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Chapitre 10 : Début Août 1565

Les résultats de la récolte d'essai furent excellents.

Même les villageois, au départ effrayés, s'étaient mis à cuisiner le plat eux-mêmes après y avoir goûté.

Le maïs doux et les citrouilles étaient des légumes avec un goût sucré, alors cela semblait être un festin pour les villageois.

Cependant, faire une récolte d'essai ne suffisait pas, il fallait également présenter cette récolte à Nobunaga.

Il leur fallait offrir cette récolte à l'avance pour regagner la confiance de Nobunaga car, jusqu'à présent, ils n'avaient jamais été en mesure de présenter le tribut nécessaire.

"Il faut vraiment que je me montre devant le seigneur dans une tenue formelle ? C'est dur de bouger, là-dedans…"

Les légumes qui allaient être présentés à Nobunaga étaient les patates douces, les citrouilles, le maïs doux et les tomates.

Bien qu'il était encore trop tôt pour récolter les patates douces, Shizuko pensait que laisser Nobunaga goûter à tous les légumes cultivés n'était pas une mauvaise idée.

C'est dans cet état d'esprit qu'elle décida de les ajouter au tribut.

Contrairement à la récolte d'essai, les citrouilles avaient d'abord été séchées au soleil tandis que le maïs doux et les tomates étaient récoltés le matin du jour J.

Les légumes furent mis dans une grande charrette faite en bois.

Normalement, ce genre de charrette était tirée par une vache, mais ils ne pouvaient pas utiliser la seule vache du village qui était une excellente main-d'œuvre.

Par conséquent, ils devaient la tirer manuellement.

"Kinzō-san, Tagosaku-san, merci."

Shizuko appela les deux personnes chargées de tirer la charrette à la place de la vache. Les deux hommes répondirent en levant le pouce.

La personne qui avait enseigné ce geste était naturellement Shizuko, mais étonnamment, les villageois (en particulier les hommes) l'aimaient beaucoup.

Lorsqu'ils furent prêts à tirer la charrette, Shizuko se mit à marcher avec eux.

Elle avait déjà prévenu Nobunaga, par l'intermédiaire de Mori Yoshinari, qu'elle lui rendrait visite.

Mais elle était très nerveuse car la réponse qu'elle avait reçue était « J'attends avec impatience ».

"Que quelqu'un prenne ma place…"

Elle se tourna vers Kinzō et Tagosaku en disant cela, mais ces derniers détournèrent magnifiquement leurs regards.

Elle poussa involontairement un soupir et regarda le ciel qui était éclairé par un soleil agaçant.

"Il va faire chaud aujourd'hui."

Elle marmonna ces mots en regardant le ciel bleu dépourvu de nuages.

***

Au bout de plusieurs heures, ils arrivèrent en ville, eurent la permission d'entrer dans le château après s'être présentés au garde, et après avoir terminé divers préparatifs, Shizuko se changea dans une tenue formelle, patienta plusieurs dizaines de minutes dans une salle d'audience vide, puis Nobunaga finit par se montrer.

"Aujourd'hui, tu es là pour me montrer les résultats de tes récoltes, n'est-ce pas ?"

Nobunaga parlait cordialement à Shizuko, qui avait la tête baissée.

"Montre-moi ces résultats. Lève la tête."

Shizuko leva la tête et se mit à parler.

"Je vais vous montrer les résultats de la récolte, et j'espère que vous pourrez également apprécier un repas qui a été fait avec."

"Un repas… ?"

"Oui. S'il vous plaît."

Elle signala du regard une personne à proximité et cette dernière apporta les cultures ainsi que des plats qui ont été faits avec.

Shizuko ne manqua pas de remarquer la légère réaction de Nobunaga au moment où il vit les plats.

Nobunaga aime les choses rares. Il a l'esprit assez flexible pour comprendre les choses d'un point de vue global, et ce, alors qu'il est une personne de cette époque. Il sera intéressé par les plats inconnus… probablement.

"Je vais vous expliquer."

Après avoir fait de nouveau la révérence, Shizuko parla tout en touchant les récoltes qui avaient été empilées devant elle.

