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Memento - Remember you

Aina est la fidèle servante d'une illustre famille ducale, les Signavit. Une famille aussi mystérieuse que fascinante, dont les membres demeurent cloitrés dans un manoir au sommet d'une impénétrable montagne et le visage perpétuellement couvert par des masques. Malgré tout, elle ne questionna jamais son existence, où l'attitude de ses maîtres et maîtresses, parce que cet endroit était la seule chose qu'elle avait toujours connue. Enfin... Jusqu'à ce que l'un d'entre eux disparaisse mystérieusement. Dès lors, elle entreprit de faire la lumière sur ce mystère, sans savoir que celui-ci actionnait la roue du destin et qu'elle allait retrouver bien plus, dans sa quête de la vérité, que ce qu'elle cherchait au départ... Sans penser que tout ceci allait la ramener des années en arrière, au sein d'une vie dont elle n'avait plus aucun souvenir. "Les apparences sont belles dans leur vérité momentanée." - Octavio Paz Attention ! Ce récit va traiter de sujets qui peuvent être difficiles pour certaines personnes, je vous invite donc à passer votre chemin si les sujets suivants vous mettent mal à l'aise (attention certains termes pourraient spoiler des évènements de l'histoire) : Suicide, violence, maltraitance, dépression, troubles mentaux et viol. ***** « Tu l'aimes ? » l'interrogea l'enfant, dont elle avait totalement occulté la présence pendant quelques minutes. « Qui donc, mademoiselle ? » répondit-elle, incertaine de savoir de quoi pouvait bien parler cette dernière. Elle inclina la tête, comme si elle ne comprenait pas. « Ma poupée. » 'Oh... La poupée.' [...] « Elle est très jolie, mais pourquoi est-elle enfermée ? » ne put-elle retenir sa curiosité. L'intéressée baissa les yeux, pour les glisser sur sa peluche, dont elle caressait le cou de manière affectueuse, donnant à la scène une atmosphère sinistre. « Pour qu'elle ne s'échappe pas. »

Osiriana2350 · ファンタジー
レビュー数が足りません
32 Chs

Chapitre 27 - Possession

'Je n'ai pas imaginé la disparition de Despair.'

Elle en avait encore une fois la preuve. Que ce soit la porte de la maison de poupée ou les rubans de la pièce aux marionnettes, tout indiquait qu'elle n'était pas folle et que ce dont elle se souvenait s'était bien produit.

Elle était donc à présent certaine que les membres de la famille lui avait menti.

Elle posa les yeux sur le jeune Fear, qui était assis sous le grand kiosque, à regarder les fleurs mortes du jardin avec attention.

'Qu'en est-il de lui ?'

Le seul enfant qui demeurait au manoir était-il également au fait de la disparition de sa sœur ? Il était en effet aisé de mentir pour un adulte, mais quand était-il d'un jeune garçon d'à peine dix ans ?

« Aina ? » l'interrogea-t-il soudainement, remarquant probablement qu'elle l'observait depuis déjà quelques minutes.

Elle se rendit compte au même moment qu'elle était à deux doigts de faire déborder le thé qu'elle versait dans sa tasse, parce qu'elle était distraite. Aussi reposa-t-elle brusquement la théière en s'inclinant devant le jeune garçon, embarrassée.

« Veuillez m'excuser, jeune maître. »

Celui-ci hocha la tête, avant de tourner à nouveau les yeux vers l'horizon.

« Ce n'est pas grave. »

Les cheveux au vent et l'air pensif, il lui fit penser à la matriarche. Il avait sur son visage les mêmes expressions et dégageait la même mélancholie qu'elle. Il semblait triste et presque seul.

« Que font mère et père ? » l'interrogea-t-il après un petit moment, sans tourner la tête vers elle pour autant.

