webnovel

Le commencement

C'était une taverne de bonne apparence située à la frontière de Mirabelle ou une foret touffue faisait barrière. Derrière la bâtisse sculptée en pierres se tenaient des écuries ou les chevaux des voyageurs venus des quartes coins du Royaume d'Acra broutaient tranquillement les fourrages que Siya leurs tendait.

L'un d'eux, d'une auteur d'un mètre, sans doute le plus jeune d'entre eux, s'approcha lentement de la jeune femme émerveillée par la beauté de sa robe d'ébène à la seule différence de ses poils, crins et extrémités qui étaient d'un brun plus ou moins foncé. Les pupilles de l'animal semblaient bien fixés sur la pomme qu'elle tenait sur la paume des mains.

L'animal manqua la pomme qui tomba sur le sol, ce qui fit rire Siya.

- Il m'en reste pas mal, ne sois pas pressée, tu ne manqueras pas de faim mon ami ! s'esclaffa la jeune femme d'une vingtaines d'années.

Siya s'empressa d'en reprendre une nouvelle bien mur dans son panier en osier qu'elle avait laissé au pied d'un vielle arbre majestueux ou de petits écureuils avaient trouvé leurs abri.

Après l'avoir nourri, l'animal poussa un hennissement de gratitude ce qui fit sourire de plus belle la jeune femme au visage radieux qui essuya ses mains sur le tablier blanc de sa robe bleu ciel qui rimait parfaitement avec son teint clair.

- Assez pour toi, mon brave, il est temps de nourrir tes camarades également, chuchota la jeune femme avant d'entendre des pas qui semblait venir de la porte arrière de la taverne, des cuisines.

Siya tourna la tête manquant de tournoyer au vent des petites mèches brunes rebelles et leva le regard, son attention à présent sur la silhouette masculine qui marchait vers elle.

- Siya, entendit-t-elle, je te remercie de t'occuper de mon étalon en premier, j'en suis honoré.

Le son de la voix forte tirant vers les graves permit à la jeune femme de reconnaitre l'individu qui se tenait à présent devant elle. Et pendant un moment elle pensait rêver.

Une douce émotion en elle se vit réveiller.

Un éclat exquis qui fit naitre un sourire sincère sur ses lèvres et quelques larmes.

Tel une harmonieuse mélodie faisant chavirer son cœur.

- Charles ! S'exclama-t-elle de bonheur, tu...tu...tu es revenu mon frère ! bégaya-t-elle avant de se précipiter pour l'enlacer d'une étreinte qui décrivait bien l'amour qu'elle lui portait.

Ils restèrent de longues minutes enlacés l'un près de l'autre jusqu'à ce que l'homme à la barbe naissante d'un brun de la même couleur ne réplique posant ses mains sèches aux longues phalanges sur le visage doux de sa sœur:

-Laisses-moi donc te voir, murmura-t-il sans doute sous l'effet de sa joie et leurs yeux tous deux s'illuminèrent d'une lueur d'affection.

Charles fut surpris par le changement de ses traits depuis son départ il y a quatres ans de cela. Son visage avait maigri mais avais conservé son éclat et ses inflexions. Ses pommettes étaient roses tels les extrémités de la fleur de lotus. Mais ce qui se distinguait davantage, s'était ses yeux: quoiqu'ils fussent verts, ils semblaient bleus tel la couleur du ciel à cause de la lumière du soleil et semblaient le fixer avec une innocente hardiesse qui fit étendre son sourire.

- Comme tu as grandi Siya, finit-il par annoncer après un long silence ou seuls leurs regards parlaient.

Face à sa remarque, la jeune femme laissa s'écrouler une larme de bonheur, qu'il essuya délicatement.

- Toi, tu as bien vieilli je devrai t'appeler vieux Charles à présent, rétorqua-t-elle en riant.

La mine faussement outré, ils restèrent un moment à se fixer avant de s'esclaffer en même temps.

A cet instant présent, Siya sentit que les mots lui manquaient pour décrire les émotions face à ces retrouvailles. Et si cela était un rêve, elle ne voulait aucunement se réveiller.

Un simple regard rempli de complicité lui suffit pour exprimer l'ampleur de ses sentiments face au retour de son cher frère et le temps sembla suspendu face à l'intensité du moment présent si précieux.

Seulement la jeune femme fut sorti de sa transe de bonheur par des seconds pas qui les empêchèrent d'échanger plus, car devant eux se tint une nouvelle personne que la jeune femme n'avait jamais rencontré auparavant.

- Siya, je te présente mon cher ami soldat Yem, nous avons fais route ensemble. Il restera avec nous pour quelques jours à la taverne, fit Charles après quelques minutes de silence.

Aux dires de son frère, Siya s'inclina courtoisement, au même moment que le dénommée Yem ne la salue également d'un geste presque solennel en levant son chapeau rouge comportant un ruban à gros-grain en soie et un lacet en cuir.

- Mlle Siya, ravie de faire votre connaissance. Charles m'a bien parlé de vous.

