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Honneur et Devoir

Ninakami se remettait lentement du désastre qui frappa les habitants. Les familles commençaient leurs deuils, le marché ouvrait de nouveau ses étales et les rues reprirent vie. Suite à un discours du shogun Maeda Ichigo, la vérité fut mise en lumière, bien que le nom des coupables fût tu, gardant de déshonorer le clan Kawasaki et les autres victimes des trafiquants de sang de dragon.

Eiji quant à lui su surpasser sa tristesse, bien que Ruka hantait toujours autant ses pensées. Il reprit ses tours de garde, comme à son habitude. Il n'avait cependant pas oublié la proposition de Tahrren.

Ce dernier était toujours en ville, vagabondant ici et là. Eiji le croisait de temps à autres lorsqu'il était de garde au marché. Lorsque leur chemin se retrouvait, Tahrren lui demandait s'il avait su prendre sa décision.

Il finit par lui donner un ultimatum. Il avait jusqu'au lendemain matin pour se décider, car il devait lui-même continuer son voyage.

A la fin de son tour de garde, Eiji se décida à demander conseil.

"Père…"

Ils se trouvaient actuellement dans la salle des commandants, toujours décorée de ses biens d'or et d'obsidienne.

"Eiji. Ton tour de garde s'est bien passé ?"

Le jeune garde fixa son père, cherchant encore ses mots.

"Oui…"

"Tu sembles préoccupé, mon fils. Tu peux tout me dire. C'est la proposition de Tahrren qui te préoccupe n'est-ce pas ? Pourquoi hésites-tu tant ? Ton avenir est dans la garde."

"Père, je pense que je vais le suivre dans sa quête."

Le commandant fronça les sourcils.

"Et pourquoi le suivrais-tu ? Il nous a enlevé ta mère ainsi que ta sœur. Je ne le laisserai pas prendre également mon fils."

Eiji baissa légèrement le regard. Il se doutait que son père serait contre, et cela était son principal frein à sa prise de décision. Il souhaitait respecter ses sentiments.

"Père. S'il vous plaît écoutez-moi. Je pense que c'est mon devoir."

Le commandant s'emporta légèrement, haussant brutalement la voix.

"Et comment ça ton devoir ! Ton devoir c'est de défendre ton peuple. Défendre les Higashito !"

Eiji le répondit, en haussant à son tour la voix.

"Justement ! Si une guerre se profile à l'horizon comment pourrai-je défendre les nôtres en restant ici ? Comment pourrai-je protéger le peuple, comment pourrai-je empêcher de nouvelles tragédies ?"

Son père lui répondit comme s'il ne l'avait pas écouté.

"Et comment les autres réagiront ? Le fils Kawasaki s'en va ? Il fuit ses responsabilités ? Il fuit les Higashito ? Nous avons de justesse évité le déshonneur sur notre clan, et voilà que tu nous mets en péril de nouveau."

"Et alors, n'y a-t-il rien de plus honorable que d'aider son prochain, qu'il soit Higashito ou non ? Si Tahrren dit vrai, alors le monde sombrera dans le chaos très prochainement ! Je ne peux laisser cela se produire. Et à ce moment-là, personne ne sera à l'abri, Higashito comprit."

Son père resta silencieux. Il se retourna et marcha quelques pas avant de se fixer dans un miroir, pensant. Sourcils froncés et se caressant machinalement le visage.

"Tu as sans doute raison. Peut-être suis-je un peu trop conservateur ? Tu es jeune, fort, talentueux, et tu connais la souffrance que cause la perte d'un être cher. Je ne suis honnêtement pas surpris qu'il te propose de le suivre. Même parmi les plus âgés, peu te surpassent. Même Ameshiki n'était pas aussi fort à ton âge. Très bien, je t'autorise à partir. Mais je t'interdis de déshonorer les Higashito sur le champ de bataille. Apporte gloire et honneur au cours de ta mission. Sois l'émissaire de nos contrées dans cette lutte."

"Merci père. Je vous assure que vous ne le regretterai pas."

