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Préparations

S'absentant pour faire un tour dans la matinée, Sin rentra au manoir. Cependant, après avoir ouvert la porte d'entrée, il fut surpris par ce qui l'attendait. 

Ce n'était nul autre que Claire qui se trouvait au niveau de la salle à manger - en train de disposer un copieux repas. Son allure se montrait bien plus décontractée que le statut de vestale et de paladin qu'elle arborait d'habitude. Ses cheveux de braise, dont le ton flamboyant s'accentuait sous les rayons du soleil, étaient détachés et un tablier épousait ses splendides formes comme celle d'une femme au foyer. 

En entendant Sin revenir, son visage s'illumina. 

— Oh, chéri ! Tu es enfin rentré ! s'exclama-t-elle d'un sourire chaleureux.

Qu'est-ce que c'est que ça ?! pensa-t-il étonné.

— Tu travailles si dur... tu devrais te reposer de temps en temps ! 

Elle déposa le plat qu'elle tenait sur la table, relevant avec grâce l'une de ses mèches rousses.

— Viens, j'ai préparé le petit déjeuner ! À moins que tu ne préfères d'abord prendre un bain ?

Sans lui laisser le temps de répondre, elle se mit à rougir.

— Ou bien tu voudrais plutôt... me prendre moi ? supposa-t-elle en se désignant du doigt.

Pas de doute, c'est bien elle… soupira Sin en silence.

— Je peux savoir ce que tu fais ici ? Où sont Lissandra et Fenris ?

La jeune femme riait devant ces propos incohérents.

— Toi et ton humour alors ! Ils ont quitté le manoir depuis bien longtemps voyons ! Quelle farce es-tu encore en train de me préparer ?!

Sa réponse désorienta le chevalier. Le visage découvert de ce dernier ne pouvait cacher les signes de son incompréhension.

— Attends ! l'interpella-t-elle. Tu… Tu ne vas pas me dire que tu as déjà oublié pourquoi ?!

Avec douceur, Claire caressa son ventre avec un air joyeux.

— Je te rappelle que nous allons avoir un bébé…

Alors que cette révélation le submergea d'un étrange sentiment, Sin s'extirpa brutalement de son sommeil. 

Qu'est-ce que...

Des gouttes de sueur perlaient sur son front pâle. Elles ne provenaient pas du rêve absurde qu'il venait de faire, mais plutôt de la chaleur matinale ambiante. 

Au vu de sa posture assise, nul doute qu'il s'était endormi juste après avoir posé ses fesses sur le sofa. 

Il se frotta les yeux pour s'assurer que son cauchemar était terminé. En les ouvrant, il se retrouva nez à nez avec Fenris qui le dévisageait. Pour paraître intimidant, celui-ci avait pris une taille bien plus grande que celle qu'il revêtait d'habitude en ville.

— Un cauchemar ? demanda la bête avec cynisme.

— On peut dire ça oui...

Le regard du loup se baissa légèrement au niveau des cuisses de Sin. Ce dernier suivit les yeux ambrés de la bête jusqu'à apercevoir une chose incongrue. 

De mieux en mieux...

Une tête argentée était posée dessus. Sin ne sentit à aucun moment le corps mince de Lissandra assoupie sur lui. Malgré le charme enfantin et l'aura douce qu'elle dégageait, il la dévisagea, circonspect.

— Pédophile ! s'exclama Fenris avec fureur.

En de rares occasions, le chevalier eut l'air gêné.

— Ce... Ce n'est pas ce que tu crois…

— Alors que toutes ces viles femelles humaines te courent après, tu devais t'attaquer à cette innocente fillette ?!

Sin reprit sa nonchalance habituelle et lui soupira :

— Elle a dû se glisser ici pendant que je dormais. Ne va pas t'imaginer n'importe quoi encore…

Il pressa aussitôt son doigt sur la joue de l'élémentaliste jusqu'à ce qu'elle se réveille. Un bâillement gracieux sortit de la bouche de cette dernière, comme si elle avait passé une merveilleuse nuit. 

Soudain, elle remarqua quelque chose d'anormal. Apercevant tout d'abord Fenris, elle sentit les cuisses sur lesquelles elle se reposait. En tournant la tête, elle se rendit compte de la situation. Ce fut la première fois que Lissandra voyait Sin au grand jour, elle ne le reconnut donc pas sur le coup. Tout en rougissant, elle bondit de l'autre côté du canapé.

— Qui… Qui êtes-vous ?!

Le chevalier riait face à cette réaction exagérée. Malgré le complexe qu'il éprouvait pour sa propre apparence, il ne se lassait pas de l'expression terrifiée des gens qui ne l'avaient encore jamais vu.