Le jeune garçon lui donna l'impression d'être un marin en pleine mer, qui scruterait la surface l'eau dans l'espoir de voir la moindre parcelle de terre, qui le ramènerait à son foyer. Le pauvre garçon irradiait de mélancolie et de solitude, complétement seul au milieu du jardin, à boire du thé et manger quelques gâteaux avec une servante qui l'écoutait à peine.

« Je suis désolée, jeune maître. » elle commença, plaçant la tasse encore fumante devant lui. « Monsieur travaille dans son bureau et madame n'a pas quitté sa chambre. »

Elle n'obtint aucune réponse particulière de lui, mais ne parvint pas à s'empêcher de remarquer le vague tremblement de ses doigts, qui fut la seule chose qui trahissait du trouble qui l'habitait.

'Il doit être déçu.'

« Les fleurs sont là. » nota-t-il, les yeux glissant sur le rosier desséché qui entourait une partie du jardin et duquel s'étendaient une multitude de roses noir. « J'aurais aimé les montrer à mère. »

Ces fleurs étaient célèbres au manoir, car elles avaient été plantées par madame à son arrivée ici, juste après son union avec le patriarche. Ce dernier avait toujours ordonné aux servants de prendre grand soin du présent que sa chère et tendre épouse lui avait fait, un des seuls d'ailleurs.

'Des roses noir au pieds du saule mort.'

Celui qui était presque aussi vieux que le manoir et au pied duquel étaient enterrés tous les descendants de la famille Signavit sans exception. La croyance voulait que leur enveloppe vide retourne à l'origine et à l'entité protectrice de cet endroit qui avait résisté au temps, aux hommes et même aux dieux.

« Vous pourrez toujours les lui montrer la prochaine fois. » tenta-t-elle de rassurer le garçon.

Elle l'entendit soupirer discrètement.

« Toi et Elvan dîtes toujours cela. »

Elle entendit la résignation dans sa voix et s'en voulu de ne pouvoir faire plus pour lui, que de nourrir ses espoirs vains.

« Je suis désolée. »

« Je ne dis pas cela pour que tu t'excuses. » répondit-il en se levant, pour descendre les marches poussiéreuses du kiosque et poser les pieds sur l'herbe brunâtre, à peine éclairée par la lumière du soleil tannée. « J'espérais simplement que cette fois soit différente. »

Différente de toutes celles où il avait désespérément attendu la venue de ses parents, sans jamais les apercevoir. Différente de celles où il était resté des heures durant, assis à regarder les fleurs comme un animal abandonné au bord de la route. Elle réprima une soudaine d'envie de se précipiter vers lui pour l'enlacer.

Ce pauvre enfant qui était seul, lorsqu'il aurait eu besoin d'affection et d'attention.

Tout comme elle dans son enfance.

« Je suis sûre que monsieur et madame se désolent de ne pas pouvoir passer du temps avec vous. »

Elle voulait le rassurer, lui remonter le moral en lui montrant qu'il n'était pas seul, mais il avait tant été déçu qu'elle n'était pas certaine que ses paroles parviennent à lui être d'une quelconque aide.

« Cela est probablement vrai pour mère. » souffla-t-il, laissant la fin de sa phrase en suspens.

'Mais pas pour Wrath.'

Elle baissa les yeux, attristée de voir cet enfant si seul, au milieu de ce grand jardin où la lumière et la joie avaient complétement disparues. Ainsi entouré par le manoir sombre et les arbres lugubres de la forêt obscure, il semblait complètement prisonnier, comme un petit oiseau en cage.

Aina aurait aimé l'emmener au village, pour lui faire découvrir la ville, ses habitants et surtout pour lui montrer la couleur bleue du ciel et les rayons dorés du soleil qui n'atteignaient jamais cet endroit.

Mais elle ne le pouvait pas à cause de la soi-disant malédiction qui pesait sur cet endroit.

'Où qui avait plutôt été créée par tous ceux qui y croyaient.'

