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Már Baran

Ils montèrent tous les cinq les escaliers situés dans un coin un peu plus sombre de la salle. Menés par Ignar, ils avancèrent jusqu'à une vieille porte en bois, dont les gonds étaient tellement rouillés que l'on venait à se demander comment ces derniers pouvaient encore soutenir le poids du panneau.

Lorsqu'Ignar poussa la porte, celle-ci glissa en un grincement significatif, laissant peu à peu une dernière pièce se découvrir, faiblement illuminée par quelques flammes dansantes.

Au fond, entre deux petites bibliothèques, se trouvait un seul et unique bureau. Derrière celui-ci, un vieux nain à la longue et épaisse barbe blanche grattait du papier d'une longue plume blanche imbibée d'encre.

Lorsqu'Ignar pénétra dans la pièce, il se dirigea vers le vieil homme et l'interpella.

"Père. Je vous amène des invités. L'oncle Andréa en fait partie."

Alors que rien ne semblait pouvoir attirer l'attention du vieux nain, ce dernier leva brusquement les yeux en entendant le nom du prêtre Ophélien.

Lorsqu'il l'aperçut parmi le petit groupe qui venait de pénétrer dans son antre, il se leva lentement et se dirigea dans leur direction.

Lorsqu'il arriva à portée de bras de son camarade, ils s'enlacèrent tels de vieux amis.

"Andréa ! Mon frère, mais que fais-tu donc là ? Tu aurais dû me prévenir que tu allais nous rendre visite !"

Andréa s'esclaffa brièvement avant de lui répondre.

"Je suis désolé, tout se passe si vite ces derniers temps. Nous vivons dans une ère plus troublée que tu ne puisses l'imaginer. C'est pourquoi nous sommes là aujourd'hui, vieil ami. Nous souhaitons requérir à ton aide."

Intrigué, Agzör continua sur le sujet.

"Mon aide ? Mais pourquoi l'un des prêtres de la plus puissante cité de la région chercherai l'aide d'un pauvre nain comme moi ? Et..."

Il regarda brièvement par-dessus l'épaule de son ami avant de continuer.

"Ainsi accompagné."

Andréa passa son bras derrière les épaules d'Agzör.

"Viens, suis-moi. Je vais te les présenter."

Ils s'approchèrent tous les deux du reste du groupe.

"Je te présente Tahrren. Il est membre des Chasseurs d'Âmes, une organisation qui traque un certain type de personnes... Des immortels. Et voilà son apprenti, Eiji. Enfin, cette jeune femme se prénomme Ophélie. Mais nous la connaissons davantage sous le titre de Sainte Originelle."

Après avoir vécu si longtemps, peu de choses pouvaient encore surprendre Agzör. Cependant, cette fois-ci il ne pouvait qu'en rester bouche bée.

Bien qu'il n'eût que peu de liens avec les Ophéliens hormis Andréa qu'il connut avant même qu'il ne quitte Myr Khandur pour la ville sainte, il connaissait l'histoire de la Sainte Originelle.

"Vous... Vous êtes cette même Sainte Originelle qu'il y a sept cents ans ? Mais... Comment ? Vous n'êtes ni elfe, ni naine. Aucun humain ne peut vivre aussi longtemps."

Ophélie peina à cacher sous sourire. Elle ne pouvait s'empêcher d'être un peu espiègle à son propos, car ce qu'elle avait expérimenté était si unique qu'elle-même ne pouvait assurément expliquer ce qui lui était arrivé.

"Disons que... C'est une longue histoire."

Tahrren s'approcha. Il n'avait pas pour habitude d'être impatient, mais rarement une situation ne l'inquiéta autant. Il savait mieux que personne que la situation pouvait dégénérer à tout moment du côté de la ville sainte.

"Vous avez demandé pourquoi nous avions besoin d'aide. En réalité, ce ne sont pas que nous quatre qui avons besoin d'aide. Mais Ophélia tout entière. Avez-vous déjà entendu parler de l'anima ?"

Agzör fixa Tahrren dans les yeux. Il essayait de savoir où l'elfe qui lui faisait face souhaitait en venir.

"Non ? Je n'en ai jamais entendu parler."

"Il s'agit d'une énergie diamétralement opposée au mana. Elle corrompt les êtres vivants, comme les végétaux ou même les êtres humains. Une fois corrompu, il n'y a aucun retour en arrière. La vie se meurt, les hommes deviennent fous, agressifs..."

Légèrement perdu, Agzör ne savait pas quoi penser de la tirade de Tahrren. Il se gratta le menton et caressa doucement sa longue barbe.

"Je suis désolé, mais je ne vois pas où vous souhaitez en venir, et en quoi cela me concerne. Qu'attendez-vous de moi ?"

Tahrren afficha un léger sourire gêné. Il avait tellement l'habitude de mener son combat seul, dans l'ombre, que ses présentations en devenaient machinales.

"C'est à moi de m'excuser. L'anima est un véritable fléau. Il né de la présence d'un immortel, un être contre-nature. Que ce soit par la forme de magie, ou même de naissance pour certaines créatures, elles répandent l'anima comme la peste. Nous, les Chasseurs d'Âmes, traquons ces immortels pour limiter l'avancée de l'anima dans notre monde. Il se trouve que notre prochaine cible se situe au sein d'Ophélia. Cependant, pour pouvoir libérer la ville sainte de son joug, nous avons besoin de votre aide. Je veux dire, de l'aide de tous les nains de Myr Khandur."

