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CHAPITRE 5 : Un vol audacieux.

 Les murs semblèrent onduler sous l'effet de plusieurs vagues invisibles. Le sol trembla et le décor de la pièce changea en quelques secondes. Les six amis se trouvaient désormais dans une salle immense, dont le plafond était soutenu par des colonnes majestueuses à chapiteaux décorés à la feuille d'or. Le sol n'était plus de la roche brute, mais un carrelage de couleurs variées du plus bel effet. Les carreaux étaient si petits qu'ils s'apparentaient presque à de la mosaïque.

 Sur une estrade, à dix mètres d'eux se tenait une assemblée de fées autour un trône. Du moins, ils ressemblaient à la créature de la forêt, mais en beaucoup plus grand… En fait, ils avaient la même taille que les sorciers. Adrien se tourna vers Eowyn, les yeux interrogateurs :

— Pourquoi sont-ils si grands maintenant ?

— Tu devrais plutôt te demander pourquoi nous sommes si petits, lui répondit-elle en lui faisant un sourire en coin.

— Comment ? s'étonna-t-il. C'est nous qui avons rétréci ? Comment le sais-tu ?

— Les carreaux du carrelage… chacun d'entre eux est un seul minéral. Tu marches sur de l'olivine, très cher.

 Il regarda ses pieds et s'étonna de la ressemblance du carreau avec le minéral qu'ils avaient observé à la loupe en cours de SVT il y a quelques jours. Bon sang ! Se pourrait-il qu'il soit passé d'un mètre quatre-vingt-cinq à quinze centimètres comme la créature rencontrée plus tôt dans la forêt ? D'ailleurs en parlant du loup… Le garde se tenait à côté d'une fée menue et parée d'une robe de feuille dont les nervures avaient été dorées. Celle-ci prit la parole :

— Bienvenue dans mon royaume, Gardiens parmi les sorciers.

— Merci, votre majesté, répondit Mark, sur la défensive, même si la cordialité de votre accueil laisserait sceptique quiconque aurait dû passer le genre d'épreuves que vous nous avez imposées.

— Je comprends que vous ayez été surpris, cependant nous avons été victimes d'une tromperie il y a peu et nous devions nous assurer que l'on essayait pas à nouveau de nous berner. D'autant que vous êtes réellement les bienvenues. Nous avons cruellement besoin de votre aide.

— Parce que vous croyez qu'après un tel traitement, nous avons envie de vous aider ? s'exclama Jonathan, visiblement furieux.

 Il serrait les poings, tremblant de rage. Mark posa une main sur l'une de ses épaules et lui ordonna d'une voix calme, mais sans appel :

— Paix, Jo.

— Me dis pas que tu vas accepter de les aider après ça ?!

— Il suffit ! ordonna Mark sèchement.

 Jonathan serra la mâchoire et acquiesça. Mark se tourna alors vers la femme menue, qui, supposa Adrien, devait être la reine des fées.

— En quoi pouvons nous vous aider, Majesté ?

— On nous a dérodé un objet d'une grande valeur : un retourneur de temps.

 Les sorciers poussèrent tous un cri de surprise, sauf Adrien. Il se tourna vers Eowyn, qui parut très inquiète. Mark demanda alors :

— Vous aviez en votre possession un retourneur de temps ? C'est un des objets magiques les plus rares qui existe. Comment vous l'êtes-vous procuré ?

— Nous ne l'avons pas volé, s'offusqua la reine des fées en saisissant l'allusion, les joues rougissant de colère.

— Ce n'est pas ce que je voulais dire, mais comprenez qu'il est …. surprenant qu'un objet aussi rare, et fabriqué par un sorcier, se trouve dans votre royaume.

— Nous le cachions pour rendre service à une sorcière, que nous connaissons bien. Elle nous fait confiance, elle. C'est aussi pour cela que je suis mortifiée. Elle pense notre royaume sûr.

— Qui était cette sorcière ? la questionna Eowyn, curieuse.

— Elle se nommait Sabrina. Je ne connais pas son nom de famille.

