Chapitre 96 - Foi

Un jour, Enji avait promis à Shoto qu'il le protégerait toujours, peu importe les conséquences.

Il avait tenu sa promesse même quand il arrivait trop tard et que Shoto avait eu un avant-goût de ce qu'être 'seul' signifiait vraiment.

Il avait tenu sa promesse au point où il avait brisé celle qu'il s'était faite au jeune homme qu'il avait été de ne plus retomber dans ses travers, de ne plus rien avoir à faire avec l'empire des Todoroki, de ne plus se salir les mains.

Mais il avait fini par tuer pour son fils et ce soir, Enji Todoroki était prêt à le faire encore.

- On arrive au-dessus du point d'atterrissage, préparez-vous !

La voix du pilote sonnait métallique, électronique, à peine entendue par-dessus le vacarme des hélices de l'hélicoptère.

Enji sentit le regard d'All Might sur lui mais ne se retourna pas, son attention toute rivée sur le bâtiment délabré qu'ils survolaient.

C'était là-bas que la combinaison de Héros de Shoto avait émit sa dernière localisation avant de disparaître, quelques poignées de secondes plus tôt.

Ce qui ne voulait dire qu'une chose : la Ligue savait qu'ils venaient.

Les yeux glacials d'Enji embrassèrent les quartiers alentours d'un seul regard.

C'était une ancienne zone industrielle délabrée, laissée à l'abandon il y a plusieurs années comme beaucoup d'endroits au Japon depuis la baisse substantielle de natalité.

Il y avait peu d'habitants, ou alors le genre dont personne ne se souciait vraiment et qu'il pourrait se forcer à oublier pour avoir bonne conscience.

C'était une bonne chose.

Enji pourrait y aller à fond.

- Ne t'en fais pas, Endeavor. Nous allons sauver Shoto-shonen.

Endeavor posa brièvement son regard sur All Might, l'étudiant en silence.

Le géant blond resta ferme, son regard ne trahissant rien d'autre que sa résolution d'acier.

Il y avait quelque chose de rassurant dans l'assurance de sa posture et les callosités de ses poings recouverts de cicatrices blanchâtres. Son port altier et sa puissance énergique saturaient l'air autour de lui, le rendant presque vibrant, lui conférant une aura quasi-intimidante.

Enji pouvait ne pas l'apprécier en tant que personne mais All Might était All Might, et Enji n'aurait voulu de personne de plus faible que lui à ses côtés pour aller récupérer son fils.

Alors il hocha légèrement le menton, à la plus grande surprise du géant blond.

Et puis il détourna le regard.

- Atterrissage dans 10, 9, 8…

Le copilote en tenue de camouflage kaki mit la main sur la poignée coulissante de la porte, continuant à compter dans le micro.

- … 3, 2, 1,

Il fit glisser la porte sur ses rails d'un mouvement souple.

Le vent s'engouffra à l'intérieur de la cabine, lacérant les visages et fouettant les peaux.

Le copilote s'agrippa à une poignée et se colla contre la paroi de l'hélicoptère pour éviter d'être emporté dans un moment de distraction.

Le bruit des hélices se transforma en vrombissement assourdissant qui empêcha Enji d'entendre jusqu'à sa propre respiration.

La nuit était comme un trou noir, un puits sans fond prêt à vous engloutir mais incapable de vous recracher.

Enji se jeta du haut de l'hélicoptère sans une seconde pensée.

Il fendit la nuit comme un missile, tête en avant, bras collés le long du corps.

Le vent repoussait ses cheveux en arrière, les collant à son crâne. L'air émettait un bourdonnement continu dans ses oreilles, et son Alter sous sa peau vrombissait comme un volcan sur le point d'entrer en éruption.

Tout à coup, Enji activa son Hell Flame dans ses jambes.

Les flammes explosèrent depuis la plante de ses pieds, le redressant jusqu'à ce qu'il se trouve flottant dans les airs.

Il atterrit sur le sol dans un bruit sourd, soulevant un nuage de poussière et réchauffant l'atmosphère brutalement. 

La seconde d'après All Might atterrit à ses côtés, tête penchée en avant, un genou au sol, poing droit s'imprimant dans le ciment.

