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Cauchemar Rémanent

Encore ce cauchemar… Le cauchemar qui annonça une destinée bien plus cruelle que celle à laquelle j'aspirais.

Raven et moi étions pris en embuscade, encerclés par des orcs dont le but me dépassait totalement. Leurs regards noirs nous transperçaient. Mais ils restèrent figés un temps, à attendre, jusqu'à ce que l'écho d'une voix grave nous atteigne :

— Te souviens-tu de ce que je t'ai dit lors de notre dernière rencontre ? 

Cette question fit pâlir Raven. Même si la pénombre l'empêchait de voir qui en était l'auteur, il semblait reconnaître ce ton calme et serein. 

Son expression de malaise provoqua un rire derrière la chaîne vivante qui nous maintenait captifs. Puis, cette dernière se brisa finalement pour laisser place à un géant. Il devait s'agir d'un warlord au vue de sa carrure imposante et de sa prestance plus redoutable encore que celle de ceux qui l'entourait.

J'avais beau trembler comme une feuille fébrile à la simple vue de ce démon, Raven, lui, resta stoïque. Il avait effacé sa crainte l'espace d'un instant.

— Je ne perdrai pas un autre de mes élèves. Repars avec tes soldats et reprenons le cours de notre existence… rétorqua-t-il.

Ses propos pacifistes détruisirent l'air jovial de son interlocuteur au point de le faire grincer des dents. 

— Sin… Ne cherche pas à les combattre. Dès que tu en as l'occasion, trouve plutôt un moyen de t'enfuir, me murmura-t-il cette fois-ci. Cette affaire ne te concerne pas…

Je ne saisissais pas cette résignation soudaine. Toute ma vie, il m'avait appris à me battre pour survivre. Il m'avait appris à ne jamais abandonner, quelle que soit la situation.

— Mais…

— C'est un ordre !

Sa voix résonna avec férocité dans la grotte où nous nous étions engouffrés. Je vacillais, à la fois apeuré et frustré par ces directives.

— Malheureusement, il n'y a aucune échappatoire pour vous, déclara le warlord en s'immisçant dans notre conversation.

— Il y en a toujours une, King, et tu le sais… Je te l'ai également enseigné. Je te donnerai ce que tu veux, en échange tu laisseras ce garçon partir.

Le warlord arbora un air hautain, preuve que cette demande n'allait certainement pas aboutir à quoi que ce soit. Et d'un signe de la tête qui le confirma, il ordonna à ses sbires de m'attaquer. 

Conscient de cela, je pris une garde maladroite pour me défendre, mais Raven fit une foulée pour s'interposer. Il me poussa à terre puis, avec une dextérité redoutable, les éviscéra.

Cette danse improvisée éprouva à King le besoin de l'applaudir.

— Je vois que tu es toujours aussi affûté, le vieux.

Tout en se laissant porter par la fièvre du combat - et comme s'il attendait cet instant avec impatience - il dégaina sa hache et se propulsa vers Raven pour l'affronter. Cependant, ce dernier refusa le duel en plantant soudain son épée dans le sol.

J'étais une fois de plus dans le flou. Ces deux-là avaient une histoire en commun, mais je n'en connaissais pas le moindre passage. Raven ne m'en avait jamais parlé malgré toutes nos escapades et la vie entière que je vécus à ses côtés.

Face à cette posture suicidaire, King avorta sa charge dans un grognement de frustration. Il empoigna alors Raven par le cou pour le secouer, comme s'il l'implorait de se battre. Sans réponse de sa part, il finit par le frapper d'un brutal coup de poing qui le fit tomber à genou et le blâma :

— Tu n'es plus que l'ombre de toi-même. Un lâche. Un égoïste. Tu n'as jamais su protéger quiconque…

— Pourtant, regarde ce que tu étais avant… et ce que tu es devenu maintenant, rétorqua Raven avec un sourire sanguinolent.

Le visage de King se gonfla de toutes ses veines. Devant la pression qu'il exerçait, Raven exposa son cou comme pour en finir :

— Je ne veux pas perdre un autre proche. Finissons-en, mais promet moi de le laisser partir…

L'hésitation de King se ressentait. Mais après un instant, il finit par brandir sa hache en l'air avec des mots évoquant une trahison assumée :

— N'y compte même pas… Je compte bien reprendre ce que tu m'as volé !

