Ils se tenaient devant les imposantes portes de Kolvaris, la ville perchée sur la montagne, un vent frais soufflant dans l'air, apportant avec lui une sensation de mystère.
Lynael, les yeux fixés sur les portes massives, tourna la tête vers Katherina, une question brûlant ses lèvres.
« Pourquoi nous envoyer dans cette ville, Katherina ? »
Katherina, d'un regard assuré, répondit calmement en avançant d'un pas vers les portes.
« Je vais tout vous expliquer une fois rentrés dans la ville. »
Alors qu'elle s'approchait, les portes s'ouvrirent dans un fracas retentissant. Deux silhouettes massives apparurent, ressemblant à des gardes, avançant vers eux. Ils portaient des armures en cuir, sur lesquelles était gravée une créature verte ressemblant à un dragon. Leurs pas résonnaient sur le sol pavé de pierre.
Le premier garde s'avança, s'agenouillant devant Katherina avec une révérence marquée.
« Bienvenue, Dame Katherina, » dit-il d'une voix grave.
Thalya, intriguée par les armures et l'emblème qu'elles portaient, murmurait, les yeux fixés sur les dessins.
« Cette emblème, c'est celle des... »
Freya la coupa avant qu'elle ne termine.
« Des Aeloria, » répondit-elle calmement. « L'une des trois familles protectrices des Drakthar. »
Lynael, le regard vigilant, murmura à voix basse.
« Nous sommes sur leurs territoires. »
Katherina tourna la tête vers les gardes, leur lançant un regard perçant.
« Vous ne rentrez pas, » ordonna-t-elle fermement.
Bien que hésitant, ils franchirent finalement les portes, qui se refermèrent avec un lourd bruit. À l'intérieur de la ville, la scène changea radicalement. Les rues pavées de marbre brillaient sous la lueur des lanternes, et les maisons, faites de pierres dures et raffinées, semblaient respirer un luxe sobre. La ville, bien qu'encore plongée dans l'obscurité, dégageait une atmosphère étrange, presque envoûtante.
Les rues étaient bondées de gens allant et venant, mais tous leurs regards se tournèrent instinctivement vers les quatre Drakthar. Leurs cheveux noirs comme la nuit, leurs regards pénétrants attiraient la curiosité, parfois la crainte, mais aussi un respect silencieux.
Thalya, mal à l'aise sous l'intensité de ces regards, chuchota à ses compagnons.
« J'ai l'impression que nous sommes fusillés du regard... »
Gidora, avec un sourire en coin, répondit calmement.
« Pas étonnant. C'est rare de voir autant de Drakthar au même endroit. »
Katherina, marchant d'un pas sûr, interrompit la conversation.
« Nous sommes presque arrivés. La maison se trouve sur la place centrale. »
Après une marche assez longue, ils arrivèrent enfin à la place centrale. Là se dressait le palais, une imposante bâtisse qui occupait une grande partie de l'espace. Le château était une merveille architecturale, fait de pierre noire et de marbre vert, et ses murs semblaient briller sous la lueur des lanternes. Des gardes étaient postés à différents endroits, s'inclinant respectueusement à leur passage.
Le jardin du palais était magnifiquement décoré, les fleurs et les plantes formant un cadre à la fois sauvage et raffiné. Ils arrivèrent devant la grande porte du palais, une porte en bois sculpté, et entrèrent à l'intérieur.
Le palais était tout aussi somptueux que l'extérieur, chaque couloir décoré avec des emblèmes de la créature verte, symbole des Aeloria. Les murs étaient ornés de tapisseries et de sculptures raffinées, racontant des histoires de lignées anciennes.
Une servante, vêtue d'un uniforme simple mais élégant, les conduisit dans le salon, les escortant avec un respect évident. Le silence qui régnait dans le palais semblait amplifier la majesté de l'endroit, et chacun des Drakthar ressentait le poids de l'histoire de cet endroit.
Ils arrivèrent enfin dans le salon, une pièce grandiose où de grandes fenêtres offraient une vue imprenable sur la ville. Des fauteuils somptueux étaient disposés autour d'une table basse.
Katherina demanda d'un geste impatient à la servante de sortir, ses yeux se posant sur Freya, qui se tenait debout derrière Gidora. Son regard était pénétrant, comme si elle évaluait minutieusement la jeune femme avant de parler.
« Tu peux bien nous laisser, on a à parler des affaires de famille », dit-elle d'un ton autoritaire, sans se départir de sa tranquillité.
Bien que Freya hésitât un instant, son regard croisant celui de Gidora, elle se résigna et quitta la pièce, laissant les trois individus seuls.
Une fois la porte fermée, Gidora s'avança d'un pas mesuré, les bras croisés sur son torse, et fixa Katherina. Son air, habituellement calme, montrait une pointe d'agacement.
« Tu peux nous dire pourquoi tu fais tant de mystère à parler ? » demanda-t-il, sa voix basse et grave, son regard d'acier pesant sur elle.
Katherina, implacable, prit une petite tasse de thé fumant qu'elle porta à ses lèvres avec une élégance presque provocante. Elle laissa échapper une brume légère de vapeur avant de répondre avec une tranquillité déconcertante, les yeux fixés sur Gidora.
« Je veux que Lynael devienne reine », annonça-t-elle calmement, sans même jeter un coup d'œil vers Thalya, assise plus loin.
Le choc de ces paroles fit pâlir Thalya, qui se leva brusquement de sa chaise, la bouche légèrement ouverte, incrédule.
« Tu plaisantes, n'est-ce pas, ma tante ? » demanda-t-elle, ses mains tremblantes contre la table.
Katherina n'eut pas un instant d'hésitation, son regard perçant croisant celui de Thalya sans fléchir.