Des craquelures se dispersèrent dans l'asphalte, se propageant comme des toiles d'araignées tout autour d'eux.

Enji n'avait pas bronché, bras croisés sur le torse, ses flammes brûlant sur sa combinaison comme une rivière de feu.

All Might se releva, mâchoires serrées, mine sombre.

Les deux hommes observèrent le bâtiment en ruines de leurs yeux bleus quasi-fluorescents, brillants comme s'ils irradiaient d'une lumière propre.

L'air était lourd, saturé d'énergie, de pouvoir, et d'une promesse de violence mal contenue.

C'est All Might qui parla le premier.

- All for One, nous savons que tu es là. Sors de ta cachette.

Il ne se passa rien. 

Une brise légère se leva, soulevant une poussière grisâtre qui passait pour de la neige salle dans la nuit noire.

All Might ouvrit à nouveau la bouche, mais Endeavor le coupa :

- Si tu ne sors pas d'ici tout de suite, je vais transformer ce bâtiment en véritable volcan

Nouveau silence.

All Might lança un coup d'oeil en coin à Endeavor.

Le Héros de feu fit un pas en avant, la rivière de feu se transforma en tornade de flammes.

L'air, brusquement chauffé, saturé, se mit à craquer comme avant un orage. 

La peau d'Enji rougit violemment avant de devenir aussi transparente que du verre, ses organes et ses veines bleuis par son pouvoir devenant aussi visibles qu'exposés en plein jour.

La terre se mit à gronder, des fissures se répandant en zigzag dans le sol, le ciment se déformant pour former des crêtes craquelées desquels des nuages de vapeur brûlants se dégageaient.

All Might recula d'un pas, surprit, retirant son pied d'une crête qui lui envoya une bouffée d'air brûlant, suffoquant, en plein visage. 

Son visage vira aussitôt au rouge, et il releva aussitôt les yeux vers Endeavor qui continuait à s'approcher dangereusement du bâtiment.

Il ouvrit la bouche mais la referma aussitôt, décidant de faire confiance au jugement de son partenaire.

Et puis il y avait son fils à l'intérieur du bâtiment.

Endeavor ne mettrait pas ses menaces à exécution.

- Tu as trois secondes pour sortir

All Might pinça des lèvres mais ne dit rien.

Sous ses pieds, la chaleur devenait insupportable.

- Deux

Endeavor attendit un battement de coeur.

Et puis il leva brusquement les mains au ciel.

- Un

Pendant une seconde, il ne se passa rien.

Puis tout à coup le sol fut prit de secousses, comme si un séisme ravageait la zone.

All Might remarqua avec confusion que le séisme se limitait à leur zone de proximité directe, impactant à peine les quartiers alentours mais détruisant tout ce qui était dans leur proximité directe.

Les bâtiments délabrés entourant la grande place sur laquelle ils se trouvaient tremblèrent violemment avant de s'effondrer sur eux-mêmes dans un vacarme assourdissant.

Une craquelure jaillit de sous les pieds d'Endeavor, se propageant en ligne droite jusqu'au bâtiment avant de se transformer en crevasse à mi-chemin, des bulles de vapeur brûlante éclatant dans l'air nocturne, avant que la crevasse ne se transforme en ravin et fasse s'effondrer la partie centrale du bâtiment.

Et c'est alors que, venu des entrailles de la terre, un véritable volcan émergea du sol, souleva le bâtiment en deux et le brisa en son centre, engloutissant deux étages dans un puits de lave en fusion.

*

Je vis le regard de triomphe dans les yeux de Dabi et fut prit d'une violente envie des les lui arracher avec mes ongles.

En signe d'avertissement, mon kunai s'enfonça dans la peau tendre et tremblante de son cou, un filet de sang aussi fin qu'une aiguille glissant jusqu'à son épaule.

Il sourit, ses lèvres se retroussant sur ses dents si largement qu'on aurait cru que son visage allait se déchirer en deux.

Pendant une seconde, l'image de la vieille Teka se superposa à la sienne.

- Tu es devenu faible. Avant, tu n'aurais pas hésité une seule seconde à me trancher la gorge pour en finir avec moi

C'était il y a presque dix ans, et il avait été le potentiel meurtrier qui vivait sous le même toit que moi.

