webnovel

Chapitre 1

— Un médecin, vite !Mon regard passait de gauche à droite sans que je n'arrive à suivre réellement ce qu'il pouvait se passer. L'on courrait de part et d'autre du château. L'on se bousculait, s'appelait aussi sans prendre le temps de s'arrêter et...— Elian ! Recule ! m'avait-on soudain avertiJe sortis ainsi de ma torpeur pour laisser passer une ribambelle de médecins alors que mes yeux se posaient sur mon cousin— Comment va-t-il ? demandai-je.Pas de réponse autre qu'un visage baissé. Y avait-il au moins besoin qu'il m'offre une réponse quand son visage parlait pour lui ?... Etais-je triste de comprendre que notre grand père passerait bientôt de vie à trépas ? Je n'en savais rien, à vrai dire. Certainement aurais-je dû l'être, mais... Il n'avait jamais été spécialement proche de nous, ni même de ses fils, nos pères, d'ailleurs. Il était le roi. Nous lui devions obéissance. Quant au reste... C'était plus difficile.Et cela, sûrement, l'était d'autant plus pour Hayes dont le destin se retrouvait lié à celui de son ancêtre désormais plus proche de la mort que jamais.— Et ton père ? tentai-je alors de m'enquérir.— A ton avis. Gronda-t-il.Une mauvaise idée que j'avais eu alors que mon visage se fermait. Hayes n'avait jamais eu de chance dans la vie. Né d'un père infirme qui ne régnerait jamais, d'une mère qu'on avait vendue pour procréer, sa sœur et lui avaient été davantage élevé par des nourrices que par leur famille. D'ailleurs... Que signifiait le mot famille lorsque même mes parents ne l'avaient pas pris sous son aile... Secouant la tête, j'avais osé poser ma main dans son dos.— Tu veux que j'aille te chercher quelque chose à boire ? Car il allait en avoir besoin.— Sauf si c'est pour me proposer un double whisky...J'avais esquissé un léger sourire, désolé.— De l'eau, du lait ou à la limite un verre de bière, c'est tout ce que je pourrais te trouver.— Plutôt rester sobre alors, plaisanta-t-il tristement.Mieux valait, en effet, qu'il ne joue pas à cela maintenant alors que mes parents s'avançaient vers nous, s'inclinant devant lui.— Mon cher neveu, souffla ma mère sans que je n'arrive réellement à croire à sa compassion tandis qu'elle prenait les mains de mon cousin entre les siennes. Il va bientôt être temps.— Père est-il... s'enquit Hayes à mi-voix.— Votre père n'est pas en capacité de comprendre ce qu'il se passe, arrêta mon propre père presque sèchement. Elian. Allez aider votre cousin à s'habiller. Son ordre était clair et m'obligea à m'incliner avant qu'ils ne repartent comme ils étaient venus.— Allons-y, avait alors soupiré Hayes, m'entraînant à sa suite jusqu'à ses appartements.Sa tenue d'apparat était déjà prête, les bonnes attendant les ordres dans leurs quartiers. Observant cette tenue, ce qu'elle signifiait, j'avais rapidement soupiré, avant de m'approcher de mon cousin, l'aidant à quitter sa tenue.— Comment ont-ils eu la signature de ton père pour l'abdication ? murmurai-je, conscient qu'une chose avait dû être faite pour que le royaume saute une génération.— Ils n'ont pas eu besoin de l'avoir. Les médecins n'ont eu qu'à le déclarer incapable.— Ta mère n'a rien dit ?— Que veux-tu qu'elle dise ? Elle ne parle pas.Il était vrai que jamais je n'avais entendu la voix de ma tante depuis ma naissance. La pauvre femme était toujours restée là, à sa fenêtre, observant l'extérieur comme si rien d'autre n'existait, pas même son fils unique.