Ok bon
Je vais pas vous expliquer ma naissance, vous êtes des grands garçons, vous savez comment ça marche.
Et quand je ferme les yeux, je revois ces horribles images que je préférerais oublier. Donc non.
Je viens de naître, c'est bizarre, de sentir à nouveau l'air frais qui se fraye un chemin dans mes minuscules poumons.
De ne plus se sentir enveloppé dans une étrange, visqueuse et protectrice matière.
Je ne peux toujours pas à nouveau voir, mes yeux sont encore collés.
Autour de moi je ressens plusieurs personnes dans la pièce pendant que je suis pris par une immense paire de main.
"Alors ?" j'entends demandé par une voix âgée et bourrue un peu loin tandis qu'on m'emmitoufle dans une petite couverture.
Ça aussi c'est un peu nouveau, les sons. En tout cas bien plus clair qu'à l'intérieur.
"C'est un garçon " répond une voix féminine qui semble être la propriétaire des mains qui me tiennent.
Bon super, ça veut dire que ma transformation en
moi du passé version manga c'est bien déroulée.
Ça facilite les choses, être un androgyne sans sexe aux cheveux bleus risque d'attirer l'attention et peut-être la haine, même dans le monde de Naruto je suis presque sûr que c'est bizarre.
Et à force de pratiquer ma transformation, je peux changer de corps en 5 secondes pour les humains et +- 30 pour le slime.
"À la bonne heure, emmenez-le." répond la voix bourrue semblant appartenir à un vieil homme.
"Attendez! S'il vous plaît, Laissez-moi le porter"
s'exclame une deuxième voix féminine que j'imagine être ma mère.
"... bien, de toute manière vous êtes mourante, on peut au moins vous accorder quelques minutes."
Bon ben nickel.
À peine né, plus de maman. Et par l'absence de voix masculine à ses côtés, plus de papa non plus on dirait. Ma vie commence bien.
Je me sens passé de mains en mains, échangé comme un paquet que personne ne veut avoir et n'attends que la première occasion pour le refiler à quelqu'un d'autre, jusqu'à arriver sur un corps, reposant sur une poitrine féminine dont la respiration est lourde, haletante. Tenu en équilibre par des mains douces comme de la soie, cela doit surement être ma nouvelle mère.
Pas pour très longtemps, si j'ai bien compris.
J'ouvre mes paupières pour découvrir des yeux qui me semblent étranges. Ma vision de bébé est encore trop mauvaise pour que je puisse bien voir, ma vision étant plus proche du pires des myopes dépossédé de ses lunettes.
Malgré tout, je peux en partie discerner quelques traits à la fois, un menton, puis un nez, puis un sourire aimant mais fatigué, trop fatigué.
Mais surtout des yeux, un peu trop loin pour que je puisse clairement les voir, mais semblant radier, d'une couleur sombre et rouge, semblable à une plante, bien que je pourrais me tromper.
Ma vision doit me jouer des tours, ou alors elle a une conjonctivite ?
"Mon bébé, mon si joli bébé." commence lentement ma mère
"Tu es si mignon, un futur bourreau des cœurs..." elle continue les larmes aux yeux.
Mignon ? Alors là t'imagine pas ma vraie forme
"Ton nom est Kiyoshi, Kiyoshi Takikara."
Elle me nomme lentement, solennellement, laissant quelques larmes couler avant de reprendre
"Je suis désolé de ne pas pouvoir être là pour toi, mais je sais que tu seras un enfant fort, intelligent, beau et que tu vivras une longue et belle vie, que la liberté que je n'ai jamais eue sera à ta portée, et que tu la saisiras. Que tu seras quelqu'un de grand, de reconnu et que tu te battras toujours pour ceux que tu aimes et pour ce en quoi tu crois.
Je t'aime de tout mon cœur, mon doux fils."
Je ne peux que sentir mon cœur se pincer, me sentant irrémédiablement et instantanément lié à cette belle femme aux yeux étarnges.
Est-ce un mécanisme psychologique me forçant à aimer cette femme car elle est ma génitrice ?
Est-ce mon corps de bébé et mon cerveau à peine en train de se former, qui me poussent dans ces émotions inconnues à mon cœur ?
Est-ce le fait que, après seulement quelques minutes à la connaitre, elle m'a déjà montré plus d'amour que je n'en ai reçu de la part de mes propres parents dans ma vie précédente ?
