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CHAPITRE 7 : DÉCRYPTAGE.

— Et maintenant ? lâcha Jonathan

— Et maintenant, on réfléchit ! répondit Eowyn agacée.

Ils étaient rentrés peu après avoir trouvé les deux médaillons près de la rivière. Les jeunes gens étaient désormais dans le salon, assis dans les canapés. Les médaillons, après être passés de main en main, étaient posés sur la table basse.

— Ils ont l'air identique, fit Katherine en les prenant par le cordon

— Pas tout à fait, une des deux faces est identique, mais on trouve des symboles différents de l'autre côté, la corrigea Yohan.

— De toutes façons, quel est le rapport avec l'enlèvement de Maître Guillaume ? râla Jonathan

— Quelle est la probabilité que l'on trouve deux médaillons quasi-identiques à celui de mon maître, à l'endroit même où on perd la trace de ceux qui l'ont enlevé ? fit remarquer Eowyn

— Moi ça me semble tout de même bizarre… une erreur pareille … alors que tout semblait parfaitement organisé.

Tout le monde se tourna vers Yohan.

— Réfléchissez, reprit le jeune homme. Ils se sont débrouillés pour laisser le moins d'indices possibles dans la maison. Si tu ne connaissais pas aussi bien le propriétaire des lieux, tu ne te serais probablement pas autant inquiétée Eowyn. Ensuite, ils se sont dirigés vers la forêt au lieu de prendre une porte magique, où on aurait pu suivre les suivre. Et puis, ils sont allés droit vers la rivière où leur trace a disparu. J'ai à peine pu retrouver leur odeur de l'autre côté et … plus rien ! Comme s'ils avaient utilisé la magie pour partir.

— Les loups garous ne peuvent pas créer de la magie, rétorqua Mark.

— Non, mais ils peuvent l'utiliser ! répliqua Yohan. Ce qui confirmerait qu'il y a un sorcier derrière tout ça. Et un sorcier suffisamment riche et puissant pour engager une meute de loups garous et leur fabriquer une amulette de transport à chacun.

— Ça ne me plaît pas…gémit Katherine. Ça devient vraiment dangereux cette histoire. On devrait en parler au capitaine Théodore.

— Et pour lui dire quoi ? répondit Eowyn. On a que des hypothèses à lui fournir. En plus, les traces ont été contaminées par notre odeur. On a pas le choix, c'est à nous d'agir.

— Katherine a raison sur un point, avança Yohan. La situation est compliquée et périlleuse. Je maintiens qu'il y a quelque chose de louche là-dedans. S'ils ont enlevé Maître Guillaume pour son médaillon, ce qui expliquerait qu'il l'ait caché, pourquoi avoir été négligeant au point de perdre sur place ceux qu'ils avaient déjà ?

— Dans la précipitation, on fait des bêtises, fit Mark, hésitant, même lui n'y croyait pas.

Adrien dit alors tout fort ce que tout le monde pensait en son for intérieur :

— Ou alors, ils voulaient que nous trouvions les médaillons.

Le silence régna dans la pièce de longues minutes avant qu'Adrien le rompît.

— Admettons que notre découverte ne soit pas un hasard. Cela a probablement été décidé après coup. Je veux dire, si cela fait plusieurs jours que ton maître a été enlevé, alors ils auraient déjà dû se rendre compte de leur disparition et seraient revenus sur place pour les chercher non ? De même que celui de ton maître.

— Personne n'a pénétré dans la maison à part nous ces deux derniers jours, c'est sûr ! affirma Yohan

— Ils ne voulaient probablement pas être vu par les voisins. Mais ils auraient pu revenir dans la forêt.

— Alors, on nous a observé pendant que l'on était près de la rivière, fit Katherine en frissonnant. On aurait pu nous attaquer ?

— Je n'ai pas perçu d'odeur humaine, ni même d'odeur de loup dans les parages, lui répondit Eowyn en serrant sa main.

Yohan prit sa petite amie dans ses bras et Adrien regarda Eowyn, inquiet.

— Qui que ce soit… où quelque-soit la créature… qui nous a laissé ces médaillons, il espère probablement que l'on en fasse quelque chose, raisonna Mark

— Eh bien, nous devrions faire le contraire ! lança Jonathan. Mettons ça de côté et laissons les équipes de sécurité s'en charger.

