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Aujourd’hui, c’est mon tour

Ma chambre est petite. Elle sent la rose. J'adore les roses rouges et les roses blanches.

Mon père a demandé à un réalisateur de nous en faire pousser. Nous en avons un jardin entier, juste devant la fenêtre de ma chambre. Chaque matin, j'ai droit à cette vue splendide et du coup, chaque matin, j'ouvre ma chambre pour que leur parfum embaume la pièce.

Dans ma chambre il y a l'essentiel : un lit une place, une table de nuit et un bureau. Dans ma salle de bain, il y a un lavabo en face de la porte, les toilettes à gauche de celle-ci et j'ai même une douche. Bref, c'est petit, mais cela me suffit. Je me suis dirigée du lit à mon miroir. Je déteste le matin... Je déteste me réveiller... Bref... Je ne suis au top au réveil.

Chaque jour qui passe, je sens l'angoisse m'envahir, cela fait deux jours que mon frère a reçu son don... Et moi... Toujours rien à l'horizon... J'ai dix-huit ans bientôt alors pourquoi rien ne vient, est-ce parce qu'on ne fête pas les anniversaires ? Et si ça empêchait mon don d'arriver, comme s'il ne se mettait pas à jour tout seul ? Non c'est ridicule.

Je lève ma tête pour me regarder dans le miroir et je vois mes yeux...

Ils sont aigue-marine !!!

- Bon dieu ! Je hurle.

Moi jurer ? Jamais ! Mais mince... Ça y est ! C'est mon tour ! Je suis normale ! J'ai un don moi aussi !

- Ne jure pas, mon enfant, me sermonne gentiment mon père.

J'ai jurée si fort que cela? Je suis tellement heureuse… mais brave !!! Moi une brave ? Je suis heureuse d'être une brave, mais moi... Un soldat ?

Je me précipite dans le salon où mon père lit sa Bible... Encore !

- Papa ! Hurlais-je.

Mon père est un sage. Il croit en Dieu, en l'amour, en la vie... Mon père est brun, les yeux noirs, il est grand et musclé. Il a une quarantaine d'année et j'adore sa voix, fluide, comme si chacune de ses paroles étaient un air qu'il fredonnait. Avec ma mère ils nous ont eus à sa majorité à elle. Ma mère elle, est une femme magnifique, intelligente, blonde, petite, les yeux bleus, une voix grave et sérieuse.

Lorsque mon père se lève pour me faire face, je me cache les yeux avec les mains.

- Qui y a-t-il ma fille ?

- Devine leur couleur...

- Je ne sais pas...

Après quelques secondes, il poursuit.

- Je dirais... Aigue-marine.

Comment il sait ça ?

Je retire doucement les mains de mes yeux.

- Ma fille, tes yeux sont bleus ! Tu es une brave ! Je le savais !

- Comment tu as deviné ?

- Parce que tu es courageuse mon enfant. Même après ce qui t'est arrivée. Et puis tu as toujours été jusqu'au bout des choses courageusement. Mon cœur m'a toujours dit que tu serais brave un jour. Je revois souvent mon père dans ta force de caractère.

Je suis un peu chagriné quand même.

- Ça ne va pas, Kristy ? Me demande mon père.

- Papa, je sais que les sages et les braves ne s'entendent pas mais... Maman et toi, ça marche très bien et...

Selon toute logique, le don de mes parents s'oppose. Les couples qu'on qualifie de normaux ici sont les suivants : Culturistes entre eux, avec les braves, les réalisateurs, les connaisseurs, les sages. Réalisateurs entre eux, avec les braves, les sages, les connaisseurs. Les connaisseurs entre eux, avec les braves. Les sages entre eux ou les braves.

Les couples qualifiés de « contre-nature » sont comme mes parents, connaisseurs et sages, la logique et la raison contre la foi et la croyance. C'est aussi le cas pour les braves et sages, la violence, la guerre contre l'amour et la paix.

Mon père s'avance vers moi et me prend dans ses bras, pour me rassurer. Je ferme les yeux à son contact car j'ai très peur de le perdre. Mon grand-père a très vite rejeté mon père à cause de son don contraire au sien. Un chef des braves avec un sage pour fils. Chacun défendait ses principes. Ils ont repris contact à ma naissance et celle de mon frère et ont essayé de passer au-dessus de leur certitude tout cela sans vraiment y parvenir car les tensions étaient encore palpables. Mon grand-père avait plus de conversation avec moi qu'avec papa.

