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Griffes d’argent

Arja ne pouvait pas croire ce qu'elle entendait. L'homme en blanc était le frère de l'homme qui avait détruit son royaume. Tout était confus. Pourquoi avait-il eut ces rendez-vous secrets avec son père ? Pourquoi était-il là, en sommeil, dans un cercueil, sous la salle du trône ? Pourquoi avait-il poussé son père à faire construire cette salle circulaire ? Tant de questions se battaient dans son esprit mais aucune ne put se formuler correctement. Elle l'avait tenu responsable de toute la misère de sa lignée. Elle se retourna vers Altraya et explosa de colère.

"Pourquoi tu ne m'as pas laissée morte !? J'avais le droit de rester morte !"

Arja sentait la rage couler dans ses veines. Elle se sentait brûler de l'intérieur. L'homme en face d'elle avait manipulé son père pour qu'il prenne de mauvaises décisions dans les moments les plus difficiles et qu'il ruine sa réputation. Cet homme était responsable de la mort du père d'Altraya, comment pouvait-elle être de son côté ? Arja se sentait perdue, elle entendait un rugissement dans sa tête depuis son réveil. Ce bruit la rendait folle. Elle plaça ses mains sur ses oreilles en espérant le faire cesser. Elle le vit en face d'elle sans aucun regret, il se tenait debout sans aucune honte. Il lui répondit froidement.

"J'ai sauvé le monde en stoppant mon frère avec l'aide de ton père."

Cette seule phrase bouleversait tout ce qu'elle avait toujours cru. Arja ne savait plus que penser ou croire. Il continua.

"Jäwell était dans le monde nommé Ombrae depuis neuf cents ans, le royaume des ombres que notre créateur lui a donné en héritage. J'observais en secret mon frère mais j'ai vu Jäwell s'ennuyer à gouverner un pays sans problème. Il est un guerrier, pas un politicien. Il a toujours eu besoin d'action.

Je le voyais partir secrètement pour participer à des guerres ici et là dans l'anonymat. Je l'ai laissé faire car il se battait comme un humain et il revenait chaque fois à son poste jusqu'à ce que j'apprenne qu'il était revenu dans notre ancien Royaume.

Il y a longtemps, le château au nord de Faranza était le nôtre. C'était notre... ma maison...

J'ai su que Jäwell était revenu et l'avait reconstruit. Je l'ai soupçonné de vouloir conquérir ce monde. Sa force le rendant imbattable pour les mortels, j'ai décidé de rejoindre ce monde et de le stopper."

Miroïr prit une grande inspiration, il semblait avoir du mal à expliquer ce qui s'était passé. Arja écoutait attentivement. Avait-il dit monde ? Avait-elle compris qu'il y avait plus d'un monde ? Elle se sentait encore plus confuse et étourdie.

"Quand je suis revenu, je l'ai vu sur l'ancien trône. Il prévoyait de renverser le pouvoir et de conquérir notre ancienne patrie. Jäwell a toujours eu de l'affection pour les descendants de son peuple, il ne supportait pas de les entendre souffrir. Il agit comme un enfant, il ne réfléchit pas aux conséquences. Il était sur le point de rompre l'équilibre de ce monde.

Je ne pouvais pas le laisser faire. J'avais prévu de l'arrêter mais pour cela, il me fallait un allié et c'était ton père.

J'avais prévu de construire ce tombeau. J'avais besoin de temps pour le préparer et ton père m'a donné ce temps. Grâce à lui, j'étais prêt lorsque l'armée entra dans la capitale. J'ai pris Jäwell au piège et je l'ai lié à moi. Puis je suis venu là pour vider mon corps de mon sang et me plonger dans un profond sommeil.

De son côté, Jäwell a également perdu son sang et a été contraint d'hiberner. Nous sommes désormais liés et tant que je ne me réveillerai pas, il en sera de même pour mon frère. Ses cadavres l'ont placé au centre de notre ancienne demeure."

Miroïr dit d'une voix froide et sans émotion.

"Ton père m'a aidé à sauver ce monde.

Arja fut choquée par ce qu'elle entendait. Elle baissa la tête. Elle se posait tant de questions qu'aucune d'entre elles ne parvenait à s'exprimer clairement dans son esprit. Altraya gloussa et prit Arja dans ses bras.

"Nos pères sont des héros ! Ce n'est pas génial ? !"

Arja regarda Miroïr dans les yeux.

"Pourquoi as-tu transformé Altraya ? Que sommes-nous devenues ? Sommes-nous mortes ?"

Miroïr semblait triste d'entendre cette question. Avant qu'il ne trouve le courage de répondre, Altraya parla à voix haute avec beaucoup d'excitation.

"Je l'ai surpris. Le jour de l'attaque, je l'ai suivi et je l'ai vu piéger Jäwell, je l'ai suivi dans le tombeau. Il était médusé d'avoir été suivi et il me tua mais il n'a pas supporté de me laisser mourir alors, il me transforma en sa création."

Elle avait un sourire méchant, terrifiant.

"Miroïr me maudit et ainsi, je fus condamnée à rester liée à Faranza et à ne jamais quitter cet endroit. Avec le temps, mes jambes ont disparu dans la brume."

Arja se pinça discrètement le bras. Elle n'arrivait toujours pas à croire ce qu'elle venait d'entendre. Cela faisait beaucoup à comprendre et à accepter. Miroïr prit une grande inspiration.

