C'était un jour comme les autres. Le soleil se couchait lentement sur Rivemont, baignant les montagnes d'une lueur rougeoyante.
Ale et son grand-père Karl s'affairaient aux dernières tâches de la journée. La vie à Rivemont était paisible, loin des agitations du monde extérieur. Pourtant, depuis ce matin, une sensation étrange habitait Ale. Un malaise sourd, inexplicable, pesait sur son esprit.
Alors qu'il revenait du marché, chargé de provisions, il croisa un groupe de voyageurs qu'il n'avait jamais vus auparavant. Leurs visages étaient dissimulés sous de lourdes capuches sombres, et lorsqu'Ale croisa leur regard, un frisson glacé lui parcourut l'échine. L'un des hommes lui adressa un sourire, mais ce sourire n'avait rien de chaleureux. Il était froid, calculateur, et empli de quelque chose de dérangeant.
Secoué par cette rencontre, Ale se hâta de rentrer chez lui. À son arrivée, Karl l'attendait, préparant le feu pour la soirée. Lorsque Ale mentionna les voyageurs qu'il avait croisés, Karl se figea brièvement avant de poser une main rassurante sur l'épaule de son petit-fils.
« Ne t'inquiète pas, Ale, » dit-il d'une voix calme.
« Rivemont est à l'abri des dangers du monde. Ici, nous sommes protégés par les montagnes et les esprits divins. »
« Tu as sûrement raison, Grand-père, » répondit Ale, tentant de se convaincre.
Mais cette nuit-là, Ale fit un rêve troublant. Il se retrouvait dans une forêt dense et obscure, où l'obscurité était si épaisse qu'il ne pouvait voir à plus d'un mètre devant lui. Des murmures étranges et inquiétants flottaient tout autour de lui, tandis qu'une présence oppressante semblait peser sur ses épaules. Soudain, une voix froide et sinistre s'éleva de l'obscurité, murmurant des paroles incompréhensibles, mais chargées d'une malice palpable. Puis, une ombre gigantesque, surgissant des ténèbres, apparut devant lui, tendant une main griffue dans sa direction. Ale se réveilla en sursaut, couvert de sueur froide, son cœur battant à tout rompre.
Le lendemain matin, Ale raconta son rêve à Karl, qui l'écouta avec une attention silencieuse, son visage marqué par une gravité inhabituelle.
« Ce n'était pas un simple rêve, Ale, » dit Karl après un moment de silence.
« Tu as ressenti leur présence. Les fidèles de l'esprit des ténèbres… Ils ne sont pas que des légendes. Ils se cachent dans l'ombre depuis longtemps, attendant leur heure. »
Ale fut surpris par les paroles de son grand-père.
« Les fidèles ? Mais… on dit que l'esprit des ténèbres a été scellé il y a des siècles par les esprits divins. »
Karl hocha lentement la tête. « Oui, mais le mal ne disparaît jamais vraiment. Il se cache, il attend. Et il semble que quelque chose l'a réveillé récemment. Ces fidèles, ces sectes, cherchent à plonger le monde dans le chaos pour renforcer l'influence de leur maître. »
Alors qu'ils parlaient, une explosion retentit au loin, brisant la quiétude du village.
Un nuage de fumée noire s'éleva du centre de Rivemont, suivi par des cris d'horreur. Karl et Ale se précipitèrent à l'extérieur, horrifiés par ce qu'ils découvrirent : le groupe de voyageurs qu'Ale avait croisé plus tôt venait de dévoiler sa véritable nature. Ils se tenaient au milieu du village, chantant des incantations sinistres, entourés de flammes noires qui dévoraient tout sur leur passage.
Les villageois, pris de panique, tentaient de fuir, mais les fidèles étaient implacables. L'un d'entre eux, vêtu d'une robe plus élaborée que les autres, semblait être leur chef. Il leva les bras vers le ciel, invoquant une créature démoniaque née des ombres. La bête se jeta sur les villageois avec une violence effrayante.
Karl saisit Ale par le bras. « Nous devons fuir, maintenant ! » Mais avant qu'ils ne puissent s'échapper, le chef des fidèles les remarqua.
Ses yeux se plissèrent lorsqu'il aperçut Ale, et un sourire mauvais étira ses lèvres.
« Toi… » murmura-t-il d'une voix profonde et gutturale. « Je sens en toi le sang
noble. Quel honneur ce serait de sacrifier ta descendance au nom de notre maître… »
Karl pâlit. « Ale, cours ! » ordonna-t-il, mais Ale resta figé, paralysé par la terreur en voyant la créature des ombres se rapprocher.
Dans un ultime effort pour protéger son petit-fils, Karl se dressa devant la créature, son épée tremblante dans sa main.
Il combattit avec une force désespérée, parvenant à blesser la bête, mais celle-ci riposta violemment, projetant Karl au sol, gravement blessé. Ale, horrifié, se précipita vers son grand-père. Il invoqua des boules de feu et les projeta vers le monstre. Bien que ses attaques atteignirent la créature, elles ne suffisaient pas à l'arrêter.
« Ale… » souffla Karl, sa voix faible. Il se redressa avec ses dernières forces et, sous ses vêtements, il sortit un collier, celui que le prince lui avait confié autrefois. « Ce bijou… C'est le cadeau de ta mère à ton père. Prends-le… et va chercher le Prince Lumière… »
Ale saisit le collier, les larmes brouillant sa vue. « Grand-père, non… »
Mais Karl, conscient que son temps était compté, posa une main rassurante sur l'épaule de son petit-fils. « Tu dois fuir, Ale. Fuis et deviens plus fort. Ne laisse pas les ténèbres te consumer. Trouve le Prince Lumière, découvre la vérité, et peut-être qu'un jour, tu pourras mettre un terme à ce mal. »
Sans attendre une réponse, Karl se lança sur le monstre, son regard déterminé. Murmurant des paroles à peine audibles, son corps commença à se gonfler de chaleur. Une énergie puissante parcourait ses veines, ses muscles se tendant sous l'effet de la magie.
« Adieu, mon enfant… » furent ses dernières paroles avant que, dans un éclat de lumière et de feu, Karl ne s'explose sur la créature, emportant le monstre dans une déflagration titanesque.
Ale, bien qu'anéanti par le chagrin, savait qu'il n'avait pas d'autre choix. Il devait fuir, comme son grand-père le lui avait ordonné. Serrant le collier contre sa poitrine, il jeta un dernier regard en arrière, des larmes coulant librement sur son visage. Puis, se redressant, il tourna les talons, prêt à disparaître dans les montagnes.
Les fidèles, voyant leur proie s'échapper, tentèrent de le poursuivre. Mais le sacrifice de Karl leur infligea un retard suffisant pour qu'Ale puisse fuir sans être rattrapé.
Ale courut sans se retourner, sentant son cœur se briser à chaque pas. Il savait qu'il venait de perdre le seul membre de sa famille, mais il portait désormais en lui une promesse : celle de survivre, de trouver le Prince Lumière et d'accomplir la dernière volonté de son grand-père.