- Kristy, les sages sont très particuliers mais j'aime ta mère pour ses différences et je t'aime déjà pour les tiennes. Je t'aimais hier et tu n'as pas changée aujourd'hui. Tu es et tu resteras à jamais ma petite fille.

- Je t'aime aussi papa, mais tu sais avec grand-père…

- J'aimais sincèrement mon père mais pour lui c'était très difficile d'accepter la différence puisque ses parents avant lui étaient des braves. Il n'a jamais connu... de changement si je puis le formuler ainsi.

J'ai reçu mon don presque à dix-huit ans, c'est une moyenne. Le don est ancré dans l'ADN mais ne se développe pas directement. Disons que le don manifeste simplement le trait de caractère dominant chez chaque individu, c'est pourquoi il n'apparaît que lorsque notre personnalité est affirmée, vers les dix huit, dix neuf ans.

Nous sommes samedi aujourd'hui. Le samedi est un jour « particuliers » pour tout le monde sur cette île. En effet il est de coutume de se réunir de façon hebdomadaire. Nous nous retrouvons à l'ancien aéroport. Le bâtiment est immense et est entouré de baies vitrées. Je connais juste le rez-de-chaussée. J'ai trop le vertige pour monter aux étages supérieurs même si je sais à quoi sert le reste du bâtiment.

Au rez-de-chaussée, les chefs culturistes, Félix et Louane nous donnent de quoi nous sustenter pour la semaine, de quoi boire et manger. Au premier étage, il y a les chefs réalisateurs, Gabrielle et Cali. Elles ont pour rôle d'aider les jeunes gens. En général nous les consultons pour organiser l'emplacement des maisons, des bâtiments, leur création aussi. C'est grâce à eux que nous sommes en parfaite harmonie avec la nature. Ils servent à pleins d'autre choses j'imagine, mais bon...

Au second étage, il y a les chefs connaisseurs, Gauthier et Mathias, en cas d'incident puis plus haut encore, il y a les sages, Stuart et Joseph, mon père, les chefs. Ils lisent un passage de la Bible. Je sais que certains appellent ça la messe. Ils sont aussi là pour faire le lien entre deux personnes qui n'arrive plus à communiquer correctement. Ils résolvent aussi beaucoup de conflits entre les États grâce à leur sagesse mais je n'en sais pas plus.

Mon père m'a raconté que les conflits les plus compliqués sont entre Aqua et Ignis. L'eau et le feu surprenant n'est-ce pas ? Du coup, ils font appelles aux sages de Fulgur, pour éviter de déclencher une guerre. Pourquoi ceux de Fulgur ? Je ne sais pas, papa n'a jamais voulu me le dire. Les braves eux, patrouillent, chef ou pas, assurent la sécurité et interviennent en cas de dérapage. Heureusement pour nous, ils patrouillent tous les jours en fait et nous sauvent...

Comme l'un d'eux m'a sauvé moi !

Je déteste me faire remarquer, cependant, aujourd'hui, je suis assez fière. Mes yeux sont aigue-marine. Cela ne fait aucune différence pour moi, mais je me sais brave et donc fini le vertige. Je vais pouvoir aller voir les autres étages, par curiosité mais aussi pour porter mon don avec dignité.

- Mon enfant, je vais donner la lecture et voir si je peux régler certains conflits... Me dit mon père d'une voix tendre.

- Je viens avec toi. Je suis trop fier de ma témérité.

- Nous, nous montons voir les connaisseurs, nous informe ma mère.

Je soupire en entendant ma mère dire ça. J'ai l'impression de l'avoir déçue. Mon don me lui plaît pas, je l'a connais assez pour le savoir. Après tout, c'est logique, les braves passent leurs temps à risquer leur vie et les connaisseurs passent leurs temps à essayer de les sauver. Même si le don de connaissance et celui de bravoure ne sont pas considérés comme opposés, je connais la position de ma mère sur la violence, les armes à feu et tout ce qui va avec... Mon frère lui, me donne une petite accolade, me fait son sourire charmeur suivi de son clin d'œil. Il sait ce que je ressens par rapport à notre mère et je sais que lui, est heureux pour moi comme je l'ai été pour lui. C'est ma moitié et il me comprend.

