Les rayons du soleil passaient à travers les volets entrebâillés, éclairant des livres rangés sur une étagère. Au plafond, les pales d'un ventilateur brassaient l'air de la pièce, rendant plus supportable la température élevée de la pièce. Les murs étaient recouverts de bibliothèques remplies de livres, il y en avait même empilé sur le sol. Malgré les apparences, ils étaient parfaitement triés selon une méthode propre à leur propriétaire, le dernier lu était posé là où il restait de la place.
Assis dans un fauteuil, un homme d'âge mûr lisait à la lumière d'une lampe de bureau. Il portait un t-shirt avec un short léger, sur son crâne dégarni quelques cheveux bruns se livraient une bataille pour savoir qui seraient le dernier. C'était Gabriel, le propriétaire du fauteuil, des livres, de la maison et de tout ce qu'il y avait à l'intérieur.
Gabriel posa son livre et pris une bouteille d'eau pour se désaltérer. On lui avait offert cet ouvrage pour ses cinquante-huit ans, mais il en était déjà blasé. Il savait qu'il ne prendrait pas la peine de le finir. C'était ainsi depuis plusieurs années à présent.
Avant Gabriel passait son temps à lire. Après avoir hérité de ses parents, morts dans un accident de voiture quand il avait vingt ans, il n'avait jamais eu à travailler, vivant du capital qu'ils avaient accumulé. Très introverti il n'appréciait qu'une seule chose, la lecture, et il y avait consacré toute sa vie. Mais aujourd'hui il avait lu tellement de livre qu'il avait l'impression de les avoirs tous lu. Plus rien ne le surprend, plus aucune histoire ne fait jouer son imagination, plus aucun suspens ne le tiens en haleine.
Ayant perdu son seul plaisir, il ne savait plus quoi faire. Il avait fini par quitter le club de lecture où il se rendait chaque semaine. C'était sa seul activité social, suffisante pour lui mais à présent il n'avait plus personne. Seul David, son voisin et ami avec qui il allait au club, continuait de venir le voir de temps en temps. Petit moment de répit face à la dépression qui prenait de plus en plus de place dans sa vie.
Gabriel regarda sa montre, vingt heures, il se rappela qu'il n'avait plus grand-chose à manger et cette pensée réveilla son appétit. Il décida de commander une pizza qu'il mangerait devant un film. Il avait toujours mangé peu et équilibré, ce qui expliquait ça silhouette mince. Mais récemment il cédait de plus en plus à la tentation de commander de la mal bouffe. En attendant le livreur il décida de se replonger dans le roman, peut être que s'il arrivait à le finir il pourrait retourner au club de lecture pour en parler. Mais au bout de quelques minutes il posa le livre et alluma sa télévision pour chercher un film.
Une notification sur son téléphone interrompu la recherche, le livreur était là. Gabriel sortit et se dirigea vers son portail derrière lequel un homme sur un vélo attendait. Il vivait dans un quartier résidentiel de Lyon, il n'y avait ici que des petites maisons entourées d'un petit jardin semblables à la sienne. Il aurait pu vivre dans une demeure plus grande mais il appréciait avoir peu d'entretien à faire.
Il récupéra sa pizza et remercia l'homme qui partit aussitôt. Avant de rentrer il récupéra son courrier. Il y avait une petite pile de lettres et de pubs, il pesta en se disant qu'il devait vraiment essayer de mettre un de ces stickers stop pub et pris tout le tas. Il ferait le tri plus tard, l'odeur de la pizza lui avait mis l'eau à la bouche.
Le film l'ennuya à tel point qu'il finit par s'endormir dans son canapé, la moitié de la pizza encore dans la boite. Quand il se réveilla quelques heures plus tard il avait la bouche desséchée. Il éteignit la télévision, prit un verre d'eau et son regard se posa sur le courrier. Il mit ses lunettes et prit les lettres pour vérifier qu'il n'y avait rien d'important. Il retira toute la publicité et mis de côté une lettre de sa banque. Il restait une enveloppe sur laquelle était indiqué dans la partie expéditeur :
Office Notarial Cornelli et Gorbon,
17 Mail Atlantis,
91300 Massy.
Intrigué, Gabriel l'ouvrit pour lire la lettre à l'intérieur. Il était écrit que son oncle Thierry Meunier était décédé et, étant sa seule famille encore en vie, il était son héritier. Il fut très surpris car il n'avait jamais entendu parler de lui, il ne savait même pas que son père avait un frère. Il supposa qu'ils n'étaient pas en bon terme car ce Thierry n'était pas venu à l'enterrement. Les deux intéressés étant décédé Gabriel ne se pencha pas plus longtemps sur la question, il aurait difficilement des réponses. La suite de la lettre le priait de se rendre au cabinet à Paris, pour régler l'héritage. Gabriel réfléchit rapidement et décida d'appeler le lendemain pour convenir d'un rendez-vous, il en profiterait pour visiter un peu la capitale.