Je ne sais pas.
Par contre ce que je sais, c'est qu'en ce moment, et je pense que je m'en souviendrai toute ma vie, je ressens pour quelqu'un une affection que je n'ai jamais ressentie auparavant, et une peine encore plus immense, sachant très bien ce qui va s'ensuivre.
Elle finit avant de sombrer dans l'inconscience, l'infirmière du début me reprenant sans ménagement dans ses bras quelques secondes plus tard.
Et tandis qu’on m’emmène je ne sais où. Sans doute pour un nettoyage, une pesée, un examen médical ou que sais-je encore. J’entends de nouveau la voix du vieillard.
Grave. Usée. Et toujours aussi sèche.
« Étrange, Je n'avais jamais vu de bébé qui en naissant, ne pleure pas. C’est un petit plutôt bizarre. »
l enchaîne, l’air de rien, comme s’il commentait la météo :
« Quoi qu’il en soit, il pourrait faire un convenable ninja de Taki. Et qui sait… Cet avorton pourrait, si Kami le veut, réparer l’immense déshonneur jeté sur sa famille. »
...
Pardon ?
Attends, quoi ?
Bon… On dirait que je fais effectivement partie de la famille de parias du coin.
Super.
Orphelin et fils de déshonorés.
Ça commence bien, que je me dis, pendant que l’infirmière me porte à travers un couloir terne jusqu’à ce qui ressemble fort à un orphelinat.
Bâtiment froid. Couleurs fades. Une ambiance moite et résignée dans l’air.
On entre dans une chambre collective. Une demi-douzaine de berceaux, une odeur de lessive bon marché et de bois fatigué. Elle me dépose dans un lit tout au fond, juste à côté d’un grand miroir mural légèrement piqué.
« C’est lui ? » lance une voix de femme, dure comme un vieux pain.
Je suppose que c’est la matronne.
« Oui. » répond l’infirmière qui m’a porté jusqu’ici, avec un ton plat, presque désolé.
« Tsk... Et dire qu’on doit s’occuper du petit-fils d’une telle ordure. C’est aberrant. »
Ah, les joies de la bienveillance maternelle. Ça me manquait déjà.
« Il est tout calme. Trop calme. Pas un cri, pas un mouvement, pas une grimace, même pas un petit pet surprise. On dirait une poupée. »
« Tant qu’il fout pas le bordel, je m’en fiche. » rétorque une troisième voix, plus sèche, que je ne distingue pas depuis mon angle.
« Bon, on n’a pas que ça à faire. Remonte la couette et on y va. Y a le souper à préparer. »
Leurs pas s’éloignent dans un grincement de planches fatiguées. Je reste là, emmailloté, silencieux, les yeux encore mi-clos, le cerveau en ébullition.
Sûr cela, elles quittent toutes la chambre, me laissant seul avec mes pensées.
Bon, donc… on dirait que tout le monde me déteste.
Génial. À peine né et déjà sur liste noire.
J’ai l’air d’être le descendant du croque-mitaine local. Je me demande ce qu’il a bien pu faire pour que tout le monde me haïsse à ce point.
Marrant...
Je savais même pas qu’il y avait un genre de “monstre” à Takigakure. En même temps, Taki, c’est pas exactement le centre du monde. Pas de grands noms, pas d’événements majeurs.
Je veux dire, à part Chōmei… l’Eau de Héros… et Kakuz—
…
Attendez...
Non.
Non. Non non non. C’est une blague.
Je me tortille pendant plusieurs minutes pour me retourner dans mon berceau, histoire d’avoir une vue sur le miroir accroché au mur.
Et après quelques efforts, j’y arrive enfin.
Je me retrouve face à mon reflet.
Je suis vraiment comme dans ma vie passée, version manga. Cheveux noir/brun très foncé et peau blanche. Mais ce qui attire mon attention c'est surtout une chose, mes yeux. De jolis petits yeux.
Petit, emmailloté, cheveux brun très foncé, peau pâle. Rien d’anormal jusque-là.
Mais mes yeux.
Ce sont eux qui m’arrêtent net.
De jolis petits yeux.
De jolis petits yeux couleur pourpre… avec des pupilles vertes.
…
Et merde.
"Une figure locale. Trois fois rien."
Tu parles ouais.