Chapitre 90 - Effet Papillon

- Ur-Uraraka ?

Inasa baissa les mains en entendant Kyoka parler.

Il jeta un coup d'oeil à travers la meurtrière et, en effet, Ochaco Uraraka se tenait au bas de la tour de ciment, un garçon blond balancé sur l'épaule.

- Est-ce que c'est… Bakugo ?

- Pousse-toi

Monoma – mandaté par Aizawa pour surveiller la zone – sortit d'un coin sombre et regarda à son tour à travers la fente creusée dans le ciment. 

Ses yeux virèrent au rouge, et ses cheveux se dressèrent sur sa nuque.

- C'est bien eux

Aussitôt Cementos fit couler son ciment comme une vague et enveloppa les adolescents dans une bulle protectrice.

La seconde d'après un jet de flammes bleues explosa à la surface du mur, brûlant l'herbe et transformant les arbres en allumettes. 

Monoma se pencha, yeux rouges, essayant de trouver Dabi. 

Il aperçut le vilain et annula son Alter.

Aussitôt, le vilain recula dans l'obscurité et Monoma le perdit de vue. 

Ochaco et Bakugo furent remontés et ramenés dans tour de contrôle transformée en tourelle de combat pour l'occasion.

Située au-dessus de la salle des ordinateurs et aussi petite qu'un grenier, la salle n'était auparavant remplie que de ciment.

Cementos l'avait creusé de l'intérieur, avait ouvert des meurtrières et s'occupait d'éloigner les vilains en utilisant le ciment supplémentaire.

- Au sud !

Aussitôt une bourrasque de flammes bleues explosa dans l'un des murs de l'école.

Cementos courut jusqu'au trou creusé de ce côté là puis leva les mains. 

Une flaque de ciment gris était étendue tout autour du bâtiment, agissant comme un piège mortel pour quiconque serait assez stupide pour s'en rapprocher de trop près.

Un tsunami de ciment jaillit de la flaque et submergea totalement les flammes, étouffant l'incendie. De la fumée noire s'échappa de la vague grise et tourbillonna dans l'air nocturne.

Une larme de sueur roula sur la tempe de Cementos alors qu'il exhalait lentement.

- Sensei

Monoma posa sa main sur son épaule.

La seconde d'après il leva sa main droite, et le tsunami de ciment reprit vie. 

Il fit tourbillonner la vague grise comme un anneau autour de l'école pour empêcher quiconque de se rapprocher. Puis, tout à coup, il serra le poing et la vague se stabilisa en un dôme de piques longs de plusieurs mètres.

Le ciel et l'horizon étaient toujours visibles, et avec eux le combat de titans qui se déchaînait dans au-dessus du désert.

Le fracas des deux lumières, pareils à la foudre qui s'abat sur terre, faisait trembler les cieux et trouait les nuages.

- Est-ce qu'il est… ?

Monoma jeta un coup d'oeil par-dessus son épaule, là où Inaza et Tokoyami avaient retiré Bakugo des épaules d'Uraraka et l'avaient allongé par terre.

La jeune fille, ruisselante de sueur, passa une main sur son front.

- Non, non. Mais il s'est évanoui tout à l'heure…

- Où est-ce que vous étiez ?

Les yeux bruns d'Ochaco rencontrèrent les prunelles glacées de Monoma.

- Au désert, là-bas. On était partis chercher Todoroki quand ce type en costume est arrivé.

Cementos, scrutant toujours les ténèbres environnantes à travers les trous dans le mur, se retourna à la mention du vilain

- Un homme en costume ?

- Grand, avec une sorte de masque à oxygène sur le visage et la peau rose, brûlée.

Inaza était inhabituellement sérieux.

- Vous le connaissez, sensei ?

Cementos reporta son attention sur les meurtrières. Déjà, les vilains essayaient de faire tomber les murs.

- Non

Monoma lui lança un regard en coin puis ouvrit la trappe qui donnait sur l'étage inférieur, transformé en infirmerie de fortune.

Il leva les mains et une fine coulée de ciment se détacha des murs avant d'envelopper Bakugo.

Le garçon fut glissé au bas de l'échelle par une langue de ciment. 

Monoma le déposa au centre de la salle, à côté de Kaminari sur lequel Yaoyorozu s'affairait depuis tout à l'heure.

La jeune fille sursauta et manqua de tomber en arrière. Elle posa une main sur son coeur, expira de soulagement, puis se tourna vers le nouveau blessé.

- Bakugo ?

Monoma, accroupi dans le grenier et tenant la trappe d'une main, répondit :

- Uraraka vient tout juste de revenir avec

Des plis d'inquiétude barrèrent le front de Momo.

- Elle va bien ?