— Pour qu'ils classent l'affaire faute d'éléments ?! s'emporta Eowyn. Pas question !

— C'est dangereux ! s'époumona Jonathan. On ne va quand même pas risquer notre vie en s'attaquant à quelque chose qui nous dépasse !

— Si cela nous dépassait, la personne qui nous observait ne nous aurait pas laissé les médaillons !

— Là, elle marque un point, fit Mark.

Eowyn continua :

— Mais si tu veux t'arrêter là, je ne t'en voudrais pas Jo. Moi, je ne laisserai pas tomber Maître Guillaume. Si j'ai la moindre chance de le retrouver en suivant cette piste, je le ferai. Il faudra juste faire attention à ne pas être suivi.

— Je suis avec toi, fit Adrien sans hésiter, à la surprise de tous, y compris de lui-même.

— Tu sais que je te suivrai où que tu ailles, fit Mark en lançant un regard suspicieux à Adrien.

— J'ai la trouille, mais tu as raison, il faut que l'on tente le coup, ajouta timidement Katherine. On ne peut pas le laisser tomber.

— J'ai toujours un mauvais pressentiment, dit Yohan avec réticence, mais je ne laisserai pas Katherine seule.

— Bon ! J'ai compris ! fit Jonathan en soupirant et en grognant… Je ne vais pas rester sur le banc de touche ! Je suis avec vous… Mais ça va mal se terminer, je le sens !

— Tu disais ça aussi la dernière fois qu'on a rencontré des loups garous, lui fit remarquer Mark. Et ça ne s'est pas si mal terminé que ça.

— Nooon… T'as raison ! On a juste failli se faire dépecer après avoir été traqué comme du gibier !

— Vois le bon côté des choses, lui répondit Katherine en souriant malicieusement. C'est grâce à eux, que l'on a découvert que l'on pouvait former un coven formidable tous ensemble.

— Et que j'ai rencontré mon âme sœur, ajouta Yohan en embrassant le front de sa compagne.

— Ouais, bon, j'en ai assez des mièvreries. Café pour tout le monde ? fit Jonathan en se levant.

Il fut décidé de recopier sur papier les symboles de chaque médaillon en trois exemplaires. Ils se séparèrent en trois groupes afin d'effectuer des recherches de leur côté. Katherine et Yohan s'éloignèrent en premier. Adrien, à sa grande satisfaction, fit équipe avec Eowyn. Mark et Jonathan s'emparèrent de leurs dessins en râlant, l'un et l'autre, mais pour des raisons différentes.

Une grande partie de la soirée fut consacrée au déchiffrage de la face commune des médaillons. Il s'agissait de runes et de kanjis. Adrien commençait à bien reconnaître les 24 runes principales à force de les observer. Eowyn lui expliquait patiemment leur symbolique. Les runes combinées étaient plus difficiles à lire. Le plus compliqué était le fait que chaque rune avait de nombreuses significations et les associations, ainsi que l'inversion de runes pouvait faire changer complètement le sens de ce qui était écrit. Mais les runes étaient tout de même moins complexes à comprendre que les kanjis japonais…

Après un dîner rapide, ils se remirent à leurs recherches. Adrien finit par s'endormir sur le livre qu'il tenait… « Kanjis et amulettes ». Il se réveilla tôt le lendemain, un peu désorienté. Il était étendu sur le lit d'Eowyn. La jeune fille se trouvait à côté de lui, profondément endormie, allongée sur le côté, le visage serein.

Des boucles châtaines lui tombaient sur les yeux. Adrien attrapa quelques mèches de cheveux les repoussant derrière l'oreille de son amie. Elle sourit dans son sommeil, ce qui enchanta le jeune homme. Il la regarda dormir de longues minutes encore, absorbé par ses pensées.

Depuis qu'elle était rentrée dans sa vie, tout était devenu si compliqué et pourtant, il n'avait jamais été aussi excité à l'idée de commencer une nouvelle journée. Elle avait déclenché chez lui une avalanche d'émotions contradictoires : de la curiosité, de la peur, de la suspicion, de la joie, de la tristesse, de la tendresse, de la surprise, de l'émerveillement et de … l'envie…

Il sursauta légèrement, un peu déboussolé par ses réflexions. Il ressentait le besoin de se rapprocher d'elle, de lui effleurer la joue, de lui tenir la main. Bien sûr, il l'avait déjà fait, mais c'était toujours elle qui en avait pris l'initiative et il y avait toujours une bonne raison à cela : Pour le guider lors des voyages entre deux portes ou portails.