D'une force cruelle, il trancha la tête de Raven et recouvrit le sol poussiéreux d'un pourpre écarlate. Le corps de King était en ébullition, il respirait avec difficulté jusqu'à pousser un hurlement de rage.

Malgré la dureté de cette scène, je restais stoïque, figé. Comme si cela ne me faisait rien. Comme si tout ceci n'était pas réel. Je n'arrivais toujours pas à comprendre ce qu'il venait de se passer. Je n'en saisissais pas le sens. 

Cet homme que je considérais comme un père. Lui qui m'avait tout appris. Lui qui était si sage et si fort à mes yeux…. Balayé de la sorte, avec une telle simplicité… 

Je finis par réaliser peu à peu l'étendue de mes actes. La feignantise qui ralentissait mon apprentissage. Les sermons qui me réprimandèrent de si nombreuses fois. 

Si j'avais pris les choses plus au sérieux. Si j'avais outrepassé ces difficultés sans les fuir. Peut-être que tout ceci n'aurait jamais eu lieu. Peut-être que je ne serais pas resté là, comme un vulgaire spectateur. Je me serais battu et lui aurais donné la force de se battre sans qu'il ne se soucie de moi.

À cet instant, ce malaise produisit quelque chose en moi. Une infime étincelle annonciatrice d'un brasier noir, ardent et inarrêtable.

Après cette exécution sommaire, King reprit son calme. Il attrapa la tête de Raven pour finalement la balancer à mes pieds.

Je serrais les dents, laissant ce flot sombre monter en moi. Laissant cette sensation exciter la moindre parcelle de mon corps. J'avais du mal à respirer, moi aussi.

Une bouffée… d'adrénaline ? 

Peut-être bien, ou alors simplement de la haine. Je ne pouvais percevoir que cet étrange sentiment après tout.

Mon regard croisa finalement le sien pour la première fois. Je le dévisageais, retenant son nom et chacun de ses traits grossiers pour ne jamais les oublier.

King… King… King… Longue canine inférieure… Oreilles pointues… Yeux noirs… Nez écrasé… King… King… King…

En dehors de sa carrure imposante, il avait tout de semblable à ses congénères. Seule cette vilaine balafre, parcourant la partie gauche de sa figure, était un point de repère notable. 

— Crève ! Je veux que tu crèves, fils de pute !! criai-je.

Des émotions impulsives me submergeaient… Ces mots dépassèrent ma pensée. Je ne savais pas si mes insultes étaient sincères. Cependant, ce ressenti que je considérais comme de la colère. Ce ressenti qui bouillonnait en mon for intérieur. Il souhaitait le voir souffrir par tous les moyens possibles. 

Ne m'ayant pas adressé la parole jusqu'ici, il pencha la tête d'un air insolent et daigna enfin interagir avec moi :

— Je suis surpris que tu n'ais pas encore chié dans ton froc, petit. Hé bien... qu'est-ce que tu attends ? Viens ! s'exclama-t-il.

Devant cette provocation soudain, je saisis mon courage à deux mains, me levant pour faire face à cette montagne. Celui-ci n'avait même pas pris la peine de réfléchir avant d'accepter le défi. Il avança vers moi, prêt à en terminer avec cette mascarade. 

Même si je paraissais fier à cet instant, je n'avais pas la force de me battre. Et de toute manière, je n'en avais jamais possédé. J'ai toujours été un lâche désirant plus de pouvoir. Un lâche naviguant depuis trop longtemps dans des océans de mots tous aussi incompréhensibles les uns que les autres. En lisant ces ouvrages poussiéreux et décrépits, je n'ai jamais trouvé de remède à cette cruelle faiblesse qui m'habitait. 

Finalement toute cette haine que je vouais à ce guerrier inconnu, je la retournais contre moi-même. Je me détestais… 

Je suis seul à présent… Peut-être que me faire tuer par cet orc serait la meilleure solution.

