Tous les Hommes ne l'entendirent pas.
"Courez !!!"
Elle ne pouvait plus crier. Zaelia se mit à courir avec le groupe pour se mettre à l'abri le plus vite possible, elle tourna la tête quelques secondes et vit avec abomination les quelques hommes plus faibles qui étaient en retard se faire engloutir par les sables.
Ils ne s'arrêtèrent pas de courir, la vague de sable les atteignant leur donna une poussée d'adrénaline suffisamment importante pour qu'ils puissent parvenir à rejoindre les rochers à temps. Elle fut la dernière à arriver et elle jeta son corps dans le chemin étroit à la dernière minute. Le sable passa à côté d'elle, ils avaient toujours connu les vagues de sable poussées par le vent, mais celle-ci était de loin la pire qu'ils n'aient jamais vue, et pas seulement parce qu'ils n'avaient pas d'abri quand elle frappait.
C'était la plus grosse et la plus rapide. Cette zone n'était pas différente de celle qu'ils connaissaient, mais elle était plus hostile.
Elle releva la tête en se mettant debout. Ils étaient quarante-deux. Ses yeux s'écarquillèrent, elle tremblait en réalisant cela. Elle avait perdu huit hommes avant même d'arriver à destination. Elle ne savait pas ce qui s'était passé, elle ne comprenait pas comment c'était possible.
Elle avait tout planifié avec tant de soin, ils auraient dû être capables de gérer la chaleur, la distance et l'eau. Tout était sous son contrôle et pourtant, ils se retrouvèrent dans cette situation où ils avaient utilisé trop d'eau, où ils n'avaient pas d'oasis, et huit d'entre eux étaient morts.
Ils firent le camp en silence. Elle s'appuya sur le mur et se laissa tomber assise. Elle mit ses mains sur son visage, elle sentait son cœur à l'agonie. Elle se rendit compte qu'elle était encore jeune et que le poids de ses erreurs était trop lourd pour elle. Son ami s'approcha d'elle et lui tapota l'épaule. Elle tourna la tête vers Xzander, les larmes aux yeux, elle avait l'air de le supplier de lui donner des explications. Il n'en avait pas. Personne n'avait d'explications.
Elle se sentait sombrer dans le désespoir, mais ils devaient continuer, maintenant que certains d'entre eux étaient morts, ils devaient réussir, ils n'avaient plus le choix. Tout le monde se tut et le camp passa la nuit sans un mot.
La nuit fut à nouveau calme, il ne se passa rien et les changements d'équipes de nuit furent moins stressants. Elle se réveilla aux premières lueurs du jour en entendant une femme crier après un homme. Elle se leva et les rejoignit.
La femme pleurait, sa douleur était incroyable et tandis que Zaelia écoutait, son sang se glaça.
"C'était mon homme ! Tu ne peux pas dire ça de lui !"
L'homme en face d'elle répondit d'une voix forte, il était aussi furieux qu'elle et il semblait qu'ils se disputaient depuis un bon moment avant que Zaelia ne les remarque.
"Sans des faibles comme lui, nous aurions pu atteindre l'oasis ! Ils nous ont ralenti et nous ont mis dans cette position !"
Zaelia était profondément choquée, elle poussa l'homme un peu plus loin de la femme.
"Comment peux-tu dire de telles choses ! Aie du respect !"
La femme vit Zaelia et lui flanqua une claque par-derrière alors qu'elle essayait de la défendre devant l'homme.
"Toi ! C'est ta faute !"
L'homme poussa Zaelia et donna un coup de pied au visage de la femme. Il hurla sur Zaelia juste après.
"Pourquoi as-tu emmené avec nous de telles personnes ?!"
Zaelia n'avait plus de mots, elle avait juste reçu une gifle et avait été poussée, mais ce qu'elle entendait était pire que tout. Ils lui reprochaient la mort de leurs compagnons d'un côté et ils lui reprochaient le choix de l'équipe de l'autre. De toute façon, elle était responsable. Tout s'écroulait et elle n'avait aucune idée de comment protéger le moral de l'équipe.
Le soleil avançait dans le ciel et il fallait faire vite pour rejoindre la frontière avant la nuit car ils étaient en retard et ils n'étaient pas aussi proches qu'ils auraient dû l'être. La tension était à son comble. Elle essaya d'expliquer la situation à l'équipe, mais personne ne semblait plus l'écouter. Ils étaient concentrés sur ce qui s'était passé la veille et ils étaient trop occupés à se disputer. Xzander s'approcha d'elle et lui sourit.
"Sois leur chef. Un jour, tu dirigeras la tribu. Cela commence maintenant."
Elle le regarda avec un peu de désespoir mais acquiesça. Elle savait qu'il avait raison. Toute la confiance qu'elle avait en elle-même avait disparu dans le sable avec les huit. Elle regarda les yeux bienveillants de Xzander, il croyait en elle plus qu'en elle-même, mais cela lui donna la force dont elle avait besoin en ce moment. Elle rugit avec puissance, c'était un son qui venait du plus profond de ses entrailles. On aurait dit un animal et ils s'arrêtèrent tous.
"Vous saviez tous que cette expédition était risquée. Maintenant, nous courons, et nous reviendrons victorieux ! En avant !"
Elle n'attendit pas de réponse, elle se mit à courir. Elle ne savait même pas s'ils allaient tous la suivre. Elle n'osa pas vérifier avant une bonne centaine de mètres. Puis, elle jeta timidement un coup d'œil par-dessus son épaule, elle vit qu'ils suivaient tous et qu'ils s'étaient arrêtés de discuter.
Elle était soulagée, cette journée promettait d'être très compliquée. Avec le retard qu'ils prenaient, il n'était pas possible de faire de pause en chemin, ils allaient devoir se débrouiller pour courir jusqu'à la frontière et ensuite, se cacher pour la nuit. En espérant toujours que l'éclaireur n'ait pas été remarqué la dernière fois et que la ville n'ait pas prévu de patrouille dans la région.
Elle avait choisi un endroit qui devait être suffisamment éloigné de la ville pour être en sécurité mais depuis qu'elle avait effectué une erreur lorsqu'elle considéra la chaleur du désert précédemment, elle n'était plus sûre de rien.
Elle comprit qu'ils seraient toujours cinquante. Quarante-deux derrière elle et huit lourds dans son cœur.