Eiji esquissa un léger sourire de fierté sur son visage.

"Je vais m'occuper d'en informer le général. Quant à toi, tu peux préparer ton départ. Si je ne m'abuse, Tahrren part à l'aube. Je te promets d'être également présent pour ton départ."

Eiji salua son père avant de se retirer. Peu après, la porte s'ouvra de nouveau, et une voix roque résonna dans la salle des commandant.

"Shun… Ton fils a bien grandi ! Suffisamment pour te tenir tête à ce que je vois !"

Surpris, le commandant Kawasaki porta son regard sur la personne qui venait d'entrer.

"Général Maeda, vous nous écoutiez ?"

Le général gloussa légèrement.

"Shun, appelle moi Akihiro, voyons, depuis le temps que nous nous connaissons. Les murs sont fins ici et n'oublie pas que mon bureau est juste à côté. Donc si vous haussez la voix, bien entendu que je vais vous entendre."

Shun soupira légèrement, et invita d'un signe de la main le général à s'asseoir. Ce dernier, légèrement plus grand que lui, et bien plus massif, s'assis lourdement sur un fauteuil en cuir sombre. Son visage cicatrisé et ses cheveux bruns coupés courts témoignaient d'une vie de combat, et malgré son visage sévère, son large sourire lui offrait un charisme unique.

Le commandant Shun sorti d'un tiroir une bouteille d'alcool de riz, et posa deux tasses sur la table en bois de cèdre qui séparait les deux hommes. Le général frappa de la main sa cuisse, s'esclaffant.

"Haha ! Rien de tel qu'un bon vin pour terminer une journée en beauté."

Shun souri à son collègue, qu'il savait buveur invétéré.

"Alors, Shun. Dis-moi, à quel moment a-t-il su te convaincre ?"

Shun ouvrit la bouteille, servit les deux tasses, et porta l'alcool à ses lèvres.

"Pour être honnête, je ne m'attendais pas à ce qu'il me fasse la morale à base de tirades sur l'honneur et le devoir. Mais il a raison, j'étais dans le déni. Je ne voulais pas voir la vérité sur la situation. C'est certainement son destin de nous quitter, et voir les choses en plus grand."

Le général Maeda avala une gorgée d'alcool, avant de s'esclaffer de nouveau.

"Tu as sans doute raison. Ce petit est talentueux. Si la situation est aussi désastreuse que ce elfe raconte, alors le monde aura besoin de ce gamin. Et comme il l'a si bien dit, il n'y a sans doute rien de plus honorable que de sauver le monde."

Il leva son verre. Le commandant accompagna rapidement son geste.

"Honneur aux nouvelles génération" dirent-ils en cœur.

Puis, le général continua seul.

"Que sa lame assombrisse le ciel de ses adversaires, et qu'elle s'abatte sur eux telle la foudre."

Enfin, les deux hommes burent leur tasse, et les enchainèrent jusqu'à ce qu'il ne reste plus une seule goutte d'alcool dans la bouteille.

"Tu n'as pas l'air très affecté par la mort de ta femme, ni de ta fille, dis-moi."

Shun ronchonna à cette question. Verre vide à la main, il balbutia quelques mots.

"Avec le temps… On finit par s'habituer… Aux gens… Leur mort. Pas de repos dans l'armée. Haha."

Le regard lourd, et affichant un sourire amer sur son visage désolé et visiblement attristé, il posa avec difficulté son verre sur la table.

"Et toi alors ?"

Akihiro manqua de s'étouffer de rire à cette question. Après une petite crise de toux, il reprit tout en s'esclaffant comme à son habitude :

"Tu ne vas pas me croire… La mère a crevé ! Et le pire, d'une mort naturelle. Haha ! Le monde devient fou et elle meurt dans son sommeil ! Probablement la personne la plus chanceuse de la ville. Cent cinq ans ! Cent cinq !"

"L'une des doyennes de la ville… Au moins eut-elle une mort paisible."

Les deux hommes burent davantage et continuèrent à discuter. Ils ne terminèrent pas avant que les lunes ne soient hautes dans le ciel.