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Chapitre 7

Était-ce de la chance ou de la malchance ? J'hésitais encore, mais je n'avais pas raté le Conseil. Malgré mon sommeil lourd, malgré les heures passées au lit sans que je ne m'en rende compte, malgré mon réveil le lendemain après plus d'une journée ratée, je n'avais rien loupé. En effet, le Conseil ne s'était pas réuni. — Le Roi était fatigué, m'expliqua Ruth venue me servir mon petit déjeuner du jour.Le Roi... Fatigué ? Sûrement avait-il surtout préféré leur faire passer une énième nuit dans les cachots humides du château. Cela ne m'étonnerait même pas.— Y a-t-il déjà un nouveau Conseil de prévu ?— Heu...La jeune fille hésitait. Chose normale, à vrai dire, elle n'avait rien à savoir de cela, ni même à s'en intéresser alors que son travail ne consistait qu'à servir les membres du Conseil et de la Royauté. Mais elle reprit malgré tout parole rapidement :— Je crois, mais j'ai un doute... Je crois qu'ils ont parlé de 10h00...— 10h00 ? Quand ?— Oh ! Aujourd'hui, pourquoi ?Mon regard s'écarquilla. Aujourd'hui ? Ils allaient se réunir aujourd'hui ?— Quelle heure est-il ? demandai-je en me levant brusquement de mon lit pour me ruer vers mes vêtements.— Quelle heure ? Heu... Hé bien... 9h45 environ, pourq...— Aide moi à m'habiller ! ordonnai-je soudainement, tentant désespérément de rentrer dans mes vêtements qui me semblaient démunis de trous tant l'empressement m'avait gagné.Au moins Ruth ne demanda-t-elle pas son reste, se précipitant vers moi pour m'y aider, difficilement tant je bougeais dans tous les sens. Un fait qui l'agaça au possible jusqu'à ce qu'elle ne lace enfin mon pourpoint. J'étais habillé et la remerciant ç mi-mot, je me précipitai en dehors de ma chambre, dévalant les escaliers menant à la salle du Conseil dont les portes étaient déjà fermées.— Laissez moi passer ! ordonnai-je aux Gardes de service.— Désolé, Prince Elian. Personne n'entre pendant les réunions du Conseil. Vous connaissez les règles, me répondit-on sans plus de cérémonie.— Vous avez tout dit, Edgard. Je suis Prince ici. Mon ordre prime sur celui de votre Capitaine. Laissez. Moi. Passer.L'homme m'observa un instant, hésitant alors que mon pied battait la mesure au sol, tant agacé qu'impatient. Si je n'étais d'ailleurs pas d'un naturel particulièrement longanime habituellement, aujourd'hui risquait fort d'être pire que tout. Et l'incapacité de ce soldat à prendre une décision commençait très largement à m'échauffer.— Edgard. Vous me connaissez. Je ne vous le demanderais pas si cela n'était pas si imp...— Edgard, entendis-je derrière moi. Je vous remplace. Ordre du Capitaine. Il vous attend en Salle de Garde, dépêchez-vous.Surpris, j'avais observé Myles prendre la place du soldat qui quittait son poste en courant. Allait-ce devoir être Myles que j'allais devoir convaincre ?— Qu'est-ce que vous attendez ? me souffla-t-il en fronçant les sourcils. Dépêchez-vous d'entrer avant qu'Edgard ne se rende compte de la supercherie !Je... Oh. Ah ! Hochant rapidement la tête, ma main posée sur le bras de celui qui s'avérait être mon allié, j'ouvris les portes à la volée, me stoppant dès lors que Myles les eut refermées derrière moi. Tous les regards étaient tournés vers moi, tant du Conseil que des prisonniers alors présents pour leur sentence, visiblement surpris d'une telle interruption.— Je...Moi qui avait préparé mes arguments. Je ne savais plus quoi dire.— Que fais-tu ici, Elian, par tous les grands Saints ?! s'exclama mon père, perdant visiblement toute contenance à ma vue.Que faisais-je ici ? Je me posais moi-même soudain la question alors que je l'observais, presque idiot. Il fallait peut être que je dise quelque chose avant que le Roi qui me fusillait du regard n'ait envie de me décapiter avec les prisonniers. Surtout lorsque cette envie se lisait un peu trop clairement sur son regard. Toussant, j'avais alors avancé à grands pas jusqu'aux côtés des prisonniers dont la confusion se lisait sur le visage autant que le désarroi.— Puisque j'étais présent à vos côtés lors des négociations et lorsque tout à dégénéré, j'ai pensé qu'il fallait aussi que je sois...— Vous n'étiez nullement convié à ce Conseil, Prince ! me foudroya l'un des membres du Conseil, visiblement plus qu'outré de ma présence non désirée.— Oui, je sais. Mais j'ai imaginé qu'il s'agissait seulement d'un malencontreux oubli qui...— Et vous pensez que moi, votre Roi, aurait fait un "malencontreux oubli" ?Mon regard croisa celui d'Hayes. Était-il réellement aussi arrogant ? Était-il réellement devenu aussi Détestable ? Vraiment ?— Vous, non, Votre Majesté. Mais vous ne vous abaisseriez pas à inviter les membres du Conseil à se réunir. Ce n'est pas là votre rôle.Il s'agissait effectivement du rôle de mon père que je visais alors du regard, espérant que la sanction ne serait pas aussi douloureuse que ses yeux ne le laissaient présager.