— Comme c'est pratique, murmura Jonathan sur un ton acide. Aïe !!!

 Katherine lui avait donné un discret coup de coupe dans les côtes.

— À quoi sert un retourneur de temps ? demanda Adrien, tout à coup.

— Vous avez un sorcier novice auprès de vous en mission, fit la reine, l'air stupéfaite. N'est-ce pas un peu dangereux ?

 Elle regarda Mark, qui haussa les épaules en répondant.

— Notre reine lui permet de nous suivre, du moins son maître en magie, à condition de ne pas se battre de front avec quiconque. Il doit s'en tenir à ce que lui demandera Eowyn. Quant à nous accompagner en mission, il s'agissait ici, à l'origine, d'une simple mission de reconnaissance. Il n'était pas censé y avoir de danger.

— Je vois…

 Elle s'adressa alors à Adrien :

— Eh bien, jeune sorcier, sachez qu'un retourneur de temps permet de se balader à sa guise dans les images du passé.

— On… On peut… Remonter le temps ? balbutia Adrien.

— Non, répondit la reine en secouant la tête. On peut simplement revoir à l'infini des événements passés.

— Alors c'est un objet complètement inutile pour toi, Eowyn ! dit Adrien en se reprenant.

— Pourquoi ? s'interrogea la reine, intéressée.

 Eowyn fronça les sourcils en regardant Adrien, peu heureuse de partager son talent secret avec les fées. Celui-ci déglutit, déduisant qu'il avait fait une gaffe. La jeune femme expliqua :

— Je peux voir des bribes du passé, du présent ou du futur en me concentrant. Mais ce ne sont souvent que des flashs.

 Adrien comprenant qu'elle minimisait volontairement la portée de son don, entra dans son jeu.

— Oui, tu as raison, ce n'est pas exactement pareil et puis tu ne contrôles pas tout.

— Non, acquiesça Eowyn, souriant à présent. Savez-vous pourquoi on vous a volé cet objet et qui est le ou la voleuse ?

— Il s'agit d'un vieux sorcier, d'au moins soixante ou soixante-dix ans. Il s'est présenté comme un ami de Sabrina. Il a dit vouloir récupérer pour elle un de ses vieux carnets. Elle nous avait effectivement laissé des carnets de notes, j'ai donc cru à son histoire. Je l'ai conduit dans la salle où nous conservons les effets personnels de notre amie. Nous avons laissé seul quelques minutes le temps qu'il trouve le carnet qu'il cherchait, mais quand nous sommes revenus dans la salle, il avait disparu avec le retourneur de temps et un des carnets.

— Vous souhaiteriez que nous arrêtions ce sorcier ? demanda Mark.

— Je souhaite que vous retrouviez les effets personnels de notre amie. Elle nous faisait confiance et nous l'avons trahi.

 La voix tremblante de la fée montrait son émotion.

— Mais non ! s'empressa de répliquer Katherine. Vous pensiez bien faire. Nous allons vous aider, n'est-ce pas Mark ?

 Ce dernier hocha la tête gravement avant de demander à voir cette salle à son tour.

— On ne sait jamais, murmura-t-il à l'attention d'Adrien. Tu pourrais peut-être nous donner des indications sur ce sorcier et Eowyn pourrait avoir un flash.

 Adrien acquiesça. La reine, affublée de ses cinq gardes du corps les guida à travers de nombreux couloirs creusés dans la pierre. De temps à autre, un cristal formé émergé du mur et une torche, judicieusement placée derrière, faisait se refléter ses couleurs à travers les longues travées. L'ensemble de la gamme des bruns et des verts se déroula tout au long de leur lente progression.

 Chaque couloir ressemblait au précédent, à l'exception de l'ondulation des chaudes couleurs des cristaux. Après un bon quart d'heure de marche, la reine s'immobilisa devant une porte en bois clair. Elle passa sa main devant la serrure et ils entendirent un cliquetis avant que la porte s'ébranle, ouvrant le passage à une petite pièce contenant en tout et pour tout un bureau, une chaise et une étagère remplie de carnet.