Avait-elle des sentiments pour lui ou était-ce simplement par gentillesse pour le rassurer. Le laisserait-elle prendre sa main pour une autre raison ? Elle avait l'air d'apprécier sa compagnie… Elle soupira en souriant, ce qui le fit sourire à son tour. Adrien sentit une vague de courage le ragaillardir. Sa décision était arrêtée, il tenterait sa chance aujourd'hui.

***

Un carillon s'agita tout à coup alors qu'il n'y avait aucun vent dans la pièce. Eowyn gémit en se frottant les yeux.

— Satané réveil ! Oh ! Bonjour ! fit-elle quand elle s'aperçut de la présence d'Adrien à ses côtés. Je n'osais pas te réveiller hier soir. Tu as émergé quand ?

— Cela ne fait pas très longtemps, mentit-il.

— Désolée pour le réveil. 

Elle brandit son doigt en direction du carillon et celui-ci arrêta de bouger.

— Enchantement, précisa Eowyn en voyant le regard interrogateur de son ami.

— C'est comme ça que vous vous passez d'électricité ? En enchantant les objets ?

— En grande partie, oui, ou en les détournant de leur usage premier. Je pourrai t'enseigner quelques enchantements si tu veux, j'ai aussi quelques ouvrages sur la question.

— Tu penses que je peux y arriver… je veux dire… à enchanter un objet ?

— Oui, c'est plus facile dans le monde magique. Tu y arriveras aussi dans l'autre monde, mais il faudra surtout faire attention à ne pas te faire voir. Dans le doute, le plus souvent, je ne pratique pas la magie quand je suis là-bas.

— Tu as fait une exception pour moi alors.

— J'avais besoin de te convaincre de la réalité de la magie. Mais une fois, j'ai failli me faire prendre par mes parents. J'ai presque mis le feu en essayant d'éteindre trop vite la bougie que j'avais allumée. 

Le jeune homme grimaça, se rappelant de mauvais souvenirs. Une flamme dansait devant ses yeux, l'hypnotisant alors que lui se tenait, tétanisé devant le placard rempli de maillot de basket-ball en feu. Il secoua la tête et décida de changer de sujet.

— Tu rencontres souvent des sorciers ou des créatures magiques comme le gobelin de l'autre jour ?

— Non, nous, les créatures surnaturelles, sommes tous très discrets. Même les vampires n'ont aucun intérêt à se faire remarquer du commun des mortels !

— Et les autres sorciers ? Katherine, Yohan…

— On vit très loin les uns des autres, dans plusieurs pays différents… Katherine est allemande, Yohan est Néerlandais…

— Ils parlent bien français ! Et sans accent !

Eowyn se mit à rire.

— Non, pas vraiment, mais le sortilège de langage royal est très efficace.

Adrien la regarda en plissant les yeux, un peu perdu. Elle reprit :

— Tu connais le mythe de la Tour de Babel ?

— Les humains qui voulaient construire une tour suffisamment haute pour que son sommet atteigne le ciel et le trône de Dieu.

— Oui. Pour rompre la cohésion, Dieu les affubla de langues différentes. La confusion empêcha la réussite de l'entreprise. Eh bien Merlin fit l'exact contraire en créant ce monde. En y pénétrant, nous parlons tous la même langue : la langue de la reine ou du roi de Valinor. C'est le nom que l'on donne à ce monde.

— Votre roi est donc français.

— NOTRE reine, le corrigea Eowyn, est actuellement française, c'est pourquoi tout le monde parle cette langue.

— Ça veut dire que nous sommes soumis à une royauté ?

— Tout à fait.

— C'est suranné !

— On s'y habitue, fit-elle en haussant les épaules. D'ailleurs nous travaillons tous les cinq pour la reine.

En terminant sa phrase, Eowyn retroussa sa manche et fit apparaître son tatouage en grimaçant. Elle désigna la couronne et les pierres précieuses au niveau du creux de son coude ainsi que le numéro en dessous.