— Ce n'est que moi.

— Sire Sin ?

Il acquiesça avec un signe de la tête, accentuant par la même occasion le teint écarlate que le visage pâle de Lissandra exprimait. Même si la situation se voulait gênante, elle le contempla longuement - comme si elle n'arrivait pas à détourner son regard. 

Quelle beauté… Elle est à la fois captivante et effrayante. Je comprends maintenant pourquoi il se cache. Cette beauté… elle est inhumaine, pensa-t-elle en reprenant ses esprits.

— Je peux savoir ce que tu faisais là ? demanda Sin d'un air dubitatif.

Elle réfléchit un instant, perdue. Puis avoua sans tergiverser :

— Heu… D-Désolé, je… Je ne me souviens pas de ce qu'il s'est passé après être sorti de la taverne... 

Sin soupira de nouveau et regarda Fenris.

— Tu vois. Elle s'est probablement glissée ici sous l'effet de l'alcool. De toute manière, s'il était arrivé quelque chose, elle se le rappellerait.

— Ne sois pas si prétentieux, humain ! grogna la bête sans grande conviction.

Sur le coup, le chevalier arbora un discret rictus. Il se leva, se dirigeant à l'autre bout du salon où se trouvait la cuisine. Toute cette agitation lui ouvrit l'appétit.

— Je vais vous préparer à manger, vous l'avez bien mérité après la journée d'hier. 

— Si c'est là un gage de corruption, alors je l'accepte volontiers ! s'exclama Fenris sans opposer plus de résistance.

***

Quelques jours plus tard, les aventuriers avaient repris des forces et se montraient totalement reposés. La semaine fut agréable et paisible. Ils profitèrent de ce calme pour faire plus ample connaissance avec Lissandra et familiariser cette dernière au manoir. 

De bon matin, Sin feuilletait un manuscrit adossé au cerisier éternel. Il savourait ainsi les bienfaits du soleil radieux et de l'air marin porté par le vent jusqu'à ce que Fenris le rejoigne. Sans décrocher de sa lecture, il l'interpella :

— Tu as bien dormi, sac à puces ?

— Oh, tu sais... que je dorme ou non, cela ne change pas grand-chose, répondit la bête avec un grand bâillement.

— En effet, ce doit être difficile d'être une divinité, ajouta le chevalier avec sarcasme.

Fenris hocha la tête comme pour ignorer ces paroles.

— Au fait, il serait peut-être temps de lui réapprendre les bases de la magie, tu ne crois pas ? Les dieux n'autoriseront pas une formation. Et bien que tu sois un animal paresseux, tu es le plus qualifié de nous deux pour ça.

— Oh… Tu penses vraiment que j'avais besoin de toi pour me le rappeler ?

Sin tourna la tête dans un coin du jardin, se souvenant avoir aperçu d'étranges traces sur le sol.

— Je me demandais bien ce qui avait pu amocher la pelouse de cette façon…

Et aussi qu'ils me paraissaient bien calme cette semaine.

— Ha ha, oui ! Pendant que tu batifolais en ville, j'en ai profité pour lui enseigner des exercices afin qu'elle renforce son endurance, aboya fièrement la bête. Je n'ai pas encore commencé la partie difficile, mais tu sais bien que cette fillette à un énorme potentiel. Si ce n'était pas le cas, je ne m'intéresserais pas à elle.

— Dans ce cas, tu ferais bien de pratiquer ce genre de choses dans les plaines. Je n'ai pas le temps de nettoyer vos conneries... 

— Bien sûr ! s'exclama Fenris avec une grimace.

— En attendant, j'étais étonné que tu te préoccupes d'une simple humaine, mais tu y trouves bien un intérêt personnel finalement. On dirait que ta nature détestable revient au galop…

Tout en humant l'air salin avec délicatesse, le louveteau médita un instant à ces paroles acerbes :

— Hmm... C'est vrai que je me demande parfois ce que je fais ici avec quelqu'un d'aussi pathétique que toi.

Sin arbora soudain un rictus face à cette nouvelle provocation. Il lisait dans les pensées de la bête sans la moindre difficulté.

— Tu ne pourrais pas te passer de ma cuisine si tu partais. Je te donnerai une semaine avant que tu ne reviennes la queue entre les jambes.

— Ça doit être cela ! confirma Fenris en riant. Pour la fillette, je comptais l'emmener aujourd'hui. La demi-portion doit avoir terminé nos commandes.

— Bien, acquiesça Sin tout en continuant sa lecture. 