- Pardon madame, je crois que vous êtes sur mon siège.
- Oh ce n'est pas le numéro 120 ?
- Non c'est le 121, le 120 est juste derrière, mais restez ici je vais prendre votre place se sera plus simple.
- Merci, désolé pour le dérangement.
- Pas de soucis.
Gabriel s'assit à sa nouvelle place, mis son casque, alluma la réduction de bruit et lança sa musique. Le vrombissement des moteurs s'intensifia et toute la gare recula d'un bloc, ce qui ne semblait pas inquiéter les gens sur le quai.
Rapidement le train sorti de la ville et le paysage de la campagne française défila devant ses yeux. Il aimait beaucoup prendre le train, il lui arrivait de faire des trajets seulement pour apprécier le paysage ou lire un bon livre. Une fois à destination il restait parfois quelques jours avant de rentrer, mais son moment préféré du voyage était toujours le trajet.
Une fois arrivé dans la capitale il trouva facilement le cabinet des notaires. Situé entre une banque et un restaurant asiatique il y avait seulement une porte en verre avec sur la sonnette plusieurs nom. Il appuya sur celui du cabinet.
- Office notarial Cornelli et Gorbon bonjour ? Demanda une voix masculine dans l'interphone
- Bonjour je suis Gabriel Meunier, j'ai rendez-vous avec monsieur Cornelli.
- Entrez, le cabinet est au premier étage deuxième porte à droite.
Une fois entré dans l'immeuble. Il suivit les instructions jusqu'au cabinet. L'entrée donnait sur une petite salle d'attente, derrière un bureau un homme dans la trentaine et habillé d'un costume élégant était au téléphone. Il lui fit signe de s'assoir sur une des chaises.
La pièce était petite et peu décorée. Les murs étaient peints en bleu clair, et deux photos de paysage étaient accrochées. Dans un coin il y avait une fontaine à eau avec des gobelets en carton à disposition. Devant les chaises, divers magazines et du gel hydroalcoolique étaient posés sur une table basse. Une légère odeur parfumée habillait la pièce, elle venait d'une bougie sur le bureau de la réception.
Tous les clichés de la salle d'attente étaient réunis, ce qui ennuya profondément Gabriel, ce rendez-vous allez-t-il être aussi peu intéressant ? Il ne savait pas trop à quoi il s'attendait mais était déjà en parti déçu. Il se ressaisit, après tout ce n'est que la salle d'attente du notaire, ça ne veut évidemment rien dire sur le contenu de l'héritage.
La porte s'ouvrit sur un homme qui devait avoir quarante ou cinquante ans, son costume était parfaitement ajusté et d'un noir intense comme la couleur de ses cheveux. Il sourit montrant des dents d'un blanc éclatant qui faillirent éblouir Gabriel.
- Bonjour monsieur Meunier je suis Henry Cornelli.
Le notaire tendit sa main et Gabriel la sera, acte qui lui parut étrange, rendu inhabituel par la pandémie.
- Bonjour.
- Entrez et asseyez-vous.
Le bureau était à l'image de la salle d'attente, une décoration banale et sans intérêt. Gabriel s'assit dans une des chaises disposées devant le bureau et le notaire s'installa de l'autre côté. Il sortit une chemise d'un tiroir et la posa sur le bureau.
- Votre oncle Thierry Meunier est décédé il y a quatre semaines et a été enterré en Egypte où il vivait depuis sa retraite.
- Je vous avoue que je ne connaissais pas son existence avant de recevoir votre lettre.
- Oui je sais, c'est son ex-compagne qui s'est occupé de tout, elle nous a signalé qu'il avait un frère décédé il y a longtemps et que ce frère avait un fils, c'est ainsi qu'on vous a retrouvé. Etant le seul héritier et monsieur Thierry Meunier n'ayant pas fait de testament tous ses biens vous reviennent. Je vous préviens tout de suite, il n'y a pas grand-chose.