— Tu vois, c'est mon numéro de matricule et le symbole de l'armée à laquelle j'appartiens. 

— Tu fais partie de l'armée ? fit Adrien éberlué

— Je viens de finir ma formation, j'attends ma nomination. Mais, j'en ferai bientôt partie, comme les autres personnes vivant ici.

— Je croyais que tu travaillais à la salle d'armes…

— Pour me payer le loyer en attendant ma nomination dans l'armée d'Émeraude.

— Mais… Il y a des guerres ici ?

— Il y en a eu… Il n'y a pas que des sorciers dans ce monde. Des orques, des loups-garous et bien d'autres créatures le peuplent, parfois des conflits éclatent et il faut que nous puissions nous défendre. Mais le rôle de l'armée ne se limite pas à la défense du royaume, il faut aussi gérer les problèmes internes, des sorciers qui abusent de leur pouvoir et ne respectent pas les lois par exemple. Et puis, on a aussi le droit et même le devoir d'intervenir dans le Vieux Monde, si notre secret est menacé.

— J'ai tellement à apprendre, soupira Adrien, découragé.

— Je vais t'aider, l'assura Eowyn. Tu vas vite t'adapter. Mais pour l'instant, je dois me préparer pour le travail. Tu veux bien m'excuser ?

Sans attendre sa réponse, elle se précipita vers la pièce à droite d'une bibliothèque, en sortit avec une pile de linge et fila vers la seconde porte du mur, la plus proche des fenêtres. Adrien s'étira et décida de lui laisser un peu d'intimité.

Au moment où il passa la porte de la chambre d'Eowyn, il rencontra le regard de Mark, assit sur le canapé. Ses yeux s'arrondir de surprise quand il réalisa que ce n'était pas sa colocataire qui sortait, mais le nouveau venu. Son regard chocolat s'assombrit et Adrien se dépêcha de rejoindre la chambre de Yohan, comprenant trop bien les conclusions qu'avait tirées l'occupant du salon.

Quelque part, il était amusé par la confusion, mais déçu que cela ne soit qu'un malentendu. Cela faisait longtemps qu'il n'avait eu de tels sentiments envers une fille. Il avait bien eu quelques flirts avant l'incident au collège, mais depuis… Disons qu'il avait préféré éviter la gent féminine… et les gens tout court d'ailleurs. Mais Eowyn… il n'avait pas envie de la fuir. Au contraire, elle l'attirait irrésistiblement…

Il prit une douche rapide… froide… histoire de se changer les idées, puis enfila des vêtements propres, avant d'aller prendre son petit déjeuner. Mark n'était plus dans le salon et Katherine s'affairait aux fourneaux.

— Tu es un vrai cordon-bleu ma chérie, lui lança Yohan déjà attablé.

— Merci mon amour, mais ce n'est pas grand-chose, fit Katherine un peu embarrassée.

— Il a raison, ces muffins sont fantastiques, assura Adrien. 

— Ne goûte pas aux miens, tu n'y survivrais pas, rigola Eowyn, en les rejoignant.

— C'est vrai que les derniers étaient un peu … compacts, lui répondit Yohan en souriant.

— Tu veux dire qu'il aurait fallu une hache pour les couper en deux.

Ils éclatèrent de rire. Adrien accrocha le regard d'Eowyn et son cœur eut un raté. Ses yeux brillant d'amusement se firent interrogateurs en voyant le jeune homme la dévisager. Il détourna le regard, gêné. Elle décida d'aborder un autre sujet.

— Au fait, Mark n'est pas encore levé ?

— Si, il s'est réveillé tôt ce matin, lui répondit Katherine. C'est bizarre que tu ne l'aies pas croisé, il voulait te saluer avant de partir au travail.

— Je l'ai aperçu tout à l'heure, fit Yohan. Il est parti en claquant la porte peu de temps avant que je rentre dans la cuisine.

— Quelle mouche a bien pu le piquer ? s'étonna Eowyn

— Oh, t'inquiètes pas ! Il a dû se rendre compte qu'il ne pouvait pas attendre et tu sais à quel point il déteste être en retard.

Adrien ne dit rien, mais il avait une idée de ce qui avait provoqué la colère de leur colocataire. Il allait devoir lui parler à son retour afin de ne pas envenimer la situation.