Aina repensa à l'histoire que lui avait raconté Joy en plissant les lèvres. Elle ne croyait pas du tout à ce genre de choses et ne comprenait pas que personne ne se soit jamais risqué à essayer de sortir. Mais l'important ici n'était pas qu'elle ou Fear ne le croient pas. L'important était que les plus puissants de cette famille, ceux qui avaient le pouvoir de tous les faire plier à leur volonté, y croyaient dur comme fer.

Il était donc certain qu'aucun d'entre eux ne quitteraient cet endroit, que le pouvoir d'un soi-disant dieu soit à l'œuvre ou non.

'Un destin bien tragique.'

« Ce n'est pas vrai – » tenta-t-elle, sans grande conviction, avant qu'il la coupe en secouant la tête.

« Tu sais comment est père. » interjeta-t-il, pensif. « Seul l'honneur de la famille compte pour lui. »

L'honneur. La seule chose qui était plus importante pour Wrath que sa famille, ou sa propre vie. Aina s'avança vers lui, les yeux pleins de tristesse.

« Vous comptez pour moi, jeune maître. » souffla-t-elle en serrant les poings.

Elle cru le voir sourire pour la première fois sous son masque, car ses yeux s'arquèrent doucement en de petits croissants de lune.

« Toi et Elvan comptez pour moi aussi. »

Il lui prit délicatement les mains et elle nota l'affection qui perça dans sa voix.

« Mais père est différent. »

Et le silence retomba à nouveau.

« Les autres et moi ne sommes que les instruments de sa volonté et rien de plus que cela. »

Il était particulièrement douloureux pour elle d'entendre un si jeune enfant proférer de telles paroles, sans sourciller. Comme s'il avait été conditionné à cela.

Il avait visiblement été habitué à le répéter... Ou à l'entendre.

« Notre volonté et nos sentiments... Rien n'a d'importance. »

Elle hoqueta presque de l'entendre dire des mots si durs, de sa douce et fragile voix. Ses paroles lui tordirent le cœur, au point qu'elle en vint à fermer les paupières, pour empêcher ses yeux de s'humidifier de chagrin. Elle repensa à sa propre famille, comme faisant écho à la peine qui exsudait de son corps frêle recroquevillé sur le sol.

Elle aussi avait très certainement souffert à cause de ses parents, mais elle avait au moins eu la chance d'être choyée et aimée pendant un temps. Son souvenir de la veille en était la preuve irréfutable. Malgré la souffrance et la peur qui avait accompagné son premier souvenir retrouvé, elle avait ressenti le bonheur et l'amour d'une famille, entourée de sa mère et son frère.

Mais qu'en était-il de lui ? Qui avait été là pour lui lorsqu'il avait fêté son premier anniversaire ? Qui l'avait enlacé lorsqu'il était souffrant ou qu'il se sentait seul ?

D'aussi loin qu'Aina se souvenait, les enfants Signavit ne passaient que rarement du temps avec leurs parents et même ensemble, sur ordre du patriarche. Madame l'aimait, c'était un fait, mais son seul amour, entravé par la froideur de son père, suffisait-il à guérir le cœur blessé de cet enfant ?

'Lui, ou les autres.'

Elle repensa une nouvelle fois à Despair et à son visage joueur et pour le moins solitaire qu'elle n'apercevrait peut-être plus.

« ... Pourquoi n'allez-vous pas rendre visite à votre sœur ? » hasarda-t-elle après un long silence.

Elle vit ses épaules tressaillir légèrement, avant qu'il s'agenouille pour effleurer les pétales d'une rose en silence. Elle nota tout de même que la question ne le laissa pas indifférent.

« Void est souffrante. » répondit-il après un long moment, les yeux toujours ancré au sol.

Sa voix lui sembla quelques peu hésitante et ce détail piqua sa curiosité.