- Vous savez ce qu'il faisait en Egypte ?
- D'après ce que nous a dit son ex-compagne, il était archéologue et c'est installé au Caire pour y passer sa retraite. Je n'en sais pas plus désoler.
- Ce n'est pas grave simple curiosité.
- J'imagine que ça doit être étrange de découvrir un membre de sa famille proche après sa mort. Bref, voici la liste des biens, vous avez six mois pour décider si oui ou non vous voulez de l'héritage, si oui il vous faudra alors payez les droits.
- Merci, répondis Gabriel en prenant la liste.
Il l'a lu rapidement, il n'y avait pas grand-chose, une maison au Caire, une vieille Renault R4, cinq mille euros sur un compte en Egypte. Gabriel avait bien plus que nécessaire pour vivre et ces biens ne changeraient rien à son niveau de vie. Il se dit que cette maison au Caire pourrait être l'occasion d'aller visiter l'Egypte, voir les pyramides, et qui sait, il y avait peut-être des objets fascinants chez lui. Après tout c'était la maison d'un archéologue. Pour la première fois depuis longtemps il prit une décision rapide sans hésiter.
- Vous savez quoi, je suis déjà décidé, j'accepte l'héritage.
- Très bien on peut régler ça dès maintenant si vous le souhaitez.
Gabriel acquiesça et Cornelli sorti plusieurs documents qu'ils remplirent ensemble.
Anxieux, Gabriel regardait l'heure toutes les minutes, comme si cette action allait faire avancer la file d'attente plus rapidement. Il était parti en retard pour l'aéroport et à présent il était coincé dans la file d'attente pour l'enregistrement qui n'avançait pas, contrairement aux aiguilles de sa montre. Enfin, il put déposer sa valise et récupérer la carte. Il se précipita vers la sécurité, passa la douane et couru jusqu'à la porte d'embarquement.
C'était pour ces raisons que Gabriel n'aimait pas l'avion, il était toujours paniqué à l'idée de louper son avion, même si ça ne lui était jamais arrivé. La deuxième était la descente, ses tympans le faisait souvent souffrir. Seul bon point, la vue était magnifique, assis côté hublot il put en profiter pendant tout le trajet, ce qui améliora sensiblement l'expérience.
Quand l'avion se posa Gabriel était soulagé. Il récupéra sa valise et se dirigea vers les taxis de l'aéroport. Il ne parlait pas un mot d'anglais, il avait écrit l'adresse de son oncle sur un papier qu'il tendit à un chauffeur. L'homme acquiesça et le conduit sans un mot jusqu'à la maison.
La demeure n'avait rien de remarquable. Situé dans un quartier résidentiel de banlieue elle était coincée entre deux autres maisons semblables. La façade était abimée, la peinture se détachait à plusieurs endroits laissant voir les parpaings derrière. La porte d'entrée donnait directement sur le trottoir et aurait aussi eu besoin d'un coup de pinceau.
Gabriel paya le chauffeur et sorti de la voiture avec toutes ses affaires. Immobile devant la porte il se demanda un instant ce qu'il faisait là. Il secoua la tête pour se reprendre et sorti ses clés.
La porte d'entrée donnait directement sur un salon et une cuisine qui n'étaient séparés que par une fine cloison. Sur le mur gauche il y avait un escalier qui montait à l'étage. Au fond une porte donnait sur l'extérieur, un petit jardin laissé à l'abandon.
L'intérieur était en meilleur état que ce à quoi il s'attendait. C'était propre et relativement bien rangé. Seul problème, une odeur de renfermé. Mais il n'était pas surpris, la maison était restée fermée pendant presque deux mois. Il posa ses affaires puis ouvrit les fenêtres pour aérer. L'air chaud et sec de l'extérieur ne rafraichirait pas la pièce mais ferait au moins sortir l'odeur.
Gabriel monta à l'étage où il trouva une chambre, une salle de bain et un bureau. Il posa ses affaires dans la chambre puis s'étala sur le lit. Le sommier grinça mais il le trouva très confortable. Allongé il contempla le plafond et réfléchis à ce qu'il voulait faire. Visiter les pyramides et le palais de Saladin était une évidence, mais il comptait aussi aller voir les différents musées de la ville.