Le blond se tourna vers la jeune fille puis demanda :

- C'est vrai ça. Tu n'es pas blessée ?

Un sourire difficile étira les lèvres de l'adolescente.

- J'ai eu beaucoup de chance, mais je n'ai rien eu

- Et t'as réussi à passer les vilains en bas avec un poids sur les épaules…

Ochaco s'offusqua.

- Bakugo n'est pas un poids ! Et j'ai utilisé mon Alter, évidemment

Inaza l'attrapa par les épaules et la tourna brusquement vers lui.

- Vous deviez chercher Todoroki, c'est ça ? Où est-ce qu'il est ? Vous l'avez trouvé ?

- Oui, au désert, mais ce vilain est apparu de nulle part et ils nous a empêché de partir

- C'est lui qui a fait ça à Bakugo ?

- Oui

Tokoyami, resté silencieux jusqu'alors, dit, bras croisés sur son torse :

- Donc vous l'avez abandonné pour vous enfuir

La jeune fille s'empourpra.

- Non, bien sûr que non-

- All Might est arrivé, c'est ça ? Et Shoto l'assiste ou un truc du genre ?

Cette fois ci Ochaco était purement et simplement confuse.

- Quoi ? Pourquoi est-ce que vous pensez qu'All Might est là ? Il va venir ?

En bas, Momo s'affairait déjà à prodiguer les premiers soins à Bakugo. 

Elle n'écoutait plus que d'une oreille distraite la discussion qui lui parvenait de l'étage supérieur, appréciant que le bruit des voix couvre les respirations difficiles de tous les autres blessés réunis autour d'elle.

Monoma, accroupi au bord de l'échelle, un bras posé sur la trappe ouverte, n'avait pas détourné une seule seconde les yeux d'Uraraka.

- On l'a entendu. Les boum dans le ciel. La lumière jaune.

Ochaco lécha ses lèvres sèches, se demandant comment formuler la suite.

- Tu sais quelque chose ?

Elle releva les yeux vers Monoma qui la scrutait avec l'attention d'une chouette.

- Je sais que vous allez avoir du mal à me croire, mais… c'est pas All Might qui se bat contre le vilain, dans le ciel. C'est Shoto

*

All for One rit.

Il leva les mains de part et d'autre de son corps, laissant les gouttes de pluie tomber sur son visage comme si c'eut été des larmes d'anges.

- J'avais entendu dire que tu pouvais contrôler la météo mais si je m'attendais à ça !

J'essuyais la goutte de sang qui coula de ma narine d'un revers de main.

J'avais déchaîné le vent autour de nous, créé une tempête qui prenait sa source dans l'orage et l'amplifiait. 

La nature elle-même avait répondu à mon appel, de la foudre tombant du ciel et éclatant dans le désert sans que je n'ai plus besoin de l'invoquer. 

Dos à la mer, lévitant dans le ciel grâce à mon Hell Flame, je pouvais sentir les vagues rouler furieusement et l'océan s'agiter, prêt à réagir à la seconde où je l'appellerai.

All for One leva la main vers moi et me désigna de sa paume.

- Regarde nous. Regarde ce que tu as fais à la force de ta volonté

Le vent sifflait, sec et glacial, et l'orage grondait avec colère dans les nuages bas et noirs au-dessus de nos têtes.

All for One écarta les bras – le valide et le moignon - dans un geste théâtral, comme s'il voulait englober le monde entier par ce geste.

- Nous sommes des Dieux toi et moi. Des êtres à part, supérieurs au commun des mortels, faits pour régner sur les autres.

Possède super régénération, force herculéenne, résistance passive à l'électricité, capacités lévitation-

- Nous avons été choisis. Notre Alter est meilleur et bien plus puissant que ceux de tous les autres

-ne sait pas pour ma maîtrise de l'eau, mes clones, mes compétences ninja, les sceaux de fuin que je me suis gravés-

- 'Notre' ?

All for One croisa ses mains dans son dos.

- J'ai vu la vidéo. Celle du hangar.

Mon sang se glaça.

Je le savais, j'aurai dû m'en occuper, je le savais putain, j'aurai dû-

- Tu étais très jeune. Dix ans, je crois ? Très précoce pour l'éveil d'un Alter

Je restai de marbre, mais la foudre crépitait sur ma peau comme un avertissement.

- J'ai beaucoup aimé la façon dont tu t'es débarrassé du premier. Utiliser un tournevis, très ingénieux. Il faut une grande force physique pour poignarder un homme de la façon dont tu l'as fait avec un objet contondant

Qui est-ce que c'est ? Maki ? Teka ? Quelqu'un qui travaillait pour mon père ?

- Et puis ensuite, pfiou

All for One siffla, faussement admiratif.