« Et... Despair... » commença-t-elle, avant de s'arrêter, voyant que sa main s'était figée dans son geste. « Quand est-il de Despair ? »

Elle prenait des risques en mentionnant ainsi le prénom que tout le monde semblait vouloir faire disparaître, mais après avoir vu le jeune maitre, elle était encore plus certaine de vouloir faire tout ce qui était en son pouvoir pour découvrir ce qui était arrivé à l'enfant.

Ces deux-là lui rappelèrent elle et son frère et elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle aurait aimé, elle aussi, que quelqu'un lui tende la main, lorsqu'elle avait fait face à son père. Elle n'était pas encore certaine de savoir ce qu'il s'était produit ce jour-là, mais elle ne parvint malgré tout pas à ignorer la peine de ces enfants, car celle-ci faisait écho à celle qu'elle croyait avoir ressenti.

« Je – Je ne vois pas qui tu parles. »

Il était hésitant... Incertain et elle le sentait.

'Il ment.'

Lui aussi.

« Jeune maître, je vous en prie. » le supplia-t-elle, s'approchant de lui par derrière. « La jeune maîtresse pourrait être en danger. »

Il fit volte-face presque aussitôt et posa ses yeux ressemblant à ceux de sa mère sur elle. Il était troublé, elle le voyait sans peine, mais il semblait néanmoins retenir ses mots, comme si quelque chose – ou quelqu'un – le contraignait au silence.

« S'il vous plaît... J'ai – Je crains qu'il ne soit arrivé malheur à mademoiselle. »

Les pupilles du jeune garçon se dilatèrent et elle le vit broyer la rose qu'il tenait entre les doigts, ne laissant d'elle plus qu'une traînée de pétales s'écrasant pitoyablement sur le sol. Elle attendit, en le regardant... L'implorant presque et elle entendit enfin un souffle qui lui fit dire qu'il venait d'ouvrir la bouche.

« Fear. »

Le garçon sursauta et elle se figea.

« Père. »

Elle se tourna à son tour, machinalement et croisa les yeux de glace du patriarche qui étaient posés sur elle. Un frisson lui parcouru l'échine, tandis qu'il la transperça de ses iris froides et sévères, qui ne présageaient rien de bon. Elle eut l'impression de voir la mort en face.

« Ma-Maître. » balbutia-t-elle, en tentant de recouvrer son calme.

L'homme ne la lâcha pas du regard, se tenant là, immobile, juste à côté d'elle, à la surplomber de toute sa hauteur. Son odeur musquée et mêlée au tabac lui chatouilla les narines, mais elle retint la grimace qui commençait à se former sur ses lèvres, pour fixer le sol, espérant qu'il oublie même sa présence.

Il portait son habit ducal en soie noir, sur lequel était brodées des aristoloches d'or et sa longue épée en fer sombre qui brillait à sa ceinture.

Il était absolument terrifiant, se tenant ainsi devant elle, à la scruter de ses yeux vides et cruels.

Depuis combien de temps était-il là ? L'avait-il entendu questionner Fear au sujet de Despair ? Elle n'en savait rien.

« Que fais-tu ici ? » questionna-t-il, en faisant quelque pas vers elle.

Elle devina qu'il s'adressait à Fear lorsqu'il contourna sa silhouette, sans faire cas d'elle. Elle se tourna discrètement, pour voir l'enfant trembler légèrement, avant de glisser ses mains dans son dos.

« Je... » commença-t-il se raclant la gorge. « Je regardais les fleurs avec Aina. »

Le patriarche inclina la tête avant qu'une sorte de « mhm. » s'échappe de ses lèvres.

« Avec Aina... » et il se tourna à nouveau vers elle, si bien qu'elle se figea.

« Oui maître. » parvint-elle à répondre, sans se départir pour autant de la terreur qui s'emparait d'elle. « Le jeune maître voulait les voir avec madame et vous, alors je lui ai tenu compagnie pendant votre absence. »

Il ne répondit rien, mais elle le vit la détailler avec attention, comme un aigle scrutant une proie. Il avait l'air de chercher à déceler la moindre faute dans son comportement, le moindre mensonge.

