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Chapitre 15 : Tapis dans l’ombre (1)

Le grincement lointain et plaintif d'une lourde porte lui parvint aux oreilles. Il ne lui fallut pas longtemps pour distinguer des bruits de sandales dans l'escalier. Bientôt, deux ombres se dessinèrent sur les pierres froides du sol.

Hiki Goto, chef du gang Scorpio, les Scorpions d'Ikebukuro, ne chercha pas à découvrir qui pouvaient bien être ses visiteurs impromptus. Il s'évertuait déjà bien suffisamment à reprendre sa respiration entre chaque coup de poing s'enfonçant dans son plexus.

Un nouveau courant électrique fusa dans son ventre, pendant qu'un cri muet s'étranglait dans sa gorge. Le monde oscillait devant ses yeux, son corps entier s'engourdissait sous les élans de douleur. Ses cils papillonnèrent, espérant, dans un effort futile, faire disparaitre la nuée d'étoiles noires qui noyait sa vision tel un feu d'artifices. Sous ses paupières enflées, il ne distinguait plus que vaguement la silhouette de l'homme qui venait de lui encastrer son poing dans le ventre.

Hiki avait mal ; il était ankylosé des pieds en tête et sa bouche était rendue pâteuse à cause de la soif. Même le goût de fer qui tantôt nappait son palais avait disparu. Il ne lui restait plus ne serait-ce qu'une once d'envie de résister, son corps était si affligé par les élans de douleur qu'il lui était pratiquement impossible d'aligner deux pensées cohérentes.

Le poing de son bourreau se retira finalement de sous sa cage thoracique, trop lentement à son goût, abandonnant dans son sillage cette nouvelle vague lancinante qui dévorait le ventre de sa victime.

Hiki hoqueta.

Il n'avait plus la force de protester, ni encore moins d'essayer d'assimiler les mots que les autres hommes de la pièce s'échangeaient sans se préoccuper de son sort. Un sifflement strident déchirait ses tympans, mais il n'aurait su dire si cet acouphène était l'écho du coup qu'il venait de se recevoir qui persistait entre ses deux oreilles, ou si cela était la faute à la perte de conscience qui le guettait.

Après un autre coup sur son arcade sourcilière qui manqua de peu de lui dévisser les cervicales, son menton s'échoua mollement sur le haut de son buste. Un filet rougeâtre s'écoulait de sa bouche et de ses narines, s'échouant en tâches noires sur ses vêtements.

Hiki cligna des paupières. Il mit du temps à comprendre que le geignement qu'il percevait difficilement par-delà le sifflement dans ses oreilles, provenait tout droit des tréfonds de sa gorge.

- Comment va notre prisonnier préféré ? s'éleva soudain une voix portante, depuis un coin assombri de la pièce.

Le ton de l'homme sonnait excessivement joyeux compte tenu du contexte et du lieu. Immobilisé sur une chaise, Hiki se ratatina sur lui-même. À son geste instinctif, un tintement cristallin de métal s'éleva depuis les chaines enserrant ses poignets et ses chevilles.

L'esprit chaotique, Hiki déglutit, le goût écœurant du sang sévissait une fois de plus dans sa bouche. Ses pupilles glissèrent tant bien que mal vers le haut, vers l'origine de la voix qui venait de retentir entre les quatre murs d'un gris insipide.

Il vit d'abord des pieds habillés de sandales en bois, ensuite, son regard escalada le kimono aux motifs géométriques se tenant devant lui. La figure d'un vieil homme se découpa dans le clair-obscur. Dans la pénombre, il ne discernait que vaguement ses traits, qu'il ne voyait pourtant pas pour la première fois depuis qu'il avait été emmené dans cette cellule. Le seul détail qui lui sautait aux yeux était l'intensité avec laquelle l'un de ses yeux, complètement blanc, dénotait dans ce cachot.

Ouais, un cachot.

Les épais barreaux de fer qui grinçaient à chaque fois que ces hommes venaient « lui rendre visite », la chaise sur laquelle il était retenu, attaché avec une force telle qu'il ne sentait plus ses membres, et la cellule dans laquelle il se trouvait lui rappelaient davantage un cachot pour les condamnés qu'une simple cave.