Nous montons au troisième étage. Mon père m'a tenue la main, mais je lui ai lâchée. Je n'ai plus peur. Son sourire est immense et la fierté se lit dans ses yeux. Lorsque nous arrivons à l'étage je me rends compte que la plupart des personnes sont âgées. Des parents sont là aussi avec des jeunes de dix ou douze ans. Je suppose qu'ils veulent développer leur partie « sage » de leur caractère. Je croise aussi beaucoup de personnes qui ont le don de la sagesse.

- Bonjour à tous, commençons Stuart. Dis mon père en le regardant.

- Bonjour, Kristen, me dit celui-ci.

Je sens son regard peser sur moi. Ses yeux me transpercent et j'ai droit au regard langoureux aujourd'hui. Je trouve son insistance insupportable. Il est beau et il le sait. Mais pour moi ses cheveux noirs et longs ne me plaisent pas, ses yeux marrons ne m'intriguent pas, ils me font peurs et ne sont pas francs. Il est musclé, imposant sans trop l'être. Il est je suppose gentil, à sûrement les qualités du sage mais il est trop hautain pour moi.

- Bonjour, Stuart. Papa, je vais vous laisser.

- Bien mon enfant.

- Kristen ? Me demande Stuart.

Zut... Je ne suis pas parti assez vite !

- Oui ?

- Félicitation, le don de bravoure… siffle-t-il.

- C'est quoi ce ton ? Admiratif, sarcastique, moqueur ?

- Merci.

Je baisse les yeux. Stuart s'approche de moi ; un peu trop près car je sens sa chaleur.

- Tu as beaucoup de qualité mais tu ne sais pas accepter un compliment.

- A parce que cela en était un ?

- Bien sûr...

- Dans ce cas, merci.

- Tu es magnifique Kristen. Le don de bravoure t'ira à merveille, j'en suis certain. Il te va déjà très bien.

Stuart continue de sourire, mais il se force, je le vois bien.

- Pourrait-on se parler en aparté, s'il te plaît ?

Je me vois mal refuser, surtout devant tous ces gens.

- Bien sûr. Je fais la moue des mauvais jours.

Stuart me conduit jusqu'au fond de la pièce pendant que mon père commence la lecture. Personne ne nous entend.

- Comment as-tu pu aider cet Andalorien l'autre jour et te dresser contre mon autorité devant une brave qui ne faisait que son devoir ? Tu as de la chance que je montre une certaine tolérance à ton égard.

La brave ? Celle qui a peut être tuée Emma ! Oh non, je dois absolument faire comme si de rien n'était... Si Stuart lit en moi....

- Alors ?

Je vois bien qu'il contient tout son être. Sa colère irradie. Je me doutais bien que j'allais à un moment donné payer mon insolence. Mais cela en vaut la peine. Je soutiens son regard et lui rétorque sèchement.

- Oui, j'ai aidé l'Andalorien ! Vous le frappiez comme un animal et il était déjà à terre.

- L'Andalorien n'avait rien à faire dans ta forêt Kristen.

- La brave et toi non plus et pourtant je ne vous ai pas battus à coup de ceinture ou de fouet.

Je sens que j'approche dangereusement des limites à ne pas atteindre au vu de sa fonction et de son caractère.

- Je comprends – il est bord de la rupture mais il y a du monde, j'ai déjà levé d'une octave et il ne veut pas de scandale je le sens bien. - mais Kristen, nous les humains avons des dons, nous sommes puissants !Nous n'irons pas loin si nous nous... abaissons au niveau de cette... vermine.

Il me parle en articulant bien, me regardant droit dans les yeux comme si je n'avais pas compris l'idée la plus évidente au monde.

Vermine ? Je rêve… Comment peut-on se penser à ce point supérieur ? Quel humain peut faire ça ? Stuart est un monstre, comme la brave qui était dans ma forêt.

Sa phrase me pique au vif. Je me sens obligée de défendre Raven ainsi que tous les Andaloriens.

- Tu as raison Stuart, tu iras loin dans la vie avec ce genre de raisonnement, d'ailleurs tu peux y aller tout de suite, je ne te retiens pas.

J'ai mis dans ces quelques mots tout le dégoût qui m'inspire et je sais que mes yeux ne reflètent la force de mes convictions.