Arrivé devant moi, il leva le bras. Instinctivement, mes yeux se fermèrent. 

Est-ce déjà fini ? Je n'ai ressenti aucune douleur…

Une voix, emplie d'un vice indescriptible, se fit soudain entendre et me répondit :

— Oh que non... Ce n'est que le début !

En les rouvrant, j'aperçus un homme au look quelque peu excentrique. Il passa derrière moi en me saluant :

— Bonjour à toi, jeune aventurier ! Je vois que tu t'es mis dans une situation assez… délicate !

Le temps semblait suspendu. J'étais paralysé. J'avais beau lutter de manière acharnée, seule ma tête pouvait encore bouger. Le reste de mon corps ne répondait plus à ma volonté. 

Appréhendant la suite de ma confrontation avec King, je remarquai qu'il était dans un état similaire au mien : immobile, complètement figé.

— Ne fais pas cette tête d'idiot, voyons. Oui, comme tu peux le constater, le temps ne s'écoule plus ! C'est l'un des pouvoirs que les dieux ont en ce bas monde, mon garçon.

Hein ?

Les paroles mystérieuses de l'homme et cette situation me dépassaient une fois de plus.

— Les dieux ? De… De quoi parlez-vous ?! Et qu'est-ce qu'il m'arrive ?!

— Hé bien… vois-tu... J'ai un marché à te proposer. Ou plutôt un dilemme ! Tu as le choix : soit tu peux rester ici et crever comme la sombre petite merde que tu es, soit tu peux devenir mon champion ! Au fond, c'est assez simple ! Hé hé hé.

Le rire démoniaque de ce bouffon montrait un amusement prononcé, frôlant le sadisme, mais j'étais loin de pouvoir partager cette euphorie. Je n'arrivais pas à me calmer, même avec cette trêve temporaire. Ces sentiments infernaux qui fluctuaient dans mon cœur et mon esprit ne s'estompaient pas. Au contraire, ils ne faisaient que croître avec une frénésie battante. Sur le coup, je n'entendis pas ses insultes à mon encontre. J'étais plutôt intrigué par sa nature et cette proposition spontanée qui n'avait rien à faire là.

— Un dieu ?! Ne soyez pas stupide ! Vous êtes juste un magicien bercé trop près du mur qui s'amuse avec des sorts peu conventionnels…

La provocation peut être un bon moyen de déceler les réelles intentions des individus, mais était-ce raisonnable et rationnel à cet instant ?

Suite à ma remarque impulsive, le ton et le visage de l'homme devinrent soudain effrayants et hostiles.

— Me compares-tu à un mage attardé ? me demanda-t-il d'un regard dément.

Après un long silence de ma part, il éclata de rire.

— C'est bien la première fois que j'entends ça, quelle insolence ! Ça me plaît !

Je laissai échapper un soupir face à cette autre réaction exubérante. 

Alors que j'étais soulagé que la pression se soit dissipée, il commença à me dévisager de la tête aux pieds, comme si j'étais une bête de foire. Devant cette observation insistante qui me mettait mal à l'aise, je finis par jouer le jeu. M'intéressant à sa proposition, je n'étais pas pour autant convaincu par sa véracité.

— Bien... Disons que vous êtes ce que vous prétendez être. Pourquoi me choisiriez-vous pour être votre... "champion" ? N'y a-t-il pas des villages d'aventuriers tout entiers qui seraient bien plus aptes à ce rôle que moi ?

— Oh, pitié… Laisse donc cette humilité qui te fait tant défaut ! Ce sont tes émotions, mon garçon ! Ces émotions noires et puissantes qui bouillonnent en toi depuis toujours !

Ses propres paroles lui dérobèrent un sourire vicieux, empli de jouissance.

— Bien sûr, je pourrais prendre quelqu'un de bonne famille, plein de talents… Et bla bla bla… Oh non… Quel ennui ! Je suis ici pour m'amuser, pas pour être aussi sérieux !

Tout en s'appuyant sur King avec une décontraction insolente, il continua sa fable grotesque :

— À l'heure actuelle, ton statut équivaut à celui d'un quelconque déchet. Mais… si je faisais de toi un grand héros, alors je pourrais me pavaner pendant les millénaires à venir auprès de mes camarades de jeu ! dévoila-t-il en levant les bras théâtralement. Je trouve ça follement... excitant ! Hé hé hé.

