Lorsqu'il céda au Zéphyr, tout autour de lui sembla s'effondrer, comme si l'univers se brisait en une multitude de fragments.
En un instant, tout ce qu'il connaissait disparut, et il fut projeté dans un espace qui lui parut d'abord être un vide absolu, mais qui se révéla être bien plus complexe qu'une simple absence.
L'endroit était en réalité imprégné d'une étrange lumière violette, une lueur qui s'infiltrait dans l'air, imprégnant chaque parcelle de l'environnement.
L'espace autour de lui, bien que restreint en apparence, défiait toute logique, comme si les lois fondamentales de la physique n'avaient plus cours, laissant place à une réalité déformée et insaisissable.
Iroze voyait ses repères habituels s'effaçaient, chaque référence à la normalité semblait lui échapper. Il ne distinguait plus le haut du bas, la gauche de la droite, ni l'avant de l'arrière. Tout semblait s'inverser dans un chaos total.
Les éléments autour de lui se mêlaient en un tourbillon désorientant, le laissant impuissant, incapable de retrouver un quelconque point d'ancrage.
Tout autour de lui, des vents violents tourbillonnaient, formant une barrière invisible mais implacable, lui interdisant toute échappatoire.
Ces vents, bien qu'intenses, ne produisaient aucun son, comme si le monde entier avait été plongé dans un silence surnaturel. Les parois de cette prison venteuse semblaient à des kilomètres, mais l'instinct d'Iroze lui interdisait de s'en approcher.
Il se tenait là, au centre de ce qui semblait être l'œil du cyclone, sur un fragment de roche flottante, suspendu dans cet espace chaotique, son équilibre précaire reflétant l'instabilité du lieu.
Le sol sous ses pieds n'était qu'un simple morceau de pierre, dérivant sans but dans cet espace irréel.
Juste devant lui, une faille béante et ronde s'ouvrait dans la réalité, révélant des visions, des images cryptiques et sans couleur, des fragments de quelque chose qu'Iroze ne parvenait pas à déchiffrer.
L'impression d'être emprisonné dans un espace hors du temps l'envahissait. Tout autour de lui semblait à la fois tangible et intangible, une dimension altérée où les lois de l'univers n'avaient plus de prise.
Et pourtant, au milieu de ce chaos, une force invisible le retenait ici, comme si cet endroit avait été façonné spécialement pour lui, pour le confronter à un mystère plus grand, quelque chose qu'il ne pouvait encore comprendre.
Le silence pesant, les vents invisibles, les visions énigmatiques, tout contribuait à l'étrangeté de ce lieu, et Iroze se sentait de plus en plus perdu, comme s'il avait franchi une limite vers un monde où plus rien ne serait jamais comme avant.
L'incongruité de la scène aurait laissé pantois quiconque s'y serait trouvé, mais étonnamment, ce n'était pas une expérience désagréable.
Son esprit, enfin libéré des murmures insidieux du Zéphyr, et son corps, qu'il ne sentait plus, Iroze décida de prendre cette situation comme une occasion de se reposer. Après tout, son année de lutte acharnée contre le Zéphyr l'avait laissé épuisé.
Il arrêta de chercher à interpréter les images qui défilaient devant ses yeux et les ferma, laissant le temps s'écouler lentement.
C'était calme… et interminable surtout !
Il lui était impossible de savoir depuis combien de temps il était prisonnier de cet endroit, mais il sentait peu à peu sa volonté s'effriter.
Au début, un soulagement fugace l'avait envahi, comme une vague apaisante née de l'acceptation qu'il ne pouvait rien contre ce qui lui arrivait.
Peut-être que cette résignation l'avait même conduit à s'endormir brièvement, trouvant un répit dans cette réalité étrange.
Mais ce répit fut de courte durée. Seul avec lui-même, sans échappatoire possible, ses pensées tourmentées finirent par le rattraper, déchaînant une tempête intérieure. Iroze se retrouva alors acculé par ses propres spéculations, hanté par l'incertitude de ce qui l'attendait.
Conscient qu'il ne pourrait pas continuer ainsi, il prit la décision d'enfouir ses interrogations, de les enterrer au plus profond de lui-même tant qu'il en avait encore la force.
Si le Zéphyr l'avait arraché à sa réalité, le propulsant dans un monde qu'il ne reconnaissait plus, alors lui aussi déciderait de fuir ses pensées, de se protéger du mieux qu'il le pouvait.
Ce n'était pas une solution définitive, mais c'était la seule qu'il pouvait envisager pour ne pas sombrer complètement.
Il s'accrochait à cette idée comme à une bouée de sauvetage dans un océan de confusion, déterminé à tenir bon, à se préserver aussi longtemps que possible.
Dix moutons, onze moutons, douze tabourets… Argh, c'est trop, j'en peux plus !
Les paroles de Baek lui revinrent en mémoire, résonnant dans son esprit tout en martelant les bords de sa conscience de leur poids, poussant Iroze à réfléchir sérieusement à la situation : se retrouver aspiré dans un monde inconnu et dangereux, sans préparation, avec pour seul indice les paroles d'un vieil homme mentionnant l'existence de colonies humaine capable de l'aider, mais seulement s'il retrouvait ce que le Zéphyr lui avait volé.
Le jeune adolescent serra les dents.
Ah, et il a aussi parlé de Volonté… Mais qu'est-ce que c'est censé être ?! Il est venu pour m'aider, mais il m'a laissé avec plus de questions que de réponses, cet escroc !