Mon père nous regarde inquiet, les sourcils froncés, les lèvres pincées. Je sais qu'il se retient de lire en moi, autant parce qu'il ne m'a jamais imposé son don mais surtout parce que, toutes personnes proche de nous peuvent ressentir notre désaccord. Mon père a dû remarquer l'électricité qui passe entre Stuart et moi. Notre colère et ma haine transpire et nous sommes tous les deux prêts à en découdre. Maintenant ! La limite est atteinte. Mon père s'approche et me prend doucement par le bras pour m'éloigner de Stuart. Il lui sourit poliment. Stuart me fixe avec arrogance mais il sait qu'il ne peut plus rien dire ou tenter. Il rend le sourire à mon père et se retourne enfin.

- Kristy ?

- Oui papa ?

- Au fond de la pièce il y a une porte et la clef est sur le chambranle, caché. Ouvre cette porte et suis le couloir. Ai confiance mon enfant.

- Quoi ?

- Vas, ai confiance, la vue est… tu verras va ma fille.

Je regarde un peu partout et vois la porte dont mon père me parle. Je suis attirée par cette échappatoire. Je suis impatiente de partir loin de Stuart, impatiente de voir cette vue qui me paraît soudain synonyme de liberté. Poussée par ma curiosité naturelle, je vérifie que personne ne me regarde et je décide de suivre les conseils de mon père. J'arrive sur le toit. On dirait un toit-terrasse. Il y a des fleurs, des panneaux solaires. Cet endroit doit juste servir aux culturistes, la vue sur l'île d'ici est... splendide, fantastique, étonnante. D'où je suis, je distingue à peine l'hôpital, les lycées, l'école... Les maisons ne sont que des petits points, tellement infimes que je ne saurais distinguer laquelle est la mienne. Je m'assoie sur le bord du toit, à contempler ce magnifique paysage. Nous sommes vraiment seul ici. L'île n'est entourée que d'un immense océan. Peu importe où je regarde, il n'y a que ça. L'océan qui rejoint le ciel au loin. C'est à la fois beau et terrifiant, rassurant et déstabilisant...

- Qu'est-ce que vous faites là ? - Me demande une voix très autoritaire.

Je me retourne. Je vois un jeune homme assez grand, les cheveux cuivrés, des yeux d'une couleur que je ne distingue pas d'aussi loin. Je ne distingue que son allure fier et imposante au vu de sa carrure et sa façon de se tenir. Le bas de son visage est foncé par une barbe naissante. Le jeune brave n'est pas rasé, ce qui doit le vieillir, comme beaucoup d'hommes je pense. Je le trouve magnifique !

- Sortez du bord, immédiatement. Reprend-il d'une voix grave.

Je m'exécute en reculant doucement, en faisant attention de ne pas trébucher. Ce n'est vraiment pas le moment de voir si je suis immortelle parce que je sais que ce n'est pas le cas. Je ne sais pas quoi faire. L'homme est sur le seul passage qui me permet d'atteindre le couloir pour redescendre. Je ne peux pas passer.

- Bon sang, mais vous êtes folle ?

Je rêve ou il me... gronde ?!

- Non, je... J'admirais la vue, c'est tout.

- La vue ? - S'étonne-t-il.

- Oui, j'ai toujours eu le vertige. Mais aujourd'hui j'ai surmonté ma peur et pour la première fois j'ai pu monter. Du coup j'ai vu ce paysage et… c'est la première fois que je vois l'île sous cet angle.

Ma réponse a l'air de le convaincre car ses trais s'adoucissent et il se met lui aussi à regarder le paysage avec un air approbateur.

- Descendez rejoindre vos proches, demande-t-il plus gentiment.

Revoir Stuart à non tu rêves, mon pote, brave ou pas !

- Je n'ai pas envie de descendre et je ne fais rien de mal donc je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas rester un peu à admirer la vue.

- Vu la couleur de tes yeux, il va falloir t'habituer à obéir sans te poser de questions.

Il me tutoie ? OK, je peux jouer aussi.

- Bien, c'est comme tu veux, répliquais-je d'un ton très sarcastique. Je m'applique à afficher un air plus que hautain.

Quand je lui passe devant, je me raidis et prie pour qu'il ne me touche pas. Depuis « l'accident », je ne suis pas totalement arrivée à dépasser mon haptophobie à part avec mon frère et mes parents. Une fois qu'il est derrière moi je me détends un peu et l'entends ricaner. Dos à lui, j'arbore un immense sourire de petite écolière.

Le lendemain, pour être sûre que j'ai bien reçue mon don, je suis montée sur le toit, mon frère est complètement paniqué.