S'était une voix presque métallique mais dont chaque mot était prononcé avec douceur et assurance, ou du moins c'est ce que la jeune femme cru percevoir.

- Merci, le plaisir est partagée, merci pour votre service également et d'avoir pris soin de Charles, répondit la jeune femme timidement.

La dynamique qu'elle avait ressentie quelques minutes plus tôt fut chamboulée par la présence de cet étrange inconnu et fit croite en elle une légère nervosité.

Les soldats de la brigade royale était hautement distingué et avait le respect de tous. Car il était bien connue que depuis des décennies ils assuraient et continuer d'assurer la protection de Mirabelle des potentiels attaques en longeant les frontières et parcourant des kilomètres afin de chasser les monstres pouvant représenter une réelle menace, et en protégeant les commerçants, qui comme son frère, voyageait sans cesse dans l'espoir de vendre toutes sortes de marchandises entre les empires.

Un accord de paix permettait de faciliter les échanges et de vivre en prospérité au sein du Royaume d'Acra divisé en quatres grand empires: Mirabelle, Frost, Tess et Bloom. Les prémisses d'une guerre n'était nullement envisageable puisque les empires partageaient des liens de sang et étaient ainsi intrinsèquement reliées. L'empereur George IV et souverain de l'empire de Mirabelle avait marié ses quatres jeunes filles aux empires voisins ce qui avait permis d'une certaine façon d'établir de bonnes relations diplomatiques. Ce geste purement politique avait gagné le respect de bien de sujets mirabelliens qui vouait une profonde gratitude envers le souverain et la famille royale...

Un long silence se fit dans lequel Siya pouvait sentir peser sur elle le regard soutenu d'une pointe de curiosité du jeune soldat qui paraissait etre du même âge que son grand frère, environ la trentaine.

Elle jeta à son tour quelques coup d'œil furtifs, éprise également d'une admiration étrange envers le premier soldat à avoir rencontré de près.

Son front volontairement caché par sa casquette militaire dont le ruban rosé faisait référence à la fleur de lotus, emblème de l'empire, lui procurait un aire presque mystérieux. Ses yeux paraissait couverts de reflets bruns dansantes tels les flammes de bougies. Le cou serré par une écharpe de soie noir, il semblait quelque peu fatigué. Une fatigue accentuée par les bords de son chapeau projettant un sillon noir sur le haut de son visage garni d'une barbe beaucoup plus imposante que celle de son frère. Ses joues étaient creusées carrément par la saillie des mâchoires, ses dents encore blanches paraissaient symétriquement tirés sur ses lèvres d'une couleur pale . Le contraste de ses beaux yeux et la maigreur de ses joues, tout lui donnait un air passablement féroce qui la déstabilisa.

Le long silence fut brisé ce qui mis fin à sa contemplation.

- Rentrons à l'intérieur, il commence à faire froid et je ne sais pas pour vous, mais j'ai sacrément faim.

Siya acquiesça en riant de bon cœur accompagné par le mystérieux soldat qui les suivit calmement à l'intérieur...

...

Douria, la mère de Siya et Charles, posa l'énorme soucoupe de soupe au fromage au centre de l'humble table en bois situé dans les cuisines de la taverne.

- C'est prêt ! Mais attention, c'est bien chaud ! Soldat Yem laissez moi vous servir une souche.

- Merci Madame.

- Mon mari et moi-même nous excusons pour le peu que nous pouvons vous offrir. Il n'est pas bien loin, il devrait revenir à tout moment.

- Je vous assure que votre amabilité est beaucoup plus quémendable, je vous en remercie infiniment.

Assise à l'extrémité de la table, Siya écoutait avec patience la discussion entre Charles et le soldat Yem en attendant avec hâte le retour de son père, qui était allé à l'aube muni de sa longue hache pour couper du bois.

Le soleil se couchait assez tôt durant cette période de l'année ou il commençait à faire frais. Ainsi, Finn le père de famille n'avais autre choix que d'aller couper du bois en préparation aux futures intempéries. Il s'aventurait d'habitude dans le foret Oris pas bien loin de la Taverne familiale situait non loin de la frontière entre Mirabelle et Frost, un point stratégique pour attirer le maximum de passants, tout naturellement. La Taverne était aussi leur lieu de vie et de par sa localisation se trouvait isolée du centre-ville.

Aussi, durant cette période, Siya ne pouvait que s'inquiéter car la bâtisse était particulièrement vide durant la saison froide, il n'y avait ainsi que très peu de voyageurs assez courageux pour affronter les débuts d'hiver, la glace et les tempêtes.

C'est que les vents froids émanent de Frost, l'empire limitrophe migraient chaque hiver vers Mirabelle, ce qui rendait le voyage des plus compromettant.

- Siya, ma fille. N'as-tu donc faim ?

La jeune femme aux belles boucles brunes fut sortie de ses pensées par la voix douce et avenante de sa mère qui la fixait d'un air inquiet.

