Quand le groupe s'arrêta, le soleil était déjà à son zénith. Le brouillage était toujours actif, et la vitesse du groupe de plus en plus lente en raison de l'épuisement des clones qui se faisait de plus en plus grand, sans compter la pression psychologique de fuir l'attaque imminente. Cependant, Matricule 231 arrêta le groupe en parlant d'une voix empreinte de détermination.
« Nous sommes désormais très proches des lignes alliées. Notre camp de base se situe plus à l'Est d'ici, nous allons donc continuer vers le Nord Est après une courte pause. »
Même les clones d'ordinaire si impassible soupirèrent de soulagement, alors qu'un petit nombre des androïdes sous le commandement de Davis s'immobilisèrent, voyant cette pause comme une malédiction. Tous fixaient leurs batteries dangereusement basses, ainsi l'absence désormais totale de vivre et d'eau dans ce milieu aride menaçait même les clones les plus disciplinés. Certains adressèrent même la parole à Davis avant de se mettre en veille, espérant pouvoir continuer le trajet avec le peu de batterie qu'ils leur restaient. Malgré tout, le désespoir qui rongeait autrefois les visages était désormais presque absent du groupe. L'espoir de retrouver dans les prochaines heures leur camp remplaça ce mélange de sentiment indésirable. Quelques sourires fleurirent même sur les visages de certains androïdes alors qu'ils discutaient de manières plus actives et enjouées, essayant d'oublier tous les soucis qui les rongeaient de l'intérieur. La majorité se souvenait de ce que Davis leurs avaient dit pour leurs remontée le moral, et la proche réalisation de ces mêmes dires.
Jeffe s'approcha du petit groupe constitué de Davis, Melissa, et d'Alice, qui discutaient depuis un moment déjà.
« Bientôt de retour au camp alors ? »
Dit Jeffe, essayant de s'immiscer maladroitement dans la conversation qui c'était stopper à son approche.
« Oui, bientôt. »
Répondit Alice en souriant, laissant Jeffe demander.
« Désolé si j'ai dérangé votre conversation... »
« No- non tu ne dérange pas... »
Rétorqua timidement Mélissa, alors qu'Alice ajoutait.
« On parlait de ce qu'on faisait avant de se retrouver ici. Et je venais justement de terminer ma courte histoire, alors si ça ne te dérange pas, tu peux dire la tienne Jeffe. »
Répondit Alice, arborant son sourire éblouissant habituel, faisant légèrement rougir Jeffe alors qu'il réprimait son sourire ainsi que ses émotions parasites en répondant calmement.
« Et bien... je ne suis pas un clone si différent des autres... J'ai été élevé dans la cuve, formé dans la cuve, grandit dans la cuve, puis quand j'en suis sortie, j'ai rencontré tous mes frères clones. On m'a dit que j'étais une anomalie car je montrais quelques émotions, ma destruction avait donc été décider peu après le premier entraînement ou j'avais montré de l'hésitation à tirer. Mais mes excellentes performances m'ont sauvé, et je me suis retrouvé ici... c'est ma seule différence avec les autres clones. Ah et le fait que tu m'aies donné un nom aussi me différencie, mais c'est tout. »
« Tu dis ça comme si tu n'avais rien vécu d'autre, tu n'as rien fait après être sortie du complexe de clonage ? »
Répondit Davis tout en se grattant le menton, intriguer.
« Non, on m'a directement envoyé ici, je dois avoir un peu plus de deux semaines maintenant, bientôt trois. »
Le petit groupe sembla étonner, mise à part Davis qui parut attristée en connaissant désormais l'âge de Jeffe. Mais ces émotions furent de courte durée. Une onde de choc fit se figer tout le monde, alors que le corps de Matricule 231 s'effondrait au sol, la tête presque entièrement décapiter.