- Tu es sûre de vouloir faire cela ? Tu sais que tu n'es pas obligée ?

- Mais si. Il faut que je voie si j'ai toujours la peur du vide.

Je grimpe vite, c'est si facile. Lui traîne derrière, assure ses prises et je suis sûr qu'il a un peu peur.

- Tu as réussi à le faire. C'est génial ! avant tu en étais incapable. Il a la bouche ouverte d'admiration.

- C'est vrai. Aller, on se rejoint en bas, OK ?

- Je ne sauterais pas.

Là il panique ! Trop sympa la sensation d'être pour une fois plus sûr que lui.

- Toi non, mais moi oui.

Et là, je saute. Une fois en bas, je relève la tête et je hurle pour que mon frère m'entende.

- J'y suis arrivé Cyril.

- Parfait, attend j'arrive.

Avec tous ces hurlements, mon père sort de la maison.

- Qu'es-tu arrivée à faire, Kristy ?

- J'ai sautée du toit, comme une brave, papa.

- C'est très bien ma fille, je suis fier de toi, mais s'il te plaît, ne te blesse pas, d'accord ?

- Oui.

Cyril nous rejoint.

- Cyril, je vais aller dans la forêt, à la recherche d'un serpent, pour voir si j'en ai encore peur. Tu viens avec moi ?

Mon frère n'a jamais eu peur des serpents.

- Oui, on sera là pour dîner, papa.

- Ne rentrez pas tard et ne vous faites pas mal.

- Oui papa.

Avec Cyril, nous avons répondu en même temps. Cela nous arrive très souvent.

Une fois dans notre forêt, nous croisons un serpent, un colubridae informe mon frère. Je ne suis pas effrayée, Cyril me dit qu'il n'est pas dangereux. Il est marron et fait au moins 30 cm de long. Je m'approche de lui et le prend. Avant, peu importe le serpent, j'avais la trouille.

- Il est beau, tu ne trouves pas ?

- Si, si. Aller, rentrons, il se fait tard.

- Tu as raison, Cyril.

Je repose le colubridae et nous rentrons à la maison.

- Alors cette balade ? Nous demande mon père.

- Parfaite, nous avons croisé un serpent et je l'ai porté.

- Ah, tu es bien une brave mon enfant. Il me taquine je le vois bien.

- Merci papa.

- Tu n'as plus de peur à affronter ? - Me demande mon père.

- Demain, j'irais sans doute nager dans l'océan, si vous le voulez bien ?

- Parfait, nous comptions justement nous rendre à la plage. Nous déclare ma mère.

- L'immensité de l'océan est ta dernière peur ? Me questionne Cyril.

Non, il y en a une...

- Non... J'ai peur d'affronter ces garçons et ma peur du touché...

Un silence pesant s'installe.

- Mon enfant, tu as surmonté assez d'épreuves pour la journée.

- Le repas est près- nous dis ma mère.

Une fois à table, je remarque que mon père et ma mère se regardent avec amour, comme ils le font depuis toujours. Ils se tiennent la main, comme pour ne faire plus qu'un. L'espace d'un moment ils sont dans leur bulle. Le monde extérieur n'existe plus pour eux. J'espère que cette sensation, qui paraît leur être essentielle pour vivre, me sera accordée un jour. Pour moi, mes parents sont un exemple. Ils voient le monde tellement différemment mais arrivent à tellement s'aimer. Lui est croyant, elle non, lui écoute plus son cœur et elle, plus sa raison. Bref, mes parents sont un exemple de contradictions permanentes. Ce sont les seuls sages et connaisseurs mariés sur l'île.

Ma mère m'a révélée qu'ils s'étaient choisi avant leur don et que quand ils ont su, leur amour n'avait pas changé car après tout, le don ne définit pas qui ils sont. Il met simplement en avant, un trait de notre caractère : la sagesse, la connaissance, l'imagination avec la réalisation, la main verte ou le courage. Rien de plus. Et je le sais, quand je regarde mes parents... Je sais que ma mère dit vrai.

Mon père m'a dit un jour : « Ceux qui ne craignent pas Dieu peuvent communiquer la connaissance mais pas la sagesse. La connaissance rend orgueilleux, mais la sagesse fait mûrir un homme et lui enseigne comment appliquer sa connaissance aux problèmes quotidiens en toute humilité. »

Ma mère est médecin. Rares sont les gens qui possèdent ce don. Il y a beaucoup plus de don de bravoure et création. Notre monde se peuple de ceux que nous avons le plus besoin. C'est pourquoi deux dons de la connaissance dans une seule famille est surprenant, peut-être même unique.