"Voici 3 légumes qui vous sont présentés aujourd'hui. En premier, les citrouilles, puis le maïs, et pour finir, les tomates. Il y a également la culture principale, les patates douces ; ce n'est pas encore le moment de la récolte, mais j'en ai utilisé dans le repas pour que vous puissiez goûter."

"Que… je n'ai jamais vu de telles choses auparavant."

Les seigneurs de guerre qui les entouraient firent du bruit à la vue du tribut.

Cependant, lorsque Nobunaga leva la main, l'agitation cessa instantanément.

"Continue."

"Oui. À présent, le repas… nous avons de la citrouille et de la viande de cerf bouillis dans du miso, du maïs bouilli, des patates douces, des onigiri au miso et des tomates saupoudrées de sel."

"Hoo… ce maïs a une couleur proche de l'or scintillant. Mais je vais commencer par la citrouille."

Il prit les baguettes et mis la citrouille et le venaison au miso dans sa bouche.

Les officiers se demandèrent si c'était une bonne idée de manger directement sans faire venir un goûteur, mais Nobunaga ne se souciait pas de cela.

Ou peut-être que les plats ont déjà été goûtés à l'avance ? Alors qu'ils étaient dans cet état d'esprit, Shizuko attendait le verdict de Nobunaga.

Il mâcha normalement, puis il s'arrêta soudainement et posa ses baguettes.

Son visage semblait impatient.

Shizuko et les serviteurs, troublés, se mirent à transpirer.

"S-Seigneur ! Non, Shizuko-dono l'a empoisonné !"

"Stop !"

Hideyoshi, qui pensait que le plat était empoisonné, fut arrêté alors qu'il était sur le point d'attraper Shizuko.

Le propriétaire de cette voix était, évidemment, Nobunaga.

Il regarda Shizuko avec une expression sérieuse contrairement à tout à l'heure.

"S-Seigneur ? Euh… ?"

"Cette nourriture a une texture que je n'ai jamais goûtée auparavant. Et pourtant, elle est agréable à mâcher. Il y a également une légère douceur qui renforce le goût. Délicieux, vraiment délicieux."

Nobunaga avait dit cela en souriant.

Les vassaux, qui comprirent qu'ils avaient commis un malentendu, se tapotèrent la poitrine avec soulagement.

Après cela, Nobunaga mangea le reste du repas en silence.

Il était dit que Nobunaga était indifférent vis-à-vis de la nourriture, mais il avait mangé ces plats nouveaux en raison de sa curiosité.

Nobunaga posa lentement ses baguettes et tourna vers Shizuko.

"C'était délicieux. Et au vu de la taille du tribut, les récoltes devaient être abondantes."

Shizuko, soulagée, tapota sa poitrine alors que Nobunaga lui parlait en souriant.

"Cependant…"

Mais cela fut de courte durée, Nobunaga avait immédiatement changé d'expression et la questionna.

"Pourquoi n'y a-t-il pas de riz ? Contrairement aux autres cultures, le riz est une ressource importante. Et au vu de ton expression, tu n'as pas cherché à en produire. Donne-moi la raison à cela. Ne me dis pas que c'est parce que ces cultures sont rares ?"

Durant la période Sengoku, la plupart des conflits avaient lieu en hiver car les paysans avaient fini de récolter le riz.

Contrairement aux autres légumes, le riz était une ressource importante pour la guerre.

Et les moyens d'obtenir beaucoup de riz étaient un élément important dans ces guerres.

"… Seigneur, c'est un peu présomptueux de ma part, mais permettez-moi de vous expliquer la raison à vous et à vos vassaux."

"Cela ne me dérange pas, parle."

Après avoir fait la révérence, Shizuko regarda Nobunaga droit dans les yeux et lui dit :

"Au nom de votre objectif d'unifier le pays, je pense qu'il est nécessaire d'appliquer la doctrine du [Fukoku Kyōhei]."

"Pays riche, armée puissante ?"

Shizuko hocha la tête suite aux paroles de Nobunaga.