Et puis tout à coup il se tourna.

« Tu sais que je suis occupé. » répondit-il froidement à son fils, comme si celui-ci n'était pas de sa famille.

L'enfant trésailla, avant de baisser les yeux, visiblement effrayé par lui.

« Je suis désolé père. »

L'homme ne le rassura même pas et se contenta de soupirer comme si toute cette situation l'ennuyait, alors qu'un craquement raisonna derrière eux. Aina s'étonna de voir les yeux de l'homme s'agrandirent légèrement, lorsqu'il découvrit qu'une autre personne avait fait son entrée dans le jardin.

« Madame. » la salua Aina.

La matriarche, qui avait mis le pieds dehors après si longtemps, lui adressa un petit signe de la tête, avant de faire signe à son enfant de venir vers elle. Fear, qui se trouvait juste derrière le patriarche, hésita, en scrutant son père, avant de traverser le jardin à toute allure pour aller se loger bien confortablement dans les bras de sa mère.

L'homme les regarda faire d'un œil étrange, comme un spectateur devant une pièce de théâtre.

« Sorrow. » prononça-t-il son nom, une pointe de colère dans la voix.

La femme ramena son petit garçon juste derrière elle, avant de relever la tête pour scruter son époux, sans une once de joie dans les yeux.

« Wrath. »

Ils se saluaient avec froideur et distance, comme s'ils étaient des inconnus, mais Aina nota la veine qui se forma sur la grande et puissante main de l'époux, lorsque madame utilisa le même ton que lui pour répondre à ses salutations.

Il n'appréciait visiblement pas la manière dont sa femme s'adressa à lui, même s'il ne fit aucun commentaire.

L'atmosphère était lourde et tendue entre ces deux-là, au point que la jeune domestique eut une furieuse envie de partir en courant pour s'éloigner d'eux, mais le patriarche ne lui en laissa pas le temps, car il fit quelques pas vers le kiosque et s'installa sur l'un des bancs, juste devant le plateau de gâteau qu'Aina avait préparé pour son fils quelques temps plus tôt.

« Viendrez-vous boire le thé, ma chère ? » demanda-t-il à Sorrow, une pointe de défi dans la voix.

Son interlocutrice plissa les yeux, en pivotant sur place, comme si elle était particulièrement inconfortable.

« Je... Cela aurait été avec plaisir, mais je ne me sens pas très bien. »

Madame mentait très certainement, mais le patriarche ne trouva rien à redire, car elle était maîtresse dans l'art de la tromperie, presque autant que lui.

Aina crû que l'homme allait se mettre en colère, d'avoir ainsi été refoulé, mais au lieu de cela, il se mit à rire.

Son rire était terrifiant.

« Très bien. » souffla-t-il, croisant élégamment les jambes. « Rentrez-donc. »

Il fit signe de la main à Sorrow de partir et Aina fit un pas dans sa direction pour la suivre.

« Je vais rester un peu ici pour goûter au thé préparé par Aina. »

Son sang ne fit qu'un tour et sa gorge se noua.

'Qu'a-t-il dit ?'

« Ne m'as-tu pas entendue ? » gronda-t-il, à son intention, ou celle de Sorrow qui n'était pas encore partie, regardant la jeune domestique avec culpabilité et tristesse.

« Je suis désolée, maître. » s'excusa Aina, avant de tourner les talons et de trottiner jusqu'à la table où l'homme était assis, pour commencer à lui servir du thé.

L'épouse ne bougea pas, comme si elle hésitait et l'homme se mit à nouveau à rire, en la regardant comme un prédateur.

« Allez, ma chère. »

Elle serra les mains sur sa robe et tourna les talons, avant de partir d'ici, laissant la jeune femme complétement seule avec l'homme terrifiant qui se trouvait juste à côté d'elle.

