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[FR]Shoto Todoroki - Terroriste des Temps Modernes

« Un meurtrier de masse, l’appelait-on. Le terroriste des temps modernes » Je croyais que j’avais de la chance. Que j’étais différent. Que je pourrais vivre ma vie comme je l’entends. Mais les dés étaient joués depuis longtemps. « C’est amusant, tu ne trouves pas ? Je suis devenu tout ce qu’ils ont dit que je serai » -------- PATREON : patreon.com/Nar_cisseFR English version available on my account

Nar_cisse · アニメ·コミックス
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125 Chs

Chapitre 26 - Destinée

L'enterrement de Touya eut lieu un jour de pluie.

Fuyumi avait pleuré toute la matinée. Natsuo, bien qu'il n'ait pas saisi la gravité de la situation, s'était mit à pleurer aussi lorsqu'il avait comprit qu'il ne le reverrait plus jamais.

Rei s'était conduite admirablement pour une femme qui venait de perdre son fils. Elle n'avait pas cessé de pleurer et de gémir derrière les portes closes mais, une fois face au monde, elle avait prit cette expression de peine contenue qui lui donnait des airs de martyres.

Papa ne m'avait pas lâché d'une semelle depuis la nuit de son anniversaire. Il m'avait ramené aux urgences, avait demandé un lit d'appoint à l'hôpital, y avait dormi avec moi les cinq jours où j'y étais resté.

Je crois que Rei ne savait même pas que Touya avait failli me bouffer le doigt.

J'avais ainsi assisté à chacun des appels qu'il avait fait, que ce soit pour la mise en place des obsèques ou les résultats de l'enquête de police.

Son corps n'avait pas été retrouvé.

A vrai dire, la police avait retrouvé les restes de la mâchoire inférieure d'un enfant. Tout le reste n'était que cendres et terre brûlée. Mais tout le monde avait avalé le sous-entendu sans broncher.

Comment expliquer la mâchoire, sinon ?

Si on émettait des objections, cela revenait à dire que Touya avait trouvé le cadavre d'un enfant, l'avait fait brûler et s'était débrouillé pour lancer la mâchoire en dernier pour que ce soit la seule chose qui lui survive.

Touya était un gamin dérangé, à leurs yeux. Mais pas fou. Ou alors pas à ce point.

Mais je savais mieux que de croire à ces conneries.

Il n'y avait pas de cimetière à proximité de la maison. Le plus proche était à huit kilomètres et il fallait traverser le village. L'heure à laquelle l'incendie s'était déclaré dans notre forêt et celle à laquelle les pompiers étaient arrivés ne coïncidait pas avec le temps qu'il lui aurait fallut pour aller jusque là-bas, déterrer un corps, revenir avec et disperser les preuves.

Ça ne voulait dire qu'une chose : comme moi, Touya avait prévu le coup.

Il devait avoir prévu de se débarrasser de moi puis de disparaître sans laisser de traces. Peut-être même qu'il avait gardé un autre cadavre à brûler qui servirait à dire que nous étions tous les deux morts dans cet incendie.

Personne n'aurait jamais su.

Mes yeux glissèrent jusqu'à mon majeur gauche.

La marque de ses dents avait laissé, à la base de mon doigt, une cicatrice pâle, circulaire, pareille à une couronne sertie de minuscules pics.

Le bouquin de Papa aussi avait un truc comme ça, vers la fin. Lorsque la sorte de sale type qui veut tout à coup se laver la conscience décide de tuer la main qui l'a nourri. Il lui a croqué le doigt, mais pour Lorenzo c'était l'annulaire. Et Lorenzo l'a tué.

C'est ce que j'aurai fais, si Papa n'était pas arrivé à temps. Je l'aurai tué quitte à en crever dans cette maison qui s'effondrait.

Un flash de lumière rouge et jaune traversa mon esprit. Je me vis à la troisième personne en train de le cogner jusqu'à ce son visage pisse le sang. Jusqu'à ce qu'il soit méconnaissable.

Une migraine, pareille à un marteau qu'on utiliserait pour frapper un crâne, m'envahit.

A partir du moment où nos regards s'étaient croisés dans le miroir, je ne me rappelais que d'une succession de flashs accélérés.

Mais j'avais un sale goût dans la bouche à chaque fois que j'y repensais. Et une sorte d'angoisse me serrait les tripes.

Mes souvenirs étaient étranges. Comme si j'avais seulement été le spectateur de mon corps en mouvement. De mes pulsions.

J'avais voulu lui faire du mal.

Et puis j'avais perdu le contrôle.