Réalisant qu'il arriverait tôt ou tard en terre inconnue, Iroze tenta de s'y préparer mentalement en réfléchissant à ce qu'il devrait faire en premier : chercher de l'eau ? De la nourriture ? Trouver un abri ? Qui pouvait dire qu'il ne serait pas immédiatement pourchassé par des créatures dès son arrivée ?
Son don-quichottisme crasse aurait été risible si sa vie n'était pas en jeu. Après tout, il n'était qu'un garçon de 14 ans, se demandant s'il verrait encore le jour demain.
Iroze haletait. Même s'il avait perdu ses sens, il était persuadé que son cœur battait si fort qu'il produisait un vacarme infernal, et il transpirait probablement tellement que des gouttes de sueur devaient rouler le long de son front, tombant peut-être même de son menton.
Le sentiment de panique qu'il tentait de réprimer prenait de l'ampleur, grandissant en lui comme une boule de neige dévalant une pente, accumulant tout sur son passage.
Il saisit son cœur de sa main droite comme pour l'empêcher de s'arrêter, sa vision se brouilla, et au moment où il commençait à vaciller, le monde se stabilisa, envoyant une vague de soulagement à travers son corps.
De l'air, pitié.
Il reprit possession de ses sens, prit une grande inspiration, et au moment d'ouvrir les yeux, s'attendant à revoir les images incompréhensibles, il découvrit qu'elles étaient désormais claires, remplies de couleurs et, par-dessus tout, parfaitement distinctes.
Similaire au médaillon de Baek, ce n'étaient pas des images, mais de véritables aperçus d'environnements ! Iroze voyait des paysages défiler devant lui comme s'il les observait depuis une caméra perchée en hauteur.
La faille ondula et révéla un nouvel environnement : soudain, un château apparut devant lui, perché au bord d'une falaise, avec des soldats sur les remparts bandant leurs arcs contre des créatures innombrables qu'Iroze n'avait jamais vues. L'instant d'après, le château disparut, remplacé par une banquise entourée d'une mer de flammes !
Wow ! Qu'est-ce que c'est que ce délire ?
Iroze, rassuré d'avoir repris le contrôle sur lui-même, décida de profiter du spectacle qui s'offrait à lui.
Toutes les trente secondes environ, l'image changeait. D'abord le château en proie à l'assaut, puis la banquise entourée de flammes, suivie par la vue d'un gouffre profond sous une pluie de pierres. Les visions défilaient sans cesse, toutes plus impressionnantes les unes que les autres, dévoilant des paysages à couper le souffle qu'il n'aurait jamais pu imaginer.
Ou du moins, il ne les aurait jamais imaginés dans ces conditions, et encore moins envisagé de survivre dans ces enfers !
Tous ces lieux semblaient plus dangereux les uns que les autres, véritables scènes de dévastation et de désolation.
Et puis, après un long moment, le spectacle terrifiant des environnements hostiles fut interrompu par la vue d'un lac calme au centre duquel se trouvait un îlot surmonté d'un bosquet. Le lac était entouré d'une plaine bordé de montagnes immenses perçant le ciel de leurs sommets.
C'était magnifique.
La scène contrastait avec la désolation des précédentes. Elle apparut juste après une vision particulièrement atroce où une petite fée se faisait écraser entre les mains d'un singe immense et effrayant.
Le paysage lacustre était paisible, immobile sous la lumière de la lune, seule l'île et le lac étaient baignés par ses doux rayons, semblant bénir ce coin de sérénité.
C'était apaisant… mais au bout d'une vingtaine de secondes, Iroze réalisa que ce havre de paix allait bientôt être remplacé par une nouvelle scène d'horreur.
Pris de panique à l'idée de perdre cette image réconfortante, il laissa son instinct le guider et tendit la main vers la lune, essayant désespérément de retenir cette vision avant qu'elle ne disparaisse à jamais.
À sa grande surprise, il parvint à saisir la lune, et aussitôt, le monde sembla se distordre avec un fracas assourdissant, le propulsant à toute vitesse en avant.
Soudain, il fut submergé de toutes parts, non pas par des créatures cauchemardesques, mais par une multitude de sensations. Lui qui avait été privé d'odeurs pendant tout ce temps, se retrouva soudainement envahi par l'air frais et les senteurs qu'il charriait.
Et puis… alors qu'il commençait à peine à se remettre de cette explosion sensorielle, la douleur arriva. Il tourna la tête pour évaluer son environnement et se rendit compte qu'il était nu, allongé sur de la roche grise et rugueuse qui lui écorchait la peau.
Il se leva précipitamment et contempla le champ de roches grises qui s'étendait à perte de vue.
Où est-ce que j'ai atterri ?! Rendez-moi ma lune et ma belle prairie !
Iroze vacilla et se rassit maladroitement, cherchant un caillou plat. Envahi par la fatigue, mais pressé par la nécessité de réagir, il bascula en arrière, trouvant une position confortable pour réfléchir. Mais à peine avait-il trouvé cette position qu'il fut de nouveau interrompu. Au-dessus de sa tête, à quelques centaines de mètres, se trouvait un joli bosquet, au centre d'un îlot, lui-même au milieu d'un lac !
C'est une blague ! Je suis sur la lune ! À quel point mon karma est pourri au juste ?!
Depuis la Terre, la lune qu'Iroze avait toujours connue n'était qu'un point gris, parfois jaune, suspendu dans le ciel. Il n'est donc pas surprenant qu'il ait confondu cet astre avec une simple roche flottante.
Désormais, Iroze était allongé sur cette fausse lune, flottant à seulement quelques centaines de mètres du sol. Coincé.
Je… Et puis merde, tant pis, j'me débrouillerai.