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Memento - Remember you

Aina est la fidèle servante d'une illustre famille ducale, les Signavit. Une famille aussi mystérieuse que fascinante, dont les membres demeurent cloitrés dans un manoir au sommet d'une impénétrable montagne et le visage perpétuellement couvert par des masques. Malgré tout, elle ne questionna jamais son existence, où l'attitude de ses maîtres et maîtresses, parce que cet endroit était la seule chose qu'elle avait toujours connue. Enfin... Jusqu'à ce que l'un d'entre eux disparaisse mystérieusement. Dès lors, elle entreprit de faire la lumière sur ce mystère, sans savoir que celui-ci actionnait la roue du destin et qu'elle allait retrouver bien plus, dans sa quête de la vérité, que ce qu'elle cherchait au départ... Sans penser que tout ceci allait la ramener des années en arrière, au sein d'une vie dont elle n'avait plus aucun souvenir. "Les apparences sont belles dans leur vérité momentanée." - Octavio Paz Attention ! Ce récit va traiter de sujets qui peuvent être difficiles pour certaines personnes, je vous invite donc à passer votre chemin si les sujets suivants vous mettent mal à l'aise (attention certains termes pourraient spoiler des évènements de l'histoire) : Suicide, violence, maltraitance, dépression, troubles mentaux et viol. ***** « Tu l'aimes ? » l'interrogea l'enfant, dont elle avait totalement occulté la présence pendant quelques minutes. « Qui donc, mademoiselle ? » répondit-elle, incertaine de savoir de quoi pouvait bien parler cette dernière. Elle inclina la tête, comme si elle ne comprenait pas. « Ma poupée. » 'Oh... La poupée.' [...] « Elle est très jolie, mais pourquoi est-elle enfermée ? » ne put-elle retenir sa curiosité. L'intéressée baissa les yeux, pour les glisser sur sa peluche, dont elle caressait le cou de manière affectueuse, donnant à la scène une atmosphère sinistre. « Pour qu'elle ne s'échappe pas. »

Osiriana2350 · ファンタジー
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32 Chs

Chapitre 16 - Tendresse

« Madame ne t'en veux pas. » souffla Elvan, qui semblait lire dans ses pensées.

Elle ne releva pas son talent pour la télépathie, bien trop occupée à imaginer la punition que lui adresserait le patriarche lorsqu'il apprendrait ce qu'il s'était produit. Elle serait sûrement renvoyée, mais peut-être l'emmènerait-il avant dans le donjon, pour y tester sur elle ses nouveaux ustensiles de torture... Elle n'aimait pas la douleur et ne croyait pas pouvoir résister très longtemps à la fureur de Wrath, mais elle savait qu'elle avait dépassé les bornes et qu'aucune personne, aussi compétente fusse-t-elle, n'aurait pu survivre à un tel crime.

« Madame sait que ce n'est pas ta faute, que tu ne voulais pas lui faire de mal. »

Aina grimaça.

'Madame est trop bonne.'

« J'ai été terriblement irrespectueuse, Elvan. » se lamenta-t-elle en glissant la tête dans ses mains pour ne plus le voir.

Elle entendit l'homme soupirer, avant que le bois de sa chaise craque, signe qu'il bougeait.

« Les souvenirs qui te sont revenus t'ont secoué et tes crises n'ont rien arrangé. Ce n'était pas ta faute Aina. »

'Les souvenirs revenus se sont donc bien produits, je n'ai pas halluciné cela...'

Elle était soulagée que tout ne soit pas un mensonge, que certaines choses se soient bien produites et qu'elles n'aient pas simplement été le fruit de son imagination.

Il était clair que ses crises avaient tout provoqué, mais cela n'excusais pas tout pour autant. Peu importait la raison, Aina avait manqué de respect à sa maîtresse.

« Je te l'assure. Maîtresse Sorrow a dit qu'elle garderait le secret. »

Cela lui ressemblait bien. Elle était partagée entre le soulagement et l'embarras, parce qu'aussi contente de ne pas perdre son emploi était-elle, elle ne pouvait simplement occulter les récents événements et servir l'épouse sans rien ajouter de plus. Elle s'inquiéta du lendemain et de sa prochaine rencontre avec Sorrow.

« Tu es un élément précieux pour cette maison et elle le sait. »

'Un élément précieux...'

Elle avait du mal à le croire. Elle ne se sentait pas particulièrement utile ici, enfin... Pas plus que les autres. Elle était là depuis longtemps et faisait de son mieux pour servir la famille et pas simplement parce qu'elle avait à cœur de bien faire son travail, mais aussi parce que les Signavit étaient ceux qui l'avaient recueillie, quand elle n'avait personne. Pourtant, elle ne se voyait pas comme particulièrement indispensable, pas comme Elvan par exemple.