J'avais grandi depuis, et j'avais survécu à de multitudes tentatives de meurtres.

- Quelle vidéo ?

- Tu as toujours été dangereux. Je l'ai remarqué à la seconde où Endeavor t'as ramené à la maison dans ton siège auto

Je lui montrai volontairement tout le mépris qu'il m'inspirait.

- Tu es pathétique, Touya. Une décennie plus tard et ta vie ne tourne toujours qu'autour de moi

Il continua son monologue, sourd à ce que je lui disais ou décidant volontairement de m'ignorer.

- J'avais du mal à comprendre ce qui te rendait si particulier à l'époque. Tu était juste un gosse un peu bizarre, qui ne parlait pas beaucoup et qui passait son temps à tout observer

Sa main droite trembla et il fit un effort visible pour la lever, lentement.

Je ne fis pas d'efforts pour l'arrêter car j'étais capable de lui briser tous les os du corps avant même qu'il ait pu cligner des yeux.

Il pointa ma tempe, ma tête, mon cerveau et tout ce qu'il s'imaginait y être.

- Mais tu comprenais ce qu'on disait. Pas comme un gamin précoce, parce que j'ai vu des gamins précoces, et ils étaient pas comme toi, pas aussi différents, pas aussi…

Il se tut, ses yeux brillants d'un éclat étrange.

Puis il se lécha les lèvres.

- Tu étais déjà différent. Tu savais des choses que tu n'aurais pas dû savoir. Parfois tu te comportais comme si tu était plus vieux que ta soeur ou moi. Rien ne te surprenait jamais, comme si tu avais tout fait, tout vécu. Comme si tu avais déjà vécu.

Je battis des cils, impassible.

- Quelle vidéo ?

- Tu es dangereux. Je m'en suis vraiment rendu compte la nuit où je suis venu dans ta chambre et que tu étais caché sous le lit.

- Tu as essayé de me tuer

- Tu savais que j'allais venir. Et au lieu d'aller courir dans les jupes de ta mère, tu as attendu que je vienne pour faire en sorte que je n'en réchappe pas. Tu as planifié mon meurtre.

Un souffle de rire, condescendant et moqueur, quitta mes lèvres.

- Dixit celui qui est venu dans ma chambre aux douze coups de minuit. Dixit celui qui s'est débrouillé pour trouver une mâchoire d'enfant et l'a jetée dans les flammes après avoir simulé son propre meurtre (Mon sourire s'agrandit, et je forçai mes yeux à devenir deux croissants de lune pour qu'il s'en rende bien compte) Dixit celui qui a passé dix ans de sa vie à planifier une 'vengeance' à deux balles et qui se retrouve avec un couteau sur la gorge en moins d'une minute

- Tu sais Shoto, je ne te déteste pas

J'haussai un sourcil qui traduit tout ce que je pensais de lui et ses conneries.

- Peut-être que tu ne me détestes vraiment pas, mais ça ne veut pas dire que c'est mon cas

C'était cette 'vidéo', ce bluff qui n'en était pas un qui était la seule chose m'empêchant de lui trancher la gorge et lui broyer la cervelle avec délectation dans la même seconde.

- Mais tu as toujours été un excellent menteur, alors permets moi d'en douter

Je me demandai combien de temps est-ce que je supporterai ses petites manigances avant de lui trancher la jugulaire et le regarder se vider de son sang.

J'avais été quelqu'un de patient, il y a un jour fort lointain, mais j'avais perdu ça en même temps que mon impossibilité à me projeter dans l'avenir.

- Je ne mens pas. Plus depuis longtemps, du moins. Mais si je suis là aujourd'hui, ce n'est pas dans un désir de vengeance ou quoi que ce soit de ce genre. Non, j'ai conscience que tu n'était qu'un enfant – ou du moins un être qui n'avait jamais eu les mains tâchées de sang – et sur lequel je n'aurais pas dû déverser ma colère.

Ses yeux brillèrent d'un éclat sincère et je revis le Touya aux cheveux rouges, enfant, dont la main tremblait quand il mentait.

Sa main à lui ne tremblait pas.

- Si je suis revenu après toutes ces années c'est parce que tu es dangereux et que quelqu'un doit t'arrêter à tout prix