- Il est devenu bien docile depuis votre première visite, enchaîna le bourreau du prisonnier.

Le visage de celui-ci était enfoui sous une cagoule, si tant et bien que seuls les croissants de lune de ses yeux étaient visibles. Cependant, un rictus se devinait sous le tissu noir de suie qui recouvrait son visage.

- Vraiment ? Bon travail ! Comme on pouvait s'y attendre de toi, Tetsu !

- Maitre Shigeru, soupira celui répondant au nom de Tetsu, les fentes de ses yeux se plissant d'emblée dans les interstices de sa cagoule. Vos louanges pourront attendre. Prononcer les noms est prohibé, ordre d'Oyabun.

- Ah, désolé ! s'esclaffa l'ancien chef du clan. Hizashi est vraiment trop prudent, quand il s'y met. J'oublie parfois qu'il est pragmatique dans tout ce qu'il fait. Il ne tient clairement pas ça de moi !

Il pouffa à sa dernière phrase.

Hiki, pour sa part, ne parvenait pas à saisir ce que ce vieil homme pouvait trouver de drôle à cette situation. Un frisson d'effroi souffla le long de son échine quand il sentit peser sur lui le regard glacial du borgne. Celui-ci s'était approché de lui tout en parlant, mais Hiki n'osait plus ne serait-ce que croiser ce seul œil dénué de pitié.

- Quoi qu'il en soit, rajouta Shigeru, alors que ses doigts rugueux se plantaient de part et d'autre des joues du délinquant. Ce n'est pas comme si notre piètre petit prisonnier pouvait nous échapper de quelconque façon et aller tout raconter au premier venu.

- En effet, confirma Genji, le seul homme à n'avoir pas encore émis de mot, tandis que Tetsu, qui s'était rapproché de lui en deux grandes enjambées, balançait par terre ses gants tachés de sang, à côté des autres paires de gants qui avaient connues le même sort. Il faut dire que l'on a quelques comptes à régler avec lui.

Acquiesçant, Shigeru approcha son visage de celui baigné de sueur de l'homme maintenu sur la chaise.

- Dis, petit ignorant, j'ai un petit secret à te révéler. Mais cela reste entre nous, d'accord ?

Démuni face à cette animosité étouffante et coincé entre ces doigts aussi puissants que des serres, Hiki ne put que déglutir.

- Le sais-tu ? De mon temps, les gens se murmuraient une phrase à notre sujet, chuchota l'ancien chef du clan, chantonnant presque les syllabes de ses mots. « Nul ne ressort indemne des griffes d'un dragon. »

Le délinquant écarquilla les yeux. Son pouls s'accéléra, se répercutant tambours battants jusque dans ses tempes.

En vingt-quatre ans de vie, c'était la première fois que Hiki Goto se sentait aussi vulnérable, aussi insignifiant et faible. L'homme qui venait de lui souffler ces mots était un tueur, pas un vieil homme sans plus aucune influence comme on avait pu le lui rapporter. Il ne comptait pas le laisser partir. Hiki le comprit avec amertume. Il n'aurait à l'avenir plus aucune porte de sortie, il terminerait ses jours dans cette cellule piteuse.

Le clan Ryūno n'était pas un clan de faiblards comme on avait pu le lui décrire. Si ce clan avait perdu de son prestige, cela ne lui enlevait en rien sa puissance destructrice.

Hiki aurait dû le savoir. Il aurait dû.

Avec le recul, il comprenait que l'égocentrisme et le sentiment de toute puissance qu'il avait ressenti en devenant le chef du gang des Scorpions, avaient voilé son jugement.

Comparé à la toute puissante d'un dragon, un scorpion, même équipé de son dard mortel, faisait pâle figure. Si le dragon soulevait les océans en déchaînant les tempêtes, le scorpion, quant à lui, piquait et fuyait. Mais que pouvait-il bien piquer quand les écailles du dragon le préservaient de la piqure mortelle ?

Il serra les mâchoires, son impuissance lui faisant l'effet d'une gifle lancée à la volée en pleine figure.

Il n'aurait jamais dû s'en prendre à ce clan. Jamais. Oser se frotter à ces gars avait été la pire erreur de sa vie. Et à cause de ses actes irréfléchis, les siens en avaient lourdement payé le prix.