Son manque de tact et son enthousiasme déroutant me faisaient grincer des dents. Cependant, mon mutisme devait l'encourager à poursuivre son monologue absurde :

— Néanmoins... être mon champion n'est pas un simple titre ! Tu obtiendras une puissance que nul mortel ne possède et crois-moi, avec ces émotions… Ooooh… Oh oui ! Ce sera in-croy-able ! 

Ces paroles me foudroyèrent. Il émit un argument clé. Une chose que je désirais depuis longtemps. Une chose que je désirais depuis le jour où j'ai croisé cette jeune et puissante aventurière.

Alors qu'une pointe d'intérêt naissait en moi, il se gratta le menton d'un air préoccupé.

— Mais nous avons un problème. Il te faudrait les pouvoirs adéquats et les miens ne te correspondent pas vraiment...

Il se mit à déambuler, continuant de réfléchir tout en tournant autour de moi. Puis, il claqua des doigts comme si un éclair de génie l'avait frappé.

— Mais oui, je sais ! Je peux te déléguer à un autre dieu ! Oh... Je suis vraiment extraordinaire !

Je le laissais parler tout seul. Après tout, je ne comprenais pas grand-chose à ses divagations. Depuis qu'il fit son apparition, ce sentiment de colère persistait et me rongeait de l'intérieur. Il ne faisait que croître, contaminant la moindre de mes cellules. 

Est-ce un sortilège ? Ou peut-être simplement moi qui n'arrive pas à me calmer ? 

Je ne le savais pas. Je ne pouvais pas le savoir.

Non. Ça ne vient pas de lui... 

Quel bénéfice en aurait-il tiré alors qu'il essayait de négocier un pacte avec moi ? 

Enfin, un pacte à sens unique. Étant donné que je ne le connaissais pas et ne pouvais lui faire aveuglément confiance, j'avais la nette impression que mes choix restaient limités. Cependant, à cet instant, je n'avais plus rien à perdre.

— Cet événement semble avoir noirci ton cœur… marmonna-t-il. Hmm… des capacités obscures peut-être ?... Oui ! Les Ténèbres te siéront à merveille ! Et j'ai la déesse parfaite pour cela.

Une... déesse ? 

— Ma fille Hela fera l'affaire ! Je ne vais pas te raconter sa vie, mais ses pouvoirs te plairont. Je n'en doute pas un seul instant ! 

Sa propre idée le faisait sautiller de joie. Pathétique personnage…

— Alors, que choisis-tu ? demanda-t-il en tapant dans ses mains comme si le marché était déjà conclu.

Finalement, je ne savais pas quoi lui répondre. Je contredisais mes désirs pour laisser place au doute. Je voulais juste que tout cela se termine. Je n'avais plus envie de rien, mise à part peut-être venger Raven. Cette idée même restait floue dans mon esprit.

— Si je décide d'être ton champion... Est-ce que je pourrai éclater cet enfoiré d'orc avec les pouvoirs dont tu te vantes tant ?

— Oh, mais bien sûûûr ! répondit-il en reprenant son sourire démoniaque. Ce warlord sera le cadet de tes soucis, crois-moi ! À partir du moment où tu accepteras ce titre, tu entreras dans la cour des grands, mon garçon ! Ta destinée va radicalement changer, tu peux me faire confiance...

Son ton se montrait on ne peut plus franc et sérieux. Il m'était difficile de discerner une vérité ou un mensonge éhonté dans ses mots. Dans tous les cas, j'avais l'impression de signer un pacte avec un diable sans savoir ce que j'allais donner en retour. Mais après mûre réflexion, je restais convaincu que c'était le meilleur choix à faire et que j'avais tout à y gagner. Je devais juste accepter.

— Dans ce cas... d'accord. Je serai ton champion.

Il s'approcha de moi, plongeant avec hâte sa main dans mon torse comme si mon sort était scellé et avant même que je ne puisse me rétracter dans un doute de dernière seconde. 