Alors qu'ils en avaient fini avec cette remise à l'ordre, Lissandra fit soudain son apparition. Elle se frottait les yeux avec nonchalance, encore à moitié endormie et les cheveux en bataille. 

— Mon lit n'est pas très confortable, mais à ton retour, dans le cas où tu reviendrais, Cid devrait avoir aménagé ta chambre, déclara le chevalier en la regardant du coin de l'œil.

Elle lui répondit de manière évasive, semblant n'avoir rien compris. Dépité par

cette réaction paresseuse, Sin pensa à haute voix :

— Qu'ai-je fait aux dieux pour devoir m'occuper de cas comme vous ?

Fenris rit de nouveau, jubilant des paroles grincheuses de son partenaire.

— Je te rappelle que tu étais pareil plus jeune ! Lorsque le soleil était à son zénith, tu ronflais encore avec un filet de bave pendue aux lèvres.

— Tu n'as pas tort.

Sin abandonna sa lecture quelques instants en se remémorant une image peu gracieuse de lui-même. 

C'était le bon vieux temps… 

Par la suite, il interrogea l'élémentaliste à propos de l'accord qu'ils passèrent la veille.

— Où vivent tes parents actuellement ?

— Heu… Hé bien... Ils habitent à Auros ! répondit brutalement Lissandra en reprenant ses esprits. C'est un village élyséen à quelques lieues de la frontière du royaume elfe.

Ce nom interpella le chevalier, il lui semblait familier. 

Est-ce que ce serait… Hmm... Je me trompe peut-être. Je vais devoir vérifier ça à la guilde... De toute manière, je dois aussi passer voir Cid pour ma nouvelle arme.

— D'accord. Si vous avez faim, il y a des restes de la veille dans la cuisine.

Il posa son manuscrit et se leva. Les trois compagnons se dirigèrent à l'intérieur pour se restaurer et préparer cette prochaine journée. 

***

En début d'après-midi, Sin partit en ville, seul comme à son habitude. 

De son côté, Fenris motiva Lissandra pour une nouvelle session d'entraînement à la magie. Ils allèrent tout d'abord à la forge de Cid pour récupérer la cotte de mailles et l'amulette commandées quelques jours auparavant. 

Une fois de plus, en entrant, ils étaient accueillis par le grincement infernal de la porte de la boutique. Après quelques instants, personne ne se présenta. On entendait au loin quelqu'un en train de vociférer. 

De par son statut divin, Fenris perdit vite patience. En représailles à cette légère attente, il émit un lourd aboiement qui résonna dans toute la pièce et au-delà. Cependant, ce caprice se retourna aussitôt contre lui. Se tenant dans les bras de l'élémentaliste, cette dernière le lâcha brusquement pour se boucher les oreilles face au bruit désagréable qu'il venait de produire.

— Ah ! C'est vrai que j'aurais peut-être dû te prévenir, remarqua-t-il d'un air moqueur alors qu'il était affalé sur le vieux plancher en bois.

Elle grinça des dents, foudroyant par la même occasion la bête avec un mépris palpable.

— J'arrive ! cria une voix lointaine.

Le nain se précipita vers son comptoir à une allure que l'on pouvait qualifier de lente pour la plupart des espèces.

— Oh ! V'la mes meilleurs clients ! s'exclama-t-il d'un ton charmeur comme s'il souhaitait se faire pardonner.

— Ce n'est pas de cette manière que tu t'en feras de nouveau, demi-portion !

Le regard doux de Cid s'effaça à son tour, remplacé par un autre bien plus terrifiant.

— Tu vas pas non plus t'y mettre, corniaud d'loup ! J'étais d'jà en train d'gueuler après cette grande tige boiteuse d'Héphaïstos.

— Je ne te demanderai pas pourquoi. Vos histoires de couples ne m'intéressent pas ! rétorqua Fenris. J'imagine que tu as terminé la commande de la fillette ?

Cid acquiesça en riant et sortit un bac en bois sur l'étagère derrière le comptoir. Par curiosité, Lissandra pencha la tête par-dessus pour voir son contenu. La maille argentée de sa tenue mixte scintillait malgré la faible luminosité ambiante. Un paquet, entouré de tissus, se situait juste au-dessus.

— Je… Je peux ? demanda-t-elle timidement.

— Bien sûr, tout est à toi ! confirma le nain avec un grand sourire.

La jeune fille déballa l'amulette et prit un air émerveillé lorsque celle-ci se retrouva enfin à l'extérieur. Le cristal possédait une teinte pourpre étincelante. Il n'avait plus rien à voir avec la pierre délabrée qu'elle lui donna.