La panique gagna immédiatement le groupe alors que les androïdes en veille se faisaient réactiver de force, ajoutant encore une autre couche à la confusion générale. Tous les membres de l'escouade regardaient autour d'eux. Pourtant, aucune silhouette ne pouvait être vue à l'horizon. Du moins, pas avant qu'une parole confuse et non-humaine ne parviennent aux oreilles de tous, simultanément à l'apparition de cinq humanoïdes proches du cadavre de Matricule 231, se trouvant au centre de l'attroupement général.
« ecuzer moi umin... ecuzer moi... »
Cependant la silhouette humanoïde informe, entièrement composée d'un blanc pur, dépourvu du moindre orifice, ne possédant même pas de réels visages ou même trait sur son corps, fut électrocuté par le collier qu'il portait, le laissant presque tomber à terre dû à intensité du choc. Cela fit réagir trois des autres silhouettes ne portant aucun collier, à la place entièrement revêtu d'une armure noire légèrement plus évoluée que ce qui a été créé par les humains. Ils parlèrent dans une langue inconnue, mais au moment où leurs paroles cessèrent, la dernière silhouette semblable à celle d'un démon humanoïde portant un collier à son coup fit un léger signe de la main. Des fils noirs en sortirent alors, se dirigeant vers le cadavre, raccrochant à peine sa tête alors qu'il se relevait. Matricule 231 chargea en conséquence ses anciens camarades sans même récupérer son arme au sol, que prit à la place l'une des silhouettes en armure. La silhouette la jeta ensuite, ne prêtant aucune attention aux clones ou androïdes les entourant, sortant à la place son arme semblable à celle de Matricule 231, bien que celle-ci paraisse également légèrement plus évoluée.
Davis fut le premier à sortir de sa panique mêler à la torpeur générale, hurlant rapidement un ordre.
« Que tout le monde se rassemble avec moi, en formation de combat ! Ils ne sont que cinq, ça sera facile ! Éliminez le cadavre de matricule 231, ce n'est plus votre- »
Cependant, au moment où il parla, l'une des silhouettes en armure l'observa brièvement avant d'exécuter deux tirs en série, arrachant les deux jambes de Davis, avant de tirer sur un clone qui s'écroula presque immédiatement, avant de se lever à nouveau après avoir reçu les mêmes étranges fils noirs que Matricule 231.
Davis était horrifié, il n'avait même pas crié, sa bouche restait ouverte, ses yeux transmettant l'immensité de sa terreur alors qu'il savait la fin proche.
« Des...des...C'est des dieux et des...non... c'est des démons ! »
Hurla Smith, tétanisé, alors qu'il tombait au sol en reculant précipitamment sous le coup de la terreur.
Tous les androïdes et clones tiraient, pourtant, aucun tir n'atteignait les cinq mystérieuses silhouettes. Seul le corps de matricule 231 recevait les tirs lui étant destiner, fondant petit à petit, sans pour autant stopper sa frénésie. Mais c'est à ce moment-là qu'Alice s'éleva, prenant la responsabilité de Davis en tant que symbole d'espoirs. Du moins, c'est ce qu'il aurait voulu en voyant Alice se dresser seule au milieu de cette scène horrifique, ce qu'il voulait croire. Cependant, il n'en fut rien.
Elle parla d'une voix éteinte, plus terrifiante encore que le spectacle se déroulant tout autour d'elle, son calme contrastait avec ses yeux si effrayant, transmettant pourtant simultanément une envie de survivre si grande qu'il était impossible de la décrire.
« Que tout le monde se mette en position. Les androïdes à mon opposé occuperont ces monstres où ces « démons », les autres, suivez-moi. Nous allons en direction du camp, aucun refus ne sera toléré ou je vous exécuterais moi-même. »
Alice serra les dents si fort qu'elle sentit la douleur s'ancrer dans sa mâchoire. Elle se força à arborer une expression impitoyable et cruelle, un masque de détermination forgé de sa douleur. Cependant, ses mains tremblaient. Ce détail n'échappa pas à la vigilance de Mélissa qui prit son bras en chuchotant.