"Oui, vous êtes mortes. Nous sommes des créatures de la nuit. Nous avons été créés par le sang de Zarkhaim, le premier. Nous sommes ceux qui ne meurent pas. Nous n'avons pas de limites. Nous sommes les seuls, les purs, les invaincus. Quand les autres créatures de la Nuit, celles qu'on appelle les vampires, ont été créées à l'image de Zarkhaim avec ses ombres comme simples compagnons, mais nous, nous sommes ses héritiers et partageons son fardeau éternel ainsi que son pouvoir infini. Nous sommes ceux qui portent les griffes d'argent."

Arja baissa instinctivement les yeux vers ses mains pour vérifier la véracité de ses propos, et elle ne put que se résoudre à le croire. Elle les voyait, ces griffes incroyablement terrifiantes. La preuve indéniable que tout était réel.

"Vous n'auriez jamais dû être créés toutes les deux. Je pourrai cacher Altraya dans la brume mais je ne pourrai pas vous cacher tous les deux. Jäwell saura très vite que tu as été créée. Il voudra vous tuer, toi et Altraya."

Miroïr la regarda attentivement et avec le plus grand des sérieux, il continua.

"Les adorateurs de mon frère ont formé un culte, une sorte de groupe religieux d'humains qui tentent de réveiller Jäwell avec des rituels de sang. Jäwell va les presser à trouver une solution pour le libérer et le réveiller maintenant que tu es là. Tues les le plus vite possible."

Elle écouta attentivement chaque mot. La colère en elle rageait encore. Arja n'était pas une femme de discussion. Si Altraya était en danger, c'était une raison suffisante pour elle. Elle venait de la retrouver, il était hors de question qu'elle la perde à nouveau. Même si elle était... Différente.

"Comment sentirais-je ses adorateurs ? Peux-tu m'assurer qu'Altraya est en sécurité après cela ?"

Miroïr tourna la tête et répondit à voix basse.

"Tu les trouveras facilement, tu sentiras les ombres autour d'eux."

Arja enchaîna avec une autre question immédiatement. Elle souhaitait se préparer un minimum.

"Dois-je m'attendre à d'autres morts comme nous ?"

À cet instant, il sembla rougir, non pas que cela soit possible mais son attitude laissait transparaître une certaine gêne surprenante.

"Il ne les a pas transformés. Transformer quelqu'un de notre genre est quelque chose de très spécial... Nous... nous ne le faisons normalement qu'à des personnes très précieuses... et une seule fois."

Altraya se mit soudain à hurler en pleurant.

"Non non non non ! Arja ne partira pas ! Je l'ai transformée ! Elle restera avec moi pour toujours !"

Altraya se jeta sur le morceau de tissu posé au sol sur lequel elle avait déposé son sang. Arja se sentit transportée. Toutes deux récupérèrent leur corps dans la tombe près du corps endormi de Miroïr.

Altraya était furieuse, elle essayait de casser des choses mais ses mains passaient à travers tous les éléments. Plus elle était en colère et plus elle se transformait en brume devant Arja. Elle pleurait de plus en plus fort, ses larmes roulaient sur son visage et sa peau disparaissait avec elles.

"Arja, que m'arrive-t-il ? Je t'en prie, reste avec moi. Je suis si seule, depuis si longtemps ! S'il te plaît, Arja, s'il te plaît !

Arja était impuissante, son amie disparaissait lentement devant elle. Elle ne pouvait rien y faire. Elle aurait voulu lui prendre les mains, la prendre dans ses bras, il n'y avait plus rien à prendre. Elle n'était plus qu'un visage dans la brume. Altraya pleura, encore plus, elle souhaitait essuyer ses larmes, elle n'avait plus de mains, plus de bras. Elle n'était même plus un visage complet. Arja resta avec elle quelques heures.

"Je dois partir, Altraya, mais tu sais quoi ? Quand j'aurai fini, je reviendrai te voir, d'accord ? Et nous resterons ensemble. Je te tiendrai compagnie. Crois en moi. Je te promets que je reviendrai..."

Altraya se calma petit à petit et les larmes cessèrent.

"Je t'attendrai. J'ai déjà attendu douze ans... Je t'en prie, reviens-moi. Je ne veux plus être seule. J'ai besoin de toi, ma sœur..."

Arja acquiesça, elle se leva et prit la direction de la petite maison en bois où elle avait laissé Hagalaz. Elle sentait la brume partout autour d'elle, elle sentait le visage d'Altraya qui la suivait tout le long en silence.

Lorsqu'elle entra, Hagalaz était encore endormi. Elle vit la brume quitter son corps et il se réveilla immédiatement après. Le loup grogna d'abord contre elle. Il ne semblait pas la reconnaître, ce n'est que lorsqu'elle lui parla qu'il se ressaisit.

Il se calma et la suivit. En quittant la capitale, elle jeta un œil derrière elle et lorsqu'elle passa la porte principale, elle sentit un frisson parcourir son corps alors qu'elle s'éloignait. Quelque part, elle était sûre qu'elle ne reviendrait pas de sitôt.

C'était un sentiment étrange qu'elle ne pouvait expliquer. Elle savait qu'Altraya ressentait la même chose et un grand cri déchirant se fit entendre à l'extérieur de la ville.

La brume était dense et le hurlement déchirant de douleur d'Altraya restée à l'ancienne capitale l'accompagna dans ses pas vers le nord.