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Chapitre 58 : Parasite

[ Que faire ?]

Voici l'unique pensé qui occupait l'esprit d'Alice. Elle réfléchissait à chaque situation probable, chaque dénouement possible du combat dans lequel elle allait s'engager.

Devant elle, trois imposantes silhouettes tenant une torche s'approchaient. Celle d'hommes lézards ayant été parasités par une étrange larve possédant une multitude de petits poils à peine visible. Une fois qu'ils furent assez proches, Alice put même entendre leur cri d'agonie. Elle aurait pu jurer qu'ils imploraient la mort alors qu'ils ne parlaient pas la même langue.

[ Devrai-je réveiller Salvatoris ? Mais s'il panique...et je n'ai même pas d'arme ! ]

La situation d'Alice était plus que précaire. Pourtant, elle n'arriva plus à se concentrer alors qu'un rolan de dégoût l'envahissait. Derrière l'énorme larve faisant la taille d'un bras humain se trouvait une colonie entière d'itérations plus petite d'elle-même. La blessure au dos que comportait chaque homme lézard n'était en réalité pas uniquement ici pour que l'énorme larve puisse la contrôler, mais aussi y créer une descendance !

Les hommes lézards titubants profitèrent du moment où Alice baissa sa garde, s'approchant d'elle à une vitesse surprenante. Entre masse, épée à une main et ultra espadon, il était impossible pour Alice de tout esquiver. Elle devait forcément choisir de subir l'une de ces attaques de plein fouet. De plus, si elle reculait, Salvatoris finirait inévitablement par devenir la cible de ces monstres.

Mais alors qu'Alice se préparait à l'impact, les morts-vivants de Salvatoris chargèrent pour l'aider. Leurs mouvements n'étaient pas parfaits, même maladroits par moments, mais personne ne pouvait douter que chacun d'eux fût un combattant expérimenté de son vivant. Du moins, c'était uniquement vrai si on ne comptabilisait pas l'unique squelette vêtu d'une blouse blanche, subissant de plein fouet l'une des attaques adverses, permettant ainsi à Alice d'utiliser cette ouverture pour saisir l'un des bras amoindri qui venait d'attaquer.

L'homme lézard tenant une épée à une main trembla légèrement quand il comprit que son bras venait d'être saisi. Cependant, il n'y pouvait rien. Il n'avait manifestement pas mangé depuis des jours, et c'était en plus fait dévorer vivant. En réalité, sa vie ne devait plus tenir que grâce aux larves le dévorant, maintenant en vie le plus longtemps possible leur hôte.

La force prodigieuse d'Alice tordit le bras de ce monstre, qui lâcha par réflexe son arme. Il ne hurla pas de douleur, un bras cassé n'était rien en comparaison de l'agonie que lui procurait son dos. Cependant, il était désormais uniquement équipé d'un bouclier. Quand Alice ramassa difficilement l'arme tombée au sol, elle marmonna une courte phrase, tenant difficilement en équilibre.

" Putain c'est lourd...mais mieux que rien."

Toutefois, une lumière verte émana de la plus grande des larves tenant sur le dos de son adversaire. Son bras tordu semblait redevenir comme il était autrefois. Il se faisait soigner par son parasite, faisant grogner de dégoût Alice.

" Alors c'est comme ça que tu le maintiens..."

Elle avait déjà observé cette magie. C'était ce qu'utilisaient les dieux démon pour se soigner sur le champ de bataille. Cependant, ce pauvre simulacre de soin n'était rien en comparaison à ce qu'elle avait vu.

Alice se mit en garde, exécutant un mouvement habile en usant du poids de l'arme pour réaliser une frappe dévastatrice qui scinda en deux l'épaule de l'homme lézard, ne s'arrêtant qu'au contact de son armure pectoral incroyablement résistante et épaisse. Le craquement de ses os amoindri avait retenti dans toute la forêt. Cependant, l'épée était restée coincée, la chaire du monstre se régénérant tout autour d'elle.

Alice avait la chance de n'affronter qu'un adversaire, les morts-vivants retenant les autres, et pourtant, elle était tout de même désavantagée.

"Putain on m'a jamais appris à utiliser une arme lourde !"

Grogna-t-elle en abandonnant sa prise sur l'épée, une pensée fugace traversant son esprit. Peut-être l'avait-elle toujours ? Alice fit un pas en arrière, cherchant dans un étui caché dans l'un des pli de son armure décrépit. De là, elle sortit un couteau brisé par le temps. Sa pointe avait depuis longtemps été détruite, cependant, elle pourrait toujours l'utiliser pour l'enfoncer dans quelque chose de mou !

