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Lointain Passé

Eiji abandonna précipitamment sa cuisine et s'approcha d'Ophélie. Bien que ses yeux ne laissassent transparaitre aucune peur, elle s'agrippait férocement aux draps du lit. Son regard se porta rapidement vers le jeune homme.

"Où suis-je ? Que s'est-il passé ? J'étais dans la forêt, et…"

Avant même de terminer sa phrase, elle se mit à pleurer, fourrant son visage dans les draps. Ne pouvant le supporter, Eiji s'approcha d'elle et posa sa main sur son épaule.

"Ne t'inquiète pas, tu es en sécurité. Je vais tout t'expliquer autour d'un repas. J'ai préparé de quoi te requinquer !" dit-il en souriant.

Elle leva de nouveau les yeux et sécha ses larmes.

"Et toi, qui es-tu ?"

Bien qu'elle attendît, visiblement impatiente, la réponse d'Eiji, ce dernier ne dit rien et se leva. Il ouvrit la porte de la penderie et en sorti la robe qu'il venait d'acheter. Il la posa sur le lit, face à Ophélie.

"Avant tout, habille-toi. Comme je te l'ai dit, je répondrai à toutes tes questions. Dès que tu as fini d'enfiler tes vêtements, vient t'asseoir à la table, là-bas." Dit-il en pointant la cuisine du doigt. "Le repas est presque prêt."

Elle tendit les bras et attrapa la robe, le geste hésitant. Elle regarda instinctivement sa propre tenue. Remarquant qu'elle n'était vêtue que d'un simple manteau qui ne couvrait qu'en partie son corps, son visage se para de rouge. Bien qu'elle ne dît rien, Eiji eu à subir son regard soutenu pendant de longues secondes. Instinctivement, il se dirigea vers la cuisine, et continua à préparer le repas, tout en lui tournant le dos. Lorsqu'elle eut terminé, elle le rejoignit et s'assit sur une chaise à côté de la table.

Etant donné qu'Eiji cuisinait, elle ne dit rien et le laissa terminer. Après quelques secondes d'attente, il lui servit un grand bol de soupe.

"Pour l'entrée, voici une soupe de légume. Comme tu n'as probablement rien manger depuis longtemps, on va commencer doucement pour ton estomac."

Rien qu'à l'odeur, elle pouvait dire que ses talents de cuisinier n'étaient pas si ordinaire. Elle prit sa cuillère en main, tout en le remerciant. Il prit également un bol de soupe et s'assit à côté d'elle.

"Tu t'appelles Ophélie, c'est bien ça ?"

Face à cette question, elle ne put s'empêcher de rire, manquant de s'étouffer.

"Tu me sauves et m'aides alors même que tu ne sais pas comment je m'appelle… Que d'altruisme !" Elle releva son menton et bomba le torse. "En effet. Tu as devant toi la première princesse du royaume d'Ortia, Ophélie d'Ortia !"

Voyant cela, Eiji ne put s'empêcher d'afficher un petit sourire moqueur. En fait, il lui était difficile de résister à l'envie d'éclater de rire ! Cela déplut à la jeune femme qui le pointa d'un doigt accusateur.

"Je peux savoir ce qui te fait marrer ?"

Ce fut la goutte d'eau, Eiji ne put retenir davantage son rire.

"Tu ne ressembles pas du tout à une princesse !"

Ophélie rougit à ces paroles. Partagée entre la honte et la colère, elle ne savait pas exactement comment réagir. Seul son père et sa meilleure amie osaient parler d'elle ainsi ! Mais il n'avait pas totalement tort. L'étiquette de princesse ne lui collait pas vraiment. Elle se tut donc et décida de changer de sujet.

"D'ailleurs, tu ne m'as toujours pas répondu ! Où sommes-nous ?"

Eiji redoutait plus que tout cette question. Maintenant il l'avait compris, Ophélie ne se souvenait de rien. Ou plutôt, il serait plus juste de dire qu'elle a fait un saut de plus de sept cent ans dans le temps. Pensif, son regard se perdit dans sa soupe qu'il faisait tourbillonner avec sa cuillère.

Sans qu'il ne le remarque, Ophélie s'était rapprochée et tenta de s'interposer du mieux qu'elle pouvait entre lui et sa soupe.

