La traversée de la grande plaine représentant le premier étage de ce donjon fut rapide et sans encombre. Nous empruntâmes un petit chemin serpentant à travers la plaine et qui semblait avoir été creusé par le passage répété des aventuriers. Ce dernier menait jusqu'à un grand passage s'enfonçant dans la terre.
L'endroit pouvait paraitre un peu étrange pour ceux qui ne connaissaient pas vraiment le principe des donjons. Il n'avait pas de dimension excessive avec ses 10 mètres de large et ses 5 mètres de haut, et n'avait pas de signe distinctif, comme une statue ou toute autre décoration inhabituelle. Non, ce qui était particulier, c'était la propreté de l'endroit. Les marches étaient finement taillées et particulièrement bien droites et polies, comme si elles venaient d'être posées.
En fait, j'avais appris dans la semaine que les donjons avaient la particularité de s'auto-réparer. Lorsqu'un endroit subissait des dégâts, celui-ci se régénérait avec le temps, un peu comme si toute la structure était vivante. On pouvait aussi noter le fait que chaque corps abattu dans un donjon était en quelque sorte absorbé par ce dernier en une journée environ.
Et puisque les escaliers étaient des zones particulièrement importante pour un donjon, cette zone était dénuée de monstre et particulièrement bien entretenue par la structure elle-même. En arrivant sur les lieux, on pouvait y trouver quelques groupes d'aventuriers soit en train de faire l'inventaire de leurs découvertes, soit en train de se préparer pour entrer. Tom m'expliqua rapidement sur le chemin qu'il était coutume de laisser une bonne dizaine de minute d'écart entre chaque groupe d'aventurier pour se laisser tout à chacun de la place pour pouvoir manœuvrer en toute tranquillité.
Nous étions donc partie pour attendre ici pendant une bonne quinzaine de minutes, le temps que le groupe devant prenne de l'avance sur nous avant que ça soit notre tour. Cependant, un autre groupe arriva derrière le nôtre. Un groupe composé de plusieurs soldats tous habillée de la même façon, avec une cotte de maille et un casque ne masquant que peu un visage impassible et froid. Ils avaient tous un blason en forme de trident sur leurs vêtements, indiquant probablement leur appartenance à une grande famille. Ils entouraient un jeune homme d'une classe bien marquée avec sa tenue en cuir brodée. Sa démarche était fluide et son visage radieux, un peu charmeur je dirais. En tout cas, il devait probablement avoir du succès auprès de la gente féminine.
Cependant, une fois arrivé jusqu'à nous, il nous fit une révérance, comme si nous étions dans une cours, avant de prendre la parole. Sa façon de parler me rappelait vaguement celle du prêtre, à la différence près que je qualifierais la sienne de faussement bienveillante :
- (noble) Bien le bonjour, paysans, Je me dois de vous demander, en prenant en considération mon emploi du temps chargé, que j'aimerai passer devant vous afin de pouvoir le respecter. Vous n'y verrez aucun inconvénient, n'est-ce pas ?
Cette question rhétorique me donna instantanément envie de le mettre en pièce, mais je préférai rester calme. Ce n'est pas comme si nous étions de toute façon à 15 minutes près ! Tom et éric semblaient aussi être de cet avis car ils n'essayèrent même pas d'argumenter et choisirent de s'écarter sans attendre de sa route. En revanche, il n'en vint pas du tout de même avec Paul, qui ne manqua pas de prendre la poudre et de répliquer avec force :
- (Paul) Tu t'prends pour qui l'aristo ?! On était ici bien avant toi, donc tu fais la queue comme tout le monde !
Avec les soldats qui commençaient à sortir leurs armes tout en se déplaçant rapidement vers Paul, je compris que la situation risquait de dégénérer si l'on ne faisait rien pour calmer le jeu. Je m'apprêtais à dire quelque chose lorsqu'Éric se plaça derrière son frère jumeau pour lui poser la main sur la tête.
Il poussa la tête de Paul vers le bas, forçant ce dernier à se pencher vers l'avant, dans une position de salue comme celle des japonais de mon ancien monde. Il prit lui-même cette position tout en s'écartant avec son frère, avant de dire formellement :
- (Éric) Veuillez excuser les vulgaires propos de mon acolyte ! Sa langue est souvent plus rapide que son cerveau !
Le noble leva la main droite, faisant signe à ses hommes d'arrêter leur action. Il commença à se déplacer vers les escaliers alors que, pour ma part, je fis tout mon possible pour ne pas croiser son regard. Je me contentais juste d'observer les deux frères, dont l'archer semblait lutter pour ne pas relever la tête.