- Je n'ai jamais vu une telle maîtrise de la foudre. Tu allais si vite qu'on aurait presque pu croire que tu te téléportais, si ce n'était pour les traînées de lumière que tu laissais dans ton sillage. C'est bien différent de ce que sont censés être tes Alters à la base. C'est à se demander ce qu'il en est vraiment...

All for One resta silencieux quelques secondes, ses paupières légèrement soulevées sur ses yeux pâles pareils à des tâches.

- Tu ne poses pas de questions ? Je suis déçu

Est-ce que je devrais le tuer ?

Ma main hésita à aller jusqu'à mon épée.

Est-ce que je peux réussir à le tuer ?

All for One pencha la tête sur le côté, m'observant quelques secondes en silence.

- Qu'est-ce qu'il y a accroché dans ton dos ? L'air y fluctue. Comme si… la réalité se pliait autour

Il sent quand j'utilise du genjutsu.

Je restai silencieux, immobile, ma main tremblant à côté de ma cuisse.

Il soupira de façon théâtrale.

- Tu es vraiment ennuyeux, tu sais ?

Mizuki m'avait apprit à me taire, à ne jamais quitter mon adversaire du regard, à ne pas gaspiller d'énergie dans des babillages inutiles.

Mais j'ai besoin de savoir, de comprendre, comment et pourquoi est-ce que ce foutu épisode de merde du hangar revient me hanter après cinq putains d'années-

- Comment ?

All for One haussa les sourcils.

- Comment est-ce que je l'ai appris ? Et bien, disons que tu n'as pas été particulièrement discret.

Le ciel au-delà de la mer virait au noir, recouvrant à moitié la lune et étendant l'orage.

- Vois-tu, mon élève à remarqué quelque chose d'intéressant. Lors de sa petite excursion à l'USJ, je lui avais prêté un Nomu de type High-End. Quelle a été ma surprise lorsqu'il m'a dit qu'un élève, sans Alter capable d'améliorer les prouesses physiques, était capable de réagir voire même tenir tête au Nomu !

- Je m'entraîne depuis que j'ai cinq ans. Mes capacités ont depuis longtemps dépassé celles d'un être humain lambda

All for One fit claquer sa langue contre son palais.

- Ne joue pas à ça avec moi, mon garçon. Je suis là depuis bien trop longtemps pour croire à tes sottises.

- Un être humain assez entraîné peut se relever après être passé à travers un mur. Un être humain assez entraîné peut survivre à une chute de trois étages et en ressortir sans la moindre égratignure.

- Les capacités que tu as démontrées sont supérieures à ce que devrait avoir un être humain entraîné. Mes nomu ne sont pas des 'êtres humains entraînés', mais des créatures avec des Alters que quiconque n'a pas de pouvoir améliorant les capacités physiques ne devrait pas être en mesure de suivre. Or, c'est ce que tu as fais.

Si j'utilise des clones pour créer une barrière autour de nous, il pourra suivre mes clones à l'aide du genjutsu les dissimulant.

Et s'il réussissait, pour une raison ou une autre, à voir sous le genjutsu…

Non. Je ne sais pas ce qu'il veut, et lui révéler un atout tel que ma capacité à me 'cloner' serait une grave erreur de ma part.

- Tu vois, moi et mon ami sommes très intéressés par tout ce qui peut toucher à la génétique et à l'évolution de l'être humain grâce à l'influence des Alters. Nous nous sommes penchés sur ton cas, sur ton… arbre généalogique

Il sourit d'un air étrange.

- Et sur ton passif pour voir ce qui pourrait nous éclairer. Il faut dire que ça a été très difficile de trouver quoi que ce soit. Endeavor est quelqu'un de très consciencieux quand il s'agit de protéger sa vie privée. A vrai dire, trouver cet enregistrement était plus un étrange coup du hasard qu'autre chose

Mes mâchoires se serrèrent.

- Qui ?

All for One sourit.

- Bats moi, et peut-être que je te le dirai

Je reniflai d'un air méprisant.

- Et quoi ? Tu veux que je te rejoignes ou une connerie de ce genre ?

All for One rit comme si l'idée était absurde.

Il essuya le sang de son visage, fit rouler l'épaule gauche d'où je lui avais arraché le bras. La chaire se reconstituait déjà jusqu'au coude.

- Oh non. Bien sûr que non.

Il retira son masque en charpie et le jeta sur le bas côté.

- Vois tu, je suis quelqu'un de très, très âgé. J'ai vécu mon lot de batailles, et malheureusement mon corps n'est plus ce qu'il était

Ses lèvres, gercées et presque sanguinolentes, de la teinte exacte de sa peau, s'étirèrent en un sourire torve.

- Si je suis là aujourd'hui c'est pour voler ton corps