« Je ne suis qu'une domestique. »

Elle ne s'apitoyait pas exactement sur son sort, mais faisait simplement preuve de réalisme. Elle n'était après tout pas du genre à s'attribuer des mérites quand cela n'était pas pertinent.

« Ce n'est pas vrai. » interjeta Elvan, qui s'était levé pour prendre des gâteaux et du thé dans l'un des placards de la cuisine. « Tu es là depuis quoi... Trois ans, non ? »

Elle hocha la tête, se rappelant du premier jour où elle était arrivée ici. Il pleuvait à torrent sur le manoir et elle avait ouvert les yeux juste au pied du grand saule, qui était presque aussi vieux que la montagne elle-même, sur laquelle était construit le manoir.

« Tu ne te souvenais de rien à ton arrivée. »

Et elle n'avait pas énormément plus de souvenirs à l'heure qu'il était. Ce jour-là elle avait vu Elvan pour la première fois, au travers de ses mèches sombre trempées par la pluie. Elle avait été éblouie par son visage délicat et élégant et par ses yeux clairs, qui l'observait. Elle se souvenait s'être dit qu'il était très beau.

'Et je le pense toujours.'

Elle n'avait pas forcément le cœur à ça avec tout ce qu'il se passait, mais en d'autres circonstances, elle aurait sûrement apprécié la gentillesse et l'attention d'Elvan, que tous jalousaient ou aimaient dans le manoir.

« Je me suis demandé ce qu'une fille comme toi faisait à dormir sous le saule. » souffla-t-il avec un sourire, les yeux perdus dans le vague comme s'il se rappelait un souvenir amusant. « Tu avais l'air tout droit tombée du ciel. »

Comment ne pas fondre face à ce regard verdoyant aux reflets dorés, qui respirait la tendresse et l'attention et à ce sourire charmant et légèrement espiègle qui n'apparaissait qu'en de rares occasions ?

« Je ne me rappelais de rien. » continua-t-elle à sa suite, se revoyant allongée sur le sol boueux, à l'abri de la pluie battante.

Oh combien avait-elle été troublée et désemparée de savoir qu'elle ne se souvenait de rien, pas même de son prénom. Elvan l'avait ensuite recueillie et conduite à l'intérieur du manoir où il l'avait nourrie, nettoyée et soignée, sans même faire cas du fait qu'elle était une jeune adolescente, abandonnée en plein milieu d'une demeure que la plupart des gens peinaient à atteindre, même dans les circonstances les plus favorables.

« Tu étais particulièrement silencieuse, jusqu'à ce que je ramène des cookies au chocolat. » s'amusa-t-il, ses yeux clairs et magnétiques s'arquant délicatement en un étroit croissant de lune, tandis que ses lèvres s'étiraient en un sourire tendre, adorablement encadré par des fossettes.

Aina sentit une douce chaleur se propager jusqu'à ses joues et elle constata avec surprise qu'elle était embarrassée par sa remarque et son expression qu'elle ne voyait que très rarement. Elle eut l'impression qu'Elvan la considéra comme une petite fille et ce fait fit rosir ses joues habituellement pâles.

« Je n'étais qu'une enfant. » s'empressa-t-elle d'interjeter, le regard fuyant et les mains posées sur ses joues pour camoufler son embarras.

Elvan demeura quelques instants silencieux, la regardant d'un air énigmatique, son air taquin toujours au visage.

« Tu n'as pas énormément changée depuis. » se moqua-t-il gentiment, en pointant les petits gâteaux qu'elle tenait dans la main, sans même le remarquer.

Elle ouvrit les lèvres de surprise, avant de baisser la tête, comme une enfant prise en flagrant délit après une bêtise. Elle n'avait même pas remarqué que ses mains s'étaient frayé un chemin jusqu'à l'assiette de gâteaux. Elle qui voulait maintenir une certaine contenance face à Elvan se sentait étrangement honteuse de ne parvenir qu'à passer pour une petite fille gourmande.

Elle ne s'expliquait pas pourquoi, mais elle n'avait pas particulièrement envie qu'Elvan la considère ainsi. Elle était légèrement plus jeune que lui, elle le savait, mais elle avait envie qu'il la voit comme la femme qu'elle pensait être. Celle qui était son égal et celle qu'elle voulait avoir l'air d'être devant lui.

« Je ne suis plus une petite fille. » se défendit-elle, gênée par son geste inconscient.