J'avais beau ne pas le regarder, lorsqu'il passa à côté de moi, je pouvais presque sentir son regard me sonder de fond en comble. Je l'imaginais en train d'esquisser un sourire mauvais, ce qui rendait son image encore plus révulsant.
Le groupe de soldat quitta mon champ de vision peu après m'avoir dépassé. Ils ne prirent même pas la peine de jeter le moindre regard à Tom, et continuèrent vers les escaliers, avant de s'arrêter net.
Je ne le voyais pas mais, rien qu'avec ma détection passive, je pouvais savoir précisément comment il se tenait. En fait, j'avais l'impression qu'il exerçait une sorte de pression sur nous avec sa magie, comme s'il voulait montrer sa supériorité. Puis, au bout de quelques longues secondes, j'entendis enfin sa voix douce, mais sournoise, sifflé vers les deux frères :
- (noble) Si sa langue est si peu utile, je devrais donc la lui couper mais… Je suis sure que des rats comme vous trouveraient le moyen de la lui recoller ! Et mon temps est précieux donc…
Il claqua des doigts, et s'enfonça dans la grotte en direction du niveau inférieur avec sa garde rapprochée.
Je tremblais, comme une feuille. Je ne tremblais parce qu'il avait réussi à me faire peur, ou à cause de sa magie qui n'était d'ailleurs pas si impressionnante que ça. Je tremblais parce que j'étais énervée ! C'était la première fois que je croisais la route d'une telle personne et je ne pensais pas qu'on pouvait avoir une nature aussi sournoise et se permettre en même temps de la montrer en publique.
Perdu dans mes sombres pensées, je ne senti pas la présence venir derrière moi et me poser une main sur mon épaule. Je tressaillis à cause du contact du métal avec mon vêtement fin. C'était Tom. Il attendit que je relève la tête avant de me demander calmement, comme si rien ne s'était produit :
- (Tom) Ça va ?
- (Espérance) Oui, merci. Juste besoin de respirer un peu !
Je pris une grande bouffé d'oxygène afin de me relaxer et calmer mes nerfs. Je commençais à faire les cent pas pendant quelques minutes afin de faire tomber la pression, mais j'avais vraiment du mal à mettre de côté ce qui venait de se passer.
S'il y a bien une situation que je ne souhaite à personne, c'est d'être dans la position de quelqu'un qui ne peut rien faire pour éviter la mort d'une autre personne.
Et c'est exactement la situation que je viens de vivre. Lorsque Paul a haussé le ton, lorsqu'il a levé la main, lorsqu'il s'est arrêté devant les escaliers. Il y aurait largement pu y avoir un mort.
Je ne savais pas vraiment quoi penser d'autre au sujet de cette situation, à part que j'étais un peu démuni. Dans mon ancienne vie, lorsque t'avais un boss qui voulait te marcher dessus, t'avais toujours un moyen de répliquer. Mais là, la moindre prise de parole peu te coûter la tête. C'était la première fois que je me sentais complètement impuissant dans une situation que je n'avais même pas initié. Impuissance, peur, et haine sont des choses que je n'avais jamais eu l'occasion de ressentir ainsi. Et j'avais clairement l'intention de m'assurer que cela ne se reproduise pas.
Sortir de cette réflexion me prit environ une bonne minutes. Un temps pendant lequel je ne fis pas vraiment attention à mon entourage, et notamment au reste de mon équipe qui me fixait bizarrement. Il me fallut quelques secondes supplémentaires pour comprendre. Mon énergie était devenue un petit peu erratique, et s'échappait de mon corps plus que de besoin. Mon visage ne devait probablement pas être beau à voir non plus, tordu par la haine que je ressentais sur le moment. Je repris rapidement mon calme et mon self-control avant d'afficher un visage un peu plus neutre, et une voix plus terne et glaciale.
- (Espérance) Désolé, mais avant aujourd'hui, je pensais que ce genre de trou du cul n'était qu'une légende. Je ne pensais pas en croiser un aussi rapidement, alors que je suis nouvelle dans la cité.
- (Paul) Et bien va falloir t'y faire ! Ce genre de salopard, c'est notre quotidien !
- (Éric) Désolé, c'est de notre faute. On aurait dû s'écarter plus…
- (Espérance) S'il te plait, ne t'excuse pas pour ça. Ce type est un pourri, point. Maintenant, il ne nous reste plus qu'à attendre histoire de leur laisser un peu d'avance.
