Cela fait environ trois ans et demi depuis ma naissance, et il semblerait que je doive désormais me débrouiller tout seul.
C’est mon dernier jour à l’orphelinat. Je dois partir pour aller vivre seul dans l’ancienne maison familiale.
Selon la matronne, je suis suffisamment grand pour veiller sur moi-même,soutenu par le fait que je semble être un enfant précoce.
J’ai commencé à parler à dix mois et à marcher à quinze.En plus, elle m’a dit que la guerre faisait beaucoup d’orphelins et qu’elle devait se débarrasser des plus débrouillards pour faire de la place aux nouveaux arrivants.
C’est vrai qu’on est en guerre, la troisième, si j’ai bien entendu les femmes de ménage.
On a accepté ce fait, et on m’a donné une heure pour faire mes affaires avant de m’emmener chez moi.
Je me lève de mon lit, il est 5h30, et je vais me laver seul dans l’une des nombreuses douches communes de l’orphelinat.Je lave mes cheveux mi-longs, bruns foncés, puis me sèche.
Je regarde mon reflet dans le miroir, et je ne suis même plus étonné de mon apparence.
J’ai beaucoup changé depuis ma naissance. Mon corps est différent de ce qu’il était à cet âge dans ma vie précédente.En fait, je commence à lui ressembler. C’est sûrement dû aux gènes, comme mes yeux.
À moins que ce ne soit juste que les yeux, et que je projette.
...
Il est 6h, mon rendez-vous est fixé à 6h45.
Je m’habille rapidement, enfilant un simple t-shirt noir et un pantalon bleu foncé, puis je range mes quelques affaires dans une sacoche noire que je porte en bandoulière. Le silence matinal de l’orphelinat est lourd, presque pesant. Mes pas résonnent faiblement dans le couloir déserté, me ramenant à la réalité : c’est aujourd’hui que je quitte cet endroit.
Je me dirige vers la sortie, mon cœur battant un peu plus vite. Devant la porte, appuyé contre le mur d’enceinte, un homme m’attend. Un ninja.
Je fronce les sourcils. Pourquoi un ninja pour m’accompagner ? Mes questions sont interrompues par sa voix, sèche et froide.
« Ah, pile à l’heure, » dit-il sans même me regarder.
Je l’observe. Il est grand, imposant, et son corps musclé trahit des années d’entraînement. Ses cheveux, coupés en brosse, sont d’un blond sale, et son visage, marqué par les années et la guerre, est figé dans une expression dure, presque méprisante. Il porte la veste d’un chūnin, l’insigne de son rang clairement visible.
« Un chūnin ? » Je reste surpris. Envoyer un ninja de ce grade pour m’accompagner, un gamin ? En pleine guerre, alors qu’ils devraient être sur le front... Qu’est-ce que je vaux vraiment aux yeux des adultes ?
Son regard ne croise toujours pas le mien. J’ai l’impression d’être un dossier à boucler, un poids dont on veut juste se débarrasser vite fait.
Pourtant, quelque chose dans son attitude me met mal à l’aise. Un instinct primitif me dit qu’il cache plus qu’il ne laisse paraître. Qu’il est plus qu’un simple garde.
Je serre les poings. Peu importe qui il est, peu importe ses intentions.
Je suis Kiyoshi Takikara, petit-fils de Kakuzu, et je n’ai pas l’intention d’être un poids mort.
« On y va ? » finit-il par demander, la voix tranchante, comme pour me forcer à sortir de mes pensées.
Je hoche la tête, prêt à affronter ce qui m’attend.
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Soken affichait une mine ennuyée, les sourcils froncés, mais au fond de lui, il était aux aguets, son esprit vif et curieux. On lui avait confié la mission de « veiller » sur le dernier descendant des Takikara. Une tâche qu’il prenait au sérieux, malgré son agacement évident.