Avant cela il décida de fouiller un peu plus la maison. Le rez-de-chaussée, composé du salon et de la cuisine, était très simple et sans intérêt. Gabriel regarda les livres empilés sur les étagères. Aucun ne lui parut intéressant, principalement des livres de fiction et des livres d'Histoires. Il monta à l'étage et entra dans le bureau. La pièce était petite et sombre, la seule fenêtre était fermée par des volets qu'il s'empressa d'ouvrir. La lumière entra dans la pièce éclairant le bureau. Il y avait dessus plusieurs papier éparpillés, Gabriel les regarda rapidement, c'étaient seulement des factures et des papiers administratifs. Il les rassembla dans une chemise posée à côté, il devra peut-être s'en occuper plus tard.
Un tiroir était disposé sous le bureau entre les deux caissons. Gabriel essaya de l'ouvrir mais il était fermé à clef. Il fouilla le reste de la pièce pour chercher la clef qu'il trouva rapidement. Elle avait glissé sous un des caissons du bureau. A l'intérieur du tiroir il y avait seulement une carte plastifiée avec écrit dessus :
Carte d'adhérent,
Bibliothèque d'Alexandrie.
Thierry Meunier.
Au dos de la carte était inscrit une adresse, le 9 Ahmed Saeed, Le Caire. Gabriel sorti son téléphone et chercha l'adresse sur maps, c'était un magasin de meuble. Il se posa plusieurs questions, pourquoi une bibliothèque avec un nom français au Caire ? Qui plus est avec une adresse qui correspond à un magasin de meuble. Peut-être que la bibliothèque était récente et que maps n'était pas à jour, cela arrivait parfois. Il décida d'aller y jeter un œil avant de partir.
De retour à Lyon, Gabriel regardait les quelques photos qu'il avait pris sur son téléphone. Il avait adoré ces quelques jours de tourisme en Egypte. Les pyramides étaient splendides et les musées remplis d'objet tous fascinant. En sortant ses affaires de la valise il retomba sur la carte d'adhèrent trouvée dans le bureau. Il était allé voir à l'adresse indiquée au dos mais il y avait bien un magasin de meuble et aucune trace de bibliothèque. Gabriel posa la carte, il la jettera plus tard.
Alors qu'il finissait de ranger ses affaires, quelqu'un toqua à la porte. C'était son voisin David qui venait le voir.
- Salut Gabriel ! Comment vas-tu ? Demanda son ami.
- Très bien, je viens de rentrer d'Egypte !
- Incroyable ! Tu as aimé ?
- Oui beaucoup.
- C'est parfait parce que j'étais venu t'inviter à manger ce soir, il y aura aussi Fabrice et Julie du club de lecture. Tu pourras nous raconter ton voyage.
- Oui avec plaisir, à quelle heure je dois venir ?
- Dix-neuf heures c'est parfait.
- Très bien à ce soir.
Il était content de cette invitation, il pourrait ainsi revoir ses amis et leur raconter ce qu'il avait visiter. Ce voyage avait définitivement été une bonne idée.
La soirée fût très agréable, ses amis l'avaient convaincu qu'il devrait voyager plus souvent. Il avait décidé de planifier le prochain dès le lendemain. En rentrant il alla chercher son courrier, il n'avait pas ouvert sa boite aux lettres depuis qu'il était rentré. Il avait enfin mis ce fameux sticker stop pub et il fut ravis de voir que c'était respecté, une seule une enveloppe était dans la boîte. Il posa le courrier sur un meuble dans l'entrée puis monta se coucher.
Le lendemain Gabriel descendit dans son salon avec son ordinateur. Il se prépara un petit déjeuner composé d'un café et d'une pomme et chercha des sites d'agence de voyage. En se levant pour remettre sa tasse dans la cuisine, il vit l'enveloppe qu'il avait laissé dans l'entrée la veille. Il l'a pris pour voir ce qu'elle contenait, il en sortit une lettre accompagnée d'une carte plastifiée. Il y était écrit :
Cher membre bonjour,
Vous avez récemment hérité d'une carte de membre à la bibliothèque d'Alexandrie. Ci-joint vous trouverez votre nouvelle carte à votre nom qui vous permettra d'entrer, l'ancienne étant à présent obsolète.
A bientôt,
Bibliothèque d'Alexandrie.
