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Chapitre 4 : La lettre

"Des ruines elfiques sont présentes dans tout le continent malgré cela même les rares personnes les étudiants ont encore de grandes difficultés à comprendre ce à quoi elles pouvaient servir."

Galäm était pensif. Il venait d'ouvrir la lettre, et ce qu'elle contenait, comme il le craignait, n'augurait rien de bon pour lui. En effet, le roi Entalar Armodens, premier du nom, son père, lui imposait d'être présent lors d'une assemblée des dirigeants de chaque région. Galäm serait ainsi son faire-valoir auprès du peuple et sa marionnette auprès du conseil.

cette assemblée devait avoir lieu dans à peine une semaine, ce qui les mettait dans l'urgence. Mais Galäm ne savait guère ce que son père pouvait bien attendre de lui, et rien de bon ne lui venait à l'esprit. Donovan, quant à lui, semblait voir cela comme un exercice de pouvoir. Il ne s'en inquiétait aucunement, du moins c'est ce que montrait son visage, qui restait impassible. Il était parfois difficile de lire le visage du vieil homme, car sa longue barbe grisonnante de sagesse, pourtant uniquement liée à son âge vénérable, masquait aisément tout sursaut d'émotion.

Une semaine, cela ne lui laissait à peine le temps de se préparer. La route de Yomanra à Etelor est certes courte, cependant, le prince ne souhaitait pas se contenter de suivre la route. Il savait que trop bien qu'une fois à Etelor, il serait condamné à y séjourner un long moment, presque une éternité pour un jeune homme souhaitant déjà tout savoir comme Galäm. Or, il se trouve que quelques ruines elfiques vulgairement dessinées sur sa carte des lieux avaient attiré son attention.

La passion des savoirs antiques que lui avait transmise Donovan, passion qui pour le sage était plutôt de l'ordre de l'obsession d'ailleurs, avait poussé Galäm à vouloir à tout prix profiter de cette rare occasion pour y faire un tour. Peut-être aussi que le prince se doutait que Donovan serait plus enclin à y faire un détour. Cependant, le délai que lui imposait son père ne lui laisserait alors que quelques jours pour les explorer. C'était à ses yeux ce qui l'attristait le plus. Il choisit les ruines d'Etelm Nar, car elles sont suffisamment proches d'Etelor pour répondre à son devoir tout en gardant suffisamment de marge pour se rincer les yeux allègrement de toutes ces antiques beautés tout en se perdant dans ses rêveries habituelles. 

Ces ruines dont il avait été bercé enfant par des légendes étaient, selon le savoir actuel des humains, utilisées pour le raffinement de la magie liquide. Celle-ci était extraite d'un minerai présent dans tout le continent, bien que les principaux gisements connus se trouvent généralement dans les montagnes de Magnär Hagal, le territoire des Nains. Le savoir lié à ce raffinement est actuellement perdu. Il était considéré dangereux et inutile aux yeux des humains, qui n'avaient aucunement besoin de raffiner la magie pour que leurs mages, naturellement sensibles à cette dernière, soient capables de l'exploiter. Les légendes racontent d'ailleurs que les feux utilisant ce combustible semblaient ne jamais s'éteindre. Pourtant, aucun n'est allumé aujourd'hui. Tous les savants humains se demandaient bien sûr à quoi bon faire tant d'efforts afin d'achever quelque chose d'aussi simple. Cependant, très peu d'hypothèses ont jusqu'alors apporté des réponses satisfaisantes aux yeux de Donovan.

C'était cette passion ardente pour ce qu'ils ne pouvaient comprendre qui les avait initialement poussés à en apprendre toujours plus. Or, s'ils voulaient assouvir cette passion, il leur faudrait rester discrets, car aucune perte de temps futile ne serait tolérée autrement. C'est pourquoi ils devraient éviter les moyens de transport officiels. Actuellement, Galäm se doutait que seul lui et Donovan connaissaient le contenu de la lettre. C'est pourquoi il se permit de charger un garde de lui trouver un moyen de transport simple et rudimentaire, prétextant alors avoir besoin d'une simple charrette pouvant contenir quelques vivres venant de Yomanra pour la capitale. Il précisa, afin que le garde ne se pose pas trop de questions, qu'il s'agissait là de quelques mets et bouteilles millésimées de me-rior, le meilleur alcool d'Eseka, une bouteille interdite à la consommation à Etelor et ce depuis qu'un mage avait justifié son coup de folie destructeur par l'enivrante amertume de la bouteille, ayant depuis lors la réputation d'une boisson démoniaque.