Cette fois, on lui avait demandé d’abandonner l’habit habituel de l’Anbu de Taki pour revêtir la veste plus commune de chūnin. La consigne était claire : ne pas effrayer l’enfant, éviter tout soupçon.
Comme tout le monde, Soken connaissait l’histoire de Kakuzu. Alors, apprendre que sa cible était le petit-fils du ninja redouté lui avait coupé le souffle.
Je me demande si ce gamin est aussi exceptionnel que son ancêtre, pensa-t-il en se préparant mentalement à cette rencontre.
Soudain, une puissante décharge de chakra se fit sentir.
Déjà une telle masse à 4 ans ?! C’est du niveau d'un enfant en deuxième année à l'académie ! s’alarma-t-il intérieurement, tentant de garder son visage impassible.
Il se força à adopter un ton calme et distant, lançant d’un air désintéressé :« Ah, pile à l’heure. »Il fixait distraitement un groupe de papillons virevoltant non loin.
« Je déteste être en retard et qu’on me fasse attendre, c’est un principe. » répondit une voix d’enfant, posée, dénuée de toute naïveté.
Soken se retourna lentement, et là, il resta figé, le souffle coupé par une terreur muette.
Bordel, c’est vraiment lui. C’est lui, en petit.
Comme tout shinobi, il avait vu le portrait de Kakuzu dans les manuels d’académie, maintes fois. Ainsi que les nombreuses et très détaillées descriptions de sa personnalité.
Discipline, pragmatisme qui frôle le cynisme. Distant, rarement expressif, et émotions souvent cachées derrière un masque d’indifférence ou de mépris.
Et ce petit garçon en était le portrait craché : des yeux rouges aux iris verts perçants, des cheveux brun foncé tombant en mèches soignées, une peau claire, presque pâle. Même un idiot ferait le lien.
Soken sentit une boule de panique monter en lui, plus vive que tout ce qu’il avait pu ressentir en cinq ans dans l’Anbu.
Même son style vestimentaire lui ressemble. Incroyable...
Le petit garçon le regarda calmement, un léger sourire en coin effleurant ses lèvres.« Un problème ? » lança-t-il, comme s’il lisait dans ses pensées.
« Hum, non rien... Allons-y, ne perdons pas de temps, » balbutia Soken en se détournant, cherchant à masquer son trouble.
Ce n’était pas juste les traits physiques, même si la ressemblance était troublante : les yeux rouge pourpre avec leurs pupilles vertes, le teint pâle, les cheveux sombres, et même la façon de s’habiller. Non, c’était ce regard dur, cette manière d’exprimer des choses avec une maturité froide, comme s’il portait sur ses épaules le poids d’une vie bien plus longue.
Soken se pinça l’arête du nez, le cœur battant plus vite qu’il ne voulait l’admettre. Il se souvenait des histoires, des missions, des rapports sur Kakuzu. Une légende terrifiante, un homme impitoyable, prêt à tout pour survivre et accumuler richesse et pouvoir.
Et maintenant, ce gamin. Ce gamin était censé être son protégé, sa mission.
« Putain, pourquoi moi ? » pensa Soken, la gorge nouée.
Il voulait y croire : que ce n’était qu’une coïncidence, qu’un simple enfant, pas le monstre légendaire réduit en version miniature. Mais la réalité le frappait de plein fouet. Ce n’était pas un hasard. C’était lui. Le dernier Takikara.
Une pression immense s’abattit sur ses épaules. Protéger (ou plutôt surveiller, bien qu'il ne comprenne pas le but) cet enfant, c’était bien plus que d’une simple mission. C’était un défi impossible, un poids qu’il sentait déjà l’écraser.
Surtout, il ne devait pas laisser transparaître sa peur. L’enfant le regardait, attendant la suite.
Soken prit une profonde inspiration, fit disparaître toute émotion de son visage, et murmura : « Oui, suis-moi. »
Ils reprirent leur marche vers cette maison, la nouvelle maison du petit.