Gabriel fut surpris, il n'avait pas fait de demande de membre pour une bibliothèque. Il se rappela la carte qu'il avait trouvé dans la maison. Alors la bibliothèque existait encore ? Et comment avaient-t-ils eu son adresse ? Il n'avait jamais entendu parler d'héritage d'abonnement.
Il regarda la carte plastifiée qui accompagnait la lettre. Elle ressemblait en tout point à celle de son oncle, les seules différences étaient le nom, qui était à présent le sien, ainsi que l'adresse au dos de la carte, le 44 rue clément Marot, 3ème sous-sol. Gabriel regarda sur maps, l'adresse se trouvait à seulement quelques kilomètres de chez lui.
Ceci expliquait pourquoi il n'avait rien trouvé au Caire, la bibliothèque avait déménagé. Ou bien ils avaient plusieurs établissements et celui en Egypte avait fermé. Beaucoup de question se bousculaient dans sa tête. Il posa la lettre et pris la décision évidente, le moyen le plus simple de trouver des réponses était d'aller sur place.
L'adresse le mena devant un immeuble à côté d'un Franprix. Le bâtiment semblait contenir des bureaux. La seule particularité était la cage d'ascenseur en verre. Gabriel s'approcha de la porte, il y avait un digicode ainsi que plusieurs sonnettes, aucune d'entre elle n'affichait le nom de la bibliothèque. Il regarda la carte pour voir s'il avait loupé un détail, et il vit une série de quatre chiffres sous l'adresse. Il les entra dans le digicode et la porte buzza.
Dans l'ascenseur Gabriel chercha le bouton pour accéder au moins trois, mais ils s'arrêtaient au moins deux. Il ressorti sa carte pour vérifier, et il y avait bien écrit moins trois. Circonspect, il regarda de nouveau les boutons, le moins trois y était. Il était pourtant sûr qu'il n'était pas là l'instant d'avant. Un peu angoissé il finit par appuyer dessus, il n'allait pas faire demi-tour maintenant.
L'ascenseur se mit en branle et s'enfonça sous le sol. La porte s'ouvrit sur un petit vestibule éclairé par une ampoule qui pendait au plafond. Les murs étaient recouverts de papier peint jaune de très mauvais goût. En face de l'ascenseur il y avait une porte blanche avec écrit au-dessus, Bibliothèque D'Alexandrie. Rassuré d'avoir trouvé le lieu il traversa la pièce. A côté de la porte il remarqua un petit boitier semblable à ceux permettant de scanner une carte avec une puce RFID. Il sortit la sienne et la passa dessus. Il y eu un déclic, Gabriel poussa la porte qui s'ouvrit.
Derrière se trouvait une immense salle d'au moins huit mètres de haut. Partout il y avait de grandes étagères remplies de livres qui montaient jusqu'au plafond. Gabriel commença à parcourir les rayons et l'odeur du papier emplit ses narines. Cette sensation si familière était apaisante, il n'était pas entré dans une bibliothèque depuis longtemps et ça lui avait manqué.
Les livres étaient classés par genre et par auteur, il était actuellement dans la section fantastique, à la lettre D. Il lui fallut une heure pour atteindre la lettre E de la section, il réalisa la taille absurde que devait faire ce lieu et en eu le tournis. Il voulut s'asseoir par terre mais avant de toucher le sol ses fesses se posèrent sur un fauteuil particulièrement confortable. Il toucha le cuir du fauteuil, comment était-ce possible ? Il resta assis pendant de longues minutes essayant de comprendre un peu ce qui se passait, mais les questions se bousculaient dans sa tête et aucune réponse ne vint. Il se releva et le fauteuil disparu. S'en était trop, il décida de sortir d'ici, il reviendrait plus tard une fois calmé.
Il fit demi-tour pour retourner là où il était arrivé. Il avança entre les rayons jusqu'à atteindre celui d'où il était parti, mais la porte n'était plus là. Stupéfait, il chercha autour et vérifia qu'il était bien au bon endroit. Il se remémora le chemin qu'il avait fait et d'où il était parti, pas de doute la porte devrait être devant lui. L'angoisse monta, des sueurs froides commençait à couler dans son dos et son cœur s'emballa. Entouré par ces immenses armoires, semblables à un labyrinthe digne de ceux de la mythologie Grec, il était pris au piège.
