« T'étais au courant, pas vrai ? »S'exclama avec rage Ewan, tout en poussant Carciem contre le mur.
Les militaires à proximité commencèrent à faire un pas en avant, mais une main levée vers eux par leur supérieur les firent s'arrêter immédiatement.
Le jeune chasseur tenait fermement par le devant de son col l'Intendant Général, le soulevant même légèrement du sol.
Carciem, lui, avait tout l'air du coupable idéal : il ne niait pas, et n'essayait pas non plus d'envenimer plus que cela la situation. Il était resté silencieux, encaissant le courroux de son ami sans même essayer de se défendre face à l'attaque physique qu'il subissait.
Si l'homme blond regrettait quelque chose, au fond, c'était que son plan ait été découvert plus tôt que prévu par Ewan. Il était cependant assez malin pour éviter de mentionner ce fait, alors qu'il se trouvait dans une position délicate.
Même si le jeune chasseur avait le contrôle sur ses émotions, une telle révélation risquait de déclencher chez lui un accès de violence.
Quant à Ewan, il s'en voulait d'avoir été si sot. Il avait oublié la principale 'qualité' qui avait permis à Carciem d'être promut aussi rapidement au commandement.
Cet homme était calculateur, et savait faire agir les gens l'entourant comme de vulgaires pièces sacrifiables sur un plateau de jeu. À chaque fois qu'il avait agi de la sorte, pendant leurs jours à l'académie militaire, Ewan n'avait pas pu s'empêcher de le frapper ; et à n'en pas douter, il avait agit exactement de la même façon dans la situation présente.
Pourtant, le jeune homme faisait preuve d'un exceptionnel self-control, bien qu'il ait envie de donner coups de poings sur coups de poings à l'homme actuellement à sa merci.
« Le pire dans tout ça, c'est que j'ai même pas besoin de te demander 'pourquoi', » Dit-il en serrant les dents. « Je sais parfaitement par quel cheminement de pensées tu es passé, pour prendre une telle décision... »
Carciem s'apprêtait à répliquer quelque chose, mais Ewan reprit immédiatement la parole pour l'empêcher de parler.
« Mais même en sachant ça, je peux pas m'empêcher de vouloir te foutre un pain. » Dit-il avec un ton cinglant.
Le militaire resta encore silencieux, attendant que le chasseur calme sa respiration et s'apaise un peu. Il fit alors signe de la main pour que ses subordonnés s'éloignent un peu plus d'eux.
« Si je t'en avais informé, tu aurais accouru là-bas sans même te retourner, » commença à expliquer Carciem, sa voix restant calme et posée malgré la position inconfortable dans laquelle il se trouvait. « On sait parfaitement comment fonctionne l'autre, toi comme moi. »
Les deux hommes se regardaient à présent droit dans les yeux, et Ewan relâcha momentanément la prise qu'il avait sur les vêtements de son ami, les pieds de ce dernier touchant à nouveau entièrement le sol.
Avec ce qui s'était passé ces dernières minutes, il commençait à peine à se calmer.
Il se revoyait encore accourir vers l'entrée de la caserne pour y voir gesticuler avec agitation Arlela Versani, la directrice de l'orphelinat où il avait laissé Pavas un peu plus tôt.
À peine avait-elle vu le jeune homme, qu'elle avait forcé son chemin vers lui, malgré les protestations du garde positionné à l'entrée. Puis, avec un regard paniqué et buttant sur ses mots, elle avait rapidement expliqué ce qui s'était passé.
La petite fille avait été enlevée pendant la nuit, en même temps qu'un des professeurs en charge des enfants avait disparu.
« J'avais des soupçons envers ce professeur car il avait parfois un comportement étrange ! Surtout avec les histoires d'enlèvement en ville ! » Avait dit entre deux sanglots la directrice. « Mais on m'a dit que tout irait bien et que je n'avais pas à m'en occuper ! »
« Qui vous as dit ça ? » S'était enquit Ewan.
Il avait essayé de calmer la femme qui tremblait de tout son corps, mais il sentait que lui-même commençait à céder à l'angoisse.