La chasse d'eau me tira de mes pensées.

J'étais en train de gratter ma cicatrice du pouce, sans m'en rendre compte. Je rangeai ma main dans ma poche.

Papa sortit, me regardant un instant avant de se laver les mains dans le lavabo juste à côté de moi. Il se sécha les mains avec une serviette en tissu recouverte du nom de l'hôtel en doré.

- Nous ne sommes pas obligés de rester pour le banquet

Dans l'Avant, j'avais été une de ces rares personnes qui n'avait jamais vu qui que ce soit de son entourage mourir avant de mourir lui-même.

L'idée de se remplir l'estomac alors qu'on enterrait quelqu'un me paraissait étrange, mais comme c'était Touya et qu'en plus le cercueil était vide…

- Non. Restons.

Il hocha la tête, ses yeux se baissant sur le lavabo en granit. Ses traits étaient tirés, son visage pâle. Il avait l'air d'avoir prit dix ans d'un coup.

Lui et Rei ne s'adressaient plus la parole et je savais que même s'il… tolérait ma présence, il ne se confierait pas à un gosse de cinq ans sur ses états d'âmes.

Mais c'était mon père, et je le connaissais depuis longtemps : même s'il ne le montrait pas, la mort de Touya – son enfant, la chaire de sa chaire, le sang de son sang, – l'avait profondément blessé.

- Viens par là

Je me laissai tirer jusqu'à lui. Il épousseta mon costume impeccable, lissa ma cravate qui n'en avait pas besoin puis passa sa main dans mes cheveux. Il repoussa la mèche qui avait glissé sur mes fronts, ses doigts effleurant mon visage.

Sa peau était sèche, rugueuse, mais ses gestes étaient doux et plein d'affection.

Je glissai ma main dans la sienne.

Ses yeux retournèrent au miroir. Il fit un effort visible pour se redresser, repoussant ses épaules en arrière. Ses yeux perdirent leur éclat terne et son visage redevint dur et froid. Il se regarda un long moment, essayant sûrement de voir s'il donnait le change.

On se dirigea vers la porte. Il s'arrêta devant, ses doigts effleurant à peine le le battant. Sa main tremblait.

Je pressai la main qu'il avait enroulée autour de la mienne. Ses yeux croisèrent les miens. Je lui souris timidement. Son regard s'adoucit.

- Allons-y

*

La réception avait été organisée dans la salle des fêtes d'un fastueux hôtel. Le décor était sobre, quoique très riche, et un seul pianiste avait été engagé pour l'occasion. L'un des murs, fait de vitres, donnait une vie plongeante sur les haies taillées et les pétunias noyées du jardin.

Des nuages gris et bas s'amoncelaient dans le ciel, des éclairs blancs les zébrant parfois. Le chauffage avait été allumé à fond pour empêcher le froid glacial de s'insinuer à l'intérieur, mais l'ambiance était sinistre.

Beaucoup de gens que je n'avais jamais rencontrés de ma vie vinrent à la réception.

Il devait y avoir une centaine de personnes au bas mot. Quelques uns étaient des membres de la famille de Rei, et une femme qui lui ressemblait à s'y méprendre pleurait avec elle dans un coin.

Apparemment, Papa n'avait pas d'autre famille que lui-même. Il avait invité des connaissances professionnelles et quelques autres personnes qui avaient déjà entre aperçu Touya dans leur vie, mais personne d'autre.

Il se chargeait d'accueillir les invités, de serrer les mains et de les remercier d'être venus. Tout ce qu'ils trouvaient à dire étaient les mêmes condoléances génériques dénuées de profondeur.

J'en vins à me demander si je n'étais pas coincé dans une boucle temporelle à deux balles : condamné à assister à l'enterrement de celui qui aurait dû être mon meurtrier alors que son cercueil était vide. Ça ferait un bon film.

Je les regardai à peine, leur visages se confondant les uns avec les autres au bout du dixième couple en costard et robe qui vint nous voir.

Ils avaient au moins la décence de ne pas m'adresser la parole, ne voulant certainement pas remuer le couteau dans la plaie, mais je ne ratai pas leurs irritants regards emplis de pitié.

- Tu peux aller t'asseoir, si tu veux, me glissa Enji alors que la queue des condoléances était temporairement vide.

Il me désigna Rei et ses deux enfants du regard, à l'autre bout de la salle. Ils n'avaient pas lâché ses jupes depuis jeudi dernier.

- Je préfère rester ici

C'était ennuyeux à mourir mais je préférai ne pas laisser Papa seul.