"Cela signifie améliorer l'industrie et l'économie et renforcer l'armée en conséquence."

Cependant, après avoir dit cela, les prochains mots de Shizuko furent plus secs :

"Pour autant que je sache, il n'y a actuellement aucune région dans le Hinomoto qui soit capable d'appliquer le Fukoku Kyōhei."

L'expression de Nobunaga changea immédiatement suite à ces mots.

Cela signifiait que selon Shizuko, aucun daimyo, pas même le Shōgun, ne pouvait appliquer le Fukoku Kyōhei.

En d'autres termes, cela incluait Nobunaga.

Naturellement, l'expression des vassaux changea suite à ces mots, mais Nobunaga les arrêta d'un geste de la main avant qu'ils n'aient pu dire quoi que ce soit.

"Continue."

"… J'aimerais vous dire à l'avance que je ne cherche pas à vous ridiculiser. Je ne fais que citer les faits."

"Cela ne me dérange pas. Mais ta façon de parler laisse à penser que tu as un plan pour accomplir ce Fukoku Kyōhei, n'est-ce pas ?"

Au vu du regard vif que Nobunaga adressait à Shizuko, elle sentit qu'il n'aurait fait preuve d'aucune pitié si elle n'avait pas de plan.

Des gouttes de sueur se mirent à couler sur son visage, mais elle raffermit son esprit pour chasser ses peurs.

"Avec le Fukoku Kyōhei, nous pouvons avoir des puissants soldats en renforçant leur équipement via les réformes militaires. Mais pour cela, il faut d'abord rendre le pays riche… en d'autres termes, nous devons renforcer le pouvoir national. La première étape pour cela est de stabiliser le mode de vie du bas peuple."

"…"

"Les légumes que je vous ai présentés peuvent être cultivés même dans des sols peu fertiles. Et ils demandent peu de temps et d'effort. En d'autres termes, il est possible de les cultiver en même temps que le riz."

La culture du riz ne pouvait pas être exclue car elle était une pierre angulaire du Hinomoto.

Cependant, si les paysans ne cultivaient que du riz, ils tomberaient à court de nourriture en cas de mauvaise récolte.

Par conséquent, les cultures capables de pousser dans les sols peu fertiles étaient essentielles.

En particulier les patates douces, elles ont un taux de fertilité élevé et peuvent pousser même dans les sols les plus infertiles tant qu'on ne fait pas d'erreur dans la procédure. Du coup, même un débutant peut facilement les faire pousser. C'est pour ça qu'elles ont été cultivées en masse pour faire face aux famines durant l'époque d'Edo.

De plus, les patates douces de Shizuko n'étaient pas celles d'à l'époque où elles ont été découvertes, elles étaient des versions améliorées par la science moderne.

Les patates douces, les citrouilles, les tomates, le maïs doux et les cannes à sucre étaient très résistantes aux pestes et aux maladies, et il n'y avait pas à craindre qu'ils meurent, sauf en cas de circonstances spéciales.

"Elles sont également très nourrissantes et peuvent réduire le taux de mortalité des enfants dû à la malnutrition."

Une baisse du taux de mortalité des enfants signifiait une augmentation de la main-d'œuvre pour les travaux agricoles.

Entre un pays dans lequel 100 enfants naissaient, mais seule la moitié d'entre eux grandissait, et un pays où 90 % des enfants pouvait atteindre l'âge adulte, il y avait une différence dans la fondation.

Cela permettait de produire plus de riz et de légumes, mais aussi d'avoir plus de soldats.

"En utilisant des méthodes efficaces, nous pouvons augmenter le taux de production. En conséquence, cela améliorera la nutrition des paysans. Et grâce à cela, nous pourrons devenir un « pays riche ». Et en augmentant le nombre d'enfants, nous pourrons augmenter le nombre de soldats potentiels. Et ainsi, nous aurons une « armée puissante »."

Au moment où elle finit de parler, le claquement sec d'un éventail pliant résonna.

"Splendide ! Je n'ai jamais pris en compte les travaux agricoles à ce point-là. Tu m'as montré ce que tu étais capable de faire."