C'est alors qu'il aperçut sur le sol une porte miniature. En l'observant de plus près, il réalisa qu'elle ressemblait comme deux gouttes d'eau à celle qui avait disparu. Ne sachant trop qu'en faire il la reposa par terre. Devant ses yeux ébahis la porte grandit jusqu'à reprendre sa taille normale. Gabriel l'ouvrit et derrière se trouvait le vestibule avec la porte de l'ascenseur. C'était incroyable, il n'en revenait pas. Il essaya à nouveau et à chaque fois elle rétrécissait quand il la fermait et reprenait sa taille lorsqu'il la posait ailleurs. Il pouvait à présent facilement explorer la bibliothèque sans se perdre, la sortie étant bien au chaud dans sa poche.
Gabriel repris confiance en lui et sentit l'excitation remplacer son anxiété. Il reparti dans les rayons pour chercher un livre qui pourrait lui plaire. Il parcouru les ouvrages d'un rayon au hasard et en piocha quelques un qu'il ne connaissait pas et avait l'air intéressant. Il s'assit et le fauteuil réapparu le surprenant à nouveau.
Quelques heures plus tard Gabriel referma le livre, il l'avait dévoré. Il n'avait pas lu une histoire aussi fascinante depuis très longtemps. Les personnages étaient attachants et très bien écrit, l'intrigue le garda en haleine jusqu'à la conclusion, le récit était bien rythmé et il ne s'ennuya à aucun moment. Un passage dramatique lui arracha même une larme, et il rigola à plusieurs reprises. Il eut l'impression de redécouvrir la lecture, après tant d'années passées à lire encore et encore des œuvres insipides.
Il regarda sa montre, il était là depuis six heures. Gabriel fut surpris, il n'avait pas senti le temps passer. Son ventre gargouilla, il avait faim et sa bouche était desséchée. Une petite table apparue à côté du fauteuil, dessus il y avait un grand verre d'eau ainsi qu'une part de quiche. Incroyable, c'était pile ce dont il avait envie. Ce petit encas le rassasia. Il était tard mais il se dit qu'il pouvait entamer un autre livre, il lirait une petite heure avant de le ramener chez lui.
David regarda l'officier de police sortir de la maison et revenir vers lui.
- Alors ? Est-ce que vos hommes ont trouvé quelque chose ?
- Non, il n'y a pas de signe qu'il soit parti, il y a des valises dans la chambre, et le frigo était encore allumé, la nourriture a commencé à moisir.
- Pas de signe d'effraction ?
- Non rien du tout, c'est quand la dernière fois que vous l'avez vu ?
- Il y a deux mois, il était venu manger avec des amis. Il nous avait dit qu'il voulait partir en voyage pendant quelques jours. Ne le voyant plus je me suis dit qu'il avait trouvé une destination et n'avait rien dit, Gabriel n'est pas très bavard.
- Et vous avez essayez de le contacter sur son téléphone ?
- Oui, je tombe sur la messagerie directement.
- Bon, on va continuer les recherches, si vous trouvez quelque chose ou s'il vous rappelle contactez-nous.
- Très bien.
Le policier le salua et tourna les talons. David repartit vers sa maison la boule au ventre, quand l'officier le rappela.
- J'oubliais, mes hommes ont trouvé ça, vous savez ce que c'est ?
L'homme lui tendit une carte, dessus était indiqué :
Carte d'adhérent,
Bibliothèque d'Alexandrie.
Thierry Meunier.
- Non aucune idée, je pense que ça devait être à son oncle, il est décédé il y a quelque mois.
- Hum pas sûr que ça nous aide, on a regardé l'adresse et c'est un magasin de meuble au Caire, la bibliothèque a dû fermer.
- Surement, je peux la garder ?
- Oui on a pris des photos de toute façon. Bonne soirée monsieur.
- Merci, aurevoir.
Cette fois ci David rentra chez lui sans être interrompu. Il s'assit dans le fauteuil et pris la télécommande de la télévision. Il remarqua une enveloppe à côté.
- Chérie tu as récupéré le courrier ?
- Oui il y avait une lettre pour toi, je l'ai posé sur la table du salon.
- Merci.
Curieux, David ouvrit l'enveloppe. Il en sorti une lettre et une carte plastifiée tomba, il la ramassa, dessus était écrit :
Carte d'adhérent,
Bibliothèque d'Alexandrie.
David Benatar.