— Nous vous laissons quelques minutes, j'ai des rendez-vous à honorer, fit la reine des fées avant de prendre congé avec sa cours. Seuls deux gardes restèrent sur le pas de la porte.

 Adrien entra à la suite des autres et écarquilla les yeux. Il avait déjà vu ses carnets, du moins, un de ces carnets. C'était les mêmes que celui de sa grand-mère. Il se sentit vaciller, la tête lui tournait et il perdit pied. Une horloge résonnait… Un coup… deux coups… une porte que l'on secouait… un vase qui tombe…

— Non… Non…

 Il fallait qu'il cache le coffret. Son regard fut attiré par le tapis mouillé par l'eau dégoulinant du vase. Trois coups… Quatre coups… La porte menaçait de sortir de ses gongs. Elle devait réagir… Elle ? Non ! Il était Adrien. Les mains fines et délicates, tenant fermement le coffret, n'étaient pas à lui. La pièce s'évanouit et il reprit connaissance. La première chose qu'il vit furent les yeux inquiets d'Eowyn qui lui caressait la joue. Elle souffla de soulagement en voyant ses yeux papillonner.

— Adrien ! s'exclama Katherine. Tu nous as fait une sacrée frayeur !

— Que s'est-il passé ?

— Tu t'es évanoui, chuchota Eowyn. Tu es resté inconscient moins d'une minute, mais…

 C'est Yohan qui termina ce qu'Eowyn ne voulait dire à son élève :

— On aurait dit que tu revivais le cauchemar de la nuit précédente.

— C'était en quelque sorte le cas, gémit Adrien, en plus intense et je suis allé plus loin dans l'histoire.

 Eowyn regarda Mark en se mordant la lèvre inférieure, signe de nervosité chez elle. Mark semblait communiquer silencieusement avec Eowyn. Le silence dans la pièce sembla durer une éternité. Ce fut Yohan qui le rompit :

— Il serait peut-être temps de lui dire que faire ce genre de rêves éveillé, surtout en dehors des phases de sommeil, n'est pas tout à fait normal.

 Eowyn lui jeta un regard noir, que Yohan soutint en relevant le menton. Non, il ne regrettait pas d'avoir dit à son ami la vérité.

— Comment ça, pas normal ?! s'exclama Adrien. Quand je partageais les visions d'Eowyn, ça m'a fait le même effet !

— Cela fait des années que j'apprivoise ce don, Adrien, lui répondit doucement Eowyn. Au début, il s'agissait juste d'images, qui restaient deux à trois secondes devant mes yeux, mais jamais je ne tombais dans les vapes comme toi. Ton don se renforce extrêmement vite ! J'avoue que je ne sais pas si je dois me réjouir pour toi, ou m'inquiéter.

— Si ça ne vous dérange pas, je préférerais que l'on ne s'inquiète pas tout de suite, soupira Adrien en se grattant la nuque, ennuyé. Je viens à peine de trouver le moyen de canaliser mon élément, que déjà un autre don incontrôlable se pointe au portillon ! En plus, je suis sûr que ce qui m'arrive est lié à ce vol et que c'est pour cela que je cauchemarde.

— Pourquoi dis-tu ça ? demanda Katherine, intriguée.

— C'est comme si voir les carnets avait déclenché ce rêve éveillé.

— Ça ne colle pas, répliqua Jonathan, sceptique. Tu as fait des rêves avant de venir ici.

— Sauf qu'il avait déjà vu un de ces carnets juste avant de commencer ces rêves dans le passé, intervint Eowyn en sortant le carnet de la grand-mère d'Adrien.

 Quatre paires d'yeux passèrent alternativement d'Adrien à Eowyn pendant un court instant. Mark, voyant que ni l'un, ni l'autre ne se décidait à prendre la parole, demanda :

— Qu'est-ce que c'est que cette histoire de carnet ?

— Bon ! soupira Adrien. Je vais tout vous expliquer.