Au moins Hayes n'eut rien à redire sur ma réponse, m'obligeant à retenir un soupir de soulagement. Cela, pourtant, ne changeait rien à ma situation. Il allait falloir que je trouve à redire, encore, pour ne pas être expulsé aussi rapidement que j'étais arrivé. Surtout lorsqu'il m'était devenu essentiel de... Par tous les mages. Pourquoi m'étais-je réellement mis en tête de sauver des paysans ?! Grimaçant contre mes propres décisions, j'avançai à nouveau, tel l'avocat que je n'étais pas , vers le Conseil. 

— Puisque je suis là... J'aimerais avoir droit de parole, réclamai-je ainsi.— Il en est hors de question !— C'est inadmissible !— Il ne fait pas partie du Conseil !Évidemment, aucun membre du Conseil ne semblait désireux de me laisser la moindre seconde de parole. Ils étaient aussi procéduriers qu'imbéciles. Quand bien même se doutaient-ils que j'ignorais jusqu'à l'avancée de ce faux procès, m'accepter reviendrait à s'écarter des règles. Pauvres d'eux.

M'agenouillant pour autant face au Roi, la tête basse, je tentai alors le tout pour le tout. Le mieux était encore d'ignorer leurs injonctions.

— S'il vous plait, Votre Majesté. J'en appelle à votre justice. Ces coupables ont droit à la défense.Que n'étais-je pas entrain de faire. Sûrement ce qu'il fallait, ou je l'espérais, car Hayes accepta de m'écouter, me faisant signe de me relever et de parler. Restait maintenant à savoir quoi dire. Ce que je ne savais pas vraiment alors que je jetai un coup d'œil aux hommes restés silencieux. J'avais l'impression d'être leur unique espoir. De quoi ajouter à la pression ressentie.— Je...— À quoi bon, s'il ne sait même pas quoi dire ?! me coupa l'un des membres.— Si vous me laissiez dire plus d'un mot ! m'emportai-je.Calme. Je devais rester calme. Ils n'attendaient que ma colère pour m'expulser et ils ne l'obtiendraient pas.— Votre Majesté. Rien n'excusera jamais le geste qu'ont eu ces hommes face à vous. S'en prendre au Roi, au symbole de notre Royaume est impardonnable et je l'entends, mais...— Il a tout dit ! C'est impardonnable ! me coupa de nouveau ce même foutu membre alors que je le fusillai du regard sans me laisser perturber.— MAIS ! repris-je fortement. J'en appelle à votre clémence, à votre compréhension. Ces hommes n'avaient pas dormi depuis plusieurs jours pour venir jusqu'ici, pour avoir l'honneur de vous rencontrer. Ils m'ont confié ne pas non plus avoir mangé, refusant de priver leur famille de repas s'ils devaient en emporter pour le voyage. Ces hommes n'ont pas agi par désir de s'en prendre à vous, Votre Majesté. Ils ont agi sous le coup de la faim et de la fatigue, parce qu'ils n'en pouvaient plus. Ces hommes ont été victime de leur propre sang et non d'une quelconque colère envers vous !Des vérités et des mensonges que j'entremêlais du mieux que je pouvais afin de permettre aux hommes d'obtenir... A vrai dire, je ne savais pas ce que je désirais obtenir pour eux. Enfin, je savais au moins ce que je ne désirais pas : les voir être mis à mort. Ces hommes ne le méritaient pas. Ils ne méritaient pas de se sacrifier pour une cause que je savais déjà vaine.— Et donc ? demanda Hayes, le regard étrangement clair. Que devrais-je décidé d'après vous, Prince Elian ? Les relâcher ? Au risque qu'ils reprennent leurs actions terroristes envers ma population ? Au risque de les voir vouloir attenter à ma vie plus tard ?