Cela était la première fois qu'elle se retrouvait seule avec lui depuis son dernier accès de colère dans sa chambre et elle devait bien avouer ne pas être particulièrement à l'aise en présence de cet homme, qui aurait pu plonger son épée dans son petit corps frêle, à la moindre faute.

« N'est-elle pas charmante ? » susurra-t-il presque, rappelant à Aina qu'il était là, tout proche d'elle.

De qui parlait-il ?

Voyant qu'elle ne répondait rien, il continua à regarder en direction du manoir, tandis que la jeune femme fixait désespérément sa théière, pour ne pas s'écrouler de terreur.

« ... A me fuir de la sorte, alors qu'elle n'a nulle part d'autre où aller, que dans la demeure que j'ai préparée pour elle. »

Elle compris qu'il parlait de madame et ses mots lui firent l'effet d'une douche froide, tant ils étaient emplis de folie et d'obsession.

Cet homme était maladivement possessif, à l'égard des choses qu'il considérait comme siennes.

Sous le coup de la peur, la main d'Aina trembla et elle pria pour que l'homme soit trop occupé à lui raconter ses drôles de passe-temps pour le remarquer.

« Les choses les plus difficiles à obtenir sont celles qui nous apportent le plus de plaisir. »

Il prononçait des mots si effroyables en se comportant comme s'il courtisait une femme et le contraste entre le ton de sa voix et la teneur de ses propos, ajouta au malaise qui régnait sous le petit kiosque.

« N'es-tu pas d'accord ? »

Elle retint un hoquet.

Pourquoi diable la questionnait-il ainsi ?

Elle ne savait pas s'il était réellement curieux de sa réponse, où s'il s'amusait juste de la terreur qui exsudait probablement d'elle, mais elle n'eut pas le loisir de demeurer silencieuse.

« Je – Je ne saurais le dire monsieur, je ne possède rien. »

Il eut l'air quelque peu déçu par sa réponse, mais hocha la tête en se frottant le menton.

« Il est vrai que tu ne te rappelle de rien et que tu ne sais pas non plus qui tu es. »

Cela n'était plus tout à fait vrai, mais elle ne comptait pas lui révéler cette information.

« Vois-tu Aina. » reprit-il, comme s'il racontait une histoire à un enfant. « Le secret pour obtenir ce que l'on veut est de créer les bonnes conditions pour l'avoir et pour le garder. »

'Les conditions ?'

Elle ne comprenait pas bien ce dont il parlait et il eut l'air de s'en rendre compte, car il pointa du doigt le fond du jardin, attrapant la tasse fumante qu'elle venait de finir de remplir de l'autre main, pour la porter à ses lèvres sous son masque.

« Comme pour ces roses. »

Elle ne comprenait pas vraiment où il voulait en venir, mais elle ne fit aucun commentaire.

« Elles sont particulièrement belles et elles m'appartiennent. Aussi, dois-je m'assurer que personne ne les abiment ou les dérobent. »

'Les fleurs de maîtresse Sorrow.'

« J'ai donc placé des défenses tout autour d'elles, comme moyen de dissuasion. »

Elle entrouvrit les lèvres en apercevant enfin les ronces qui étaient disposées entre les fleurs, de manière si subtile qu'elle ne les avaient jamais remarquées avant.

« Mais la vermine est parfois persistante, alors je fais en sorte qu'elle n'ai plus jamais envie de revenir. »

Une fois de plus, elle eut du mal à suivre son raisonnement, peu importe l'attention qu'elle portait à ce que l'homme essayait de lui montrer. Tout ce qu'elle voyait étaient les roses, entremêlées de ronces, élégamment disposées au milieu des autres fleurs et ...

Elle se figea.

'Les autres fleurs.'

Elle entendit une nouvelle fois le rire de Wrath, mais l'ignora.

