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Sa Responsabilité

Après un long face à face, le hobgobelin prit l'initiative en attaquant Sin le premier. Chargeant avec une impulsion déroutante pour son gabarit, il brandit le bras pour lui écraser la tête, mais celui-ci l'arrêta sans mal avec sa main gauche.

— Que… C-Comment est-ce possible ?! marmonna Lissandra abasourdie par cette force surréaliste.

— Ce n'est pas un simple guerrier, je suppose ? demanda Artoria sans être surprise.

— Oh ! Tu as l'œil, humaine. En effet, c'est un chevalier noir.

Le Chevalier Noir est l'une des classes maîtres des guerriers. Symboliquement opposée à celle du Paladin qui se base sur un style défensif lié à l'affinité de Lumière, celle-ci utilise un style bien plus offensif lié à l'affinité des Ténèbres. Le Chevalier Noir est aussi spécialisé dans l'usage d'armes lourdes à deux mains que peu de classes emploient en raison de la force nécessaire à leur maniement.

— Je suis un paladin après tout ! s'exclama Artoria avec prétention.

— Oh... Le même paladin qui faisait office de serpillière il y a quelques instants ? rétorqua Fenris d'un ton narquois.

À la fois choquée et vexée par les propos de la bête, elle se mit à rougir, ne masquant pas son air offusqué. Lissandra, au contraire, en riait. 

Il est extraordinaire... Il réussit à détendre l'atmosphère si facilement ! 

Elle ressentait une légère euphorie, heureuse de pouvoir profiter d'un court répit comme celui-ci après le chaos de cette matinée sanglante. Cependant, elle ne s'attarda pas sur ce sentiment, bien consciente que leurs mésaventures n'étaient pas terminées.

Stoppé par la force de Sin, le hobgobelin paraissait confus de la situation dans laquelle il se trouvait :

— GUUURY ??

Le chevalier dégaina l'arme dans son dos et projeta le pommeau de celle-ci dans le visage de la créature.

— GYAAAARGH !!!!

Le démon poussa un cri de douleur et recula d'un pas, sonné. Son nez saignait avec abondance, écrasé par le coup bas qu'il venait de recevoir.

— Puisque tu ne sembles pas me comprendre, je vais abréger la conversation.

Sin prit un court élan et trancha son adversaire en deux avec une frappe circulaire. Le corps du hobgobelin n'opposa aucune résistance face à sa lame démesurée. Il s'effondra au sol, démembré par un acier plus froid que son bourreau. Cependant, il n'était pas mort sur le coup. 

Encore agonisant, il émit un dernier cri puissant et grave :

— GROUUUUUUUUH !!!

Sans se soucier de cet appel de détresse, Sin retourna auprès du groupe de spectateurs :

— Je vois que tu as bien travaillé, Fen. Comme tu couinais tout à l'heure, je te laisse les restes.

Bavant en pensant au festin qui l'attendait juste à côté, Fenris ignora complètement la partie qui la rabaissait :

— Oui, j'ai vu que tu ne l'avais pas achevé. Tu es bien le meilleur des humains !

Sans perdre un instant de plus, il se jeta sur le corps éparpillé du démon pour le dévorer.

— Il paraît tout de suite moins charmant… nota Artoria avec un air écoeuré.

— N-Non ! Il reste un majestueux loup, c'est normal pour lui de se nourrir ainsi ! rétorqua l'élémentaliste avec admiration.

— À ce que je vois, ce sac à puces a déjà fait son effet… soupira le chevalier avant de dévisager les deux femmes.

Je me demande de qui Frigga parlait...

Il observa tout d'abord Lissandra : 

Intéressant… Je sens un gros potentiel, mais elle est jeune et inexpérimentée. 

Puis Artoria : 

Hmm… Beaucoup plus forte et singulière. Elle semble être la candidate idéale. 

— Qu'est-ce que tu cherches ?! s'exclama Artoria en cachant son corps. La sensation de ton regard à travers ce casque me fait penser que tu es un pervers !

Sin resta silencieux face à cette réaction exagérée, puis il expliqua la raison de sa présence :

— Ma cliente m'a envoyé porter secours à une femme, mais je ne sais pas si c'est l'une de vous…

Du moins, je suppose que si.

— Quoi ?! Quelqu'un a demandé une quête de sauvetage pour notre groupe ? Mais comment ?! Nous… Nous sommes seulement partis ce matin ! s'exclama le paladin avec surprise.