Les dix minutes qui suivirent furent tranquille. Je pus progressivement me calmer intérieurement et me reconcentrer sur la mission. Un autre groupe semblait prendre notre suite lorsque nous nous engouffrâmes dans le second étage du donjon, mais eux attendirent comme nous afin de nous donner un peu d'avance.
D'après les deux frères qui avaient étudié un peu l'endroit, il y aurait 4 zones bien distinctes dans le premier sous-sol, chacune reliées à deux autres zones par un unique passage. Sachant que les crocodiles de feu se trouvaient dans les zones autour de chacun de ces passages. Éric et Paul nous dirigèrent en direction du passage de gauche, le plus proche théoriquement. Sur le chemin, je remarquai des trous à intervalle régulier. Tom m'expliqua qu'il s'agissait de conduit d'air appartenant à la zone d'en dessous, une zone de vent. Parfois, lors de combat intense dans la zone inférieur, les tubes agissaient comme de grosses trompettes et provoquaient un vrombissement intense de plusieurs minutes, avant que les choses ne se calment.
Le chemin jusqu'à notre lieu cible n'était agrémenté que par la présence de petit scorpion sombre qui ne nous posèrent pas de véritable problèmes. Enfin, petit, ils faisaient quand même pratiquement 1 mètre de long ! C'est juste qu'ils restaient faibles face à nos attaques, d'autant plus que leur poison n'était pas vraiment très virulent.
Les crocodiles eux-mêmes n'étaient pas spécialement forts, mais une difficulté s'ajoutait dans notre face à face avec eux. Notre but était de prendre leur peau en entier, et avec le moins de dégâts possible. Il fallait donc s'appliquer à ne toucher que la tête de ces créatures. Ce fut donc Tom et Éric qui se chargèrent de les exécuter, pendant que Paul utilisait ses tirs pour diriger leurs mouvements. De mon côté, je m'occupais de défendre le groupe contre les attaques de feu de nos ennemis. Notre tactique fonctionnait bien, et la récolte progressait assez rapidement, cependant, un petit imprévu survint alors que nous avions fait environ la moitié du travail.
Le noble qui nous avait précédés se trouvait à une galerie de nous, ce qui correspondait à une distance de 30 mètres environ. Je ne pouvais pas vraiment savoir ce qu'il faisait vu que je n'avais pas de vu directe sur lui. Mais les gestes provenant de son image suggérée par ma détection passive m'indiquait qu'il semblait contrarié. Il faisait face à un mur dans lequel il semblait y avoir quelques fissures, mais je ne pouvais pas vraiment en dire d'avantage. Et de toute façon, je n'avais pas vraiment envie de connaitre ses projets pour les prochaines minutes à venir, c'est pourquoi je communiquais l'information au reste du groupe.
- (Espérance) Le noble de tout à l'heure se trouve dans le coin. Je pense qu'il serait plus simple d'aller dans une autre zone afin d'être sure qu'on ne le recroise pas par hasard !
- (Éric) Bonne idée ! Vos mieux éviter les ennuis si c'est possible. Allons dans la seconde zone, les créatures n'y sont pas spécialement plus fortes, et on sera plus tranquille.
Le passage en lui-même faisait environ 20 mètres de large pour 5 mètres de haut, et devait faire à vue d'œil environ 80 mètres de long. Un passage bien entretenu, comme les escaliers soit dite en passant.
Sauf qu'au moment de nous diriger vers l'autre zone, je m'arrêtais brusquement, regardant une nouvelle fois dans la direction où se trouvait le noble. Les autres ne manquèrent pas de me demander ce qui se passait, ce à quoi je répondis :
- (Espérance) Je ne suis pas sure mais… Je crois qu'il nous a remarqués !
- (Éric) Raison de plus pour ne pas trainer !
- (Paul) De toute façon, c'est pas comme s'il allait nous sauter dessus d'un seul coup sans raison. Continuons, nous aussi notre temps est précieux !
A la suite de ça, je repris rapidement ma marche en avant. Ils avaient raison, à ce stade, ce genre de détails n'avaient pas vraiment d'importance !
voila un chapitre don je ne suis pas trop sure du ton... il est possible qu'il subisse d'ailleurs quelques modifications dans un avenir proche, si je trouve une meilleur approche pour l'évènement centrale.
bonne lecture !
11/07/2021 : update
voila le chapitre qui a subit le plus de modifications. dans l'ensemble, la logique du chapitre ne change pas, mais la présentation du noble à été refaite pour être plus crédible. d'autre détails ont été modifié au passage, mais rien de bien important.