Alice utilisa l'élan destructeur de l'homme lézard chargeant en sa direction, effectuant une superbe rotation afin de se retrouver derrière lui. Devant-elle se trouvait un nombre absurdement grand de nuisibles. Toutefois, elle retint sa nausée, plantant son couteau en plein dans la tête de la plus grande larve qui poussa un grand cri.

Le bouclier de l'homme lézard tomba au sol, son corps perdant toute vie alors qu'il restait droit, même dans l'au-delà. L'ombre de son épée projetée par le feu se trouvait en plein sur le visage de Salvatoris, se réveillant à peine en raison des bruits causés par la bataille. Il était épuisé, en réalité il ne dormait toujours que d'un œil, mais la fatigue l'avait tant affecté qu'il n'avait pas pu se réveiller avant que le cri strident de la larve ne retentisse. La fatigue physique était secondaire, ce qui l'épuisait, c'était son esprit n'ayant jamais connu de repos jusqu'à cette nuit. Son esprit n'avait cessé de travailler depuis l'instant où des souvenirs lui avaient été injectés, créant cet étrange contraste entre corps et esprit.

Salvatoris se leva précipitamment. Devant lui se trouvait un cadavre sans vie, des larves grouillant sur le sol, et Alice, elle-même couverte de ces larves. Plus loin, la majorité de ses pantins avaient été détruits, réduit à l'état de tas d'os et de chair pourrissante sur le sol. Cependant, deux survivants arrivaient, bien que difficilement, à contenir les monstres en dépit de leurs armes brisées. C'étaient les deux seuls cadavres portant une armure. Visiblement d'anciens aventuriers. Les morts que Salvatoris avait réanimés avant même de rencontrer Alice.

" Désolé de ne pas t'avoir réveillé avant... je ne savais pas quoi faire."

Déclara Alice en se tournant vers les deux derniers hommes lézards. Elle récupéra ensuite les restes de son couteau couvert d'hémolymphe, le liquide verdâtre se substituant au sang dans le corps des insectes.

Elle ne prit même pas la peine de l'essuyer, se dirigeant directement vers l'un des autres hommes lézards afin de viser leur point faible. Le parasite.

De son côté, bien qu'à peine réveillé, Salvatoris ne perdit pas de temps, arrachant difficilement l'épée du corps écailleux lui faisant face, le laissant ainsi tomber au sol avant de le faire se relever en usant de sa magie. Le cadavre de ce qui fut un homme lézard ramassa son arme et bouclier, chargeant directement le champ de bataille afin de se conformer à la volonté de son nouveau maître, aidé Alice.

Salvatoris regarda ensuite le cadavre de la larve laissé seul au sol, murmurant pour lui-même.

" Il y a même des gravecrawler ici..."

Il écrasa de son pied les plus petits parasites essayant de ramper sur lui afin de le parasiter, réanimant le cadavre de l'insecte, ainsi que toute les plus petites pouvant encore être sauvées. Il venait d'esquisser une idée dans son esprit.

[ Une fois réanimées elles ne pourront plus utiliser leur magie de guérison, mais peut-être qu'elles pourront renforcer le physique des autres morts-vivants...]

Le temps qu'il fasse cela, les deux autres hommes lézards avaient connu la même fin funeste que leur camarade. Leurs cadavres reposaient sur le sol, Alice en leur centre, retenant un vomissement.

" Putain, il y en a une qui est entrée dans ma bouche ! "

Salvatoris ne put retenir son rire en la voyant exploser de dégoût, se frottant la langue de ses mains ensanglantées, avant d'hurler encore plus fort après s'être rendu compte de ce qu'elle faisait.

" C'est pas drôle ! J'ai failli l'avaler ! "

Tous deux se mirent alors à se fixer avant de ricaner, expulsant la pression du combat qu'ils venaient tout juste de terminer. Les rares larves rampant toujours non loin d'eux se faisaient tuer par les morts-vivants, rendant le calme à cet endroit.

" Alice, tu peux m'aider en regroupant les cadavres que je n'ai pas relevés ? "

Demanda Salvatoris, amassant ensemble les cadavres grâce à l'aide de ses trois morts-vivants. La larve réanimée s'était de nouveau terré dans le dos de l'homme lézard.

" D'accord."

Répondit-elle d'une voix intriguée. Pourquoi ne pas les relever directement ?

Quand tous les cadavres furent au même endroit, Salvatoris sortit d'un petit étui situé sur sa cuisse une petite dague. Elle était rouillée, fissurée, et certains morceaux c'était même détaché quand il l'avait saisis. Elle devait sans doute appartenir à un homme mort il y a longtemps de cela.

Toutefois, il ne perdit pas de temps, extirpant une pierre à la lueur écarlate du corps d'un des hommes lézards.

" Tu vois cette pierre ?"

" Oui ?"