Le chevalier croisa les bras et resta évasif :

— Je pense qu'il ne faut pas chercher plus loin. Vous êtes en sécurité maintenant, c'est le principal.

— Ah… D'accord... Au fait, par simple curiosité... quel est ton rang ?

Il sortit la chaîne d'aventurier caché sous son armure en guise de réponse. Artoria prit un air agréablement surpris à la vue de sa plaque argentée.

— Seulement au rang Argent ?! Tu ne fais jamais de quête ou quoi ?! demanda-t-elle avec humour. Après avoir vu ta performance, je peux t'assurer que ton niveau est bien au-dessus !

Ces éloges n'influençaient pas Sin. Il ne tarda pas à émettre son avis sur la question avec une franchise bien à lui :

— Je suis un simple mercenaire et ne suis pas à la recherche de gloire ou de richesse. À vrai dire, je déteste les aventuriers. Je me contente d'apprendre de nouvelles choses et de protéger ou secourir les gens qui le méritent.

Il détourna alors son regard vers Lissandra :

— Cette fille par exemple. C'est une novice et pourtant tu l'as amené ici, sans hésitation, au milieu de ce coupe-gorge. Tu n'es pas digne de ta plaque, comme beaucoup d'autres dans ton genre, ajouta-t-il d'un ton calme, voire glacial pour son interlocutrice.

— Heu... Je… 

Prise de court par les remontrances soudaines de Sin, Artoria ne trouva rien à répondre à ces accusations.

Sin s'absenta un court instant et revint avec le corps inerte et défiguré de Nami. Les yeux de cette dernière étaient encore grands ouverts, exorbités par l'horreur qui précéda sa fin. Pour le cacher, le chevalier les ferma d'un simple geste de la main. Cependant, Artoria eut le temps d'apercevoir son expression et ce qu'il restait d'elle. Elle imagina un simple fragment de ce qu'elle avait pu subir au point d'en avoir la nausée.

Sin se releva sans émettre la moindre empathie et reprit le rapport de la situation contre le chef du groupe :

— À première vue, tu as perdu deux partenaires, affirma-t-il en pointant du doigt le cadavre de Kevin. La troisième ne sera sans doute plus jamais en état de combattre. Elle finira sûrement cloîtrée de terreur quelque part pour le restant de sa vie. 

Il récupéra la plaque de cuivre qui ornait le cou de l'aéromancienne et la lança à Artoria. Cette dernière l'attrapa en serrant les dents :

— Pour qui tu te prends ?! Tu arrives ici et tu me fais la morale ?! Tu n'étais pas là, alors qu'est-ce que tu en sais ?! s'écria-t-elle avec un mépris palpable.

En écoutant la répartie orgueilleuse du paladin, le chevalier émit un petit ricanement. Cette réponse ne le surprenait pas :

— Je ne fais que constater les faits. Ce qui est le plus pathétique en observant ce champ de bataille, c'est que tu dois également ta vie à cette aventurière débutante. Elle a l'air d'avoir pris des décisions qui vous ont évité le pire.

Sin porta avec délicatesse le corps de Nami près de l'extrémité de l'entrée.

Lissandra, en désaccord avec ces accusations, serra les poings avant d'élever la voix maladroitement :

— Vous… Vous vous trompez ! T-Tout n'est pas de sa faute ! Si… Si seulement nous avions été plus forts…

Sin arrêta ce qu'il entreprenait pour la dévisager :

— Comment aurais-tu pu devenir plus forte alors que tu sors tout juste d'une kabbale ?

— C-Comment pouvez-vous le savoir ?!

Il la pointa du doigt, analysant quelques détails flagrants.

— Ta robe est celle remise aux jeunes diplômés. Les multiples éléments qui ont été utilisés et ton amulette me confirment que tu es une élémentaliste. Ta manière de penser, tu as tout d'une aventurière débutante. Connaissant l'intendante, elle a dû te conseiller de commencer par des quêtes simples, n'est-ce pas ?

Alors qu'il tentait d'expliquer sa vision des choses et les erreurs qu'elles avaient commises, une pensée nonchalante lui traversa l'esprit :

Ahh… Pourquoi est-ce que je joue au donneur de leçons... Après tout, leurs problèmes ne me regardent pas.

— Oui… M-Mais c'est de ma faute ! s'écria Lissandra au bord des larmes. C'était à moi de refuser la proposition d'Artoria !

— C'est vrai, mais elle ne devait pas non plus te la faire.