Hiki repensa à ses deux subordonnés encore en vie. Ils avaient eux aussi été emmenés dans ces cachots. Quand ce n'était pas son tour d'être malmené, il entendait leur supplication de l'autre côté de ces murs.

Hiki ne rechigna même pas quand les doigts de Shigeru s'encastrèrent une dernière fois dans ses joues avant de le lâcher.

- Tu m'as dit qu'il n'avait pas envie de coopérer ?

Genji opina à la question de son ancien chef.

- Il semblerait. Il ne nous en a pas appris beaucoup plus depuis votre dernière visite.

- Je vois.

Même s'il avait déjà perdu la force de garder la tête levée, Hiki pu deviner sans difficulté le sourire goguenard qui devait s'étendre sous la barbe du vieil homme.

- Il me semblait avoir dit la dernière fois de ne lésiner sur aucune méthode pour le faire parler. Aux grands maux les grands remèdes.

- Je n'ai pas oublié, Maître Shigeru, mais mon fils m'a fait parvenir le désir du Jeune maître Sora de ne tuer aucun des trois prisonniers. Il est ainsi de mon devoir de m'assurer que les recommandations du Jeune maître soient respectées. Il me faut veiller à ce que mon subordonné n'en élimine aucun par inadvertance, et ce n'est point une mince affaire.

- Sora a demandé ça ?

En les écoutant parler, Hiki observait sans pour autant réellement les voir les ombres des deux hommes être projetées sur le sol par les lumières vacillantes des chandelles. À la question du vieil homme, la tête de celui qui lui avait fait passer ces nombreux interrogatoires avait bougé de haut en bas.

- Toshiro m'a rapporté que le Jeune maître souhaite éviter les morts inutiles.

Soupir. Le vieil homme n'était de toute évidence pas satisfait de cette requête. Il haussa les épaules.

- Si c'est le souhait de mon petit-fils, comment le lui refuser ?

Un silence s'éternisa, ponctué des regards fatigués que Genji et son subordonné posaient sur lui. Shigeru se racla la gorge.

- Et donc, les nouvelles informations que tu as pu récolter sont concluantes, Genji ?

- Malheureusement, soupira le conseiller, et Hiki vit son ombre secouer la tête de gauche à droite sur les dalles du sol. Il s'entête et refuse de nous dévoiler l'identité de son informateur.

- Une forte tête, hein ? J'aime les personnes avec du caractère, elles sont en général les plus distrayantes. Mais de savoir que notre très cher invité en possède m'énerve plus que cela ne m'amuse, à dire vrai.

Tché. Le vieil homme claqua la langue contre son palais.

Sitôt cet homme avait-il eu fini de parler qu'un frisson s'était brutalement saisi du prisonnier. Hiki sursauta presque en redressant rapidement la tête. Son geste fit naître un élancement dans sa cheville blessée. Ses poings se serrèrent si fort que ses ongles écorchés rentrèrent dans la peau de sa paume, et il eut le réflexe de forcer sur les liens enroulés autours de ses poignets.

Le temps d'une fraction de seconde, il avait eu l'impression de sentir peser sur lui le regard ardent d'un carnivore.

Le charisme de cet homme à la balafre semblait alourdir l'air de la pièce.

- Et qu'en est-il des deux autres ?

- Le même scénario se dessine, expliqua Genji, en enfonçant les mains dans les manches de son kimono sans l'ombre d'un pli. Mes hommes et moi les avons interrogés avec tout le respect qu'ils méritaient, mais ils ont tenu moins longtemps face à l'interrogatoire que lui. Ils dorment à poings-fermés à l'heure où nous parlons.

Songeur, Shigeru passa ses doigts dans les poils de sa barbe, non sans lâcher du regard l'imprudent qui, pétrifié, ne se débattait même plus sur sa chaise.

- Si cela est ainsi, je crains qu'il faille monter d'un cran si nous voulons obtenir quelconque information utile de sa part.

L'homme marqua une pause, avant qu'un sourire malsain ne se croque sous sa barbe.