Alors qu'elle plissait les lèvres, en tentant de reprendre son calme, elle sentit une pression sur sa joue, accompagnée d'une douce chaleur et d'un léger chatouillis. Intriguée, elle releva la tête, avant d'apercevoir le visage d'Elvan, à quelques centimètres du sien. Il avait posé sa main gauche sur la joue de la jeune femme et la fixait en silence. Elle aperçut la petite marque rouge qui barrait le dos de sa main, sa cicatrice. Elle s'étonna de sa proximité et entrouvrit les lèvres pour l'interroger sur son geste, avant que ses yeux s'accrochent aux siens, avec une telle intensité qu'elle en demeura silencieuse.

En cet instant, le temps lui parut suspendu. Elle ne voyait rien d'autre que son visage droit et finement sculpté et son regard magnétique qui ne la quittait pas.

C'était la première fois qu'il l'observait ainsi, avec tant d'attention et elle ne savait pas bien comment réagir à tout cela. La sensation de sa peau douce et chaude contre la sienne était légèrement douloureuse, au point qu'elle veuille s'en éloigner et pourtant bien plus addictive, ce qui la fit presque se presser un peu plus contre sa paume.

« C'est vrai... » souffla-t-il sans la quitter des yeux, l'air presque fiévreux. « Tu es une femme à présent. »

Un frisson la secoua à ses mots et elle se surprit à fixer avec attention chacun de ses traits, le caressant presque du regard. Elle s'arrêta quelque peu sur ses lèvres pleines et rosées, qu'elle imagina prononcer son nom et se surprit à entendre son cœur battre bruyamment dans sa poitrine.

Ils étaient si proches qu'elle sentait son souffle et son parfum fruité lui chatouiller les narines, l'intoxicant presque par leur douceur. Elle se sentit comme happée par ses iris vertes, au point de ne pas avoir envie de détourner son attention de lui et puis, comme un rappel à la réalité, une cloche sonna.

Aina sursauta brusquement, avant de rompre le contact entre elle et Elvan, pour se replacer dans le fond de sa chaise. Elle se trouva étonnement à bout de souffle et presque déçue que ce moment eut été interrompu par l'appel d'un des membres de la famille. Lui, n'eut pas l'air plus troublé que cela et lui adressa un simple regard désolé, avant de rehausser son costume.

'Bon sang, qu'est-ce que c'était que cela ?'

Elle évita son regard, bien trop embarrassée par ce qu'il venait de se produire et par les pensées qu'elle avait eut pour l'affronter. Elle avait... Faillir croire ressentir des choses pour Elvan qu'elle n'avait jamais ressentie avant. Ce moment avait été étrange... Troublant pour elle, mais la réalité la frappa à nouveau en pleine figure. Elvan était son supérieur et l'homme qui l'avait sauvé. Aussi gentil et prévenant était-il, il n'était pas possible qu'il éprouve plus que cela à son égard.

Il était simplement attentionné et agréable avec tout le monde, même elle.

'Ne te fais pas d'illusions.'

Ce moment qu'elle avait cru partager avec lui n'était qu'un mirage, qu'une chimère produite par ses désirs les plus secrets d'être aimée par quelqu'un, d'avoir quelqu'un qui comptait pour elle et pour qui elle comptait. L'attention qu'il lui portait lui avait monté à la tête, parce que personne ne s'était jamais comporté comme cela avec elle auparavant.

« Je suis désolée Aina... » s'excusa-t-il au-dessus d'elle, sans qu'elle parvienne à croiser son regard.

Il demeura silencieux quelques instants, attendant peut-être qu'elle porte à nouveau son attention sur lui, avant de soupirer. Elle entendit ses pas passer derrière elle et elle crû qu'il allait quitter la pièce sans plus de mots, avant que sa paume se pose délicatement sur son épaule.

« ... Je dois y aller. » souffla-t-il, comme un murmure, avant que le contact rompu de sa main contre elle ne lui laisse qu'un épais vide.

Elle faillit croire qu'il s'attarda légèrement sur elle, comme hésitant à quitter la pièce, mais se ravisa en entendant la porte se refermer derrière lui. A nouveau seule et plongée dans le silence, la jeune domestique releva la tête et aperçu la chaise vide sur laquelle il s'était assis.

Elle observa le thé encore fumant posé sur la table et les quelques miettes qui restaient sur l'assiette en porcelaine blanche. Elle vit aussi un petit mouchoir en soie posé près d'elle et sur lequel elle remarqua que la lettre E. était brodée dans un épais fil doré.

'Elvan.'

Elle ne parvint qu'à lâcher un rire sarcastique, en réponse à la douleur qui lui tordit le ventre, avant de presser le tissu contre son cœur.

Décidément, Elvan était terriblement prévenant...

Elle ferma les paupières et se laissa aller en arrière, contre le dossier en soupirant.

'Et pourtant terriblement blessant.'