Sin observa la réaction d'Artoria qui restait silencieuse. Finalement, il abrégea la conversation avec moins d'hostilité :

— Aujourd'hui, je t'ai sauvé la vie... ce ne sera peut-être pas pareil demain. J'espère me tromper sur ton cas et que tu me feras changer d'avis.

Quelle importance ? Pourquoi se soucier de moi alors que nous sommes deux parfaits inconnus ? songea-t-elle avec une incompréhension totale.

Malgré ses doutes, le ton réconfortant que Sin employa dans ses derniers propos l'intrigua. Il attendait quelque chose d'elle et Artoria le ressentait. Rougissant avec légèreté sous l'effet de sa voix grave, elle accepta finalement chacun de ses reproches. Elle entrevoyait l'étendue de ses erreurs. Un étrange sentiment de culpabilité l'envahissait subitement à la vue des cadavres de ses compagnons :

— Tu… Tu as peut-être raison... Je m'efforcerai de faire plus attention à l'avenir…

Oui… Je dois être plus forte… plus responsable… pour les protéger… pour que cette journée ne se reproduise plus jamais...

Artoria se dirigea vers la dépouille de Kevin et la mit à côté de celle de Nami. Elle répéta les mêmes gestes que Sin et récupéra la plaque de cuivre du jeune guerrier.

— J'amènerai ces plaques au bureau de guilde. S'il le faut, j'irai voir les familles moi-même… annonça-t-elle avec une grande détermination dans le regard.

Le chevalier acquiesça avec un simple signe de la tête. 

Alors que la tension s'apaisait, un gémissement soudain les interpella :

— Bouargh !

Clara se réveilla en vomissant du sang sur la cape qui la recouvrait. Sa respiration était chaotique, son visage transpirait abondamment. Lissandra se précipita vers elle, prise de panique.

— Oh non ! Je… Je crois que ses organes ont été touchés...

L'élémentaliste passa sa main sur le front de la rôdeuse. Cette dernière se révélait brûlante. Depuis son auscultation, une intense fièvre s'était emparée d'elle. 

Sans réfléchir, Lissandra tendit les bras sur le ventre de sa camarade, suppliant les éléments de la sauver.

Ô, Héméra... Bénis-moi de ta lumière protectrice et guéris les maux qui lui ont été infligés... Lux Curae ! 

Clara soupira sous les effets bénéfiques de cette lumière qui pénétrait son corps.

— A… Arrête… Pitié...

— Dis… Dis-moi comment je peux t'aider alors ! Je t'en supplie ! implora-t-elle en l'enlaçant. 

Le visage de la rôdeuse exprimait toute l'étendue de ses sentiments et de sa peine. Même si elle souhaitait paraître forte, elle ne pouvait tromper les autres. 

J'ai… J'ai si mal… Je… Je ne veux pas mourir ! Je… Je ne veux pas que ça s'arrête comme ça !

Clara avait beau s'agiter, le résultat fut le même. Elle ne se rendait pas compte qu'elle ne sentait plus rien, que ses membres étaient définitivement paralysés. Son esprit lui imposait simplement l'écho d'une douleur fantomatique qui lui faisait penser le contraire. Dans un moment de lucidité, elle aperçut les cadavres des démons et la multitude de fluides qui gisaient à ses pieds. Les notes noires, rouges et blanches laiteuses étaient on ne peut plus discernables à son regard livide.

Est-ce… Est-ce que c'est mon sang ?! Et ces choses visqueuses, ce sont… Non…

Soudain, elle se rappela de sa précédente conversation avec Lissandra. De ce que les gobelins faisaient aux humaines. De ce trou noir qui embrumait ses souvenirs après l'instant où le hobgobelin se rua sur elle.

Ils… Ils m'ont violée ?! Et si… Et si je tombais moi aussi enceinte ?!

Son état de santé n'importait plus. Seul ce que les démons avaient pu lui faire comptait. Constatant cette sordide réalité sans pour autant pouvoir la certifier, Clara hurla de toutes ses tripes, épuisant le peu de force qu'il lui restait. Son envie de vivre avait été dissipée aussi vite que les images de terreur qui traversèrent son esprit.

— NOON ! Je… JE NE VEUX PAS DE ÇA EN MOI !

S'agitant subitement avec une hystérie frisant la démence, Lissandra la serra contre sa petite poitrine. Elle ne comprenait pas ce que ressentait sa camarade ni ce qui lui passait par la tête, mais son instinct lui dictait de la réconforter.

