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L'Impératrice.

La porte blanche décorée de liserés dorés et rouges s'ouvrit pour laisser rentrer un homme aux cheveux noirs de jais et vêtu d'une tunique blanche arborant une écharpe bleu roi et argent. Au centre de l'écharpe, les armoiries de l'empire trônaient avec panache : deux épées croisées au-dessus d'un crâne de monstre cornu reposant sur des plumes au dessin élaboré.

Il était suivi de près par un homme légèrement plus petit aux cheveux bruns et portant une blouse blanche par-dessus un uniforme gris clair. Un médecin à n'en pas douter, vu sa tenue et le porte-documents qu'il portait sous un bras.

La porte se referma, laissant à l'intérieur d'une grande chambre les deux hommes et une forme allongée dans un grand lit au centre de la pièce.

De grands rideaux rouge foncé avaient été tirés devant les fenêtres hautes pour maintenir la pièce dans l'obscurité, mais également éviter les regards indiscrets. Sur une table basse roulante à côté du lit, du matériel médical avait été disposé pour être utilisé régulièrement.

L'homme aux cheveux noirs porta son regard sur la personne allongée silencieusement sur le lit, et posa une question.

« Comment va-t-elle ? »

Il savait que rien n'avait changé depuis la dernière fois, mais il ne pouvait pas s'empêcher de toujours poser cette même unique question.

« Elle est toujours fiévreuse, avec des crises de plus en plus régulières, » répondit le médecin du palais impérial. « Son flux interne de mana est trop perturbé pour se réguler tout seul, alors j'ai demandé à des mages de nous aider, mais je ne suis pas sûr que cela fonctionne sur le long terme. »

L'Empereur continua de regarder son épouse allongée, son visage pour une fois paisible et non contorsionné par la douleur.

« Les Chevaliers d'Ahn'Or n'ont toujours pas donné de nouvelles, » dit l'Empereur avec un air amer.

« C'est fâcheux. Vu la particularité de l'Impératrice, il n'est pas sûr qu'elle résiste encore longtemps. » Dit le médecin. « Une relique de contrôle serait un moyen sûr de stabiliser son état. »

Les reliques, hein ?

Déjà que les armes antiques n'étaient pas courantes, les reliques étaient encore plus rares, et seuls des vieux écrits et des rumeurs permettaient d'en localiser certaines.

Certains parlaient de magie tellement avancée qu'on ne pouvait la discerner à l'œil nu, tandis que d'autres parlaient d'appareils reposant sur une science plus avancée et oubliée. Cependant, tous s'accordaient à dire que ces reliques pouvaient parfois accomplir des miracles dans des situations plus que désespérées.

Avec un espoir reposant sur peu et presque rien, les Chevaliers d'Ahn'Or, un groupe émérite de soldats assurant normalement la sécurité de la capitale et du couple impérieux, avait été déployé à travers le continent pour essayer de suivre une simple rumeur. Un simple espoir, sur lequel reposait toutes les attentes de l'Empereur.

« Ne pouvez-vous rien faire de plus ? » Demanda l'Empereur, soucieux.

Il n'aimait vraiment pas voir son épouse dans ces conditions, à souffrir sans que rien ou presque ne puisse l'apaiser.

« Le problème est la capacité même de l'Impératrice, » répondit avec lassitude le médecin.

Ce n'était pas la première fois qu'il répondait à cette question, mais il ressentait toujours le besoin de correctement expliquer les choses à la personne qui pouvait décider sur un coup de tête de le faire emprisonner ou de le faire décapiter.

« C'est un cas jamais vu. Son corps réagit avant sa conscience, utilisant en continu sa capacité, et donc son mana interne. » Expliqua le médecin. « À cause de cela, elle alterne entre des états comateux et conscients, en même temps que sa réserve de mana fluctue en se renouvelant et en étant utilisée trop vite pour se reconstituer entièrement. C'est comme si vous essayiez de courir jour et nuit sans interruption. Même si vous buviez et mangiez en même temps, la fatigue continuerait de s'accumuler, jusqu'au point de rupture.»

Un 'point de rupture', qui dans ce cas-là signifiait une issue fatale que l'Empereur se refusait à voir survenir. Il continua de regarder son épouse aux yeux fermés, toujours immobile et respirant silencieusement.

« Les capacités sont un phénomène que nous ne connaissons encore que trop peu, malgré les cas déjà répertoriés. C'est encore trop rare pour que nous puissions en tirer des conclusions concrètes. » Continua le médecin, attirant le regard de l'Empereur sur lui.

« Vous m'aviez déjà dit tout ça, » rétorqua l'Empereur, agacé.

« Je sais, mais c'est la seule façon de vous rassurer pour l'instant, » concéda le médecin. « Je ne peux vous dire des choses que j'ignore moi-même. »

Un soupir pénible leur parvint depuis le lit, et les deux hommes virent alors que la femme au visage autrefois paisible arborait à présent une expression douloureuse. Elle commençait à s'agiter, en tournant dans tous les sens et en rejetant au loin les draps et les couvertures qui avaient jusqu'à présent été étalées avec soin sur son corps. Aussitôt, les deux hommes se positionnèrent chacun du côté du grand lit, l'Empereur montant sur le matelas pour atteindre son épouse par la droite, tandis que le médecin s'était appuyé sur le bord gauche de l'armature en bois.

Le front légèrement rougit par la fièvre, l'Impératrice commença à tourner la tête d'un côté et de l'autre, toujours en gardant ses yeux fermés et en plissant les sourcils. Elle semblait de nouveau souffrir, en prise à une douleur dont elle seule pouvait mesurer réellement toute l'intensité.

« Rien... » Parvint-elle à dire entre ses lèvres sèches et pâles. « Il n'y a rien. »

Elle émit un râle de douleur, se contorsionnant sur elle-même tandis que les deux hommes tentaient de la maintenir en place pour lui éviter de tomber ou de se cogner contre la tête de lit.

« Il n'y a plus rien... » Dit-elle à nouveau d'une voix faible et presque inaudible. « Je ne vois… Plus rien. »

L'Empereur comme le médecin grincèrent des dents et firent la moue. Ce n'était pas la première fois que l'Impératrice, délirant sous le coup de la fièvre, prononçait ces paroles. Les deux hommes doutaient, comme à chaque fois que la femme aux très longs cheveux noirs faisait une crise : s'agissait-il d'un mauvais rêve, ou était-ce sa 'capacité' qui parlait ?

Il était impossible de le savoir, tant que celle qui avait toutes les réponses ne regagnerait pas entièrement connaissance.

Toutefois, à peine avait-elle commencé, que la crise était déjà passée, les muscles de l'Impératrice se détendant soudainement.

Soucieux, l'homme dirigeant l'Empire humain pinça ses lèvres avec amertume, tandis que la voix de son épouse lui parvenait encore une dernière fois.

« Il n'y a plus rien… Tout est sombre et je ne peux plus rien voir... »

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