Chapitre 18 : Construction

Julian et sa bande courus toute la nuit sans s'arrêter. Sans même le remarquer, ils arrivèrent enfin hors de la forêt. Les premiers rayons du soleil marquaient le début d'une nouvelle journée.

Les muscles en feu, Julian reprenait son souffle. Garder le contrôle de l'aspect tout en suivant le capitaine Soll avait été beaucoup plus difficile que prévu. Même la montagne qu'était Darg peinait à récupérer.

Le capitaine Soll, quant à lui, ne semblait pas du tout épuisé. Malgré sa lourde armure et son immense sac, sa posture restait droite et fière, projetant une ombre imposante sur les arbres.

"On y est. C'est ici que se déroulera votre entraînement. Préparez-vous avant que la nuit ne tombe à nouveau," déclara le capitaine Soll.

Julian leva les yeux vers lui, ne comprenant pas ce qui se tramait. Autour d'eux, il n'y avait absolument rien. Juste une vaste plaine entourée d'arbres et un ruisseau qui traversait l'autre côté de la forêt. Malgré la distance, Julian parvenait à entendre l'eau ruisseler jusqu'ici. "Mes sens sont devenus plus aiguisés," remarqua-t-il.

Une candidate prit son courage à deux mains et demanda :

"Capitaine Soll, je voudrais pas paraître impolie, mais il n'y a rien ici. Où est-ce qu'on va dormir ? Et cette tombe... ça ne ressemble pas du tout à une tombe, cet endroit ?"

Le capitaine Soll sourit amicalement. "Tu as parfaitement raison. Nous ne sommes pas encore dans la tombe, mais à son entrée. C'est ici que nous allons perfectionner votre maîtrise de l'aspect. Ce n'est qu'une fois prêts que nous entrerons dans la tombe. Quant à votre logement, je crois avoir dit de vous dépêcher. Vous savez qu'ici, quand on construit, le temps passe très vite."

Julian sentit ses pieds devenir tout mous. "Ai-je bien entendu ? Construire ?" Le grondement sourd de son ventre sembla répondre à sa question. Le capitaine Soll s'allongea sur l'herbe verte et se mit à méditer. "Dépêchez-vous," lança-t-il.

"Mais on n'a jamais construit de maison, nous ! Une maison pour cent personnes ? Ça va prendre une éternité ! C'est du n'importe quoi, ça !" Leck fut le premier à se plaindre, fixant le capitaine Soll, priant pour que ce ne soit qu'une mauvaise blague.

Mais trois minutes plus tard, ils étaient toujours sur place, et le capitaine Soll les ignorait complètement. "Une épreuve d'adaptation ? C'est quoi ces méthodes d'entraînement ?" Julian était sans voix. Construire une cabane n'avait rien de compliqué, et même si elle était bancale, cela aurait été faisable. Mais là, une maison pour plus de cent personnes ? Sans aucun matériel, sans consignes, juste leur instinct...

Julian essuya la sueur sur son front. "C'est beaucoup plus compliqué qu'une simple épreuve d'adaptation, Julian. Regarde autour de nous. Ils sont fatigués, épuisés, et pour beaucoup, affamés. Plus on perd du temps, plus la construction deviendra difficile. Le capitaine Soll essaie de nous apprendre à prendre des décisions au cœur de l'action," ajouta William d'une voix beaucoup plus sèche que d'habitude. Il était clair que la fatigue l'affectait lui aussi.

Essayant de comprendre les enjeux, Julian savait qu'il ne devait pas perdre trop de temps à réfléchir. "Tu as raison. Il faut qu'on se lance, mais comment ?"

"Écoutez-moi tous !" Siron prit les devants. "Vous avez déjà compris l'essence même de l'épreuve : adaptation et résilience. J'ai appris les bases de l'architecture dans ma famille. On n'a pas à construire un manoir, juste quelque chose d'assez solide pour tenir le coup."

"Pourquoi on t'écouterait, toi, d'abord ? Tu ne me donnes pas d'ordres. Aucun noble ne me donne d'ordre," cracha un candidat avant de partir de son côté.

"Je ne cherche à donner d'ordre à personne. Écoutez-moi..."

Rapidement, certains se mirent à se disperser, d'autres à s'attaquer aux pauvres arbres. "Chacun construira sa cabane. Et cela seul."