— Tuez… TUEZ-MOI ! beugla Clara avec une voix plus imposante encore.

Alors que vociférer de la sorte lui demandait beaucoup d'efforts, elle vomit de nouveau du liquide rougeâtre dans un soupir fataliste. Son regard terne croisa finalement les magnifiques yeux azurés de l'élémentaliste.

— T… Tue… tue-moi… Je t'en prie...

P-Pourquoi ?

Lissandra ne comprenait pas cette requête saugrenue. Elle dévisagea Sin et Artoria avec une expression désespérée.

Insensible à la situation, le chevalier se rapprocha de la rôdeuse et posa son gant froid sur son ventre nu. D'un sort muet - propageant une lueur sombre - il releva l'ampleur de ses blessures.

Ses organes vitaux ont explosé. Le sang s'est répandu dans son corps. C'est trop tard… 

Sur ce constat alarmant, Sin sortit une dague dissimulée dans l'une de ses bottes métalliques. En apercevant ce geste simple, mais révélateur de ses intentions, Lissandra s'interposa inconsciemment pour l'en empêcher :

— Que… Qu'est-ce que vous faites ?!!

— Nous ne pouvons plus rien faire pour elle... Même si elle avait été amenée immédiatement à un temple, elle aurait quand même été condamnée. Vous n'avez rien à vous reprocher, répondit-il avec pragmatisme.

— N-Non ! Je ne veux pas… Il doit bien y avoir une solution !

Sin et Artoria restèrent tous deux silencieux devant la naïveté dont elle faisait preuve.

— Ça… ça va… aller… chuchota Clara.

La rodeuse s'était enfin calmée. Sa dernière crise avait eu raison d'elle.

Ne pouvant supporter cette scène plus longtemps, Artoria se décida à agir :

— Je vais le faire… déclara-t-elle en prenant la dague du chevalier.

Alors qu'elle avait déjà accepté son sort, Clara lui fit un signe fébrile de la tête.

— Le cœur, ajouta Sin.

Ne pouvant retenir ses larmes débordantes, Lissandra ferma les yeux avant qu'Artoria ne place la lame sur la poitrine de sa camarade.

— M… Merci...

Sous les mots soulagés de la rôdeuse, le paladin enfonça la dague d'un coup sec et assuré.

— Adieu mon amie… gémit-elle en fondant à son tour en larmes.

Je… Je suis vraiment désolé...

Les paupières de la jeune fille se firent lourdes. Le battement de son cœur se dissipa peu à peu jusqu'à ce qu'elle n'entende plus rien. Ses yeux se fermèrent pour la dernière fois. Malgré cela, son soupir funeste était apaisé, empli de soulagements.

***

Alors qu'une forme de deuil s'installait auprès des aventurières, de légères secousses se firent sentir par bride. Les grognements distincts de Fenris ne tardèrent pas à suivre le rythme : 

— GRRRRRRRRRROARH !!

Les vibrations prenaient une ampleur menaçante, signalant qu'une chose énorme approchait et faisant reculer peu à peu le loup géant. Acculé par l'aura malveillante qui se dégageait du corridor, ce dernier proposa une solution avisée :

— Sin ! Je crois que les ennuis arrivent ! Nous devrions battre en retraite maintenant.

— Fuir ? Je compte bien tuer le responsable de tout ce merdier.

Malgré sa gestuelle impassible, une colère palpable se faisait ressentir dans la voix du chevalier. Il n'était finalement pas si insensible à la situation.

D'énormes mains surgirent finalement de la pénombre. Elles agrippèrent les murs du couloir pour extirper un corps bien plus monstrueux encore.

Le groupe se préparait déjà psychologiquement à l'arrivée du démon, mais c'était la première fois pour chacun d'entre eux qu'ils rencontraient pareille créature. 

Une fois extrait de la brèche, l'ogre se releva, imposant son aura meurtrière dans la salle. Malgré l'obscurité ambiante, tout leur paraissait démesuré chez lui - de la tête aux pieds.

— DES HUMAINS !!!

S'apparentant à une grosse bourrasque, son hurlement fit vibrer chacune des parois qui l'entouraient.

— Que font encore de pitoyables humains ici ?! Et où sont mes incapables de fils ?!

C'est donc vrai. Comme pour la plupart des autres démons supérieurs, les ogres peuvent également parler notre langue, songea Sin en s'avançant vers la monstruosité.