Interloqué, la main d'Agzör frissonna légèrement.

"Tous les nains dites-vous ? Vous souhaitez qu'on lève une armée ? Et pourquoi ferions-nous donc cela ?"

Andréa s'interposa légèrement entre les deux.

"L'affaire est très importante, mon frère. Des gens meurent tous les jours là-bas, et tu sais à quel point Myr Khandur dépend d'Ophélia. Sans les vivres que ses paysans nous revendent, comment pourrions-nous nourrir les dizaines de milliers de nains qui foulent cette montagne ? Dans le fond, c'est aussi eux qui nous protègent des agressions étrangères. Nous leur devons beaucoup. Si nous ne faisons rien, ce n'est pas seulement Ophélia qui va tomber, mais toute la région, Myr Khandur comprit. Tout ce que nous souhaitons, c'est exposer nos propos au roi, et lui demander son aide. La vie d'aucun nain ne sera mise en danger. Tout ce que nous souhaitons, c'est une diversion."

Décontenancé par les nombreuses informations qui lui parvenaient en ces courts instants, Agzör se frottait la barbe de plus en plus frénétiquement. Il baissa les yeux quelques secondes, perdu dans ses réflexions.

"Mais pourquoi nécessitez-vous une telle intervention de notre part. Qui est donc cet immortel, pour qu'une telle logistique doit être mise en place ?"

"Le pape, mon ami. Le pape lui-même. Cela fait des centaines d'années qu'il se joue de la vie de milliers de personnes. Il est grand temps que nous arrêtions ses méfaits, mais il a une véritable armée de prêtre à ses côtés. Enfin, ils sont plus proche du fanatisme que de la révérence. Nous avons déjà la garde ophélienne à nos côtés, mais ils ne peuvent intervenir dans ce conflit, sinon ce sont les habitants qui en pâtiraient. Tout ce dont nous avons besoin, c'est d'une audience avec le roi. Peux-tu nous accorder cela, mon frère ?"

Il ne fallut que quelques secondes supplémentaires à Agzör pour qu'il ne prenne sa décision.

"Bien entendu. Cela relève après tout de la sécurité même de Myr Khandur. Préparez-vous, le roi est comme un cousin pour moi. Si je l'informe de la situation, il la prendra très au sérieux et vous recevra rapidement."

Il se mit en branle et s'avança vers les escaliers.

"Suivez-moi, je vais vous guider jusqu'au palais. Une fois arrivé, vous n'aurez qu'à attendre un peu dans une des nombreuses salles de loisir et de détente pendant que j'en informe Már."

Ils descendirent les quelques marches qui les séparaient du rez-de-chaussée. De là, ils quittèrent le bâtiment, et se dirigèrent encore plus profondément dans la montagne.

"Les principales infrastructures comme le palais et le centre de sécurité sont toutes situées au premier niveau de la montagne. Cela permet de centraliser le pouvoir et diminuer le temps de communication, permettant de prendre des décisions et des actions rapides. Nous ne tarderons pas à arriver."

Ignar ne les avait pas trompés, et en moins de cinq minutes ils arrivèrent face au palais.

Contrairement au reste de la ville, le palais n'était pas directement taillé dans la pierre, mais il s'agissait d'une architecture plus classique.

Cependant, il n'y avait de commun que son architecture, car le design en lui-même était plutôt unique, et retranscrivait parfaitement la richesse de cette mine.

Majoritairement constitué de pierre blanchâtre et de marbre, les murs de la structure étaient ornementés d'or et de gravures de rubis, de saphirs et d'émeraudes.

Paradoxalement, le résultat était peu agréable au regard. Malgré une telle exposition de richesse, le manque d'harmonie et de structure dans l'œuvre ternissait la beauté des matériaux utilisés.

L'intérieur n'était pas bien différent, bien que les pierres précieuses aient laissé leur place aux statuettes de céramique.

Agzör invita le petit groupe à s'installer dans une salle d'attente, pendant qu'il informait le roi de leur présence.

A peine eurent-ils le temps de boire un thé qu'un majordome vint les chercher.

"Veuillez me suivre, messieurs dames. Sa majesté Már Baran est prêt à vous recevoir."

Ils suivirent le majordome au travers de quelques couloirs chargés de babioles en or et autres décorations superflues.

Enfin, au bout d'un interminable dernier couloir, ils arrivèrent dans une immense salle, presque aussi longue que large.

Malgré sa grande taille, la salle ne présentait aucun défaut d'éclairage. D'innombrables torches et bougies illuminaient les murs qui, faits en partie d'or et accueillaient quelques ornements d'argent, reflétaient cette lumière dans tout le hall.

Au sol, un tapis rouge traversait la pièce sur toute sa longueur, de la porte à un trône tout fait d'or.

Assis sur ce trône se trouvait un nain, plus vieux que n'importe quel autre. Ridé et à la pilosité blanchâtre, il portait une longue tunique de cuir noir. Les dix doigts de ses mains accueillaient autant de bijoux qu'ils pouvaient en porter, et même son coup portait de nombreux colliers gravés de divers roches et pierres précieuses.

Ce nain portait au moins le poids d'un homme en or. Son identité semblait claire, et l'auguste couronne qui renforçait son air austère n'en était qu'une preuve supplémentaire : Már Baran, roi de Myr Khandur.