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Chapitre 9

Nous nous étions enfin arrêté. Après des heures de trajet, nous avions enfin trouvé un endroit pour camper. Adriel était parti chasser avec deux villageois afin de nous trouver de quoi manger, le Roi ayant refusé que nous emportions des vivres avec nous comme une ultime punition qu'il désirait nous faire subir. C'était sans compter la dextérité d'Adriel et l'imagination de Phillip qui, lui, avait créé quelques pièges bien pensés.— Arrêtez de vous en faire.Arquant un sourcil, je me retournai vers Seth et Myles qui s'approchaient de moi, l'air serein.— Je ne vois pas ce qui vous fait dire cela, rétorquai-je en secouant la tête.— Votre regard de chiot battu quand vous regardez Adriel et Phillip ? souffla Seth dans un léger rire.Plissant les yeux, je secouai la tête sans même prendre la peine de répondre, sentant le regard presque moqueur du jeune homme.— Ne vous en faites pas, ajouta Myles. Ils étaient d'accord et sont toujours d'accord pour vous suivre. Il n'est même pas dit que Damien et Peter ne vienne pas un jour nous rejoindre.— Et voilà comment le château a déménagé à Haedleigh ! commenta Seth, retournant à ses affaires, un geste amusé de la main.A nouveau, je ne répondis pas, levant les yeux au ciel. Mieux valait ne pas lui donner du grain à moudre quand il semblait aimer saisir la moindre occasion.— Tout ira bien, me souffla Myles. Vous verrez.J'avais besoin de voir, en effet car à cet instant, les doutes étaient encore bien trop nombreux pour me rassurer. Qu'allions-nous faire désormais ? Comment allions-nous vivre parmi villageois ? Où allions-nous vivre lorsque nos économies finiraient inexorablement par diminuer ? Des questions sans réponses encore lorsqu'enfin nous arrivâmes au village.Cela faisait quatre jours de voyage. Quatre jours qui avaient fait râlé plus d'un homme du village, plus désireux de rejoindre les leurs que de dormir. Mais quatre jours qui étaient enfin terminés alors que les premières maisons apparaissaient enfin.— Et maintenant ? demanda Adriel, visiblement tout aussi inquiet que moi de la suite de l'histoire.— Maintenant, on...— Vous allez rejoindre l'auberge, expliqua Travis. Tom est un ami. Il acceptera de vous héberger le temps qu'on vous trouve une maison ou... Enfin qu'on se débrouille.C'était au moins cela de trouvé. Et ainsi avions-nous rejoint l'auberge. Accueillis bien plus chaleureusement qu'à notre arrivée, le tavernier nous installa dans nos chambres respectives. Il nous y fit même monter un repas chaud pour notre confort, bien loin de la soupe traditionnelle que l'on nous avait servi lors de notre première visite.C'était ainsi, devant la fenêtre, observant le paysage nocturne qui se déroulait devant moi, que je mangeai pour la première réelle fois depuis notre départ du château. Nous étions arrivés. Nous avions terminés notre voyage et c'était désormais ici que nous allions vivre. Oh. Nous n'étions pas mal lotis, à vrai dire. Les matelas étaient confortables, l'aubergiste avait même ajouté de nouveaux oreillers à nos lits pour garantir notre aise, les repas y étaient bons quoique bien moins copieux et diversifiés et notre hôte était des plus agréable et attentif. Alors oui. Les choses auraient pu être pire.

Mais cela n'y changeait finalement pas grand chose. J'avais quitté mon foyer et je ressentais soudain le manque de ce lieu que j'aimais bien plus que je ne l'aurais cru. En cette première et réelle nuit, tout semblait me manquer, du bruit ambiant des habitants du château, de la ville non loin de ce dernier jusqu'au plafond de pierre que je connaissais tant de ma chambre. Tout. Seul le bruit de Rainy grignotant sa salade dans un coin de la pièce me semblait encore rassurant face au silence nocturne de la campagne.