Il n'avait côtoyé la petite fille que quelques jours, mais c'était déjà largement suffisant pour se sentir attaché à elle, et il sentait une vague grandissante d'inquiétude le gagner.
« Quand je suis allée les voir, les militaires m'ont dit de ne pas m'inquiéter, que rien n'arriverait... » S'était lamentée madame Versani.
À la mention des 'militaires', Ewan avait tout de suite compris : Carciem était mêlé à tout ça, à n'en pas douter. Ils étaient au courant de la situation, et avaient décidé de ne pas agir pour que l'opération en cours ne soit pas compromise.
L'angoisse s'était alors muée en colère, et Ewan avait fait marche arrière pour directement aller demander au responsable ce qu'il en était.
Ce qui le ramenait au moment présent, où Carciem tentait enfin de se justifier.
« La petite a été détectée aussitôt comme étant une cible de choix, avec la forte affinité pour le mana qu'elle possède, » expliqua le militaire, tout en essayant de se défaire de la poigne d'Ewan sur ses vêtements. « Si nous étions intervenus, la salle d'enchères aurait eu des soupçons, et le Cercle ne se serait certainement pas montré... »
« Une 'cible' de choix ? » Répéta Ewan, courroucé.
« Elle va être proposée aux enchères clandestines, » clarifia Carciem, ce qui eut pour effet de provoquer encore plus son ami.
Ewan serra à nouveau avec force le col et la chemise de l'homme blond, ses articulations virant au blanc avec la pression exercée.
« Tu le savais, et tu as laissé faire... » Dit-il lentement et avec un ton menaçant. « Où est-ce qu'elle est ? »
« Elle a sûrement été emmenée avec les autres enfants dans les sous-terrains desservant la salle d'enchères… » Répondit avec précaution Carciem. « Elle y sera encore le temps qu'on arrive pour arrêter tout le monde. »
« Et tu crois que ça va me consoler, de savoir ça ? » Le menaça à nouveau Ewan. « Je m'en fous si t'es pas prêt, mais il est hors de question que j'attende ici une seconde de plus. »
Carciem leva alors ses deux mains devant lui, entre son corps et celui d'Ewan. Peut-être comme un signe d'apaisement, ou pour parer un éventuel coup de la part du jeune homme. Voire, probablement les deux.
« Tu sais également à quel point cette opération est importante, » lui rappela Carciem, utilisant un ton conciliant. « Elle ne l'est pas seulement pour nous, mais aussi pour toute la population. »
Ewan le reconnaissait bien là. Toujours à manipuler les autres pour qu'ils fassent exactement ce qui était attendu d'eux.
Toutefois, l'argument de Carciem était plutôt solide, contrairement à ceux qu'il avait pu utiliser par le passé. Sa logique était devenue bien plus implacable et réaliste, en même temps que les exercices de simulation s'étaient peu à peu mués en réalité.
« Donne-nous une heure, le temps qu'on se prépare et qu'on se mette en position. » Proposa Carciem.
Ce n'était pas vraiment une proposition, et plus un compromis.
Il ne pouvait pas non plus espérer maîtriser un nombre inconnu d'ennemis à lui tout seul, alors il n'avait pas d'autre choix que de suivre le plan initial.
Pavas avait été prise pour cible car elle possédait une forte affinité pour le mana – ce qu'Ewan ignorait jusqu'à présent – et avait été enlevée en même temps que d'autres enfants de l'établissement.
Pour ne rien arranger à l'humeur du jeune homme, Carciem avait été celui qui avait donné l'ordre de laisser faire.
De ce fait, il était plus qu'en colère. Un sentiment assez compréhensible, avec une requête assez raisonnable suivant.
« Dis, Carciem… Tu veux bien que je te frappe ? » Demanda Ewan, son regard plein d'animosité foudroyant sur place le militaire.
Wynblow : « Pourquoi le chapitre d’aujourd’hui sort si tard ? »
Ewan : « Tempête et orage, apparemment... »
Wynblow : « Ce genre de chose ne m’aurait pas arrêtée ! »
Ewan : « En même temps, tu ne t’arrête jamais, même quand tu devrais... »