Chapitre 120 - Menace

Murakami, une cigarette à peine entamée dans une main, se massa l'arrête du nez.

- On peut pas faire ça Endeavor. La presse va nous attraper par la gorge

De l'autre côté du combiné le Héros ne se laissa pas démonter :

- Bien sûr que tu le peux. Dis qu'il a été mit en maison d'arrêt et qu'il est sous haute surveillance

Murakami grogna.

- La Commission le veut derrière les barreaux

- Ne pense pas à la Commission, pense à moi.

Murakami sentit une migraine poindre le bout de son nez.

- C'est mon fils, Akira. Je ne peux pas le laisser partir, pas après l'avoir perdu pendant si longtemps

Murakami voulait satisfaire son ami – même s'il avait de sérieux doutes quant à l'idée de laisser un tel criminel partout sauf derrière les barreaux d'une prison – mais la Commission lui mettait la pression pour qu'il agisse selon leur volonté.

Si seulement Touya avait décidé d'aller faire son grand retour sur un plateau télé ou dans une vidéo Youtube…

Mais non, il avait décidé de venir se dénoncer dans un poste de police – le sien, de surcroît - et il était maintenant sous la juridiction de Murakami jusqu'au 'procès'.

- Tu as des enfants toi aussi

- C'est très bas Endeavor

- Tu ferais pareil dans ma situation.

L'aurait-il fait ?

Murakami ouvrit la bouche, voulant lui demander si, après 10 ans, Touya n'était plus seulement un étranger avec qui il partageait son sang.

Il choisit cependant de se taire, ne voulant pas en rajouter une couche. 

Sa vie devait déjà être assez compliquée en ce moment, surtout quand on savait que deux de ses fils les plus virulents se détestaient.

- Je te demande ça comme une faveur, Akira. S'il te plaît.

Murakami soupira.

- D'accord, d'accord. Je vais le mettre en maison d'arrêt. Mais si la Commission vient après moi, t'as intérêt à couvrir mes arrières

Murakami sentit Endeavor sourire.

- Evidemment

*

- Qu'est-ce qui s'est passé mardi soir ?

Je m'arrêtai sur le pas de la porte, une main sur la poignée.

De l'autre côté de la porte les discussions se tarirent mais personne ne répondit. 

- Yaoyorozu-

- Je parle pas de ça, coupa sèchement Katsuki. Qu'est-ce qui s'est passé avant avec Shoto ?

Silence.

Puis une chaise racla contre le sol.

- Rien qui ne te concerne

Inaza.

- Je suis le délégué de cette foutue classe, bien sûr que ça me concerne

J'entendis Jiro murmurer, et je l'imaginai roulant des yeux :

- Y'a plus de classe, idiot

- Monoma m'a dit que vous aviez parlé à Shoto

- Oupsi

Je le visualisai levant les mains, un sourire de travers sur son visage d'idiot.

- Et ? 

Encore Inaza.

Bakugo s'impatientait, je n'avais pas besoin de le voir pour le savoir.

- Vous êtes cons ou vous le faites exprès ? Vous croyez vraiment que si Todoroki représentait un quelconque risque les profs le laisseraient à Yuei ?

- Son père est un Héros, répondit calmement Tokoyami. Tu as vu les chaînes d'informations comme nous. Il ne paiera pas pour ce qu'il a fait, et son frère non plus.

Plus intelligent que je le croyais la tête de piaf.

- Bah, tout le monde utilise ses avantages comme il peut, nan ?, s'interposa Monoma. Un de mes oncles est flic : il fait sauter toutes les contraventions de la famille

- Ca a rien à voir, dit Uraraka à voix basse. On parle pas d'un défaut de paiement mais de quelqu'un qui va s'en tirer sans problème alors qu'il a commit un meurtre. Des, même.

Connasse.

J'eus soudain la terrible envie d'entrer et de leur dire qu'elle avait tué un de leurs chers et tendres camarades et qu'ils avaient failli tous mourir parce qu'elle avait donné la localisation de notre camps.

- Tu te sens redevable parce qu'il t'as sauvé, dit Inaza, Mais Uraraka a raison, il a tué-

- Ouais, il est parti se mettre en danger et m'a sauvé le cul alors que vous étiez tous en train de trembler comme des tapettes à l'école

Silence.