Répondit Alice en fixant ce que Salvatoris lui pointait, sa curiosité au sujet de cette pierre grandissant à vue d'œil. Après tout, que faisait-elle dans un cadavre ?

" C'est une pierre d'âme. C'est là qu'est cristallisé l'âme et le mana des créatures. C'est utilisé comme l'unique monnaie du continent. "

" D'accord, donc c'est assez précieux, c'est ça ?"

" Exactement. Celles des hommes lézard sont plutôt grandes, je dirai qu'elles sont de taille moyenne, alors avec une d'entre elles on devrait pouvoir prendre une chambre chacun dans une auberge, avec le repas."

Rétorqua Salvatoris en extrayant les plus petites pierres contenues dans les cadavres des grandes larves.

" Ça me paraît peu. Juste une pierre pour une chambre ?"

Déclara Alice, sceptique quant au fondement même de cette monnaie.

" C'est grâce à leur taille. On n'aurait jamais une chambre avec les trois pierres contenues dans les larves. Ce serait déjà pas mal si on peut les utiliser pour acheter une pomme ou deux en fait. "

Alice hocha la tête, comprenant un peu mieux ce que voulait dire Salvatoris alors qu'il sortait une petite bourse attachée à sa taille. Il y rangea toutes les pierres avant de réanimer les cadavres, comptant négligemment combien de pierre était en sa possession.

Au loin, le soleil commençait à se lever, annonçant le début de l'aurore.

" Bon, si tu as fini, on se remet en route ? "

Demanda Alice, impatiente.

" C'est parti. "

Confirma Salvatoris, éteignant le feu avant de continuer en direction du tombeau de Reiner. Il était suivi de près par Alice.

* * * 

" Alors, c'est ici ? "

Demanda Alice après quelques heures de marche. Le soleil était presque à son zénith. Devant eux se trouvait une immense ville, et en son centre, un énorme tombeau était érigé. Un grand château médiéval entouré d'autres remparts était même disposé à son côté.

" Oui. La grande ville neutre de Freim, érigée là où les anciens ont enterré Reiner. Sur certaines cartes, ses frontières sont même détourées."

La ville était éloignée, pourtant son architecture caractéristique pouvait clairement être distinguée, ainsi que le modeste fleuve sinuant en son sein, ou diverses petites embarcations semblaient naviguer. Chaque bâtiment était créé d'un mélange de ciment romain et de marbre, donnant une teinte immaculée à la ville, que nul autre ne possédait. Chaque maison comportait de riches finitions, manifestant silencieusement de la richesse de la ville. Même les routes utilisées en permanence par les caravane marchande entrant et sortant de la ville avec une fluidité remarquable étaient entièrement pavées de pierre.

"Cette ville, en plus d'être là où repose Reiner, est devenue en quelque sorte le point où tout marchand souhaitant passer d'une nation à une autre utiliserait. Même ceux rêvant d'une vie meilleure ou les aventuriers passe là-bas."

" Car c'est bien plus sécurisé que les autres routes, c'est ça ? "

Déclara Alice en coupant presque Salvatoris, la compréhension passant dans ses yeux quant à l'animation que semblait comporter la ville.

" Exactement. Il doit même y avoir encore plus de marchands qu'avant... La guerre épuise les ressources, et s'ils possèdent les bons produits au bon moment dans ce contexte, leur bénéfice peuvent exploser en un instant."

Salvatoris s'était arrêté. Il ne faisait qu'observer la ville, hagard. C'était la première fois qu'il voyait de ses yeux une ville aussi grande. Autant de monde au même endroit. C'en était impressionnant. Tout ce qu'il avait dit à Alice, c'était sa mère et ses rares amis qui lui en avait parlé. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de sentir une certaine amertume se répandre en lui. Même si cette ville était immense, et s'étendait à perte de vue, elle n'était qu'une poussière en comparaison à ce qu'Alice lui avait montré. Les bâtiments mesurant plus de trois étages semblaient presque se compter sur les doigts des mains, en dépit du fait que l'écrasante majorité des habitations en comportait trois. C'était comme si des limites empêchaient la création de plus grandes bâtisses, sauf pour ceux ayant les moyens d'outrepasser cela.

Cependant, il secoua la tête, retirant sa longue cape en regardant Alice.

"Tiens, porte ça. C'est plutôt commun de voir des aventuriers revenir avec des vêtements brisés et des armures étranges sur le corps."

" Merci. Mais tu es sûre que ça ne risque vraiment rien ? Si on se fait prendre au milieu d'une ville aussi grande..."

Salvatoris regarda Alice, haussant les épaules en souriant ironiquement.

" On n'a pas vraiment le choix de toute manière. "

" C'est pas faux..."

Rétorqua Alice en enfilant la cape rapiécée.

Tous deux se dirigeaient en direction de la ville, n'attendant qu'une chose : Y entrer.