Encore une fois, leur arrogance prit le dessus, et les clans se formèrent. Julian resta figé sur place, observant la scène. Ce conflit semblait loin d'être terminé, malgré la fin du combat. Si cela continuait ainsi, cela pourrait nuire à tout le monde, lui y compris.

"Si on veut avoir une chance de construire cette maison, ils vont devoir s'entendre... mais comment ?"

Leck secoua la tête et dit :

"Ils ne se supportent pas, et personne ne voudra écouter l'autre. C'est peine perdue. On devrait commencer à construire la nôtre, Julian."

"Allez, dispersez-vous et essayez de trouver des trucs utiles. Moi, je vais chercher un moyen de les convaincre." Julian se creusa les méninges tout en explorant la forêt. Construire chacun sa cabane était probablement la meilleure chose à faire à court terme. Mais selon Julian, cela ne serait pas une bonne solution pour la suite du programme.

Cela créerait non seulement de la division, mais aussi un danger plus conséquent. Pendant la marche d'hier, Julian avait ressenti des présences qui les observaient. Depuis qu'ils étaient entrés dans la périphérie de la tombe, tout semblait avoir changé.

Julian se retourna brusquement, le regard fixé sur un buisson qui semblait bouger tout seul. Des petits "squik squik" retentirent, et un écureuil s'enfuit. "Il y a un truc bizarre dans cet endroit. On dirait presque qu'il est vivant. Quoi exactement, je n'en ai aucune idée," murmura Julian.

Il ne pouvait pas l'expliquer, mais c'était son instinct qui parlait. Et pour cette raison, il ne voulait pas rester dans une cabane isolée. Siron avait très bien compris cela lui-même. Sinon, il n'aurait pas vraiment besoin des autres pour construire la sienne.

"Le capitaine Soll ne teste pas juste nos plans. Sa méthode rend l'épreuve encore plus compliquée," analysa Julian. Plus il réfléchissait, plus ses nerfs étaient tendus. À chaque fois qu'il croyait comprendre l'essence de l'épreuve, une nouvelle dynamique venait tout compliquer.

Comme le capitaine Soll l'avait prédit, le temps semblait passer beaucoup plus vite ici. Trop occupés par leurs cabanes, ils ne remarquèrent pas que la nuit s'était déjà installée. Les coins sombres de la forêt regagnaient du terrain.

Quand Julian revint sur ses pas, rien n'avait changé. Il n'avait trouvé aucune idée pour changer la situation. Pire encore, certains avaient déjà terminé leurs cabanes.

Ces abris improvisés étaient très mal bricolés : une amalgamation de bois et de buissons sur le toit. D'autres étaient encore plus simples, de simples amas de feuillages autour d'un tronc. Certains étaient allés jusqu'à attacher des cordes aux arbres et utiliser la canopée comme bouclier.

"C'est du grand n'importe quoi, tout ça," murmura Julian dans son coin.

Leck et William avaient eux aussi commencé à travailler sur leur abri, mais ils étaient loin d'avoir terminé. Julian soupira. Épuisé et affamé, il commençait à avoir des maux de tête.

"Je vois que vous avez pris votre décision," dit la voix presque déçue du capitaine Soll. "Reposez-vous cette nuit. Demain, à la première aube, nous entamerons votre entraînement. Vous apprendrez à maîtriser les aspects et ce qui distingue les héritiers de la masse."

Un autre jour, Julian aurait été excité d'apprendre. Mais aujourd'hui, son enthousiasme était submergé par la fatigue et son ventre vide.

"Allez, maintenant, au lit. Personne ne doit quitter sa cabane avant l'aube. Il est strictement – et je répète, strictement – interdit de quitter ce périmètre après cette heure," déclara le capitaine avec un détachement tranchant pour la première fois depuis leur voyage.

Julian trembla presque sous sa voix. "On a compris... pas besoin de crier," semblait-il dire, mais seulement dans sa tête. Une fois son discours terminé, le capitaine Soll retourna au centre du camp et se remit à méditer.

Cette fois, Julian sentit une sorte de présence envahir les lieux. "La projection de présence... une autre technique des chevaliers de Feroth. Le capitaine Soll doit sûrement surveillé tout le camp."

Ayant remarqué cela, Julian put enfin fermer les yeux. Allongé sur son abri attaché à des arbres, il observa le ciel. Ce sentiment étrange d'être observé avait enfin disparu. Et il put s'endormir.