C'est étrange... Je… Je n'ai pas mal...

Malgré ce geste brutal, censé m'arracher des cris de souffrance, nulle douleur ne m'atteignit. Je ne ressentais qu'un simple effluve autour de mon cœur, chaud et doux. En l'observant faire, j'admirais avec stupeur les vapeurs noires s'échapper de son bras pour se répandre dans mon corps.

— Le pacte est scellé. Tu seras désormais lié à Hela. Bon… il te faudra un entraînement particulier pour comprendre et maîtriser ses pouvoirs… Mais c'est trois fois rien ! m'affirma-t-il en se frottant les mains.

— Et comment vais-je m'entraîner si je ne sais rien ?

— Hmm... Je te présenterai à la personne idéale en temps voulu, bien entendu !

Même s'il avait obtenu ce qu'il souhaitait, il semblait agité, déjà prêt à s'en aller.

— Bien ! Ce n'est pas tout ça, mais j'ai encore pas mal d'affaires à régler ! Je te laisse accomplir ta "vengeance". On se reverra très rapidement, mon chou !

Sans crier gare, il recula et claqua des doigts, disparaissant soudain dans l'obscurité ambiante de la grotte. 

Quoi ? C'est tout ?!

Je restais perplexe. Les événements s'enchaînèrent sans que je ne puisse prendre le moindre recul sur chacun d'entre eux.

Était-ce une hallucination ou bien… cela s'est-il vraiment produit ?

Pendant que je doutais de ces faits, mes membres se mouvaient de nouveau, sans grand changement à première vue.

J'espère qu'il ne m'a pas menti…

Au fond, j'étais heureux. Impatient de voir si cette force qu'il me vantait tant était véritable. Je relevai la tête pour observer de nouveau King. Et sans avoir eu le temps de réagir, celui-ci reprit son attaque là où il l'avait arrêté, tranchant mon corps de la nuque à l'estomac. 

Ce nouveau geste brutal fut différent de celui de l'étrange homme. 

La fraction de seconde qu'il mit à m'abattre. La sensation de sa hache rouillée déchirant mes muscles, découpant ma chair et brisant mes os. Je ressentis tout sans la moindre exception cette fois-ci. 

Mes poumons arrachèrent un violent hurlement de douleur jusqu'à ce que tout s'assombrisse. Je ne savais pas si je m'étais évanoui sur le coup, ou si j'étais tout simplement mort, mais il était certain que je baignais dans les ténèbres. 

Qui… qui est-ce ?

Dans l'obscurité glaciale qui m'entourait, une silhouette me dévisageait au loin. Mais il était trop tard pour que je l'atteigne.

J'ai sommeil...

Je repris soudain connaissance à l'entrée de la grotte. J'étais maculé de ce qui semblait être mon propre sang. Cependant, certaines traces noires restaient quant à elles suspectes. 

Je me pinçais pour savoir si je ne faisais pas un mauvais rêve. Pour savoir si tout ceci ne venait pas de mon imagination débordante. 

Hélas, il n'en était rien… Tout cela était on ne peut plus réel.

En observant minutieusement mon corps, je n'avais aucune blessure. Cependant, je remarquai avec stupeur qu'il avait changé. Qu'il était différent. 

Tout en contenant une immense joie, je constatais que j'étais bien plus grand, bien plus musclé. Je n'étais plus aussi chétif et détestable qu'auparavant, comme si ma croissance avait été accélérée. Sans avoir le temps de profiter de cette euphorie, un grognement lourd m'interrompit et une voix résonna devant moi :

— Hé bien, petit… On peut dire que tu as mis un sacré bazar là-dedans !

 En relevant la tête, j'aperçus finalement ce loup géant et effrayant me dévisager.

Ce cauchemar n'est pas tiré d'une simple nuit agitée, il a vraiment eu lieu. Ce n'est qu'un mauvais souvenir s'étant produit à une intersection de ma destinée. Même si ce traumatisme fut plus éphémère que d'autres, je continue pourtant à rêver de cet instant. J'en arrive presque à penser que c'est ce dieu qui tend à me le rappeler. Pour que je n'oublie pas d'où je viens et où je vais…