— Au moins, tu ne te rends compte de rien, toi, murmurai-je à l'encontre de mon lapin, glissant sur le sol pour lui tendre une rondelle de carotte crue. Tu as de la chance.La truffe de mon lapin posée dans ma main, je le caressai lentement dans un sourire plus attendri. Ou, il avait beaucoup de chance et à vrai dire, je l'enviais presque, parfois, de sa vie insouciante et protégée. Il était pourtant une exception parmi tous les lapins de ce monde, mais à cet instant, j'imaginai que la vie de tout lapin valait mieux que la mienne tant je me sentais seul et abandonné.Un sentiment qui ne me quitta pas malgré l'arrivée de Myles dans ma chambre. Il y avait pénétré dès lors que je l'y avais autorisé, s'étonnant de me voir assis sur le sol dans un naturel dont je m'étais toujours préservé avec eux.— Vous allez vous salir, Monsieur, commenta-t-il d'ailleurs me faisant doucement secoué la tête.— Je me laverai. Et vous en ferez de même, venez, invitai-je dans un sourire alors que Rainy observait l'homme, suspicieux. Rassurez-vous, il ne mord pas. Il est seulement peureux avec ceux qu'il ne connaît pas.— Oh. Je l'ai nourri pendant le trajet ! Une fois !— Il vous faudra au moins trois fois pour qu'il vous accorde son amour, plaisantai-je, embrassant le sommet de la tête de l'animal dans une douceur certaine.- Est-ce que tout va bien, Prince Elian ? demanda soudain Myles sous mon regard surpris à ce changement de sujet.Me taisant, je ne pus m'empêcher d'esquisser un léger sourire, détournant le regard pour me concentrer sur Rainy. Je caressai ainsi le lapin sans discontinuer avant que je n'arrive, enfin, à reprendre parole.— J'ai deux réponses possibles. Celle que vous attendez, et l'autre.— Commencez par l'autre, alors.— Hé bien... Je n'en sais rien, admis-je dans un soupir. Dire que je suis malheureux serait trop fort pour...— Vous avez le droit de l'être...— Non. Enfin... Non. Pas quand vous avez tout dû quitter pour moi.Myles secoua la tête, se relevant rapidement, visiblement peu à l'aise d'être assis au sol de l'auberge, pour s'approcher de la fenêtre, observant la nuit qui recouvrait la campagne, comme je l'avais fait quelques minutes auparavant.— Ce n'est pas seulement pour vous que nous avons pris la décision de quitter le village car il s'agit bien de notre décision, rappela-t-il. Vous savez, outre le fait que le Capitaine a très sincèrement voulu m'écarteler lorsqu'il a compris que je vous avais aidé à pénétrer dans la salle du Conseil... Il n'y avait rien qui m'attendait à rester au Château. Je n'ai ni famille, ni amis là-bas. Des camarades, tout au plus. Mais je n'avais jamais vraiment su parler avec eux jusqu'à ce que nous ne venions ici tous ensemble.Un sourire était apparu sur ses lèvres alors qu'il se retournait vers moi, les bras croisés.— Alors en un sens, j'ai fui un quotidien morne pour une aventure, reprit-il. Vous n'avez été que mon excuse pour le faire. Mais sans vous... Qui sait si je n'allais pas finir par devenir fou et me faire moine.— Je vois, soufflai-je, ignorant malgré moi sa tentative de plaisanterie. Donc je ne vous ai obligé à rien. Ni vous ni les autres...— A rien, du tout, affirma Myles dans un sourire. Vous avez beau être qui vous êtes, nous sommes encore bien libre de nos choix, Prince Eli...— Juste Elian. Appelez moi juste Elian. S'il vous plait.Après tout, nous avions quitté le château. Ma famille m'avait envoyé ici. Ils m'avaient... Enfin, je n'avais plus rien d'un prince ici. Je n'étais qu'Elian. Juste. Elian.— Très bien, Elian, reprit Myles dans un sourire. Mais n'oubliez pas d'où vous venez. Aleah ne se trompe que rarement. Nous rentrerons au château dès lors que le Roi sera calmé.— Et s'ils restent tranquilles, murmurai-je dans un soupir dépité.Un soupir qui n'attendait ni n'obtint aucune réponse alors que le soldat reprenait sa contemplation de la nuit. Disait-il vrai ? J'en doutais ou du moins, je savais bien qu'il avait exagéré, qu'il ne voulait que ma sérénité là où la culpabilité de les avoir arraché à leur foyer ne cessait de me tordre l'estomac. Mais je dus rapidement admettre que cela me fit du bien. Comme si son mensonge m'enlevait un poids des épaules. Sans même y croire, je me sentais plus léger. Malgré tout.— Merci, prononçai-je finalement, rompant le silence dans lequel il nous avait plongé.Mais à nouveau, Myles ne répondit pas, se contentant de me sourire sans même me regarder jusqu'à ce qu'il ne se décide, enfin, à reprendre le chemin de sa chambre. S'arrêtant alors sur le pas de ma porte, il se tourna enfin vers moi, ce sourire distinctif toujours fixé aux lèvres.— Dormez, Elian. Cela vous fera du bien.Un conseil plus logique que je ne pourrais jamais en recevoir alors qu'il refermait la porte derrière lui, me laissant seul, Rainy dans les bras. Le silence revenu, je restai quelques instants ainsi, assis sur le sol, avant de soupirer.— Il a raison. Au lit, murmurai-je au lapin en le déposant dans son panier. Demain sera un autre jour.Une vérité que personne n'aurait pu m'ôter alors que je me couchai, enfin, dans un véritable lit pour m'y endormir presqu'aussi vite, épuisé par notre voyage, épuisé par cette nouvelle vie qui s'annonçait à nous.