Pour que les États ne soient pas surpeuplés, nous n'avons le droit qu'à un seul enfant par couple. Les multiples grossesses sont interdites. Mes parents sont heureux que nous soyons arrivés à deux avec mon frère. Les jumeaux sont rares aussi.

En fait, tout est très rare dans ce monde.

Tous les ans, en juillet, il y a la rentrée dans une école spécifique à chaque don pour ceux qui l'ont reçu. Grâce à elle, nous apprenons à gérer notre don, à nous en servir avec modération, avec respect et surtout à bon escient. Nous passons des examens pour savoir quelle place nous convient le mieux pour servir Fulgur. L'école nous sert à en apprendre plus sur notre don mais je suis certaine qu'avant d'en savoir plus sur celui-ci, je dois en apprendre plus sur moi-même...

Mon instinct ET mon cœur sont d'accord. Je sais que ma vie vaut autant que celle de quiconque alors, si je dois risquer la mienne, ce sera pour en sauver d'autres. Je veux prendre exemple sur Emma, qui est peut-être morte en protégeant un Andalorien, en se sacrifiant pour une cause juste. Souvent, quand je ferme les yeux, je revois la scène. Je me dis que si j'avais eu mon don plus tôt j'aurais pu l'aider. J'aurais peut-être pu la sauver qui sait. Je me demande vraiment ce qui se serait passé si j'étais intervenue.

- Nerveuse, mon enfant ? Me demande mon père.

Ses yeux citrines me disent qu'il lit en moi et que sa question n'est que rhétorique. Depuis l'agression, je parle moins avec mon père, non pas parce que je ne veux pas mais parce que je n'y arrive pas. Je ne parviens plus aussi facilement qu'avant à lui exprimer clairement ce que je ressens. J'ai donc demandé à mon père de lire en moi quand il en éprouvait le besoin. Ce qu'il fait, évidemment. Je n'ai jamais parlé à quiconque de la scène à laquelle j'ai assistée.

J'espère tellement que cette jeune femme repose en paix. J'aimerais tant demander à papa ce qu'il en pense, mais si je le lui demande, il se doutera de quelque chose.

- Kristy ?

- Pardon, tu me disais ?

- Es-tu nerveuse ?

- Oui, j'ai toujours été avec Cyril et là...

- Je sais, mais cela sera une nouvelle expérience pour tous les deux. Vous êtes des jumeaux, certes, mais vous êtes des individualités avant tout.

- Oui, mais les autres, ils ne nous ont jamais aimés et, s'ils ne m'aiment pas encore aujourd'hui ?

- Si ces gens-là ne t'aiment pas, ils ignorent ce qu'ils perdent.

- Merci, papa.

- Je t'aime Kristy. Je regrette que tu ne puisses pas lire en moi car tu pourrais voir à quel point je suis fier de toi et ton don ne fait que valider ce que tu es vraiment : une brave.

Mon père m'enlace. Il a toujours été très tactile. Cela ne me dérange pas lorsqu'il me prend dans ses bras. C'est une chose naturelle qui me réconforte même encore aujourd'hui. Mon frère aussi est tactile depuis toujours donc ça ne me trouble pas non plus. Quant à ma mère, elle n'a jamais été à l'aise avec les démonstrations d'affections. Elle nous enlace parce qu'elle a lu que c'était bien pour l'équilibre d'un enfant mais elle n'est pas le fait pas naturellement. Ces embrassades forcées me mettent mal à l'aise depuis que j'ai été agressée. Avant je faisais comme elle je me forçais mais cela ne me gênait pas, mais aujourd'hui, ces marques d'affection ont tendance à me déstabiliser. Je n'ai jamais eu le courage de le lui dire.

Les braves sont capables d'affronter la souffrance, la torture, la fatigue. Ils sont plus résistants aux blessures et elles guérissent plus vite... Et j'en suis une. Aujourd'hui, nous sommes partis à la plage avec ma famille et nager dans l'océan m'a vraiment enchantée.

Je suis une brave... ! Enfin presque, il y a une peur que je REFUSE de revivre ou d'affronter. Mais aurais-je vraiment le choix ?