- Pourquoi ne pas leur faire subir à tous les trois la même chose que ce qu'ont vécu Sora et sa servante ? Après tout, on a évité les battes de baseball jusqu'à maintenant, mais ses mains me semblent être en trop bon état.

Le cœur du chef du gang sombra dans sa poitrine. Ce vieil homme était définitivement dément.

- Attendez ! il croassa piteusement entre deux inspirations saccadées.

Hors de question que cela continue ! Il ne voulait pas que cet endroit soit les derniers murs qu'il verrait de sa vie. Hiki savait que si cela s'éternisait, si le subordonné de l'interrogateur passait à la vitesse supérieure avec lui, il finirait par crever dans cette cellule comme un vulgaire rat d'égout.

- Qu'est-ce que tu as, toi ?

La question du vieil homme avait été lancée d'un ton cinglant. Plus qu'une question, elle avait sonné comme un ordre de se taire. Or, Hiki était trop désespéré pour se la boucler. Sa voix craquela au milieu de sa phrase tandis qu'il s'égosillait :

- Je vous ai tout dit ! Je vous le jure ! Je ne connais pas son nom.

- Et tu penses qu'on va croire à tes conneries ? siffla Shigeru, sa patience atteignant ses limites. Qui ferait confiance à une personne dont il ne connait pas le nom ? À moins que tu ne sois encore plus stupide que ce que je n'avais pensé.

- Il m'a donné un pseudonyme ! se défendit Hiki, en désespoir de cause.

Il s'efforça d'affronter une nouvelle fois le visage patibulaire du vieil homme.

- Il m'a dit de l'appeler Naja, que tout le monde l'appelait comme ça dans le milieu.

- Naja ? s'enquit Shigeru, qui répéta le nom comme pour essayer d'en déchiffrer le sens.

- Ouais, Naja, confirma Hiki. C'est tout ce que je sais ! Je ne l'ai rencontré en personne qu'une seule fois. C'était dans un bar d'Ikebukuro, peu de temps après l'incident avec vos hommes.

Les deux membres importants du clan Ryūno se regardèrent, puis Shigeru demanda :

- Ce nom te dit quelque chose, Genji ?

Le conseiller lui rendit un mouvement de tête négatif.

- S'il sévit dans les rues d'Ikebukuro, il serait plus sage d'interroger les membres du clan qui gèrent cette partie de Tokyo.

- Je vais me charger d'en informer Hizashi.

- Si ton gang et toi ne lui avez parlé qu'une seule fois, pourquoi lui avez-vous fait confiance ? questionna Genji.

Tout en posant sa question, il fit signe à son subordonné de reculer tandis que lui s'avançait pour se planter de toute sa hauteur devant le blondin, à la droite Shigeru.

Le prisonnier se mordit nerveusement les lèvres.

- Il nous a dit avoir un passif compliqué avec votre clan.

Du coin de l'œil, il vit Shigeru faire un signe de tête à son voisin. Hiki ne comprit pas ce geste, ni même ne fut-il en mesure d'affirmer si ses mots avaient eu le mérite d'apaiser la colère sourde de la montagne qu'était ce vieil homme.

- Il n'a pas voulu m'en dire plus, poursuivit-il avec précaution, en pesant chacune de ses paroles. Mais ça me convenait, car tout ce qui m'importait était de faire sortir mes gars de prison.

Un des sourcils broussailleux de l'ancien chef du clan se leva sur son front, mais Hiki ne s'en préoccupa guère. Les souvenirs du soir où il avait fait la rencontre de cet homme se bousculaient dans sa tête tel un tourbillon d'images.

Cette histoire avait commencé un soir d'hiver. Un de ces soirs qu'Hiki et ses hommes passaient à s'enfiler des shots d'alcool dans le bar qu'ils fréquentaient pratiquement trois fois par semaine. Comme à leur habitude, ses hommes et lui s'étaient accaparés la meilleure table de l'espace fumeur, riaient à s'en fracasser les cordes vocales, et n'avaient que faire des regards réprobateurs des autres occupants du bar. Leur réputation les précédait ; les scorpions de Ikebukuro étaient connus auprès des habitants du quartier, amenant les gens, et même le tenancier du bar, à préférer les ignorer et se ratatiner quand l'alcool finissait par leur monter à la tête.