— Je...Bon point pour lui alors que je me tournai rapidement vers lesdits hommes. Je devais trouver quelque chose à dire.— Votre Majesté. Observez ces hommes. Ne pensez-vous pas que les nuits passées au cachot les auront fait réfléchir ? Ne pensez-vous pas qu'ils ont pu comprendre le risque qu'ils prenaient à agir de la sorte ? Quant à s'en prendre à vous... Seth Parsons, leur chef de rang, m'a lui même dit que jamais il ne le ferait, détournai-je la vérité. Ces hommes sont coupables, oui, mais seulement d'être humain et nous savons tous ici que vous aimez votre peuple. Alors, s'il vous plait, Votre Majesté. Grâce pour eux.A nouveau, je mis mis genou à terre. Je me surprenais presque moi-même d'avoir pu inventer tant de chose en si peu temps, tentant tout ce que j'avais pu pour les aider et les sauver des décisions de mon cousin et de mon père. Il fallait maintenant espérer que cela fonctionne.— Dehors.Resté figé, j'espérai. J'espérai réellement, encore que ce que je venais d'entendre n'était que le fruit de mon imagination— Dehors, maintenant, répéta Hayes.Dehors ? Vraiment ? Fronçant les sourcils, je serrai les poings en me redressant. Il ne pouvait pas m'ignorer à ce point.— Hayes, tentai-je de le raisonner. Tu ne...— DEHORS ! MAINTENANT !— Ils comprendront ! repris-je en m'avançant vers lui, soudain arrêté par Myles et Edgard, attirés par les cris du Roi. Ils comprendront et ce sera trop tard ! Réfléchis !— Ramenez le dans ses appartements, ordonna mon père sèchement.— Ils vont comprendre ! Ne joue pas à ça ! Hayes ! Mais je ne pouvais rien faire d'autre, rien dire d'autre alors que Myles me faisait reculer, une main sur mon torse, secouant doucement la tête. — Ne joue pas à ça ! répétai-je, fortement avant que la porte du Conseil ne me soit fermé.— A quoi vous avez joué ?! s'exclama Edgard dès lors que le premier couloir fut passé. Je vais me faire...— Vous n'aurez rien, assura Myles, me jetant un regard inquiet, j'en prend la responsabilité. Et j'espère que vous saviez ce que vous avez fait, Monsieur... — Pas vraiment, admis-je, la mine basse.J'avais échoué, à nouveau. J'avais tout simplement échoué. Hayes n'allait pas changer d'avis, pas lorsque sa colère avait fait tremblé les murs. J'avais... échoué. Et je me sentais aussi coupable qu'inutile. Si seulement j'avais mené à bien ma mission initiale. Si seulement je m'étais contenté de faire ce que l'on m'avait demandé. Mais j'avais conduit ces hommes à l'abattoir, trop orgueilleux pour comprendre que les décisions du Roi devaient être celles suivies, qu'il n'y avait pas d'autres façons de faire.Raccompagné jusqu'à ma chambre, je me laissai tomber sur mon lit, le regard vide. J'avais l'impression de les avoir tué, de les avoir amené jusqu'au bûcher. J'étais responsable. Quand bien même ils avaient pris leurs propres décisions, choisissant de faire ce qu'ils avaient fait, j'aurais du les en empêcher. Si seulement j'avais été convaincant au village...Dans le silence de mes appartements, le temps passa sans que les nouvelles ne me viennent. Pourtant, par deux fois, Ruth était venue me servir dîner et m'aider à me changer mais... Rien. Rien ni personne d'autre. Ni mon père venu m'hurler mon incompétence, ni ma mère dont la déception serait encore plus grande. Rien. Mais le Conseil n'avait pas pu durer aussi longtemps. Cela faisait pourtant maintenant six heures. Tout avait du se finir alors quoi ? Qu'avait-il décidé ? Qu'allait-il se passer, maintenant ?