« Pas du tout », répondit-elle d'un ton ferme, presque glacial.
Gidora fronça les sourcils, cherchant à comprendre le revirement de Katherina.
« Et pourquoi ce revirement ? Je croyais que tu n'aimais pas la politique », répliqua-t-il, ses yeux scrutant la maîtresse de maison, cherchant des indices de ce changement inattendu.
Katherina laissa échapper un léger soupir, puis se remit à siroter son thé, ses doigts serrant doucement la tasse.
« J'aime pas la politique, mais je suis rationnelle », répondit-elle, toujours aussi calme, comme si la décision était une évidence.
Lynael, qui jusque-là observait la scène avec une attention mesurée, prit soudain la parole, son regard se durcissant.
« Tu penses que je vais devenir ta marionnette ? » dit-elle, son ton plus tranchant qu'une lame.
Katherina reposa la tasse avec un léger bruit, ne perdant rien de son calme implacable.
« Réfléchis un instant. Le roi n'a pas d'héritiers puisqu'il a déshérité Ahmel. »
Le silence pesa un instant dans la pièce alors que l'idée se frayait un chemin dans l'esprit de chaque personne présente. Gidora se pinça les lèvres, toujours aussi perplexe.
« Je vois toujours pas le rapport avec Lynael », murmura-t-il, mais son regard trahissait une légère inquiétude.
Katherina, avec un sourire presque moqueur, fixa Gidora comme si elle lui expliquait la chose la plus évidente au monde.
« Pauvre Gidora, toujours aussi… » Elle s'arrêta un instant, cherchant un mot plus fort, avant de reprendre.
« Bref, le roi va bientôt mourir. »
Thalya, agacée, se leva à son tour, ses mains se posant sur la table, prête à défendre sa famille.
« Tu devrais arrêter de mentir », répliqua-t-elle, la tension visible dans ses traits.
Katherina haussait les épaules, comme si elle ne faisait que donner un simple fait.
« Non, je dis qu'il va mourir. Et cela pourrait déclencher une guerre de succession », dit-elle d'une voix plus grave, presque prophétique.
Lynael, visiblement inquiète, prit la parole.
« Pourquoi moi d'abord ? » demanda-t-elle, sa voix marquée par une pointe de défi.
Katherina la fixa longuement, une étincelle d'amusement dans ses yeux.
« Ma chère garce de cousine Tiphany va présenter son fils, et la pute qui sert de femme à feu mon cousin va présenter ses deux rejetons… Vous voyez de quoi je parle ? »
Thalya se tourna vers Katherina, son regard toujours méfiant.
« Je vois toujours pas pourquoi tu proposes à Lynael de devenir reine », dit-elle d'un ton plus calme, bien qu'encore secouée par les révélations précédentes.
Gidora soupira bruyamment, secouant la tête.
« Le problème, c'est qu'ils vous détestent à mort, toi Lynael, mais surtout Ahmel », dit-il, sa voix pleine de reproches.
Katherina croisa les bras, le regard impassible.
« Laisse-moi te rafraîchir la mémoire, Thalya. Ahmel a tué trois enfants et le mari de Tiphany, et Lynael a brûlé Amnon à mort. »
Gidora la coupa, l'air plus calme maintenant.
« C'est deux, Katherina. »
Katherina haussait les épaules, un léger rictus sur ses lèvres.
« Hein ? »
Gidora, avec un léger sourire amer, continua.
« Ahmel a tué deux de ses enfants. »
Katherina se redressa soudainement, avec un détachement.
« Ah oui, c'est vrai. »
Thalya, l'air plus énervée, poursuivit.
« Il a décapité Briel, Med a dévoré Akil et son dragon, et a arraché un a un les membres de son mari sous les yeux de Bride », expliqua-t-elle, les mots pesant lourdement dans l'air.
Lynael leva les yeux au ciel, agacée.
« Sauf qu'Ahmel, le roi, l'a déjà puni sévèrement », dit-elle, son ton dédaigneux.
Katherina se tourna vers elle, son sourire se faisant plus acerbe.
« Tu penses réellement que ça suffit pour calmer sa haine ? Ne me fais pas rire », répondit-elle d'un ton presque moqueur.
Gidora s'avança, son regard plus sérieux.
« Et toi, Lynael, t'as brûlé Amnon à mort », dit-il d'une voix calme mais ferme.
Lynael haussait les épaules, un éclat de colère dans les yeux.
« Il le méritait, cet enfoiré », lança-t-elle avec conviction.
Katherina les regarda toutes les deux, son regard noir et calculateur.
« Tout ça pour dire que si l'un d'eux obtient le pouvoir du roi, c'est fini pour nous. »
Thalya, le visage tordu par l'inquiétude, leva les mains.
« À part nous tuer ou nous traquer, je ne sais pas ce qu'ils pourront faire de plus », dit-elle, son ton désespéré.
Gidora, d'un ton plus bas, mais plus menaçant, répondit.
« Ils peuvent faire bien pire. »
Thalya ne comprenait toujours pas, secouant la tête.
« Je comprends pas. »
Lynael tourna la tête, son expression plus sérieuse maintenant.
« Le roi a un pouvoir absolu sur la famille », dit-elle d'un ton grave.
Thalya arqua un sourcil, perplexe.
« Je sais ça déjà, mais on pourra toujours les tuer si l'un d'eux devient roi, non ? »
Lynael la regarda fixement, un éclat de vérité dans ses yeux.
« Non. Si le roi meurt, ou si son dragon meurt, tout ce qu'il a créé meurt avec lui. »
Cette révélation fit l'effet d'un coup de poing. Le silence tomba dans la pièce, lourd et implacable, alors que chacun absorbait la gravité de cette vérité.