Et puis si c'était pour faire une scène avec Natsuo…

- On en a encore pour un moment

Je voyais bien qu'il essayait de me décourager. Quand à savoir pourquoi, ça me passait au-dessus de la tête.

Je pris sa main sans regarder, mes doigts s'enroulant autour de deux des siens. Sa main était énorme.

- D'autres personnes arrivent

Il reporta son attention sur les invités, interrompant notre conversation.

Mais à la façon dont il me serrait la main, je fus certain qu'il était content que je sois resté.

*

Il régnait un silence de mort dans la voiture.

J'étais assis à côté de Papa, sur une banquette, alors que Rei et les deux autres étaient assis face à nous.

La forêt et les montagnes n'étaient plus que des tâches de couleurs mouvantes et indistinctes derrière la vitre. Il pleuvait à torrents depuis hier et ça n'avait pas l'air de s'arrêter.

- Où est-ce que tu étais ?

Je fis mine de ne pas entendre Natsuo. Il s'agita.

- Quand on a déposé les fleurs dans la tombe tu n'étais pas là. Pourquoi ?

C'était un gosse, et un gosse énervé. Mais je commençais à en avoir marre que tous les enfants de mon entourage se permettent d'être cruels et exigeants juste parce qu'ils étaient des enfants.

- Je n'en avais pas envie.

Natsuo lança un regarda qui voulait dire 'Vous l'avez entendu ?' aux parents. Aucun des deux ne réagit.

Il serra les poings sur ses genoux.

- Notre frère est mort et tu n'as pas pleuré. Pourquoi ?

- Parce que je n'en avais pas envie

Papa ne réagit pas. Mais le genou de Rei tressauta.

Fuyumi fronça les sourcils et me lança un regard confus. Elle essaya d'apaiser son frère.

- Laisse le tranquille, Natsu. C'est qu'un bébé, il comprend pas encore-

Natsuo cria :

- Tu dis tout le temps qu'il comprend tout ! Qu'il est intelligent ! C'est quoi la différence maintenant ?

Fuyumi se tut, sa voix mourant dans sa gorge. Elle baissa ses yeux larmoyants sur ses genoux.

Rei posa une main sur le genou de son fils pour le calmer, mais le garçon la repoussa d'un geste sec. Ses yeux brillants de colère étaient rivés sur moi.

- Où est-ce que tu étais ces cinq derniers jours ? Quand on attendait que la police nous dise ce qu'il était arrivé à Touya ?

A ma droite, Papa s'agita. Sa voix grondait de colère.

- Ça suffit Natsuo

Mais le gosse était fou de rage, maintenant. Il était triste, blessé, et il voulait un exutoire.

- Il te détestait. Il me l'avait dit. Et à part Maman tu es le seul qui l'a vu ce soir là.

Il ne le dit pas mais je lu clairement l'accusation sur son visage. Personne ne rata l'insinuation.

Je contemplais l'idée de lui dire que ce n'était pas ma faute mais que j'aurai adoré que ce soit le cas si ça voulait dire qu'on aurait enterré un cercueil rempli.

Mais il y avait Papa. Et la gamine, aussi. Elle ne m'avait rien fait elle, même si elle était aussi passive que sa mère.

- C'était ta faute pour l'hôpital aussi hein ? L'endroit où ils l'ont envoyé ?

Rei écarquilla les yeux. Elle lança un regard inquiet à Papa.

- Qu'est-ce que tu-

Fuyumi était alarmée.

- Maman de quoi il parle ? Quel hôpital ?

Natsuo se chargea de répondre.

- L'endroit où il a été pendant des mois et où on l'a visité.

Fuyumi bredouilla.

- Un hôpital ? Mais… je croyais que c'était une école ?

- Natsuo, l'avertit Papa. Je te conseille de t'arrêter là.

La voiture ralentit. J'entendis à peine le bruit des graviers écrasés par les pneus alors que nous entrions dans la cour de la maison.

- Les pompiers l'ont dit, l'incendie venait de ta chambre. Et t'es clairement pas assez fort pour faire des flammes bleues. Il est venu te voir, c'est ça ? Vous avez parlé lui et toi ?

Les joues de Fuyumi étaient imbibées de larmes. J'attendis, impassible, qu'il finisse. Mais visiblement ça ne réussit qu'à le faire sortir de ses gonds.

Natsuo cracha, le visage déformé par la colère.

- J'aurai préféré que ce soit toi qui meurs

Ma main gauche trembla violemment.

J'ouvris la bouche.