Pourtant, ce gars était venu leur parler. Un gars qui se dissimulait dans les pans d'une ample capuche de sweat. Dans les lumières tamisées du bar, Hiki avait à peine noté que le type se trimballait un pantalon aux motifs militaires et des bottes de marche remontant jusqu'au-dessus de ses chevilles.

Si Hiki avait, au départ, cherché à le rembarrer, ce Naja n'avait eu à lui dire que quelques mots pour qu'il ne daigne lui prêter une oreille attentive.

« Les dragons de Tokyo ne sont plus qu'une vieille légende que l'on raconte pour effrayer les jeunes un peu trop téméraires. Les Ryūno courent à leur perte. Si vous réclamez vengeance, faisons équipe. »

Bien qu'ayant été éméché, Hiki préservait néanmoins un très net souvenir de ce Naja, en particulier de son odeur : celle du monde de la nuit, des parfums des quartiers qui n'ouvraient leurs portes qu'au coucher du soleil et que le peuple bien rangé fuyait dès les dernières lueurs du jour.

- Naja connaissait… des informations, avoua le chef de gang, entre ses dents serrées.

- Des informations ? fit semblant de s'étonner Genji, sa curiosité malgré tout piquée au vif.

- Ouais ! affirma vivement Hiki, voyant dans ce nouvel élan d'intérêt un soupçon de salut. Énormément d'informations. Que même la police ne connaissait pas.

- Sur les Ryūno ?

- Ouais, il connaissait quelques trucs sur vous, et sur les gangs du coin aussi. C'est ce gars qui nous a donné la localisation du gamin et de sa servante !

Hiki voulut rajouter certains détails, mais n'en eut pas l'opportunité. Une violente douleur au nez lui fit soudain voir des étoiles. La tête du délinquant fut brusquement projetée en arrière, avec une force telle que ses cervicales émirent un craquement inquiétant dans sa nuque.

Le blond ne comprit qu'avec un temps de retard que le mince filet de liquide opaque qui s'écoulait en continu de ses narines et de ses lèvres était son propre sang, après que le poing sans gant de Tetsu, son bourreau, ne se soit écrasé sans ménagement aucun en plein milieu de sa figure.

- Je te conseille de mesurer tes paroles, gronda Shigeru, un éclat de danger et de dominance pure brillant dans les confins de son seul iris valide. Celui que tu as enlevé et que tu as pris plaisir à torturer est l'un des héritiers du clan, mais à plus forte raison mon petit-fils. Il a beau avoir précisé ne pas te vouloir mort, je reste l'instance avec la plus haute autorité après le chef du clan. Et contrairement à lui, je n'éprouve aucun scrupule à être celui qui te privera de ton dernier souffle.

- Maître Shigeru, fit Genji, en voulant apaiser l'humeur massacrante de son ancien chef.

- Je te laisse te charger de son cas, Genji. Fais-le parler, je veux qu'il nous dise tout ce qu'il sait.

Genji poussa un profond soupir.

- Entendu. Que comptez-vous faire, à présent ?

L'air courroucé du vieil homme se détendit.

- Je vais voir si mon petit-fils apprécie son nouveau garde du corps.

Les ayant écoutés par-delà le bourdonnement dans ses tympans, Hiki se débattit avec une vigueur nouvellement retrouvée sur sa chaise, faisant cliqueter bruyamment ses chaines.

- Attendez ! Je vous ai vraiment tout dit ! On a toujours échangé par appels téléphoniques avec Naja. Je ne connais pas le nom de cet homme, je vous promets que je vous dis la vérité ! Je ne veux pas croupir ici, je vous en supplie !

Mais rien n'y fit, le monde de Hiki ne tarda pas à sombrer dans des ténèbres sans fin. Un objet venait de s'abattre avec force à l'arrière de son crâne. La dernière image qu'il garda en mémoire fut le visage dur de l'ancien chef du clan Ryūno, qui semblait lui dire les mots que Hiki n'avait eu de cesse de se répéter en boucle : « Tu aurais dû réfléchir avant d'agir ».

Les griffes froides et tranchantes du dragon s'étaient refermées sur lui.