5 Soeurs.

« Combien de fois je t'ai dis de faire vérifier un article avant de l'envoyer pour la publication en ligne ? » S'énerva-t-il.

« Désolée, monsieur, » s'excusa Furusawa Emi. « Mais mes sources étaient sûres. »

« Tes sources ? Comme avec l'affaire du directeur de l'école primaire ? T'apprends jamais ou quoi ? » La réprimanda-t-il en martelant ses doigts sur son bureau.

L'éditeur en chef Kuroba était encore une fois en colère contre la jeune femme, et ce n'était pas la première fois que cela se produisait. À cause de la répétitivité de ces mises en garde, plus personne ne faisait attention de puis longtemps aux sautes d'humeur de leur supérieur.

Ni à la répartie plus que déplacée et irresponsable de la jeune femme.

« Monsieur ! Je suis pourtant sûre de ce que j'avance cette fois ! » Le contredit-elle. « J'ai encore des preuves que je peux utiliser pour étayer mon article, et des gens que je peux interroger, si vous me donnez le temps ! »

« Dans ce cas, pourquoi tu ne l'as pas fait depuis le début ? » S'exclama-t-il. « C'est toujours pareil avec toi, tu fonces tête baissée sans t'occuper des autres ! »

« Je n'étais pas encore assez sûre de moi pour utiliser les autres preuves que j'ai pu récolter, mais je sais à présent- »

« Tu sais quoi ? Que tu vas encore nous ridiculiser avec une histoire sans queue ni tête ? » Dit-il en la coupant dans sa phrase. « J'en ai marre de recevoir des plaintes, et vraiment, c'est la dernière fois. »

Le ton très tranchant de l'éditeur en chef aurait sûrement découragé ou intimidé plus d'un journaliste. Mais pas la jeune femme, qui prit cela comme un défi de plus.

« Dans ce cas, mon prochain article sera infaillible et absolument inattaquable ! » S'exclama-t-elle.

« Y'a intérêt, sans quoi ça risque d'être ton dernier ! » La prévint-il.

Elle était déjà convaincue que son prochain sujet serait le bon.

Certes, elle aurait dû faire plus attention les fois précédentes. Mais à chaque fois, des témoins se rétractaient, ou le manque de preuve faisait passer ses articles pour de la calomnie et de l'affabulation.

Toutefois, elle était sûre que le prochain sujet, sur lequel elle travaillait déjà depuis deux mois, allait porter ses fruits.

Sûre d'elle, elle décida qu'elle irait de nouveau surveiller l'entrée d'un certain établissement de karaoké. Si sa source était fiable, cette personne finirait bien par se montrer ; elle en était convaincue.

Pas le temps de se changer, ou de rentrer, par contre. Et elle avait besoin de certains documents.

Prestement, elle prit son portable et se mit à composer le numéro de sa sœur.

Au bout d'un moment, elle eut enfin une réponse, une voix fatiguée lui répondant.

« Ah, Kazue ? C'est moi, Emi ! Est-ce que je te dérange ? » Demanda-t-elle en hâte.

« Me déranger ? On est en pleine journée, c'est le vide niveau activité, » répondit sa sœur.

Si Emi était journaliste et n'avait pas vraiment d'heures fixes, Kazue, elle, travaillait à la réception d'un hôtel de luxe et voyait le plus gros de son activité se concentrer en matinée et en soirée, quand les clients arrivaient et repartaient.

« Tu as déjà pris ta pause ? » Demanda Emi.

« Pas encore, non… Qu'est-ce que tu veux ? » Demanda en retour Kazue, un brin agacée.

Elle savait déjà que sa sœur voulait à nouveau lui demander un service.

« Ah ah, on peut rien te cacher, hein ? » Dit Emi, un brin gênée.

« Si tu m'appelle en pleine journée, c'est généralement pour ça, pas vrai ? »

Emi sourit. Même si Kazue n'osait pas l'avouer, les deux jeunes femmes se ressemblaient énormément sur le plan affectif.

En fait, elles se ressemblaient plus que ça, étant donné qu'elles étaient jumelles. Ce qui rendait leur complicité encore plus profonde, même si leur comportement pouvait parfois paraître distant à certaines personnes ne les connaissant pas bien.

« J'ai besoin de documents que j'ai laissés à mon appartement, tu peux aller me les chercher et les amener au bureau ? » Demanda Emi.

« Ça devrait pouvoir se faire, » concéda Kazue. « Tu as besoin de quoi, exactement ? »

« Il dossier bleu foncé dans le premier tiroir de mon bureau, » répondit Emi.

« D'accord, je t'amène ça dès que possible. » Dit rapidement Kazue avant de raccrocher.

Même si Kazue était bien plus stricte qu'Emi, elle était tout de même quelqu'un de très attentionné envers sa sœur. Emi savait donc parfaitement que ces courtes discussions n'étaient pas dues à l'humeur déplorable de sa sœur, mais plutôt à une certaine réserve que cette dernière avait quand elle parlait de sujets personnels en public.

Tout de même, elle aurait pu lui dire 'au revoir', ou 'bonne journée', avant de raccrocher...

Prenant son matériel photographique et un sac à dos pour y ranger son micro, ses objectifs et divers documents – des carnets de notes, et une enveloppe contenant des photographies qui lui avaient été fournies – elle quitta le bureau de la rédaction, prête à commencer une nouvelle surveillance.

Elle espérait juste que cette personne finisse par se montrer, même si techniquement, elle était insaisissable pour commencer.

Son informateur, un des employés de l'établissement de karaoké, semblait tout de même savoir des choses assez précises.

Elle avait pu découvrir grâce à lui l'existence d'un homme prenant des contrats, et qui semblait mêlé à un décès récemment évoqué dans la presse.

Le président d'une entreprise du bâtiment avait été retrouvé mort sur un des chantiers dont il était responsable. Il s'était apparemment jeté dans le vide depuis le haut d'une des immeubles encore en construction, laissant une lettre de suicide numérique dont il avait programmé l'envoi depuis sa messagerie e-mail.

Du moins, c'était ce que tout le monde croyait, jusqu'à ce que la source d'Emi lui raconte ce qu'elle avait entendu.

Deux semaines avant le 'suicide' de cette personne, plusieurs hommes avaient discuté dudit meurtre ensemble, dans une des salles privées du karaoké.

Les mots clés 'suicide', 'contrat', et 'paiement' avaient été évoqués plusieurs fois.

Ce qui ne laissait aucun doute quant à l'identité d'un des hommes.

Un tueur à gages, engagé pour assassiner l'homme en question, et faire passer tout cela pour un suicide.

Elle en avait déjà entendu parler, bien que ça ressemblait au départ plus à une rumeur qu'à une véritable personne. Toutefois, elle en était à présent persuadée. Son instinct la trompait rarement, et il lui disait que cette piste était réelle.

La personne qui se tenait tout au bout du chemin, et qui était aussi insaisissable que le vent, n'était autre que Kazamidori, la girouette.

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