- Elle est sans doute abasourdie par l'élégance de son frère et sa prestance nouvelle, lança Charles d'un ton faussement sérieux.

- Ou plutôt de la vieillesse de mon pauvre frère, rétorqua Siya, l'ombre d'un sourire dessiné sur ses lèvres rosées.

- Oh ! Voilà ces deux là qui reprennent leurs folies, fit la matriarche qui continua sur le ton de la confidence, vous savez soldat Yem lorsque Charles était parmi nous il ne faisait que taquiner sa sœur et elle de même, tel le chat et la souris.

- Mère ! crièrent en cœur Siya et Charles embarrassée par ces dires.

Tous deux dévisagèrent le soldat Yem qui ne put s'empêcher de sourire tous en faisant flotter sa cuillère dans la soupe à l'odeur délicieuse.

Embarrassée, Siya se dépêcha de manger, et la conversation repris son train comme si de rien n'était.

Elle était si heureuse de revoir son frère qu'elle en avait les larmes aux yeux. Ces moments en famille étaient si précieux et valaient toute l'or du monde. Car le bonheur se résume bien toujours à des gestes simples.

Elle admirait également Charles pour son courage et sa bravoure car s'était bien grâce à ses efforts entre autres qu'ils pouvaient vivre paisiblement. La jeune femme se rappellera toujours du jour ou il avait déclaré à leurs père qu'il se lançait dans le commerce de la soie, deux ans auparavant et qu'il avait préalablement épargné le peu de monnaie qu'il avait gagné en travaillant comme artisan pour acheter une première marchandise. Son père était entré dans une colère folle se souciant du voyage difficile de son fils pour transmettre la marchandise jusqu'à Frost ou la demande en ce produit était élevée au sein de la noblesse. Mais il avait fini par abdiquer et l'avait serré d'une poignante étreinte le jour du départ de son fils.

Charles ne le savait sans doute pas mais Siya avait était la seule témoin des rivières ruisselantes que leur père avait versé des jours durant l'absence de son fils.

« Père sautera de joie de le revoir », songea Siya alors qu'elle s'empressait de terminer son repas.

Elle leva ses yeux et eu l'erreur de remarquer les prunelles enflammées du soldat qui la fixait avec insistance. La jeune femme ne savait que penser de ce nouveau visiteur, mais faisait confiance au jugement de son frère malgré l'étrange effet qu'elle ressentait en sa présence. A première vue, le soldat Yem était un homme poli, respectueux mais subtilement mystérieux derrière son calme, cette placidité imperturbable presque...irréelle qui lui procurait de légers frissons...

- Siya, ma fille, pourrez-tu guider notre invité vers sa chambre. Il doit être épuisé par ce long trajet. Charles, il te faut du repos également, je te réveillerai une fois que ton père reviendra, lança Douria en se levant en premier de la table.

- Je vous remercie pour votre hospitalité Madame Douria, répondit le soldat d'une voix grave avant de se redresser également.

Siya obéit pendant que Charles aidait leurs mères à ranger les couverts. La jeune femme ouvrit la porte qui donnait sur un petit escalier et commença à gravir les marches, une lanterne à la main, sans un regard pour le soldat, comme si elle eut été seule, visiblement déstabilisée par cet unique personnage. Le soldat la suivit dans un long silence. Seul le crissement de leurs pas résonnait sur les marches consumées par l'humidité.

La Taverne était divisée en quatres étages bien distincts : le premier comprenait les cuisines, le hall et une petite réception située près de la porte principale ou l'on recevait les visiteurs, le second étage comprenait quatres chambres familiales séparé des deux autres restants qui n'empruntait pas la même porte, alors que le troisième et quatrième étage était connectés par un étroit escalier que la jeune femme et leur hôte dévalait actuellement. Les derniers étages étaient ainsi dédié aux voyageurs et étaient composés d'une douzaine d'appartements.

Arrivé devant une première chambre, Siya s'arrêta quelque peu essoufflée et se retourna vers le soldat qui resta lui aussi immobile.

Il semblait mesurer le long silence qui les unissait. La jeune femme aux yeux vert émeraude tressaillit mais tenta de rester de marbre.

- Votre chambre pour la nuit, murmura-t-elle en tremblant malgré sa volonté.

Le soldat ne dit rien durant de longues minutes qui parurent des heures pour la jeune femme au teint clair. Elle pouvait sentir sa respiration devenir erratique et fut surprise de remarquer la différence dans leurs tailles qu'à présent seule en sa compagnie. Il était immense et mince. En levant le bras il eut touché avec une facilité déconcertante les charpentes tapissant le plafond.

Soudainement, Siya vit naitre un sourire sur ses lèvres. Un sourire grave et sincère sans nulle trace d'ironie. Puis il s'arrêta sur le seuil et dit de sa voix grave : « Votre famille est aussi charmante que vous-même. Je vous souhaite une très bonne nuit Mlle Siya. »

Un frisson. Puis un second parcouru son échine.