- Ah ça vous fait moins rire quand c'est vous qu'on met face à vos responsabilités, hein ? Et bah ouais c'est vrai, j'étais en train de pisser le sang dans le désert et aucun de vous ne s'est dit 'oh mon dieu y'a le pauvre Bakugo qui crève tout seul, faudrait peut-être qu'on aille le voir'

Le venin que j'entendis dans sa voix me prit de court.

- C'est Shoto qui s'est bougé le cul et qui est allé me sauver, pas vous. C'est Shoto qui s'est battu contre ce vilain, ce All for One, ce type qui nous aurait tous brisés comme des brindilles les uns après les autres si il s'était pas interposé. Ca vous est pas venu à l'esprit ça, hein ? Mais non c'est tellement plus facile de rejeter la faute sur le seul type un peu compétent

- Il a tué des gens, répondit calmement Inaza. Volontairement. Sans être sous la contrainte. Rien ne justifie ça.

Je pouvais sentir l'énergie de Bakugo devenir de plus en plus instable à mesure qu'il s'énervait.

- Putain mais vous croyez que les Héros tuent pas des gens, au moins par accident ? Regardez deux secondes vos Alters, je pourrais vous faire une liste chacun de la façon dont ça pourrait déraper

- T'as aucune idée de ce que tu racontes

- T'en as aucune idée non plus

Bruits de pas.

Je sentis Bakugo et Inaza marcher l'un vers l'autre jusqu'à se retrouver face à face.

Personne ne bougea pour s'interposer.

- Pourquoi tu t'impliques autant ? Il s'en fiche de nous tous de toute façon

- Arrête avec tes conneries, il est pas plus mauvais que toi ou moi

- Tu te fais des films, Bakugo. Il s'en tape de toi au moins autant que de nous tous.

L'énergie de Bakugo piqua, et je sus aussitôt qu'il allait faire une erreur.

J'ouvris la porte d'un geste sec.

Katsuki et Inaza étaient pratiquement front contre front, une fumée noire s'élevant depuis la paume de Bakugo et s'enroulant autour de son avant-bras, une légère brise remuant les vêtements d'Inaza.

En quelques enjambées je me retrouvai entre les deux, repoussant Inaza d'une main sans le lâcher du regard.

- Calme-toi

La fumée tarit, mais ce n'était pas à Katsuki que je parlais.

Les yeux d'Inaza, aussi sombres que deux puits obscurs, firent des va-et-vient entre Katsuki et moi.

Puis ils s'arrêtèrent sur moi et il recula d'un pas lent sans pour autant me tourner le dos.

Quelqu'un frappa à la porte. 

aizawa, adossé contre le chambranle, leva un paquet de polycopiés.

- Si vous avez fini de jouer, mettez-vous au travail. Il est temps que vous trouviez vos stages

*

- Faut que t'arrêtes de faire le con

Je détournai le regard.

- Ouais ouais

- Je suis sérieux putain. Les autres te prennent pour un taré qui va péter les plombs et tous nous buter au beau milieu de la nuit

J'arrachai un petit morceau à la gomme et le fit rouler dans ma paume.

- … et toi qu'est-ce que t'en penses ?

Les yeux de Katsuki s'étrécirent.

- Qu'une claque de ton père te remettra assez les idées en place pour que t'aies jamais envie de le faire

Je souris.

- Tu me parles d'expérience là ?

- Hein ?

- Vu ta personnalité tu dois avoir des envies de meurtre depuis bien longtemps mais ta mère t'as trop botté le cul pour que tu passes à l'acte

- Ha ha, très drôle

Je me penchai et prit un stylo dans la trousse de Katsuki.

- Il s'appelle revient

- Je suis un meurtrier, pas un voleur

- Ca se discute

J'avais suivi Katsuki jusqu'à sa chambre un peu par hasard, tant pour faire passer le temps que parce que j'appréhendai de retourner dans mon sanctuaire du Fuinjutsu pour vomir des sceaux.

Personne ne mourrait si je prenais une petite pause, hein ?

Je me penchai sur la pile de documents à compléter pour le stage.

Apparemment les licence provisoires n'étaient pas quelque chose d'accessible pour des lycéens.

La Commission avait passé une série d'accords avec les lycées Héroïques pour autoriser leurs étudiants à utiliser leurs Alters sur la voie publique uniquement dans le cadre de leurs stages.

Les stages avec les Héros voulaient dire que nous serions sous leur tutelle et sous leur juridiction – en cas d'erreur, tout leur retomberait dessus.

Il semblerait que le Japon de mon monde n'était pas assez désespéré pour envoyer des adolescents au casse-pipe, faute de moyens.