Elle reconnut presque aussitôt leurs feuilles entières, ovales et pointues dégageant une odeur fétide et leurs fleurs violacées en forme de cloche au centre desquelles brillaient des baies noires luisantes, de la dimension d'une cerise.

'De la belladone.'

Elle sentit un voile froid se propager le long de son dos tandis qu'elle observa avec effroi le paysage que son maître avait créé de toute pièce.

« Sais-tu ce qu'il arrive à un humain qui touche des fleurs de belladone, après avoir été blessé ? » demanda-t-il, d'une voix caverneuse.

Elle ne connaissait que peu de choses aux plantes, mais elle n'était pas ignorante au point de ne pas savoir que la belladone était particulièrement toxique. Aussi ouvrit-elle des lèvres tremblantes pour répondre, voyant que Wrath attendait.

« Il – Il meurt ? »

Ses jambes tremblaient et son cœur cognait dans sa poitrine, tandis qu'elle voyait les yeux de son maître se plisser, comme s'il souriait.

Cet homme était complétement fou, elle en était certaine.

« Allons... » souffla-t-il en secouant la tête. « Bien sûr que non ! Je ne suis pas un meurtrier. »

Pourtant, elle le pensait bien capable de l'être.

« Il ne mourra pas non, mais il regrettera d'avoir voulu toucher ce qui m'appartient. »

Elle avala bruyamment, terrifiée par la folie qu'elle décelait chez l'homme qui lui faisait face et puis elle se souvint de Fear.

Son sang se glaça lorsqu'elle se rappela qu'il avait cueilli l'une de ces fleurs tout à l'heure et cette réalisation la fit relever brusquement la tête vers Wrath qui, pour toute réponse, se mit à rire à gorge déployée.

Elle manqua de s'évanouir en imaginant le pauvre enfant se tordre de douleur dans sa chambre, tout en sachant que son père était à l'origine de tout cela. Un sentiment de dégout la secoua, tandis qu'elle continua à regarder cet homme qui n'avait visiblement aucune considération pour la vie humaine, même lorsque celle-ci était de sa propre famille.

Pour lui les gens n'étaient rien d'autre que ses possessions, sur lesquelles il estimait avoir tous les droits. Il était on ne peut plus éloigné de l'image qu'Aina se faisait d'un père et elle déplora une nouvelle fois que les enfants de la famille soient nés d'un homme pareil.

Il était froid, cruel et sans le moindre scrupule, au point qu'elle était convaincue qu'il puisse faire du mal à sa propre famille.

Mais l'avait-il fait ?

Avait-il, lui aussi, quelque chose à voir dans la disparition de Despair ?

« Est-ce que tu as peur, Aina ? »

Il s'approcha d'elle, juste assez près pour qu'elle sente son souffle sur sa peau. Elle voulait partir d'ici, s'enfuir et ne plus jamais s'approcher de lui, mais elle était littéralement gelée sur place, au point de ne plus pouvoir faire le moindre mouvement.

Elle ne parvint même pas à lui répondre.

« N'aie pas peur. » lui souffla-t-il avec une douceur terrifiante. « Je fais attention à mes affaires. »

Ses affaires... Ses possessions. En était-elle une aussi ?

« Il serait dommage qu'elles s'abiment, n'est-ce pas ? »

'S'abimer. Se briser.'

Elle ne voulait pas l'imaginer. Elle refusait.

Sa respiration s'accéléra brusquement et elle vit sa vision se rétrécir petit à petit. Elle sentait la panique la gagner et elle supposa que l'une de ses crises arrivait car elle commença à entendre des murmures au creux de son esprit.

Des paroles qui semblaient s'approcher de plus en plus et qui l'isolaient complétement du monde réel. Tandis qu'elle peinait à respirer, elle aperçut le visage de Wrath prêt d'elle et ferma les paupières, en s'appuyant sur l'un des piliers du kiosque.

'Il faut que je me calme.'