— Pour être franc… J'ai donné tes fils en pâture à mon animal de compagnie.

Fenris prit un air offusqué face à cette provocation gratuite qu'il ne voyait pas venir :

— Hé ! Qui est l'animal de compagnie ici ?!

Les deux jeunes femmes, quant à elles, restèrent muettes face à cette vue effrayante.

C-Comment cette chose est-elle entrée là ?! se demanda Artoria.

— QUOI ?!! beugla de nouveau le démon. Comment un misérable humain aurait-il pu les terrasser ?! Tu attises ma curiosité ! 

— Hmm… Tu as une forte estime envers eux. Pour tout te dire, ces aventurières débutantes derrière moi en ont tué un toutes seules. Il faut croire qu'ils étaient insignifiants.

L'ogre frappa le mur derrière lui avec une brutalité sans pareil. Ce dernier manqua de s'effondrer sous la violence du choc.

— SILENCE, INSECTE !!! Puisque tu es si sûr de toi, viens donc me divertir ! Avant que je n'arrache les cure-dents qui te servent de membres !

Au moins, attirer l'attention sur moi n'aura pas été difficile, pensa Sin avec une déconcertante stupeur. 

Il tendit le bras vers son épée, prêt à dégainer :

— Très bien… Commençons.

— OH ! Tu me plais, cloporte ! Mais tu ne comptes quand même pas te battre dans ce dépotoir ?! J'y suis serré comme dans la chatte d'une petite humaine !! WHA HA HA !

Les propos sordides du démon provoquèrent des frissons désagréables aux aventurières. Leurs yeux se remplissaient de dégoût en imaginant cette scène.

— Il y a une arène un peu plus loin ! Il y aura assez de lumière pour te donner un semblant de combativité, déclara l'ogre avec une assurance aussi démesurée que lui.

— D'accord… Je te suis, répondit le chevalier sans la moindre hésitation.

Alors que son prochain adversaire s'engouffrait déjà dans le corridor d'où il provenait, Sin tendit la main à Fenris.

— La ceinture de potions.

— Hein ?! rétorqua le loup. Tu ne comptes quand même pas aller l'affronter ?! Ça pourrait être une embuscade !

— Tu réfléchis trop. S'il avait voulu être vicieux, il aurait très bien pu s'occuper de nous ici même.

Il grogna pour désapprouver la situation, mais finit par céder à la requête déraisonnable de son partenaire en matérialisant ce qu'il avait demandé.

— De toute manière, tu sais très bien ce qu'il se passera s'il m'arrivait quelque chose. Contente-toi de les ramener en un seul morceau à Frigga, ajouta Sin en se dirigeant vers le couloir par lequel l'ogre était reparti.

Fenris soupira devant cette insouciance qu'il ne connaissait que trop bien. Il le blâma intérieurement pendant qu'il retournait auprès des deux jeunes filles : 

Cet humain est vraiment idiot…

— Femelles ! Je vous raccompagne en ville, déclara-t-il d'un ton exaspéré.

— Q-Quoi ?! s'exclama Artoria surprise. Nous n'allons pas l'aider ?

— Depuis quand est-il question que nous l'aidions ? 

— C-Certes il a l'air puissant… Mais il ne pourra pas battre cette chose tout seul !

— J'ai entendu votre conversation de tout à l'heure lorsque je me délectais de ce merveilleux hob. Crois-moi, s'il n'avait pas confiance en sa force, il ne t'aurait jamais sermonné ainsi. 

— Peut-être bien, mais…

— N-Non ! cria Lissandra en rougissant. Il… Il m'a sauvé ! Je veux rester jusqu'au bout !

Fenris ne pouvait contredire ou rabaisser la détermination spontanée que l'élémentaliste exprimait malgré tout ce qu'il venait de se produire. Sans se l'avouer, il était également curieux de voir ce combat qui pouvait s'avérer spectaculaire.

Ha ha… On dirait que Sin n'est pas le seul cas désespéré ici… Dans l'éventualité où cela dégénère, je pourrai toujours les porter sur mon dos et filer sans problème, songea-t-il en s'amusant de la gravité de la situation. 

Il céda finalement au caprice de la jeune fille sans rentrer dans le moindre débat :

— Bien... Si vous le souhaitez vraiment alors, allons voir comment il s'en sort !

Même si un grand danger les guettait, le groupe décida de suivre les traces de Sin sans savoir ce qui les attendait au bout de ce couloir sombre.