- Au fait pourquoi t'as choisi Hawks ?

- Parce que j'avais envie

- Tu peux juste me dire que ça a avoir avec un de tes pouvoirs magiques que tu veux entraîner ou je sais pas trop quoi au lieu de faire le mystérieux

Je me penchai en avant.

- Et toi t'as choisi… ?

Katsuki releva la feuille vers lui.

- Hé c'est privé

Mais c'était trop tard, j'avais déjà vu.

- T'as choisi mon père ?

Katsuki fronça les sourcils.

- Déjà j'ai choisi personne, c'est lui qui m'a envoyé la demande. Ensuite c'est le meilleur Héros du pays après All Might

Discutable.

- Et je suis sûr qu'il a plein de trucs à m'apprendre

Véridique.

- Et putain j'ai pas à me justifier, je choisis qui je veux

Je levai les mains.

- Tout doux mon pote. Personne te veut de mal ici

Katsuki continua à me fusiller du regard.

- Au fait tu vas au cours de tout à l'heure ?

- On a cours ?, demandai-je, sourcils froncés. J'ai rien entendu de la sorte

- C'est un truc spécial avec All Might, continua Katsuki. Il est venu me parler à la fin de l'heure ce matin

Je restai silencieux, et Katsuki enchaîna :

- Il m'a dit que je devais pas en parler, mais je croyais qu'au moins toi serais aussi au courant

J'avais cru que la Classe Elite serait une distinction entre les bouseux et ceux qui avaient une chance d'avenir, mais il semblerait que ce ne soit qu'une couverture….

- Quoi ? Tu crois qu'All Might veut me prendre comme élève ou un truc dans le genre ?

Il semblerait que Katsuki soit l'un des contendants pour le titre de prochain porteur du One for All...

- Tu vas peut-être voir d'autres gens de notre classe, dis-je. Il faudra que tu me dises qui.

Katsuki me jeta un coup d'oeil circonspect.

- Ouais, si tu veux. N'empêche que je vois pas pourquoi un autre des idiots aurait aussi droit à des cours privés et pas toi

Parce qu'All Might se méfie de moi et qu'il ne veut surtout pas voir son pouvoir entre mes mains...

Je haussai les épaules.

- Les aléas de la vie

*

Bakugo arriva en deuxième sur les lieux du rendez-vous, à sa plus grande surprise.

Inaza, les bras croisés, se tenait un peu plus loin sur la droite. 

Un mouvement sec du menton en signe de bonjour était la seule chose que Katsuki reçut.

Mains dans les poches il se laissa tomber par terre, épaules voûtées.

C'est alors qu'une tête sortit du sol.

Katsuki poussa un cri et roula en arrière pour esquiver une attaque qui ne vint pas, sa paume crépitant.

Inaza était lui-même sur le qui-vive, jambes voûtées, main déjà relevée pour faire appel au vent.

La tête sortit du sol comme un champignon, un coup, des épaules puis un corps la suivant comme si un humain était en train de naître du sol en vitesse accélérée.

Le type blond ricana, mains sur les hanches, et Katsuki se détendit quelque peu en voyant qu'il portait ce qui ressemblait à un costume de Héros.

Peut-être que c'était un Héros de seconde zone qui assisterait All Might dans ses leçons.

Il lui tendit sa main.

- Mirio Togata, troisième année

Que Katsuki ne prit pas.

Mirio ne s'en formalisa pas et continua à sourire.

- Vous aussi vous êtes là pour la réunion d'All Might ?

Katsuki et Inaza échangèrent un bref regard.

- Ouais

- Hmm

Le type bizarre regarda sa montre.

- 17:02. Il est en retard.

Au même instant une ombre tomba du ciel, faisant sursauter les trois adolescents.

Le sol trembla comme si un séisme le secouait.

All Might, poings sur les hanches, ricana tant parce que ça faisait partie de sa persona que parce que les trois adolescents s'étaient mis en position de défense comme s'ils s'attendaient à être attaqués d'une seconde à l'autre.

- La ponctualité est un must pour n'importe quel Héros !

Il leur offrit le sourire méga-watt 2000, ses yeux balayant la petite assemblée.

- Ah, je crois qu'il nous manque-

- Pardon, je suis en retard !

Les trois garçons se tournèrent vers le dernier arrivant.

Ruisselant de sueur et en nage, elle s'arrêta à la périphérie de leur groupe, mains sur les genoux.

All Might sourit.

- Pas de problème Ochaco. Nous n'avions pas encore commencé.