« Tu n'as pas à faire ça, on peut s'en sortir autrement, ils ne sont que cinq, Davis a raison ! »
Alice vola en conséquence le couteau que Jeffe gardait à sa ceinture, le plantant dans le bras de Mélissa, prenant cependant attention à n'abîmer que la partie superficielle de celui-ci. Après ce coup, Mélissa regarda Alice, horrifier à son tour, alors que Davis ne savait pas discerner la réalité d'un cauchemar pendant qu'il sombrait dans la folie.
« Aucun refus n'est toléré, tu es bien trop idéaliste ! Tu ne trouves pas ça étrange que malgré tous les tirs exécutés, aucun n'ai toucher ces cinq monstres ?! Pourtant, les cadavres qui se relèvent sont tous de nouveau une fois à terre en à peine deux tirs ! »
Les tremblements d'Alice s'intensifièrent, ses mains devinrent des poings serrés et une larme solitaire coula de son œil droit. Cependant, sa voix était toujours aussi stoïque et terrifiante.
« Je suis désolé, je fais ça pour ton bien. Pour qu'au moins, on survive. Je t'en prie, suis-moi. Je ne veux pas que tu meures ici. Sache que je te désactiverais pour te sauver s'il le faut. »
Aucun des survivants ne voulait du plan d'Alice, tous étaient tétanisés alors qu'ils se battaient désespérément pour la survie de tous. Pourtant, la majorité des membres d'escouade près d'Alice commencèrent petit à petit, bien qu'à contre cœur, à tourner le dos à leurs camarades, suivant Alice qui dirigea la marche en tenant désormais fermement le bras de Mélissa. Pourtant, ses bras tremblaient de plus en plus, ses yeux étaient également larmoyants, mais elle avançait de manière déterminé et rapide, espérant arriver cette fuite qu'elle n'aurait jamais voulue orchestré. Cependant, le cri lointain de Davis fit revenir Alice à la réalité, la faisant exploser en sanglot alors qu'elle accélérait sa marche.
« Lâche-moi Jeffe ! Je resterais et me battrais jusqu'à la fin ! Je les sauverais ! »
Cependant, Jeffe ignora les paroles de Davis, portant l'infirme sur son dos, et se dirigea vers Alice. Pourtant, Davis se débattait de toutes ses forces en hurlant et pleurant tout ce qu'il pouvait, ne détournant jamais son regard de ses camarades laissé pour compte, se faisant exterminer à un rythme effréné. Il hurla des supplications à Alice.
« Je t'en prie ! Ne les abandonne pas, ils sont tous nos camarades, nos frères d'armes, sans eux, on ne serait jamais arrivé là ! On ne peut pas les abandonner, je refuse de les abandonner ! Écoute ton chef ! C'est incompréhensible que tu fasses ça ! Je... Je... »
Les sanglots de Davis devinrent si abondants que cela l'empêcha même de former le moindre mot compréhensible, pourtant, c'est ces marmonnements incompréhensibles qui firent tomber à genoux Alice. Elle frappa de toutes ses forces le sol de ses bras, lâchant Mélissa, alors qu'elle sanglotait au point ou ses mots étaient à peine compréhensibles.
« Tu crois que je veux faire ça ! C'est la seule chose à faire ! Tu préférerais mourir inutilement avec eux ?! Les survivants mérite une chance ! Tu veux les faire mourir aussi ?! C'est ça ! Tu veux juste entraîner tout le monde dans ta chute ! Tu-»
Ce fut la gifle silencieuse de Mélissa qui coupa Alice dans sa phrase. Quand Alice vu Mélissa avancer seule, ne se retournant même pas, retenant ses émotions en avançant de manière tremblante, elle se releva, pensant.