L'instant d'après Natsuo était recroquevillé sur lui-même, terrorisé, pleurant à chaudes larmes. Le poing de Papa était enfoncé dans le cuir du siège à un cheveu de l'endroit où se trouvait sa tête la seconde d'avant.

Sa peau était rouge et des veines plus larges que mes doigts pulsaient violemment sur son front et contre sa gorge. Ses lèvres étaient blanches, sa bouche serrée en une ligne froide et dure. Ses yeux étaient deux fentes étrécies, pareilles aux prunelles d'un reptile.

L'air sentait le brûlé.

- Qu'est-ce-

- Sors

Rei ne chercha même pas à argumenter.

Pâle, elle décrocha la ceinture d'un Natsuo tremblant, le prit dans ses bras et fila hors de la voiture. Les mains de Fuyumi tremblèrent alors qu'elle décrochait sa propre ceinture. Elle se mordit les lèvres jusqu'au sang, étouffant ses reniflements, puis claqua la portière derrière elle.

Mon coeur tambourinait dans ma poitrine, mon chakra tourbillonnant furieusement sous ma peau.

Qu'est-ce qu'il vient de se passer ?

Enji resta immobile, le poing toujours enfoncé dans le siège, le visage rouge de colère. Lentement, il retira sa main. Ses épaules s'affaissèrent. Il posa ses coudes sur ses genoux puis enfonça sa tête dans ses paumes.

Mes yeux faisaient des va et vient entre la forme prostrée de Papa et l'empreinte de cuir déformé que son poing avait laissé.

- Est-ce que… ça va ?

Il poussa un long soupir.

La pluie continuai à fouetter les vitres. De là je pouvais voir le perron de la maison et la partie brûlée, temporairement inhabitable, de l'aile est.

Je relâchai mes muscles et me renfonçai dans le siège, mes yeux dérivant jusqu'au plafond. Le silence nous enveloppa.

Même prétendument mort et cet enfoiré continue à foutre ma vie en l'air.

Je suis sûr qu'il y avait une morale à toute cette histoire. Il y en avait toujours une, dans les bouquins. Mais si c'était le cas elle me passait clairement au-dessus de la tête.

- Est-ce que je suis un mauvais père ?

Sa voix était si basse, si faible, que je faillis ne pas l'entendre derrière le tumulte du rideau de pluie.

Ma réponse fusa :

- Non

Il m'avait sauvé la vie trois fois en trois circonstances différentes. Il m'avait tenu dans ses bras après que j'ai failli mourir, s'était arrangé pour assister à tous mes rendez-vous avec ma psy. Il avait toujours fait en sorte de rentrer pour huit heures et de ne jamais s'endormir avant moi, même s'il s'écroulait de fatigue. Il s'était réveillé chaque nuit durant le mois qui avait suivi l'incident, me calmant alors que j'avais l'impression de me noyer dans mon sommeil. Il ne m'avait jamais demandé de lui remettre les couteaux que je cachais. Il ne m'avait jamais demandé pourquoi je m'entraînais. Il ne m'avait pas forcé à aller voir Touya. Ne m'avait pas obligé à lui pardonner.

Il m'avait juré qu'il me protégerait.

Et c'est ce qu'il avait fait.

J'ouvris la bouche, la refermai. Une myriade d'émotions me traversèrent. Les mots se bousculaient aux portes de mes lèvres, mais aucun ne me semblait assez juste pour exprimer ce que je ressentais clairement.

Mais la peur qu'il croit que je lui mente prit le dessus et je lâchai :

- Je ne sais pas pour les autres, mais je suis content que tu sois le mien

A l'instant où les mots quittèrent ma bouche je me mordis la joue jusqu'au sang. La réponse n'était tellement pas à la hauteur de tout ce que je voulais lui dire.

Il exhala. Longuement.

Je crois qu'il est déçu.

Une pointe de tristesse jaillit dans mon coeur.

- Viens par là

Dans le même souffle il m'attrapa et me tira vers lui, refermant ses bras autour de moi. Je restai figé un moment, les yeux grands ouverts, essayant de comprendre ce qu'il se passait.

Mes bras restèrent ballants le long de mon corps. Il enfouit sa tête dans mes cheveux, me serrant plus fort.

Ses épaules étaient prises de soubresauts.

Pourquoi est-ce que-

Quelque chose d'humide coula le long de mon front.

Il me fallut quelques secondes pour réaliser que c'était des larmes.

Mon coeur se serra.

Lentement, très lentement, j'enroulai mes bras autour des siens.

Sa voix était cassée.

- J'espère que tu ne m'abandonnera jamais

J'avais une boule dans la gorge.

Je le jure.