— Est-ce que…

— Oui, c'est le même cristal !

Elle n'en revenait pas. Réalisant que le travail accompli se révélait fantastique, la divinité la regarda avec satisfaction. 

Je te l'avais dit, c'est l'un des meilleurs !

Sans même l'avoir mise autour du cou, l'élémentaliste ressentait un étrange pouvoir émaner de l'accessoire.

— C'est vraiment une pierre de qualité, ajouta Cid. Héphaïstos m'a expliqué comment l'traiter, finalement c'était pas si différent d'un cristal naturel !

Tout le monde semblait rassuré quant à la réussite de cet ouvrage. Lissandra sortit la cotte de mailles par la suite. Celle-ci s'avérait encore plus belle que ce qu'elle imaginait. Malgré cela, la tenue restait lourde, à tel point qu'elle la reposa rapidement dans sa boîte. Cette réaction prévisible extirpa un rire moqueur à Fenris et Cid.

— T'inquiètes pas, gamine. Au début ça fait son poids ! Puis on s'y fait vite à la longue. J'ai une cabine par là. Si tu veux mon avis, tu devrais commencer à la porter dès maintenant !

Le nain pointa du doigt un espace avec un grand rideau dans le coin de la boutique. Elle regarda son compagnon poilu avec hésitation, ce dernier acquiesça avec son assurance habituelle.

— D-D'accord... Vous avez raison, le plus tôt sera le mieux, accorda-t-elle avec un sourire gêné.

Finalement, la jeune fille prit un long moment pour se changer. Après tout, c'était la première fois qu'elle portait ce genre d'équipement. En ressortant de la cabine, elle arbora un air groggy, écrasé par le poids de sa nouvelle tenue.

— Ha ha ! Par ma barbe, heureusement que tu n'as pas choisi la cotte en acier ! déclara Cid.

Lissandra rougissait. Néanmoins, elle restait tout de même satisfaite de son acquisition. Elle se sentait plus aventurière, mieux protégée. Elle ressentait déjà une forme d'adrénaline rien qu'en la revêtant. 

Initialement, elle pensait peu commun le fait de posséder ce genre d'armure pour sa classe. Cependant, en regardant de plus près, elle se rendit compte que cette dernière se camouflait parfaitement avec sa robe par-dessus. 

Je me suis peut-être trompé… Les autres mages doivent aussi en porter après tout ! 

Une fois son analyse hâtive terminée, Lissandra interpella Cid pour le dédommager de son excellent travail.

— Je vous dois un magnus d'or, c'est bien ça ?

— Oui, c'est bien ça. Mais Sin a tout réglé, donc tu ne me dois rien !

Elle ne savait plus où se mettre. D'un autre côté, la bienveillance de son partenaire ne surprit pas Fenris. 

Quel humain déconcertant...

— M-Mais… Mais… quand a-t-il fait ça ?! demanda-t-elle avec beaucoup d'incompréhension.

— Le jour même de votre commande. Il paye toujours tout à l'avance ! C'est une sale manie qu'il a, mais avec tous les services que j'lui rends… J'pense que c'est une façon pour lui de dire qu'il a confiance en mon travail !

Une forme de joie et de satisfaction se lisait dans le regard du nain, mais ce n'était pas le cas de Lissandra. Elle ressentait un malaise par rapport à la situation. 

Sire Sin est bien trop généreux. Comment vais-je pouvoir le remercier pour tout ce qu'il fait...

— Bon ! Sans être impoli, j'vais retourner botter l'cul de ce bourricot de dieu ! N'hésitez pas à r'passer à l'occas', les jeunes !

— Merci pour tout, Cid ! s'exclama Lissandra avec un grand sourire.

Fenris fit un signe à son tour en guise de reconnaissance. Tandis que le nain se dirigeait à l'arrière de sa boutique, les deux compagnons en sortaient.

— Bien ! Maintenant que tu as tout ton équipement, on va aller s'entraîner dans la plaine ! aboya le louveteau.

— Vous avez d'autres choses à m'enseigner ? suggéra-t-elle avec excitation.

— Oui, je vais te réapprendre les bases de la magie.

— C-Comment ça ? Pourtant au manoir, nous avons déjà pratiqué… 

— Cette fois-ci, ça n'a rien à voir ! Je t'expliquerai ça une fois là-bas. En route !

Même si cette affirmation lui semblait ambiguë, l'élémentaliste n'insista pas et s'exécuta. Ils se dirigèrent tous deux à l'extérieur de la ville pour accéder à leur nouveau terrain d'entraînement.

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