— Dépêche-toi, ordonna Hayes, m'obligeant à appeler nos domestiques pour l'y aider, incapable de le faire moi-même tant je n'avais pas l'habitude de ce genre d'affaires.Me reculant, j'avais ainsi laissé faire, observant la scène, plaignant celui qu'allait devoir devenir mon cousin. Il n'avait jamais été particulièrement joyeux, je l'entendais, mais aujourd'hui... Il n'avait plus du tout de quoi l'être et...Me retournant vers le miroir de sa chambre, j'avais doucement froncé les sourcils.A vrai dire... Le manque de joie sur les visages était certainement un trait familial. Mes yeux verts manquaient de cette lumière que j'avais pu observer chez d'autres. Une lumière que j'avais longtemps envié aux enfants que je pouvais voir jouer dans les jardins là où mes parents m'obligeaient à étudier dans des salles sombres. Sûrement d'ailleurs cela avait-il accentué la blancheur de ma peau... Enfin. Ce n'était pas aujourd'hui que j'allais refaire l'histoire... Alors, remettant de l'ordre à mes cheveux noirs, je m'étais rapidement détourné de ma propre contemplation pour me concentrer de nouveau sur Hayes. Prêt.— Je suppose qu'il faut que nous attendions ici, avait-il fini par soupirer, s'asseyant sur l'une de ses chaises.Une attente qui ne dura pas plus de quelques minutes alors que la porte de ses appartements s'ouvrait sur mon frère. Nul besoin de lui demander la raison de sa venue tant son visage parlait pour lui, tant son attitude parla pour lui. Avançant vers Hayes, il mit un genou au sol, m'obligeant à me lever et à l'imiter. Notre grand père était mort.La tête basse, j'avais mis quelques instants à la relever vers Hayes, vers notre roi dont le regard m'indiqua tant l'angoisse que l'hésitation. On l'avait pourtant préparé à cela toute sa vie. Il savait quoi faire, il devait savoir quoi faire et...— Hayes, tu...— Ne t'adresse pas au roi de la sorte, coupa Tobias, me fusillant du regard.— C'est seulement que...— Ça va aller, reprit Hayes, le visage étrangement plus calme. Levez-vous.Obéissant, je m'étais à nouveau reculé. Me comporter différemment que je ne l'avais fait jusque-là... Il s'agissait de mon cousin, d'un garçon avec lequel nous avions grandis, Tobias et moi. Comment ce dernier pouvait-il ?...— Accompagnez moi jusqu'à sa chambre, ordonna Hayes.Sa voix était claire, ferme, bien plus qu'elle ne l'avait jamais été face à nous, comme si son rôle avait pris le pas sur notre relation. Un rôle que mon frère respectait au pied de la lettre, s'inclinant de nouveau pour l'inviter à le suivre, pour m'ordonner à nouveau de les suivre. Et je le fis. Silencieusement. Traversant le château, entouré d'hommes et de femmes qui saluaient le nouveau roi et ce jusqu'à la chambre de l'ancien monarque.Pénétrant dans la pièce, je m'étais à nouveau incliné, genou à terre, face au lit de celui qui avait été mon grand-père, gisant aujourd'hui au milieu de ses draps de soie blanche. Comment était-il ? Avait-il vraiment l'air d'un mort ? D'ailleurs... A quoi ressemblait un mort ? Je n'en avais, finalement, aucune idée, n'en ayant jamais vu. Et la réalité ne fut pas à la hauteur de mon imagination. Il était seulement là, endormi. Il avait presque l'air paisible ou en tout cas bien plus serein qu'il ne l'était de son vivant au point même que je ne reconnaissais pas son visage.— Est-ce vraiment lui ? murmurai-je à Tobias, resté à mes côtés.Évidemment, mon frère ne me répondit pas, préférant me fusiller du regard alors que ma tête se baissait et que mon père, conseiller du roi, prenait parole.— Le Roi Wihtred I est mort ce jour à treize heure et cinquante cinq minutes. Par la présente, je proclame le Prince Hayes, fils d'Alwyn, prince d'Hapalan, nouveau Roi d'Hapalan.A ces mots, tous s'inclinèrent, genou à terre, face à ce jeune roi, ce nouveau roi qui allait désormais régner sur ce pays, l'Hapalan.Coincé entre montagnes et mers, l'Hapalan n'avait jamais été un pays difficile à gouverner expliquant sûrement pourquoi notre famille régnait depuis de nombreux centenaires, déjà. Mais à vingt cinq ans à peine... Pouvait-on être réellement prêt pour gouverner un pays entier ? Il n'avait de toutes les manières pas le choix. Au moins mon père l'aiderait-il dans cette tâche alors que ce dernier se relevait, nous permettant d'en faire de même.