[Au moins ils survivront... Oui, ils survivront, elle survivra, Davis aussi... tout... tout n'est pas perdu, si sacrifier tout ce qui faisait de moi une personne humaine est le prix de leurs survies, qu'il en soit ainsi. J'incarnerai l'enfer s'il le faut. Je vous ramerais en vie.]
Cependant, malgré sa forte pensé, elle ne put empêcher ses tremblements alors qu'elle recommençait sa marche. Elle chuchota sans même sans rendre compte sur tout le trajet la même phrase en boucle, essayant de se rassurer.
« C'était la seule chose à faire... C'était la seule chose à faire...C'était la seule chose à faire...C'était la seule chose à faire...C'était la seule chose à faire...C'était la seule chose à faire...C'était la seule chose à faire...C'était la seule chose à faire...C'était...C'était la seule chose à faire... »
* * *
Ce n'est qu'au moment où la course effrénée des huit survivants se stoppa après un temps indiscernable, que Davis reprit la parole, fixant Alice avec un regard emplit de ressentiment, depuis le dos de Jeffe.
« Tu les as abandonnés, laisser seuls ! Avec Mélissa...vous...vous m'aviez dit que je ne perdrais plus personne ! C'était quoi ?! Des conneries ?! »
Hurla Davis, recommençant à pleurer, alors que Jeffe était méconnaissable. Quelque chose en lui semblait briser alors que ses yeux étaient dépourvus d'une quelconque vitalité.
« Ils nous auraient tous exterminés ! »
Répondit Alice en hurlant tout aussi fort, des larmes commençaient à nouveau à couler de ces yeux.
« Tu avais dit que tu n'étais pas un héros, alors si tu en es incapable... je le serais... JE LES SAUVERAIS ! »
Ajouta Alice en hurlant tout son désespoir, devant Davis, pétrifier par la situation. Cependant, il revint à ses sens en voyant Mélissa giflé encore une fois de toutes ses forces le visage d'Alice, des larmes perlant au coin de ses yeux.
« Tu vas trop loin ! Tu te rends compte de ce que tu as fait ? C'était peut-être nécessaire, mais ce que tu viens de dire ne l'était pas ! Excuse-toi, tu n'imagines pas la souffrance que c'est de perdre quelqu'un ! Pour toi, ce n'était que des inconnues, mais pour lui... c'étaient ses amis, il nous a tout confiés ! Et toi, tu bafoues son courage comme si de rien n'était. Tu te crois même supérieure à lui ! Il a dit avoir fait cette erreur, de s'être pris pour un héros, et toi tu t'en crois capable ?!»
Les jambes de Mélissa faiblirent, la faisant tomber au sol alors que ses yeux fixant Alice étaient remplis de peur, ainsi que d'une tristesse inconcevable. Pourtant, elle voulait toujours croire en Alice, elle n'y arrivait simplement plus, seule la peur, la tristesse et l'incompréhension la dominait. Alice détourna en conséquence le regard, s'isolant des autres se remettant à peine de leurs émotions. Ces moments resteront sans doute à jamais graver dans leurs mémoires.
Alice resta plonger dans ses pensées un temps indéterminées, avant qu'un son n'entre dans ses oreilles et la ramène à la réalité. C'était Mélissa, qui c'était mise au centre du camp, chantant d'une voix tremblante, retenant à peine ses sanglots tout en combattant ses angoisses, espérant que sa voix pourrait au moins permettre aux rares survivant de se relever, pour enfin terminer ce court voyage qui leur semblait duré depuis toujours. Alice frottait désespérément ses yeux, espérant retenir en vain ses immenses sanglots alors qu'elle priait pour se réveiller, rongée par les regrets de ses actions, son corps s'affaissant sur lui-même, la privant de toute force dans un tremblement inarrêtable. Il ne lui restait véritablement aucune force, si ce n'est celle de continuer à pleurer le peu d'eau qu'elle conservait en se recroquevillant sur elle-même.