Nobunaga avait parlé en pointant son éventail pliant vers Shizuko.

Tous ses vassaux s'étaient inclinés, alors Shizuko en fit immédiatement de même.

"Lève la tête, Shizuko."

"Oui."

Shizuko leva lentement la tête, et Nobunaga tapota son front avec son éventail.

Étant incapable de comprendre le comportement de Nobunaga, elle ne comprenait pas le sens de cette action.

"Tu as l'esprit vif et tu ne détournes pas le regard. C'est dommage que tu sois une femme."

"Ah, ah…"

"Je le redis encore une fois : tu m'appartiens. Et tu ne me quitteras que quand tu seras morte."

Nobunaga retira son éventail du front de Shizuko, et esquissa un sourire lors de ses prochains mots :

"Tu sais ce que tu dois faire… n'est-ce pas ?"

Shizuko resserra son expression et hocha fortement la tête face à ces mots.

Contrairement à leur première rencontre, les paroles de Nobunaga ne contenaient pas le sous-entendu de « Si tu me trahis, je te tues ».

Elle avait senti que Nobunaga avait décidé de l'utiliser comme une véritable vassale.

C'était la raison pour laquelle Nobunaga lui avait demandé ce qu'elle devrait faire.

Si je ne peux pas rentrer chez moi, alors je survivrai à l'époque Sengoku… !

Ce qu'elle devait faire, à présent, était d'œuvre en tant que vassale de Nobunaga.

Tant qu'elle ne connaissait pas de moyen de retourner à son époque, elle devait survivre à l'époque Sengoku.

De plus, dans cette époque, Nobunaga était le seul daimyo qui oserait prendre une femme à son service.

Par conséquent, Shizuko n'avait basiquement aucune option à part travailler pour Nobunaga.

Ayant de nouveau compris cela, Shizuko était légèrement enthousiaste.

"Yoshinari ! Rassemble une cinquantaine de paysans."

"Oui !"

"Shizuko, je vais attaquer le Mino. Je vais te confier un nouveau territoire. Utilise les villageois qui seront rassemblés là-bas pour créer une productivité suffisamment élevée pour soutenir l'Owari."

"Oui seigneur !"

Alors qu'elle baissait la tête, Shizuko se remémora l'histoire.

Si je me souviens bien, Nobunaga était devenu un daimyo à la tête des régions d'Owari et Mino en l'an 10 de l'ère Eiroku (1567), soit dans 2 ans… et après ça, il a étendu son territoire avec un élan incroyable, je dois augmenter la productivité d'ici-là.

Le terme Sengoku (provinces en guerre) était un nom approprié à cette époque remplie de guerres entre compatriotes.

Cependant, la plupart des soldats qui partaient en guerre étaient des paysans conscrits.

Et leur mort menait à une baisse de la production de riz.

Ichijōin Kakukei (Ashikaga Yoshiaki) entrera en contact avec Nobunaga durant le mois de juillet de l'an 11 de l'ère Eiroku (1568), et Nobunaga commencera sa marche vers la capitale en septembre… dans 3 ans, donc. Hum, ça devrait me laisser assez de temps pour me préparer contre l'invasion d'Ise.

Elle devait créer une productivité suffisamment élevée pour compenser le départ des paysans s'ils étaient enrôlés pour la guerre.

Elle était convaincue que cela était le problème sur lequel elle devrait travailler.

Ce qu'on devrait faire, c'est appliquer la rotation des cultures et planter deux cultures dans un même champ. Et plutôt que de préparer immédiatement les champs de riz et d'y jeter les grains, on devrait créer un lit de semence et une pépinière. Il nous faudra également des rouleaux-cages pour que ce soit planté de façon régulier, des machines de désherbage rotatif pour enlever les mauvaises herbes, des moissonneuses pour couper le riz et des batteuses pour enlever la balle du riz. Si on a tout ça, la productivité va monter en flèche !

Il y avait tellement de choses à faire que cela lui faisait tourner la tête.

Mais surtout, elle avait hâte de labourer les immenses champs qu'elle avait reçus.

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