— Êtes-vous prêt à aller signer le décret qui fera de vous le roi officiel ? demanda-t-il alors sans le moindre sourire, ni la moindre compassion envers son neveu.Un hochement de tête. C'est tout ce qu'il obtint et ce qu'il voulait, d'ailleurs, pour quitter la chambre accompagné de mon cousin et ce qui allait devenir ses suivants. Des petits chiens comme les appelaient mon frère lorsque nous étions plus jeunes.— Penses-tu qu'il survivra à la horde de petits chiens ? me permis-je même de plaisanter à son encontre alors que nous étions restés seuls.— Ne manque de pas de respect, gronda-t-il en faisant volteface pour suivre les pas des suivants.Oui... C'était lorsque nous étions jeunes. Et tout avait bien changé depuis.Soupirant, j'avais de nouveau observé le corps de mon grand-père. C'était finalement dommage de ne rien ressentir d'autre que de la peine pour mon cousin alors qu'un membre de ma famille venait de mourir...— Monsieur ?Arquant un sourcil, je m'étais tourné vers la voix dont la propriétaire venait de passer la tête par la porte.— Votre mère vous demande... Et la mienne vous a fait monter de quoi vous réconforter dans vos appartements...— Ah... soufflai-je. Merci Ruth... Et tu remercieras ta mère aussi. Elle avait après tout toujours su comment me réconforter lorsque je revenais d'un rendez-vous en tête à tête avec ma mère.Et sûrement aujourd'hui n'allait-il pas faire exception. Mieux valait, d'ailleurs, que je ne la fasse pas attendre. Quittant la chambre sans même un dernier regard sur le corps du vieux roi, j'avais ainsi traversé le château, constatant son silence revenu, pour me rendre chez ma mère face à qui je me présentai.— Un bal va être organisé pour ton cousin, commença-t-elle sans la moindre forme. Tu seras chargé de sa sécurité avec ton frère. Ordre de sa majesté.Hochant la tête, je n'en étais pas réellement surpris. Tobias et moi avions été engagé dans l'armée du royaume depuis trois mois déjà afin de nous préparer à une guerre qui sûrement n'aurait jamais lieu tant les frontières du pays étaient paisibles depuis des dizaines d'années.— Pour autant, en tant que membre de la famille royale, tu devras être apprêté comme il se doit. Des vêtements ont été portés à tes appartements.— Oui, Madame, acquiesçai-je.— Tu devras te tenir correctement, pas un mot, pas un geste qui ne soit en faveur de ton cousin.— Oui, Madame.— Ton frère se tiendra au plus près de lui. Tu devras rester quelques pas derrière lui. Jamais devant. Est-ce bien clair ?Oui. C'était clair. Tobias était mis en avant en tant qu'aîné. Une normalité qui ne me choquait pas tant elle était naturelle, tant l'on nous l'avait fait accepter dès notre plus jeune âge. Hochant ainsi la tête, ma mère m'avait observé de la tête aux pieds avant de soupirer.— Tu coifferas tes cheveux. Ils ne ressemblent à rien. Combien de fois t'ai-je dit de ne pas les couper ?— Je les préfère courts, Mère, avais-je simplement expliqué, provoquant son exaspération.— Essaie au moins de prendre exemple sur ton frère et ton cousin, gronda-t-elle avant de me chasser d'un geste de la main.Aujourd'hui avait donc bien fait exception, me soufflai-je en quittant rapidement les lieux pour éviter une altercation pourtant habituelle entre nous. Je ne m'entendais pas avec ma mère. Du moins... Je ne m'entendais plus vraiment avec elle depuis que j'avais rejeté par deux fois son désir de mariage avec l'une de nos cousines éloignées dont je ne supportais ni la vue ni l'odeur. Un affront, d'après elle, qui l'obligeait à me le faire payer depuis.Enfin... Au moins étais-je chez moi, dans mes appartements, seul ou du moins suffisamment accompagné par mon seul véritable ami, Rainy, un jeune lapin albinos que j'avais adopté il y avait de cela quelques mois.Glissant sur le sol, je l'avais d'ailleurs laissé venir alors que ma main se portait au-dessus de moi, sur la table contre laquelle je m'étais assis, pour picorer les biscuits préparés par Aleah. Un délice de réconfort, il allait sans dire. Et lorsque je voyais la tenue parfaitement installée sur mon lit... Dieu seul savait combien j'allais en avoir besoin.