Pourtant, celle-ci n'a jamais été aussi populaire auprès de la noblesse du royaume que lorsqu'elle fut interdite. Le garde sourit alors naïvement en réponse, puis prit d'une soudaine fierté pour son rôle, sûrement dû à la confiance que venait de lui témoigner le prince, ou peut-être au filet de bave à peine masqué que lui procurait l'idée de la boisson. Il se mit au garde-à-vous, puis s'exécuta. Lorsque le garde fut parti, Galäm dit sur un ton léger : « Selon vous, Donovan, pour quelles raisons le roi aurait besoin de moi au conseil ? »

Il compléta, avant que Donovan ne puisse donner son avis : « Une guerre serait improbable et il n'aurait nul besoin de mon autorité moindre. Quant à appliquer quelques décrets, il a bien des messagers pour cela, portant sa parole à travers tout le royaume. » Galäm insista sur ses mots, puis continua : « Tout le reste me semble futile et inintéressant. Alors pourquoi donc cette urgence ? Il sait bien que nous sommes éloignés d'Etelor. »

Donovan répondit ainsi, sur un ton joyeux, souriant face à la perspicacité du prince mais aussi à ses inquiétudes :

« Hé bien, mon prince, j'ai bien peur que notre roi ne soit pas un homme facile à lire. S'il dit que c'est urgent, alors ça l'est. Et s'il pense que c'est nécessaire, alors nous devrions être présents. Cela éclaircira au pire nos doutes. »

Galäm se contenta de cette réponse. Il se doutait que son ami ne pouvait répondre à son attente, mais cela l'avait au moins rassuré. Après tout, le conseil ne durerait guère bien longtemps. Peu importe l'usage qui lui serait réservé, il serait ensuite libre, du moins l'espérait-il, de vaquer à ses occupations d'une importance bien supérieure à ses yeux. Prévoyants tout de même, lui et Donovan s'attelèrent à organiser leur voyage. Il leur fallait des provisions, mais aussi, malgré le mécontentement du prince, quelques gardes, car les terres sauvages pouvaient être peuplées de bêtes et de brigands imprévisibles. Donovan se chargerait lui-même de ces tâches, car le prince ne pouvait que difficilement masquer sa présence une journée entière. Ils se mirent alors d'accord sur quelques formalités, puis Donovan prit congé. 

Le lendemain à l'aube, un messager vint à la rencontre du jeune prince. Celui-ci tenait une autre lettre lui étant destinée. Galäm, cette fois-ci, fut ravi, car elle portait le sceau du vieux sage Donovan. Il se demanda tout de même pourquoi il avait choisi de lui envoyer une lettre alors qu'il ne devait se trouver qu'à quelques pas d'ici, mais il ne s'en inquiéta pas cette fois-ci. Galäm remercia le messager d'un humble geste de la main, lui montrant toute son estime selon les coutumes du royaume des hommes. Les gestes et mots du langage commun avaient été redéfinis durant les premières années du règne de son père afin de simplifier la communication entre les royaumes humains. Avant cela, chaque royaume avait des mœurs bien différentes, mais désormais, dans le but de saluer un homme, il fallait lever la main puis la baisser lentement d'un geste gracieux vers son cœur. Ce geste mêlait plusieurs coutumes : celle du nord, dans la province de Hagalaz, où toute personne souhaitant manifester ses sincères salutations levait la main en formant une légère courbe arquée, et celle du sud, dans la province de Teneke, où les gens montaient la main vers leur cœur et s'inclinaient légèrement. Certaines personnes parlent aussi de Gebo, où la coutume est au contraire de baisser la main lentement afin de masquer son visage. Cependant, le roi n'avait probablement que de vagues connaissances des coutumes de Gebo, bien qu'il fût très tôt un rôdeur de Teneke ainsi qu'un curieux voyageur sans cesse sur la route dans sa jeunesse.

Une fois le messager suffisamment éloigné pour que Galäm soit assuré que nul autre que lui ne verrait le contenu de la lettre, il l'ouvrit d'un geste droit et rapide qui soulignait son impatience puis lut :

« Prince Galäm, nous nous retrouverons à la taverne de Yömun. Cette taverne se trouve non loin du port ; vous la trouverez facilement en longeant la rive nord. J'y ai rassemblé quelques bonnes âmes qui pourront nous accompagner vers Etelor afin d'assurer notre sécurité tout au long du voyage. »

Il n'en fallut pas plus pour que Galäm enfile sa cape. Il fit tout de même attention en partant à ne pas trop traîner sous les yeux des gardes. L'un d'eux aurait pu autrement, en toute bonne foi, se proposer de l'accompagner et ainsi le piéger malgré lui.