrement désagréables ne se firent entendre.

Enfin, notre vol arriva à son terme, la plaque de pierre percuta le sol dans un fracas de roche assourdissant. Nous glissâmes ensuite sur plusieurs mètres, probablement grâce au sang des créatures écrasés par notre plateforme. Mais pas le temps de s'attarder. Il restait encore une bonne quinzaine de mètres entre nous et les escaliers.

Tom fit le premier pas. Il se plaça en tête, devant les monstres, et activa quelque chose sur son bouclier. L'instant d'après, tous les scorpions, et même quelques créatures volantes, furent éjectés de son chemin. Je m'apprêtais à partir à sa suite lorsque ce dernier m'attrapa par le col et me projeta en avant avec une force que je ne soupçonnais même pas.

Je n'étais pas du tout prête pour ça. Je m'envolais telle une poupée désarticulée en direction des escaliers, n'ayant aucune idée de comment me rattraper. Heureusement, un garde se chargea de la réception, m'agrippant comme un sac à patate. Je me retrouvai dans une position un peu gênante, tête vers le bas, mais le garde me posa rapidement, ne laissant paraitre aucune émotion, ni aucune remarque à ce sujet.

De toute façon, mon attention était trop rivée vers l'action en cours, et je dois avouer que j'avais vraiment peur de ce qui risquait de suivre. Mais mes craintes furent vite infondées lorsque Paul fut à son tour projeter vers les escaliers. Comme je m'y attendais, personne ne s'embêta pour amortir sa réception, et il vint s'étendre de tout son long sur les marches à côté de moi.

Pour le reste, Tom et Éric furent capables de nous rejoindre en forçant le passage avec le soutien des soldats. Éric avait visiblement prit quelques coup, mais il ne semblait pas être dans un état critique pour le moment. A ce moment-là, nous fûmes enfin en mesure de quitter ce maudit guêpier.