"Tout va bien ? Ne me dis pas que toi non plus, tu ne sais pas où nous sommes ?"

Eiji récupéra vite le sourire. "Non, non. Tout va bien. C'est juste que… Ce que je vais t'annoncer risque d'être assez difficile à entendre."

Intriguée, Ophélie se rassit sur sa chaise et l'écouta. Sa manière de jouer avec ses couverts trahissait son appréhension.

"En un sens, le royaume d'Ortia a été sauvé. Mais il a également disparu. Et ce, il y a sept cent-ans."

A ces mots, Ophélie se figea et ses yeux s'écarquillèrent. Elle ne pouvait pas croire ce qu'Eiji venait de dire. Malgré le choc, elle parvint à balbutier quelques mots.

"Sept… Sept-cents ans tu dis ? Mais… Et Elena… Père ?"

Eiji s'arrêta de manger. Il posa doucement sa cuillère, et baissa le regard. Il ravala sa salive avant de continuer.

"Je crains qu'il n'ait malheureusement tous disparu et ce depuis bien longtemps."

Le corps d'Ophélie se crispa. Elle fourra son visage entre ses genoux et se mit à pleurer, laissant s'échapper de petits cris de désespoir. Ne sachant comment réagir, Eiji tendis son bras et caressa la tête de la jeune fille, espérant la réconforter.

"Mais que m'est-il arrivé ? Qu'est-il arrivé à mon royaume ?"

Eiji continuait de la réconforter, tout en réfléchissant à ses prochains mots. Que pouvait-il bien lui dire ? Lui-même n'était pas expert en la matière. Tout ce qu'il savait provenait de quelques rumeurs qui circulaient dans les rues de Ninakami et de ce que lui avait expliqué son mentor. Les Ophéliens étant ennemis des Higashito, ces derniers étaient rares à connaître l'histoire exacte de ce pays !

Malgré tout, les événements de la journée avaient fourni quelques indices qui lui permettaient de recoller certains morceaux.

"Pour une raison que j'ignore, tu es devenue une dryade, une nymphe des forêts. D'après les légendes la princesse Ophélie d'Ortia se sacrifia pour sauver son royaume d'un mal qui le rongeait. La situation était si grave que rapidement, un nouvel ordre se souleva et tenta de remplacer l'ancien régime. Une religion dont le chef spirituel était une Sainte, et le chef militaire et politique le Pape. Tandis que l'influence de cet ordre grandissait, ils se séparèrent du royaume d'Ortia pour fonder leur propre ville sainte. Du nom de la personne qu'ils vénéraient, la Sainte Originelle, Ophélie, ils donnèrent le nom à cette ville : Ophélia. En moins d'un siècle le royaume d'Ortia disparu, remplacé par l'ordre des saintes."

Eiji se tut, tandis qu'Ophélie peinait à digérer ces informations. Elle releva la tête, les yeux rougeoyants et encore humides. Soudain, un large sourire se dessina sur son visage.

"Finalement, mes actions furent vaines et le royaume couru à sa perte…"

"Je pense que tu prends le problème à l'envers. Au contraire, tu as redonné de l'espoir au peuple. L'Ordre des Saintes et Ophélia en sont le plus bel exemple. Je pense que je me suis mal exprimé. Ils n'ont pas remplacé le royaume d'Ortia. Ils en sont son évolution. Sa continuité logique."

Le visage d'Ophélie se contracta de nouveau, et de nouvelles larmes humectaient déjà ses yeux. Avant même qu'Eiji ne put réagir, elle se jeta dans ses bras, murmurant des remerciements. Bien qu'Eiji ne sut pas comment réagir au premier abord, il décida finalement de lui caresser le dos, dans l'espoir de la calmer.

C'est à ce moment que la porte de la chambre s'ouvrit et qu'un homme à la chevelure blonde pénétra dans l'appartement. Le crissement de la porte les fit sursauter et lorsqu'ils aperçurent Tahrren, Ophélie s'éloigna brusquement d'Eiji et sécha rapidement ses larmes. Malheureusement pour elle, elle ne pouvait rien faire pour son visage teinté de rouge. Eiji, quant à lui, resta stoïque.

"Je vois que tu t'es vraiment bien occupé d'elle, Eiji ! Vous avez l'air de vous entendre à la perfection !"